Économie




OMC : Ngozi Okonjo-Iweala fait bouger les lignes

Le train-train quotidien peut reprendre dans les allées et les bureaux de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC. L’ambiance est désormais…

Le train-train quotidien peut reprendre dans les allées et les bureaux de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC. L’ambiance est désormais bien loin de celle des journées de mercredi 15 et jeudi 16 juin dernier. Les dernières heures de négociations, qui ont finalement abouti à un paquet d’accords, ont mis à rude épreuve les nerfs des délégués mais surtout ceux de la Directrice générale, Dr Ngozi Okonjo-Iweala.

C’est par une ovation nourrie que la salle des plénières a salué le clap de fin de la 12ème conférence ministérielle de l’OMC qui s’est tenue du 12 au 16 juin à Genève, la capitale suisse. Les représentants des 164 pays membres auront eu fort à faire au cours des 4 plus 1 jours, puisque la conférence a dû être prolongée d’une journée pour aboutir à une conclusion « positive ». Au début de la rencontre, le dimanche 12 juin, la directrice de l’OMC et le co-hôte, représentant le Kazakhstan, pays co-organisateur, n’avaient pas boudé leur optimisme même s’ils affichaient déjà leurs craintes face à l’immensité de la tâche. « Les intérêts divergents étaient nombreux, entre les grandes puissances et les pays moins avancés, entre les grandes firmes et les petits producteurs, entre les ONGs et les pouvoirs publics… bref, tout le monde voulait défendre son bout de pain et les échanges n’ont pas été faciles » raconte un diplomate croisé dans les couloirs, en ce soir de mercredi 15 juin. Il a l’air bien fatigué, « les délégations quittaient la salle vers 2heures du matin pour revenir le lendemain à 9-10heures ». Dr Ngozi Okonjo-Iweala avait en effet averti :« même si on a un ou deux textes validés, ce sera déjà un grand succès. Chaque seconde sera utilisée pour discuter, jusqu’au dernier moment ».

Promesse, voire menace, tenue. Ce sera jusqu’au petit matin du vendredi 16, après plusieurs rumeurs d’échecs et les mines déconfites des délégués qui sortaient de la salle pour un café ou un sandwich et gesticulaient au téléphone pour expliquer que « la situation est bloquée » à cause de tel ou tel pays -les décisions se prennent à l’unanimité absolue- ou encore les conférences de presse qui s’improvisent dans l’Atrium où les journalistes trainent pour glaner quelques informations. Annoncée pour 15, puis 18, puis 22heures, ce n’est qu’à 4heures du matin que la dernière réunion des chefs de délégation se tient. Elle est l’ultime étape de la rencontre pour entériner, ou pas, les différents documents sur la table. La session de clôture est annoncée. Un « paquet d’accords » a été obtenu et la rencontre peut s’achever sur une note positive.

Quelques grincements de dents…

Du côté des ONG, on n’est cependant pas vraiment satisfait du « paquet » obtenu à Genève. Notamment en ce qui concerne la levée des restrictions sur l’utilisation des brevets des vaccins anti-covid. Malgré que la conférence ait reconnu l’importance de permettre aux pays les plus pauvres d’avoir accès aux vaccins « pour protéger leurs populations », le texte retenu a renvoyé à plus tard une formulation concernant la dérogation sur les brevets.  Des organisations défendant l’accès aux soins et à la protection vaccinale ont dénoncé « l’étonnant compromis trouvé » qui « ménage Big Pharma sans changer vraiment la donne »

Autre point d’insatisfaction, les décisions sur la sécurité alimentaire. Si l’autorisation obtenue pour le PAM d’acheter d’importantes quantités de vivres nonobstant les restrictions sur les marchés intérieurs du fait de la crise, la question de la protection des producteurs ou encore celle de la surpêche qui plombe les économies de nombreux pays côtiers n’ont pas réellement été résolues. Même s’il faut saluer la reconnaissance de la problématique et les engagements a minima pris pour y faire face.

 

Mme Ngonzi Okonjo-Iweala_OMC_Crédit photo Jay Louvion de l’OMC
L’une des conférences « des plus réussies depuis longtemps»
Et c’est une directrice générale à la voix cassée mais le sourire aux lèvres qui fait son discours après les remarques de clôture du président de la conférence, le Kazakh Timur Suleimenov. Saluée par la salle, elle remercie les délégations pour leur engagement et leur volonté de faire de cette rencontre un moment « historique » qui restera dans les annales de l’organisation à l’en croire. Dr Okonjo-Iweala aura impulsé, à travers cette rencontre une dynamique et un volontarisme reconnus de tous. «L’intelligence collective et la détermination de Ngozi Okonjo-Iweala, la directrice de l’OMC, à obtenir des résultats, ont guidé les négociations», a déclaré le ministre indien du Commerce et de l’Industrie Piyush Goyal, l’un des acteurs majeurs des négociations.  En marge de la conférence tension est restée vive, il s’est réjoui du fait que cette conférence soit «l’une des plus réussies depuis longtemps». Un beau cadeau d’anniversaire pour la DG (Diji, prononcé en anglais) comme tout le monde l’appelle dans les couloirs de l’institution. Le 13 juin, c’était en effet « un jour particulier pour moi que je n’ai même pas vu passer », souligne-t-elle alors que la salle entonne un « happy birthday to you… »

Dédé F.