Économie




Mines : La diversification dans les pipes

Fin septembre dernier, le ministre malien des Mines, le Pr Tiémoko Sangaré, prenait part à la 18e édition de la rencontre…

Fin septembre dernier, le ministre malien des Mines, le Pr Tiémoko Sangaré, prenait part à la 18e édition de la rencontre internationale sur les mines, dénommée « China Mining », organisée par le gouvernement chinois à Tianjin. Le Mali y a présenté ses potentialités devant un parterre d’acteurs du secteur et d’investisseurs venus du monde entier. Aujourd’hui à la 3ème place des pays africains producteurs d’or, le pays cherche en effet à attirer de nouveaux investissements pour mettre en exploitation d’autres filons, dont regorge son sous-sol. Un défi à relever pour l’État, qui pourrait diversifier les revenus issus de l’exploitation minière, mais aussi pour les opérateurs nationaux qui veulent investir un secteur largement dominé par les multinationales.

La manne minière est pour le Mali, comme d’ailleurs les autres pays qui en disposent, une aubaine pour le financement du développement. La production minière actuelle, dont l’or représente 95%, constitue environ 70% des recettes d’exportation, 30% des recettes fiscales et 25% des recettes du Trésor public. Les retombées de l’exploitation de ce qui est considéré comme une infime partie du potentiel du sous-sol malien laisse présager d’énormes opportunités pour les opérateurs qui « veulent prendre le risque de venir investir au Mali », affirme un cadre du département des mines. Le ministère travaille en effet à la réforme du secteur minier afin de le rendre encore plus attractif pour les investisseurs. Les défis sont nombreux sur la route de la diversification : financement à mobiliser très importants, manque d’infrastructures énergétiques et de transport, pour ne citer que ceux-là.

La palme d’or La principale substance exploitée au Mali reste à ce jour l’or. On compte 9 mines en cours d’exploitation, et 4 autres en développement dont l’exploitation devrait commencer à partir de 2018. L’augmentation constante des investissements dans le secteur aurifère ne se dément pas et la découverte de nouveaux filons pousse à penser que la production pourrait dans un futur proche, dépasser les 50 tonnes extraites en 2015. Mais, à la Direction générale de la géologie et des mines (DNGM), bras technique du ministère, les esprits sont plutôt tournés vers la mise en valeur du potentiel inexploité. « Aujourd’hui, c’est surtout l’or qui est exploité en majorité, avec aussi le fer dont la production du minerai s’est arrêtée alors que les perspectives étaient prometteuses. La société a renoncé à cette activité parce que le transport lui revenait trop cher et plombait la rentabilité », explique Mme Lelenta Hawa B. Ba, directrice de la structure. L’objectif vers lequel sont tournés ces services est désormais de promouvoir les autres ressources minérales dont regorge le pays.

L’après 2012 De nombreux projets étaient en cours avant le déclenchement de la crise politico-sécuritaire qu’a connu le Mali. En ce qui concerne le pétrole (800 000 km2 de bassins), dont les activités d’exploration étaient en démarrage, celles-ci sont aujourd’hui en standby. « Plusieurs investisseurs ont demandé que l’on suspende les conventions qui les liaient à l’État malien pour l’exploration. Certains ont même renoncé à leurs droits sur certains blocs », explique-t-on à la DNGM. Les raisons de cette situation sont évidemment l’insécurité encore grande dans la plupart des zones où se trouvent les bassins sédimentaires, en particulier le nord du pays. Afin de redonner confiance aux investisseurs et surtout les attirer vers les autres bassins, notamment ceux situés dans la région de Kayes, l’État procède à une réforme du cadre législatif afin de le rendre plus attractif, mais aussi favoriser les investissements locaux. Pour l’heure, dans le secteur des hydrocarbures, seul le malien Petroma exploite du gaz naturel dans la zone de Kati (région de Koulikoro).

La carte des ressources minérales, dont les travaux de réalisation devraient incessamment commencer, permettra de relancer les initiatives concernant les autres ressources dont certaines avaient déjà été localisées par le passé. En ce qui concerne l’uranium par exemple, plusieurs entreprises avaient montré leur intérêt à exploiter le gisement du bassin de Faléa, d’une superficie de 150 km² avec un potentiel estimé à 5 000 tonnes, auquel s’ajouteraient les bassins de Kidal, mais aussi de Samit dans la région de Gao, qui pourrait atteindre les 200 tonnes. Sur cette carte, on devrait aussi retrouver les « pipes » de diamants, dont le Mali dispose principalement dans la région de Kayes. Des opérateurs économiques issus de la diaspora de la région seraient actuellement en train de mobiliser les ressources pour en lancer la recherche et l’exploitation.

Gros moyens Investir dans les mines demande en effet de gros moyens. Ismael Siby, directeur de Marina Gold, société de raffinage d’or, a commencé les investissements en 2011 mais n’a sorti le premier lingot qu’en mars 2015. « Nous pouvons difficilement rivaliser avec les multinationales », explique l’homme d’affaires. « Les  capacités techniques existent sur place, mais c’est au niveau du financement que la différence se fait. Parvenir à mobiliser les fonds pour investir dans le secteur parait compliqué », poursuit-il, en regardant du côté des banques locales qui ne veulent pas « prendre le risque de soutenir les entrepreneurs » pour dynamiser le secteur. « C’est un challenge pour les nationaux qui doivent mettre leur marque dans le secteur », conclut-il. Selon lui, les réformes en cours devraient mettre l’accent sur la facilitation des investissements, et promouvoir les partenariats entre opérateurs locaux et multinationales, « qu’ils acceptent de se mettre avec les Maliens à 50-50 ». Cela permettrait de financer le développement non pas seulement des mines d’or, mais aussi d’autres ressources comme le manganèse ou le phosphate dont l’exploitation reste encore très marginale.

« Une mine industrielle 100% malienne, c’est possible dans un proche avenir. Ça demande juste une organisation, une prise de risque des banques et un soutien de l’État, mais aussi pourquoi pas une prise de participation des citoyens qui pourraient accepter de financer à partir de petits montants », se permet de rêver notre interlocuteur. Pour y arriver, la poursuite des réformes enclenchées en 2014 et qui doivent permettre une refonte totale du Code minier mais aussi des autres textes réglementant l’activité minière, est la condition sine qua non. La mobilisation des ressources internes pour financer les projets de prospection, voire de développement, est désormais incontournable, si le Mali, n’étant plus éligible aux financements externes dans ce domaine, veut réaliser ses ambitions. L’accès à des infrastructures, en particulier les routes pour l’acheminement des produits des mines, est également un défi à relever. Et bien entendu, la question de la gouvernance du secteur où la transparence est une vertu à cultiver. Les initiatives dans ce sens se multiplient également afin que les industries extractives maliennes ne soient pas comme ailleurs de simples « pompes à fric », mais qu’elles contribuent au développement des populations à travers des investissements sociaux économiques proportionnels aux gains engrangés. Un combat qui est loin d’être gagné…