Numérique : lentement mais sûrement…

Présenté en Conseil des ministres le 21 mai 2015 et approuvé par décret le 15 février 2016 avec pour objectif…

Présenté en Conseil des ministres le 21 mai 2015 et approuvé par décret le 15 février 2016 avec pour objectif d’assainir, redresser et développer le secteur des Technologies de l’information et de la communication (TIC) au Mali, le Plan numérique Mali 2020 est, selon son coordinateur Boubacar Coulibaly, une vaste stratégie qui traduit l’ambition du Mali de devenir une nation émergente dans le domaine des TIC. Malgré le fait que sa mise en œuvre n’ait pas encore officiellement commencé, des actions concrètes sont déjà à mettre à son actif. De leur côté, les opérateurs privés multiplient les initiatives pour que les TIC et leurs applications soient plus accessibles et surtout, aient un impact concret dans la vie des populations.

Peut mieux faire Plus que quatre années pour réaliser ce plan qui fera du Mali une puissance numérique où l’utilisation des TIC se traduira par l’amélioration du quotidien des citoyens, aussi bien pour la communication et l’information que pour l’éducation et la santé. Ce sont, entres autres, « la campagne d’identification des abonnés aux réseaux de télécoms et le projet fibre optique en cours », explique M. Coulibaly. En ce qui concerne la « gouvernance du plan lui-même, il est prévu de créer des comités de mise en œuvre et une direction nationale de l’économie numérique. Ces instances, qui doivent gérer la mise en œuvre de « Mali Numérique 2020 », attendent l’adoption de leurs textes de création par le gouvernement. Cela freine encore la mise en œuvre du plan », conclut notre interlocuteur. Les chantiers sont donc encore nombreux. Récemment nommé, le Directeur général de l’Agence des technologies de l’information et de la communication (AGETIC), Hamed Salif Camara, se montre optimiste face à l’ampleur de la tâche. Pour lui, la volonté politique affichée est maintenant à traduire en actes. Ceux-ci sont notamment la poursuite des investissements, la mise en œuvre des six axes la stratégie, la mise en place d’un dispositif d’hébergement de sites performants, la mise en place d’un site de back-up pour l’administration, la mise en place de systèmes d’information géographique (SIG) et la promotion du E-learning et des TIC en général, à travers le développement de contenus, le développement de l’activité de gestion de nom de domaine, ainsi que la vulgarisation à travers les associations de jeunes, femmes et ONG. Il s’agira de faire toucher du doigt aux populations, l’apport inestimable des TIC en termes de gain de temps, d’efficacité et de productivité. Par exemple, avec l’appui de l’AGETIC, le Commissariat au développement institutionnel (CDI) a mis en ligne à la disposition du grand public, un site internet dénommé « l’Administration à votre service », qui propose au citoyen toute une série d’informations.

Fibre d’État ? Revenant sur le projet fibre optique, son coordinateur Ibrahima Guindo, explique que l’État du Mali a obtenu en 2011 auprès de ses partenaires, le financement de 3 projets à hauteur de 155 millions de dollars américains pour la construction d’un réseau propre de câbles à fibre optique d’environ 3 000 kilomètres.Concernant les informations faisant état de duplication de la couverture déjà effectuée par les opérateurs privés, il explique qu’il « n’en est nullement ainsi. L’État a pris de l’avance et à desservi les zones non couvertes par les opérateurs vers le nord et le sud. Et aussi pour aller en direction des capitales régionales comme Alger, Conakry, Nouakchott, Abidjan, Ouagadougou dans le cadre de l’intégration sous-régionale ». Mais pourquoi ne pas laisser les opérateurs télécoms couvrir tout le réseau et ainsi faire des économies ? M. Guindo répond, catégorique, que « tout État responsable, dans le contexte actuel d’insécurité, se doit d’avoir son propre réseau ». La fibre optique au Mali avance lentement mais sûrement, rassure-t-il. « Il y a des difficultés, elles sont d’ordres structurel et financier. Car une chose est de réaliser des infrastructures, c’en est une autre de les entretenir, les maintenir, et les exploiter de façon optimale », explique le technicien. Selon l’AGETIC, on peut d’ores et déjà mettre au compte des réalisations de ce projet, la réalisation d’un backbone fibre optique de 915 km allant de Bamako à Ségou en passant par Koutiala et Bla ainsi que l’interconnexion à Bamako de 27 structures de l’administration par fibre optique, ce qui a fait économiser  l’État 600 millions de francs CFA par an, autrefois payés à Sotelma pour la location de sa fibre.

