Marché automobile : à chacun sa voiture ?

La circulation aux heures de pointe dans Bamako laisse en effet croire au postulat que chacun a sa voiture. Le…

La circulation aux heures de pointe dans Bamako laisse en effet croire au postulat que chacun a sa voiture. Le nombre de véhicules évolue de manière exponentielle, que ce soit des voitures particulières, des gros véhicules ou encore des motocyclettes. La poussée de parcs de revente de voitures d’occasion indique également que devenir propriétaire est plus facile qu’avant. Baisse des coûts, simplification des procédures, multiplication et diversification de l’offre, le marché de l’automobile malien a de beaux jours devant lui. À condition que les infrastructures suivent, ce qui est loin d’être le cas.

5 kilomètres de bouchon, 2 heures de patience un lundi matin. Il n’en faut pas plus pour se rendre à l’évidence. Le parc automobile malien a explosé ces quinze dernières années. Selon les statistiques de la Direction nationale des transports terrestres, maritimes et fluviaux, il y a environ 350 000 véhicules en circulation sur le territoire malien, dont près de 75% pour la seule ville de Bamako. Pour l’année 2015, 46 283 nouvelles immatriculations ont été émises par les services concernés, contre 24 677 en 2013. L’augmentation de la demande, quel que soit le type de véhicule, est une donnée clairement recensée mais aussi celle de l’offre qui s’est démultipliée. « Auparavant, on n’avait pas de parcs à proprement parler à Bamako. Les commerçants allaient au port de Lomé, d’Accra ou de Conakry, pour chercher de bonnes occasions à revendre. Ils revenaient avec 4 à 5 véhicules qui trouvaient rapidement preneurs. Aujourd’hui, vous avez des importateurs qui ramènent des dizaines de voitures en une seule fois, et qui font eux-mêmes la commande dans les pays étrangers », explique Broulaye, revendeur.

Offre croissante Cette nouvelle donne a permis de démocratiser la profession et aujourd’hui, selon l’Association de revendeurs de voitures d’occasion (ARVO), il y a plus d’une centaine de parcs et autant, sinon plus, de revendeurs attitrés de voitures « venues », comme on les appelle encore. « Contrairement à avant, les véhicules sont en meilleur état, voire quasi neufs. La clientèle, en particulier les femmes, est devenue très regardante sur la qualité du produit, la finalité étant d’éviter au maximum les pannes après achat », affirme Nouhoum Sangaré, vice-président de l’ARVO. En une vingtaine d’années d’existence, la profession de revendeur a donc bien évolué. « Aujourd’hui, nous prenons nos billets pour aller en Europe, nous allons de pays en pays, sur les parcs des concessionnaires et dans les garages spécialisés pour acheter les voitures. Nous faisons les formalités et les expédions vers les ports voisins du Mali », confirme Berthé, revendeur au Badialan, l’un des parcs les plus importants de la ville de Bamako et qui regroupe plusieurs revendeurs. « Sans oublier Internet, poursuit-il. On peut voir des voitures partout dans le monde, commander et se faire livrer à Dakar. Pour ce faire, nous avons des partenaires de confiance dans la plupart des pays exportateurs. Ce sont eux qui gèrent l’aspect administratif ». Un business huilé qui nourrit bien son homme, si on en croit Nouhoum Sangaré. Même s’il lui est difficile de donner des statistiques précises, il peut dire qu’« au niveau du Badialan, nous vendons en moyenne 5 à 6 véhicules par semaine, cela dépend des périodes. Des fois nous en vendons plusieurs par jour. Il est vrai aussi que les vendeurs sont réunis sur un même site mais ils sont indépendants. Ils ne sont pas tenus de rendre compte, donc nous n’avons pas de statistiques fiables sur les ventes réalisées ». Sur le marché, certaines marques ont plus la cote que d’autres. « Ce sont les Toyota qui battent le record. En ce moment évidemment ce sont les Verso qui sont à la mode, après la vague des Avensis et des Corolla « Drogba ». « Ce sont les femmes qui lancent les tendances des achats. Ce sont elles le gros de la clientèle et nous suivons leur demande », explique Nouhoum Sangaré qui tient à noter une bizarrerie du marché malien : « les 4×4 Mercedes ne marchent pas. On ne sait pas pourquoi mais les gens ne les aiment pas. C’est très rare d’en vendre ici ». Quant aux prix, ils dépendent des marques et des types de véhicules. « Par exemple, la Toyota Yaris est autour de 3 500 000 ancienne et nouvelle version. Les Range Rover V8 neuves sont entre 40 et 60 millions, dépendamment de l’état du véhicule », conclut-il.

Chez les concessionnaires, on ne se plaint pas non plus, même si on reconnait que le secteur a connu de meilleurs jours. La concurrence des revendeurs n’a pas un impact particulier sur les affaires, « les revendeurs et nous, ne sommes pas dans la même niche ! Partout dans le monde il y a des revendeurs et des concessionnaires, parce qu’il y a des services que nous pouvons donner que les revendeurs ne peuvent pas offrir à leur clientèle. Nous représentons les fabricants et il y a ces choses que l’on peut faire et d’autres que l’on ne peut pas faire », explique Lamine Niang, premier responsable de la Malienne de l’Automobile. Avec ses pairs, il travaille à la mise en place d’une organisation regroupant les acteurs du secteur. « Notre profession est importante dans l’économie automobile et il est bon aujourd’hui de défendre nos intérêts », explique-t-il. Le marché de véhicules neufs contribue à moins de 10% de toutes les ventes de véhicules au Mali, mais comprend en effet de gros clients comme l’État et les organismes internationaux et est occupé par de grands groupes internationaux (CFAO Motors), mais aussi des acteurs locaux (La Malienne, Linco Automobiles, Japan Motors Mali, Carrefour Auto, Hyundai Mali), qui représentent des marques étrangères.

Un citoyen, une voiture ? « Aujourd’hui, presque tout le monde achète une moto à son enfant, tout le monde veut avoir son véhicule », déplore le directeur national des transports terrestres, maritimes et fluviaux. Pour Mamadou Koné, cette situation s’explique par le fait « qu’il n’existe pas de solutions de transport en commun efficiente ». « Les bus universitaires par exemple, existent mais sont largement insuffisants. Une compagnie de transport qui pourrait transporter les étudiants à des tarifs subventionnés serait une bonne chose », poursuit notre interlocuteur. Selon lui, ce sont aux collectivités de repenser leur politique de transports avec l’appui de l’État. « C’est la mairie qui vient en tête des acteurs concernés, parce que quand on vous paie en termes de vignettes, en termes de ressources d’impôt, en terme de billet d’accès dans le District, de carte d’autorisation de transport pour les Sotrama (6 000 francs CFA par mois et par véhicule, ndlr), vous vous devez d’assurer un minimum de service aux usagers ». Quelles solutions pour faire face à l’engorgement des routes, véritable frein à l’activité économique ? Un éventail d’actions est en cours de mise en œuvre. « Mais c’est le développement des transports qui ne suit pas. Imaginez combien de véhicules importés pour combien de routes construites. L’expansion de nos villes est aussi un problème. C’est donc une réflexion d’ensemble qu’il faut mener pour d’une part apporter des solutions efficaces aux usagers en terme de transport en commun urbain, mais aussi pour que les infrastructures existantes soient plus pérennes ». Les nouvelles normes de contrôle de surcharge mises en vigueur le 1er avril dernier participent à cet effort, selon Monsieur Koné.