Économie




Mines : Vers un nouvel élan

Avec 62 tonnes produites en 2018, le Mali a reconquis sa troisième place de producteur en Afrique et  l’or reste la…

Avec 62 tonnes produites en 2018, le Mali a reconquis sa troisième place de producteur en Afrique et  l’or reste la principale ressource minière exploitée du pays. Les revenus générés par le secteur extractif ont été estimés à 291 952 millions de francs CFA pour l’année 2016, dont 241 080 millions FCFA provenant des entreprises extractives. Le secteur, dont les potentialités restent grandes, doit cependant relever de nombreux défis. Au nombre desquels une présence significative des acteurs locaux, la diversification, une meilleure organisation de l’orpaillage et des impacts positifs sur la vie des communautés.

Alors que plusieurs mines « qui ont battu des records » et que d’autres, qui ont dépassé 10 ans d’exploitation, ferment, de nouvelles découvertes donnent un nouvel élan au secteur. En effet, en plus des mines de Siama et de Loulo, 4 nouvelles unités ont vu  le jour au cours en  2018.

Des perspectives positives qui tranchent avec le sentiment des populations vivant dans les zones d’exploitation concernées « d’être lésées », reconnaît un responsable minier. Un sentiment de frustration qui a dégénéré et même conduit à des affrontements dans la ville de Kéniéba, le 11 juin 2018. Cette localité de la région de Kayes abrite 5 mines, dont certaines de « classe mondiale », avec une capacité de production parmi les meilleures au monde. Ces manifestations, qui ont fait plusieurs blessés et ont opposé les jeunes aux forces de l’ordre, traduisent le malaise persistant dans les zones d’exploitation, où les populations « se sentent laissées pour compte », témoigne un ancien travailleur de la mine de Sadiola, à Kayes.

Les manifestants réclamaient un quota d’employés recrutés parmi la population locale. Une disposition en principe contenue dans les conventions signées entre les sociétés d’exploitation minière et l’État. Ces dernières doivent « normalement » réserver environ 70% des « postes non qualifiés » aux populations autochtones. Documents importants contenant les règles de fonctionnement relatives aux conditions d’exploitation, les conventions passées entre les sociétés d’exploitation et l’État, assurent, avec  les différents Codes miniers, la gestion juridique du secteur.

Désordre juridique

À ces conventions, non connues du grand public, s’ajoute le « désordre » qui règne sur le plan juridique. En effet, actuellement, 3 Codes miniers cohabitent et réglementent le secteur. Le Code de 1991, jugé très attractif, est le plus sollicité par les exploitants miniers. Dans un milieu où les investissements sont très importants, il est essentiel d’attirer ces derniers, mais le « souci est d’attirer les investisseurs mais aussi de gagner », relève Monsieur Belco Tamboura, chargé de la Communication et des relations publiques de la Chambre des Mines du Mali (CMM). Pour concilier ces deux  impératifs, l’État a entrepris la relecture du Code minier, avec une nouvelle mouture en 1992 et une autre en 2012.

Si elle ne fait toujours pas l’unanimité, la relecture du Code minier vise quelques objectifs : il s’agit tout d’abord d’aboutir à une amélioration des recettes de l’État, ensuite de faire bénéficier les communautés des impacts positifs de l’exploitation des mines de leurs localités et enfin, et de plus en plus, d’assurer une bonne gestion des questions environnementales.

Des problématiques importantes, dont la prise en compte s’avère urgente. Mais une équation difficile à résoudre en raison de la coexistence de ces 3 Codes. C’est pourquoi « il est temps de les harmoniser », estime le responsable de la communication de la CMM. Le nouveau Code adopté en conseil des ministres le 21 août 2019 ne semble pas cependant convenir aux sociétés minières, dont les exonérations seraient remises en cause.