Enfin, en ce qui concerne le passage au numérique dans le secteur de l’audiovisuel, l’avènement de la TNT est « ralenti par une question de financements », explique Moustapha Diawara, chargé de communication au ministère de l’Économie numérique, de l’Information et de la Communication (MENIC). « Le gouvernement a donc décidé en septembre 2015 de la création d’une Société malienne de transmission et de diffusion (SMTD) dont l’un des objectifs principaux est de trouver le financement pour la mise en œuvre du projet de transition numérique ainsi que sa gestion », poursuit-il.

Accès aux TIC pour tous Selon les chiffres de la Banque Mondiale, moins de 10% des Maliens ont accès à Internet (2014), tandis que l’utilisation du téléphone portable dépasse les 100% de la population. L’accès à Internet demeure donc un défi majeur. Les deux opérateurs de télécommunications Orange et Malitel peinent encore à améliorer la qualité de leur offre et la 4G, que les consommateurs appellent de leurs vœux « est à l’étude en ce moment pour déterminer les conditions de sa mise en œuvre », explique-t-on du côté de l’Agence malienne pour la régulation des télécommunications et de la poste (AMRTP). Quant au coût de la connexion, il est encore rédhibitoire pour bon nombre de Maliens. Le haut débit par satellite n’est accessible qu’aux grandes entreprises et organisations d’envergure qui peuvent en couvrir les charges. Pour démocratiser l’usage des TIC et particulièrement d’Internet, « il faudra que l’État fasse pression sur les opérateurs pour réduire les prix », assure Boubacar Diallo, étudiant. Pour le jeune homme, qui suit des cours en ligne, « l’annonce du 3èmeopérateur avait donné de l’espoir, pour que les prix diminuent grâce au jeu de la concurrence. Mais depuis rien, alors, en attendant, on est livré à la merci d’Orange et Malitel ». Antoine Diarra, Directeur général de Arezys, une société qui vend de l’Internet satellitaire, recadre les choses. « Ce n’est pas pour prendre la défense des opérateurs mais il faut aussi comprendre que le prix de l’Internet dépend de la demande. Celle-ci augmente, depuis ces deux dernières années mais elle n’est pas encore assez conséquente pour permettre de rendre accessible l’offre », explique t-il. Mais il ajoute que ces mêmes opérateurs gagneraient à donner accès à plus de bande passante à moindre coût, pour stimuler la demande, avoir plus de clients et donc maximiser leurs profits.

Le boom des start-ups Depuis quelques années, les jeunes entrepreneurs maliens s’intéressent de plus en plus aux TIC et proposent des solutions faciles d’accès et utiles dans de nombreux domaines de la vie, que ce soit le e-commerce, la santé ou encore les loisirs. Mohamed Kéïta, co-fondateur de Impact Hub Bamako, et propriétaire de Neliö 8, deux incubateurs d’entreprises innovantes et durables, croit que ce sont ces petites sociétés à faible investissement de départ et flexibles grâce à l’usage d’Internet et de ses applications, qui pourront créer des emplois et booster la croissance au Mali, comme cela a été le cas ailleurs dans le monde. Reste à leur apporter le soutien dont elles ont besoin, surtout en terme de financements. Il est donc à espérer qu’Internet devienne dans un futur proche, la chose la mieux partagée au Mali.