Politique




Mali – « Yerewolo debout sur les remparts » : de l’ombre aux premiers rôles

Aujourd’hui parmi les acteurs de la « Révolution souverainiste » au Mali, « Yerewolo debout sur les remparts » connaît une nette ascension ces derniers…

Aujourd’hui parmi les acteurs de la « Révolution souverainiste » au Mali, « Yerewolo debout sur les remparts » connaît une nette ascension ces derniers mois. Retour sur l’évolution de ce mouvement, qui a 3 ans d’existence.

L’acte est hautement symbolique. Le 20 juillet 2022, après moult prises de position pour un départ pur et simple de la Minusma du territoire malien, Adama Ben Diarra et ses « camarades » de « Yerewolo debout sur les remparts , ont officiellement adressé et déposé un courrier dans ce sens au Quartier général de la Mission onusienne. Ce « front », le dernier de l’actualité, n’est en réalité que l’un des nombreux sur lesquels se « bat » le mouvement depuis maintenant de longs mois.

Créé le 19 novembre 2019, il avait d’abord fait du départ de la Force française  Barkhane du Mali un objectif prioritaire. Avec gain de cause, puisque la fin de cette opération, aujourd’hui actée, était déjà le mot d’ordre de la toute première manifestation qui a véritablement fait connaître Yerewolo, le 10 janvier 2020, en prélude au Sommet de Pau.

Débuts difficiles

Mouvement panafricaniste et souverainiste qui a vu le jour sous la présidence de feu Ibrahim Boubacar Keita, « Yerewolo debout sur les remparts » n’a pas connu à ses débuts l’écho favorable que son « combat » contre les « ennemis extérieurs et ceux qui soutiennent les impérialistes occidentaux » reçoit aujourd’hui auprès de la population malienne.

Dans ses premières heures, le mouvement, qui était convaincu que l’ex Président était « pro-français et ne tolérait pas un mouvement dont le combat allait à l’encontre de la France », avait choisi une stratégie particulière.

« Le mouvement était comme une douleur qu’on ne peut que sentir, sans jamais la voir. Il vivait de cette manière. Tous les membres avaient des surnoms. Il n’y avait rien d’officiel, mais tout le monde savait qu’on existait et qu’officiellement les tenants du régime ne pouvaient rien contre nous », explique Ibrahima Keita dit Maka, chef du « Compartiment » formation et instruction de Yerewolo.

Mais, même dans ce contexte, relativement difficile pour les idéaux de « Yerewolo debout sur les remparts », Adama Ben Diarra, surnommé « Ben le cerveau », par ailleurs membre du Conseil national de transition et réputé proche des colonels de l’ex CNSP, et ses compagnons de lutte se faisaient entendre.

Outre la grande marche du 10 janvier 2022, le mouvement, qui milite clairement pour l’implication de la Russie dans la gestion de la crise sécuritaire au Mali, a réussi à mener d’autres activités, dont un « camp de résistance » à la Place du Cinquantenaire de Bamako, avant la naissance du M5-RFP quelques mois plus tard. Elle verra « Ben le cerveau » s’afficher parmi les leaders de cette grande coalition hétéroclite.

Ascension contextualisée

« Finalement, notre lutte a été comprise par tout le monde et nous avons jugé bon de demander un récépissé. Tout a été mené de telle sorte qu’aujourd’hui le mouvement est reconnu par l’État et que nous avons commencé à bien le structurer », confie le chargé de Formation et d’instruction du mouvement, qui semble aujourd’hui avoir de beaux jours devant lui. Un peu partout à travers le pays Yerewolo multiplie les meetings et fait sortir beaucoup de monde.

Pour beaucoup, l’ascension et la visibilité accrue de Yerewolo n’est pas à dissocier de l’avènement des militaires au pouvoir, avec lequel le mouvement a pris des ailes. Certaines indiscrétions font même état d’un possible financement du mouvement par certains proches du pouvoir actuel.

« C’est vrai, le mouvement, dans sa vision, est très proche du régime actuel. C’est simplemeent une question de patriotisme partagé. Mais cela n’a rien à voir avec un quelconque financement du gouvernement à notre profit », clarifie Ibrahima Keita. Selon ce compagnon d’Adama Ben Diarra, l’explication est tout autre. « Beaucoup de Maliens avaient peur de mener le combat que nous menons et étaient réticents. Mais, avec l’arrivée d’Assimi Goita, ceux qui avaient peur ont commencé à s’armer de courage et à comprendre que notre lutte était la vraie. Ils se sont ralliés à nous ».

« Nous sommes dans une période exceptionnelle. Ce contexte leur permet d’afficher une vitrine qui les rend plus populaires auprès des populations. Ajouté à cela leurs appels incessants au soutien à l’armée dans la situation sécuritaire actuelle, toujours délétère, qui contribuent à leur rayonnement », analyse pour sa part Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques (FSAP) de l’USJPB.

Yerewolo est né de l’idée que le colonialisme a toujours un impact en Afrique et au Mali. Plusieurs associations et mouvements de jeunes impliqués dans la lutte panafricaniste se sont regroupés pour le lancer à Kayo, lieu emblématique du mouvement, que ses tenants considèrent comme l’endroit où « l’avancée du Mali a été stoppée » avec l’arrestation du Président Modibo Keita en 1968.

Mohamed Kenouvi

Journal du Mali N°381