Mohamed Touré « Ce que j’ai aimé dans ce pays, c’est sa beauté sauvage et libre »

Pour ce qui est de défricher les terres inconnues, Mohamed Touré n’est pas en reste. Il y a 10 ans,…

Pour ce qui est de défricher les terres inconnues, Mohamed Touré n’est pas en reste. Il y a 10 ans, en rencontrant sa femme, une Islandaise, à New York, il décide de la suivre et s’envole pour cette petite île volcanique située sous le cercle polaire, à quelque 300 km du Groënland, un glaçon au cœur de braise, où se mêlent le vent, la pierre, le feu et la glace.

C’est sur cette « terrae incongnitae » que ce jeune bamakois (24 ans à l’époque), décide de poser ses valises et de fonder une famille.. « Ce que j’ai aimé dans ce pays, ce sont ses paysages authentiques, sa beauté sauvage et libre, ce calme particulier, le côté paisible de l’île. On y est peu nombreux, il n’y a pas de problèmes de sécurité. Pour fonder une famille, c’est l’endroit idéal », confie-t-il.

De mémoire, Mohamed est le seul Malien à avoir résidé sur l’île. Les Africains en Islande sont rares et tous ceux qui y habitent se connaissent. « Les premières années, c’était bizarre, car il n’y a pas une grande concentration d’hommes noirs. Vous pouviez passer un bon bout de temps sans en voir un seul et, quand vous en rencontriez un, vous vous dévisagiez avec étonnement et le lien se créait tout de suite » sourit-il. Si les Africains sont peu nombreux en Islande, cela tend à changer peu à peu, mais beaucoup d’Islandais ont une image encore un peu «folklorique» de l’Afrique. « Certains Islandais pensaient qu’au Mali ont vivait dans des villages avec des animaux sauvages. Je leur répondais que je croyais qu’ils vivaient, eux, dans des igloos et chassaient le phoque», plaisante-t-il.

A Reykjavik, la capitale aux airs de petit village avec ses maisons colorées, notre Malien apprend à s’habituer au long hiver islandais, quand la nature revêt sa parure polaire 9 mois durant, au soleil de minuit « qui peut déboussoler les premières fois » et aussi à la langue, bien plus compliquée à parler que le bamanan.

Pour preuve, tentez de prononcer le nom du sommet culminant du pays, le Hvannadalshnjúkur. Même s’il admet ne pas parler l’islandais couramment, Mohamed se débrouille et le reste se fait en anglais, langue largement parlée en Islande. Pour autant, il n’en oublie pas son Mali natal et, malgré la distance, reste connecté. « Je suis l’information malienne tout le temps. La connexion Internet est vraiment très bonne, donc pas de problème pour rester informé. J’ai suivi la crise du Nord, c’est un problème d’abord politique. J’ai été triste pour mon pays et parfois j’essayais de ne pas y penser ».

Tous les deux ans, Mohamed revient à Bamako. En janvier dernier, il y a amené sa femme et ils ont fait une halte au campement Kangaba. « J’ai été atterré de voir ce qui s’y est passé récemment ». Aujourd’hui, Mohamed aimerait s’installer définitivement au Mali, « parce que je veux aider mon pays», explique ce trentenaire, qui après 9 ans passés dans la seconde ville la plus septentrionale au monde, estime que le Mali et l’Islande font indéniablement partie de lui.