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Marché de l’automobile : expansion garantie

Il suffit de s'aventurer hors de chez soi de bon matin pour s'en rendre compte : il y a de…

Il suffit de s’aventurer hors de chez soi de bon matin pour s’en rendre compte : il y a de plus en plus de voitures sur les routes, et le phénomène ne date pas d’aujourd’hui. En 1996, selon la Direction nationale des transports, il circulait sur nos routes environ 40 000 véhicules, toutes catégories confondues. Les véhicules personnels y comptaient pour plus de la moitié, suivis par les fameux « Sotrama » et « Dourouni » qui assuraient, et assurent encore, le transport en commun. En 2016, toujours selon le service technique du ministère des Transports, de l’à‰quipement et du Désenclavement, ce nombre a été presque multiplié par dix, puisque le parc automobile malien est aujourd’hui estimé à  350 000 unités. « Cette augmentation s’explique en partie par le fait que nous avons à  présent des statistiques fiables sur le nombre de véhicules en circulation, grâce à  l’interdiction des plaques CH. Cela a obligé les propriétaires à  faire enregistrer leurs véhicules auprès des services compétents », explique Mohamed Sangaré, chef de la division Permis de conduire à  la Direction régionale des transports du District de Bamako. Cette structure qui abrite l’un des centres d’examen de permis de conduire ne désemplit jamais. Les uns viennent passer les épreuves, les autres s’exercer avant l’examen, ou encore récupérer le précieux sésame qui leur donnera le droit de s’asseoir au volant d’une voiture. Les cartes grises des véhicules, véritables cartes d’identité des engins, sont également délivrées ici. « Depuis quelques temps, nous sortons trois séries d’immatriculation par an. Ce qui équivaut à  environ 30 000 véhicules. Vous avez du remarquer comme les dernières séries passent rapidement. La première série à  deux lettres est presque déjà  achevée », explique le technicien. 50 000 véhicules par an Le Malien a en effet compris que « la voiture n’est plus un luxe », comme on peut le lire sur l’enseigne de ce vendeur de véhicule sur les 30 mètres à  Kalabankoura. Avec la vingtaine de véhicules qui stationnent en permanence au bord de cette avenue très fréquentée, Bouba est content de son « parking ». « Mes voitures viennent de France, de Belgique et certaines des à‰tats Unis. J’ai des amis ou encore des cousins qui vivent dans ces pays et qui traquent les bonnes occasions. Je n’ai plus qu’à  envoyer l’argent pour l’achat et le transport, soit par bateau soit par la route en traversant le désert ». l’activité de Bouba, comme celle des centaines de « parking auto » de Bamako, C’’est la vente de voiture d’occasion. Ce commerce de « venues de France » a fleuri dans les années 80 avec les premiers « Sotrama » Mercedes importés d’Allemagne pour assurer le transport en commun. Puis, la voiture se démocratisant, l’offre a suivi la demande. Aujourd’hui, la plupart des acteurs étant dans l’informel, il n’existe pas de statistiques sur les voitures d’occasion importées chaque année vers le Mali. Un douanier assure que le chiffre frôle les 50 000 véhicules, mais certains changent rapidement de mains et peuvent prendre la direction d’autres pays limitrophes. « Le fait est que les voitures sont plutôt moins chères au Mali. C’’est ce qui explique le succès de certaines voitures comme les Toyota, les Mercedes. Elles sont abordables et tous les mécaniciens savent les réparer. Aujourd’hui, même avec un million, vous pouvez acheter une petite Toyota », explique Idrissa Mallé, vendeur au Badialan, l’un des quartiers de la capitale à  abriter la plus grande densité de « parkings auto ». « Nous vendons en moyenne 4 à  5 véhicules par mois pour un bénéfice qui va de 200 000 à  500 000 francs CFA par voiture. Mais d’autres parkings plus grands ont une rotation plus importante. Certains véhicules, comme la Toyota Land Cruiser V8, arrivent le plus souvent neufs, les clients préférant investir leurs 50 millions de francs CFA dans des « zéro kilomètres ». Des distributeurs agréés en difficulté Ces véhicules ne sont pourtant pas sans poser problème. Il y a d’abord la question des nuisances. Souvent largement amortis, il sont de véritables pollueurs ambulants, tant au niveau des émissions de carbone que des nuisances sonores. s’ajoute à  cela le fait qu’ils tombent plus rapidement en panne et se retrouvent donc abandonnés dans les garages ou les quartiers. Un autre problème et non des moindres est « la non-adaptation de ces véhicules au climat tropical », explique un responsable de CFAO Motors, le leader du marché de voitures neuves au Mali. « Ces voitures achetées en Europe ne supportent pas la chaleur qu’il fait ici et tombent très vite en panne », reconnait Madou, mécanicien. « C’’est pourquoi moi je recommande à  mes clients, ceux qui en ont les moyens, d’acheter neuf. Cela coûte cher mais ça dure », conclut-il. Pour acheter « maison », il faut aller chez un concessionnaire. Au Mali, ils ne sont pas légion car l’activité exige des investissements importants. Les plus gros représentent plusieurs marques à  la fois, d’autres se spécialisent pour tirer leur épingle du jeu. De CFAO à  Wad Motors, en passant par la Malienne de l’Automobile, SERA Mali, ou encore Carrefour Auto, la concurrence est rude. Surtout qu’il faut également lutter contre « l’informel qui nous tue », explique un concessionnaire. « à€ l’heure actuelle, C’’est plus l’activité de maintenance qui nous fait tenir», ajoute-t-il. Exception dans ce paysage, Wad Motors, a quant à  elle investi, avec le partenaire coréen Hyundai, dans une usine de montage de véhicules. Avec au départ l’ambition de fournir le marché en voitures personnelles Hyundai et en véhicules militaires Kia, Wad Youngsan Industrie ne maintient finalement que la seconde activité grâce à  l’armée malienne. l’à‰tat a bien tenté de freiner l’entrée des véhicules d’occasion, à  défaut de l’arrêter. Pour le dédouanement d’un véhicule d’occasion, les taxes calculées sur la base du nombre d’années du véhicule étaient censées être dissuasives. Mais « force est de constater que cela ne change pas les choses puisque cela revient de toutes façons moins cher. Nous sommes en train de réfléchir sur des solutions incitatives afin de booster l’achat de véhicules neufs et ce dans un proche avenir. Le but étant de rajeunir le parc mais aussi de satisfaire aux impératifs en terme d’environnement, de santé, et même de durabilité des équipements routiers », explique Malick Kassé, Directeur national des transports terrestres, maritimes et fluviaux. Une réforme du secteur est d’ailleurs en cours de discussion « avec la participation de tous les acteurs » afin de mieux le réguler et organiser une réponse efficace aux enjeux du désenclavement et du développement durable.