MINUSMA: un bilan controversé

15 mai 2015, 20h30, Centre international de conférences de Bamako. Les applaudissements qui entrecoupent le discours du Président de la…

15 mai 2015, 20h30, Centre international de conférences de Bamako. Les applaudissements qui entrecoupent le discours du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita (IBK), illustrent un fait que l’on ne peut plus nier : la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies au Mali (MINUSMA) n’est plus en odeur de sainteté au Mali.IBK, qui clôturait la cérémonie de signature de l’Accord de paix en a profité pour rappeler la mission onusienne à  son devoir d’impartialité, en réponse aux propos d’Hervé Ladsous, Secrétaire général adjoint de l’ONU. C’’est la première fois qu’une mission de maintien de la paix est aussi « incomprise », voire contestée, malgré le lourd bilan humain :44 casques bleus morts à  ce jour, ce qui en fait l’une des plus meurtrières. La MINUSMA se défend pourtant de « rester dans son mandat » et d’œuvrer au mieux au retour de la paix au Mali. « Il est important de préciser que la MINUSMA est la réponse de la communauté internationale à  une demande des autorités maliennes avec un mandat clair qui constitue un cadre légal à  son action sur le terrain », rappelle Fatoumata Siré Diakité, ancien ambassadeur du Mali à  Berlin. En effet, C’’est au cours de la transition, après la libération du territoire grâce à  l’opération Serval, que le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2100 du 25 avril 2013, créant la MINUSMA. à€ leur arrivée, les premiers contingents venus d’un peu partout dans le monde étaient accueillis par les hourras des populations qui voyaient en eux les gages d’un retour rapide à  la paix.Leur objectif était d’aider les autorités à  stabiliser le pays et à  appliquer la feuille de route d’une transition chaotique, notamment à  travers la sécurisation des régions du nord. Son déploiement retardé par les difficultés de mobilisation des contingents a limité l’impact de la mission onusienne, même si de temps à  autres, les casques bleus essuient des tirs et éloignent des assaillants, comme à  Tombouctou il y a deux semaines. à€ ce stade, l’effectif de la Mission est de 10 312 pour un maximum autorisé de 11 200 hommes, répartis comme suit : 9250 militaires, et 1062 policiers. Succès du processus électoral et apport économique important Cela dit, on note parmi ses succès indéniables, l’appui conséquent au processus électoralde 2013, tant par des apports en matériel, par le soutien logistique et technique que par la sécurisation des sites de vote, de même que la caution apportée à  l’Accord de Ouagadougou du 18 juinqui a permis l’organisation de l’élection présidentielle en juillet et août sur l’ensemble du territoire, puis les élections législatives en novembre et décembre. Le Mali a ainsi pu se doter d’institutions crédibles et légitimes sans heurts majeurs. « La présence de la MINUSMA à  ce moment là  était utile et nécessaire pour le Mali, au regard du contexte de crise qui prévalait », explique l’avocat Mamadou Ismaà¯la Konaté. Par ailleurs, l’apport de la MINUSMA est conséquent pour l’économie malienne (voir page 6), avec un budget sur l’exercice 2014-2015 qui approche les 450 milliards de F CFA (800 millions de dollars). Elle emploie plus de 500 personnels civils maliens et permet à  de nombreuses entreprises et commerces de vivre et se développer à  Bamako et dans les localités o๠elle est présente, privilégiant les entrepreneurs locaux. Un orgueil national mis à  mal Concernant le recouvrement de l’autorité de l’à‰tat, il est vrai que la MINUSMA aœuvré au redéploiement de l’administration dans les régions autrefois occupées, notamment à  travers l’installation des gouverneurs, préfets et personnels judiciaires. Cependant, le cas de Kidal reste en travers de la gorge de bon nombre de Maliens. Le 28 novembre 2013, l’avion qui devait transporter le Premier ministre Oumar Tatam Ly a été empêché d’atterrir sur l’aérodrome de la cité des Ifoghas, envahi par une foule de manifestants manipulés par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), que le contingent sénégalais n’a pas pu contenir. « Nos casques bleus ne sont pas formés au maintien de l’ordre », se défendaient alors Bert Koenders, chef de la MINUSMA. En conséquence, l’ONU a déployé en 2015, 1062 policiers (bérets bleus), mieux outillés pour faire face à  ce genre de situation. En mai 2014, toujours à  Kidal, la mission contestée du jeune chef du gouvernement Moussa Mara a abouti à  l’assassinat de plusieurs civils maliens par des combattants du MNLA associés à  des terroristes, sans que les casques bleus, pourtant présents, ne se soient interposés. Cet épisode a accentué l’incompréhension de l’opinion publique malienne, déjà  passablement agacée par la présence ostentatoire des véhicules 4X4 rutilants brandés « UN » partout dans la ville de Bamako, y compris la nuit dans des « lieux de vie », alors même que la raison d’être de la MINUSMA est avant tout de sécuriser le nord. « Paradoxalement, nous avons ressenti la présence de l’ONU comme une certaine forme d’occupation, avec parfois des comportements qui n’étaient pas respectueux de nos mœurs et coutumes », explique Moussa Sanogo, cadre de banque. Les choses ont depuis été rectifiées, « la majorité des personnels militaires et civils se trouvant désormais dans le septentrion malien », justifie un fonctionnaire international. Une impartialité remise en question La MINUSMA a donc visiblement des capacités d’écoute et d’adaptation par rapport aux critiques formulées. Mais près de deux ans après son installation, elle semble avoir perdudu crédit aux yeux desMaliens. « à€ bas la MINUSMA ! », pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants de Gao les 26 et 27 janvier dernier, après que la manifestation contre l’autonomie ait dégénéré en affrontements, causant la mort de 4 personnes et des dizaines de blessés. De quoi cristalliser les ressentiments. La MINUSMA a rapidement reconnu les faits, lancé une enquête et entreprend actuellement de dédommager les familles des victimes. Mais le mal est fait. De plus,elle a créé un doute sur sa partialité, en demandant, sous couvert de respect du cessez-le-feu, le retrait du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) de Ménaka, reprise aux mains du MNLA le 27 avril. « Ils ne sont pas là  pour la population, sinon pourquoi demander le retour du MNLA à  Ménaka ? »,s’insurgeaient des manifestants. « C’’était une faute politique, affirme Mme Fatoumata Siré Diakité, en ce sens que cela a donné l’impression qu’ils prenaient partie ». Pour la diplomate,« le gouvernement devrait mieux expliquer le pourquoi de la présence de l’ONU, qu’il a lui-même sollicitée, au lieu de se cacher derrière elle pour ne pas prendre ses responsabilités ». Quant à  Maà®tre Konaté, il rappelle que la MINUSMA est là  avec « un mandat clair qu’il faudrait peut-être réviser pour l’adapter au contexte qui est celui de l’après Alger. Aujourd’hui le Mali a des autorités légitimes, élues démocratiquement, la MINUSMA doit donc faire preuve de justice et de justesse et ne pas mettre l’à‰tat malien sur le même plan que des groupes armés, quels qu’ils soient ». La question de l’évolution du mandat est en effet sur la table, et elle sera évoquée lors de son renouvellement en juin au Conseil de sécurité, comme ce fut déjà  le cas en 2014. à€ Bamako, on plaide pour un mandat plus offensif, qui aurait le mérite de lever toute ambiguà¯té quant à  la bonne foi de la MINUSMA à  lutter pour le recouvrement de la souveraineté du Mali, et contre le terrorisme.