Manger local pour combattre la malnutrition

Pour prévenir la malnutrition, le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) préconise l'allaitement maternel exclusif jusqu'à  six mois révolus.…

Pour prévenir la malnutrition, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) préconise l’allaitement maternel exclusif jusqu’à  six mois révolus. Et au-delà ? Des sociétés produisent des farines enrichies pour compléter et équilibrer l’alimentation des enfants mais aussi des adultes. Parce que leurs ingrédients sont en grande partie made in Mali, ces farines cadrent avec la stratégie nationale de valorisation des produits locaux pour combattre la malnutrition. Une stratégie qui, explique-t-on au ministère de la Santé, se veut moins coûteuse que l’importation de traitements comme le Plumpy Nut, une pâte à  base d’arachide, légumineuse très cultivée au Mali. «Le pays produit beaucoup de céréales telles que le mil, le sorgho, le maà¯s, les légumineuses, le haricot, le soja… Nous voulons vraiment encourager leur consommation, surtout dans les ménages. Il faut que tout le monde puisse manger de façon saine et équilibrée», plaide le docteur Samaké Raki Ba, chef de la division nutrition à  la direction nationale de la Santé de Bamako. «Les œufs rendent muet» La route est longue. «En 2008, sur 400 tonnes de farine produites, nous en avons vendu 132 pour l’Unicef. Et ces 132 tonnes sont toutes parties à  Sikasso, le grenier du Mali», se souvient Abdoulaye Sangho, coordonnateur des unités fabriquant le Misola, une farine enrichie à  base de petit mil, soja et arachide. «C’’est un véritable paradoxe. à‡a veut dire que, quelque part, les gens ne savent pas ce qu’il y a d’essentiel à  donner à  leurs enfants.» Cette situation résulte entre autres des croyances. «Certains pensent que manger des fruits peut provoquer des maladies comme le paludisme. On leur fait comprendre que C’’est seulement la piqûre de moustique qui peut donner le paludisme, que si les mamans utilisent les moustiquaires imprégnées, les enfants seront protégés. Et on explique que les fruits sont très nourrissants pour les enfants», raconte Mariam Diarra, présidente de l’Association de santé communautaire de Tingolé, à  105 kilomètres de Bamako. «D’autres, poursuit-elle, pensent que si une femme enceinte mange des œufs, cela rend l’enfant muet. On explique que C’’est surtout la malnutrition de la maman qui peut entraà®ner des maladies chez l’enfant, et que la femme enceinte doit bien manger pour que l’enfant à  naà®tre soit en bonne santé.» On est loin du compte: d’après l’enquête démographique et de santé de 2006, 68% des Maliennes en âge de procréer souffrent d’une carence en fer causée par le paludisme, les grossesses rapprochées, des problèmes gynécologiques ou la consommation de thé juste après les repas… Des cuissons qui détruisent les vitamines Lors de la Semaine d’intensification des activités de nutrition (Sian), organisée par l’Etat malien deux fois l’an à  l’occasion du déparasitage et de la supplémentation en vitamine A, un grand volet est consacré à  la valorisation des produits locaux. «On rappelle les aliments riches en fer: le foie, le jaune d’œuf… Les aliments vert foncé, telles que les feuilles utilisées pour certaines sauces, regorgent souvent de fer, de vitamine A…», énumère Anne-Marie Dembélé, chargée des programmes de nutrition à  l’Unicef, qui soutient les Sian sur les plans technique et financier. Seulement, ce potentiel nutritionnel n’est pas toujours optimisé. La responsable onusienne souligne en effet que si des ethnies n’utilisent que les feuilles vertes comme aliment quotidien, leur valeur nutritive est annihilée par la cuisson. «La sauce peut passer trois heures dans la marmite avant qu’on ne la considère comme cuite. Cela entraà®ne une destruction des vitamines, qui ne résistent pas à  la chaleur.» Autre écueil: le Mali est en pleine transition nutritionnelle «Par exemple, on préfère les huiles et le cube Maggi au soumbala [épice fabriquée à  partir des graines de néré, ndlr], observe Anne-Marie Dembélé. Il va falloir encore renforcer la promotion des produits locaux, parler des valeurs nutritives, expliquer pourquoi ces produits locaux sont nécessaires pour le développement et la croissance de l’organisme —surtout des enfants et des femmes.» Mais pour cela il faut des fonds et, pour l’heure, la division nutrition ne bénéficie pas d’un budget propre. En outre, celui-ci se révèle insuffisant: il oscillerait entre 400 et 500 millions de francs CFA (entre 615.000 et 769.000 euros), dont environ la moitié est engloutie dans l’achat de farines enrichies.