 Mais « le problème du Code » n’est pas le seul du secteur. C’est au Mali de savoir négocier sa richesse nationale. Il doit faire comme  les autres États qui exploitent leur or. « Pourquoi ne pas faire confiance aux opérateurs nationaux », s’interroge M. Hamidou Touré, géologue à Mali Mining House, une holding qui regroupe plusieurs opérateurs maliens. « Il est temps de changer. Il faut former les acteurs, les amener à un bon niveau afin qu’ils maîtrisent le secteur », suggère t-il.

La situation actuelle se caractérise en effet par la persistance de « violations de la législation minière, en toute impunité », déplore un responsable. « Véritable drame » qui met en péril l’une des ressources vitales du pays, le dragage menace l’existence même du fleuve Niger et la vie de ceux qui en dépendent. Régulièrement dénoncé, le phénomène a pris des proportions inquiétantes et la sonnette d’alarme a plusieurs fois été tirée, comme lors des États généraux des Mines, en juin 2017.

Mesures inefficaces

À ce phénomène s’ajoute l’utilisation de « produits dangereux » dans l’extraction de l’or. Du mercure et même du cyanure, dont l’usage dans l’orpaillage a été révélé par les constats faits par plusieurs structures, dont la CMM.

Pour contribuer à mieux encadrer le secteur de l’orpaillage, le gouvernement a entrepris la fermeture temporaire des sites entre juin et septembre. Une mesure destinée à assurer non seulement la sécurité des personnes face aux risques, élevés en cette période, mais aussi à préserver les activités agricoles, privées de main d’œuvre au profit de cette activité. Une mesure qui n’a pas empêché la survenue d’accidents tragiques sur certains sites.

De même, les projets entrepris dans le domaine, comme celui chargé de la réduction de l’utilisation du mercure, ont accusé des retards dans leur mise en œuvre, semble t-il en raison de la crise de 2012, même si les activités d’orpaillage se sont toujours poursuivies en dépit de cette crise avec l’utilisation de ces substances nocives. À ce titre, le Mali fait office de mauvais élève dans la sous-région, car plusieurs pays voisins ont réussi dans le même temps à mettre en œuvre ces politiques de réduction ou même d’abandon des substances dangereuses et entamé leur processus de mutation avec l’adoption des solutions alternatives.

L’atelier de formation sur les Inventaires du mercure, tenu en 2016 et censé aboutir à l’évaluation de la quantité de mercure utilisée afin de mesurer le degré des dangers encouru par l’homme et la nature, en est encore à la phase des recommandations.

Diversification impérative

Nonobstant l’existence d’un potentiel « indéterminé », selon ses acteurs, le secteur minier malien souffre de l’absence de recherches, base de toute évaluation objective. Des recherches actuellement abandonnées car financées auparavant par des partenaires qui se sont désormais retirés.

Mais, « pour donner un nouveau souffle au secteur », comme l’ambitionnent les  autorités en charge des Mines, la diversification représente en effet une formidable opportunité. Le Mali est « riche en métaux de base et même en terres rares. Il partage avec la Guinée la plus grande réserve de bauxite au monde », indiquent les spécialistes. Il faut ajouter à cette ressource le fer, le nickel, le calcaire, le cuivre, l’uranium, le lithium, le phosphate, le manganèse et même le diamant. Des ressources idéalement réparties sur l’ensemble du territoire.

La nouvelle dénomination du ministère en charge « des Mines et du pétrole » est aussi une indication des potentialités dans ce sous-secteur, où « d’importants indices de pétrole et de gaz, à travers des blocs venant de divers bassins sédimentaires du Nord  au Sud du pays », sont prédisposés à offrir au Mali la « manne » tant attendue.

Mais exploiter ces minerais nécessite aussi davantage d’investissements et se heurte à 2 obstacles majeurs : l’énorme quantité d’énergie indispensable pour assurer l’exploitation et l’absence de voies d’accès aux zones concernées.

La CMM « est porteuse de projets » relatifs à la diversification et aux conditions de sa réalisation, à condition que tous les acteurs du secteur soient impliqués dans l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique minière nationale.

Fatoumata Maguiraga