Passeport malien : le bout du tunnel ?

Les premières alertes datent de fin mars, bien qu'aux dires des demandeurs, le problème existaient bien avant, depuis le début…

Les premières alertes datent de fin mars, bien qu’aux dires des demandeurs, le problème existaient bien avant, depuis le début 2015 selon certains. Des images circulent sur les réseaux sociaux et les internautes dénoncent le peu de cas fait de leurs personnes, abandonnées au soleil, entre les mains de spéculateurs qui font flamber les prix de leur « intermédiation » auprès des agents du service, qui eux-mêmes ne gèrent que les dossiers « juteux ». Vrai ou faux ? Une chose est sûre, le passeport malien est devenu une denrée rare et très prisée, entraà®nant une véritable mobilisation citoyenne. Sur Twitter, apparait le hashtag #LibérezNosPasseports, largement illustré par les commentaires des internautes mécontents. Devant le scandale grandissant, plusieurs voix s’étaient élevées pour saisir les autorités sur l’urgence d’agir. Le député Oumar Mariko, mais aussi la chanteuse Rokia Traoré, dont la sortie le 13 juillet avait fait mouche. « Je suis consciente que de vos bureaux vous n’avez pas une vision claire de la situation de crise et de blocage conséquence de ces nouvelles dispositions. Malienne lambda que je suis, je me permets de vous apprendre qu’il est simplement un enfer aujourd’hui d’introduire une demande de passeport », écrivait l’artiste de renommée internationale. Une semaine après, le gouvernement annonçait de nouvelles mesures… Les raisons de la pénurie ? Officiellement aucune. A chacun de ses passages devant les députés, le ministre de la Sécurité Sada Samaké a affirmé que le problème était lié au grand nombre de demandes et non au manque de passeports. Pas de pénurie donc. Pourtant, le 21 juillet, à  la sortie d’une réunion interministérielle convoquée sur le sujet, le ministre Choguel Maà¯ga, porte parole du gouvernement, reconnaissait « une insuffisance importante dans la délivrance des passeports ». Et les files d’attente devant la police des frontières ne le démentaient pas. Lors de la dernière interpellation du ministre de la sécurité le 02 juillet, le député Oumar Mariko lâcha pourtant ce qui pourrait être le fin mot de l’histoire. Sous la férule de Sada Samaké, le département a décidé à  la fin 2014 de changer de fournisseur pour la fabrication des passeports maliens. Le contrat qui liait l’Etat au fournisseur Canadian Bank étant arrivé à  terme, le marché a été attribué, de gré à  gré, selon le député, au prestataire français Oberthur Technologies. Le nouveau venu ne serait pas suffisamment rodé pour satisfaire convenablement la forte demande, avec une quantité livrée oscillant entre 40 000 et 50 000 passeports, contre 80 000 les années précédentes. Trafics et business juteux l’augmentation des demandes de passeports a commencé il y a déjà  une dizaine d’années. A l’époque, les vagues de migrants ouest-africains et même de plus loin (Pakistan par exemple) débarquaient à  Bamako pour se faire établir des papiers maliens. Pour une raison toute simple : « tout détenteur d’un passeport malien entre en Algérie et au Maroc sans visa. C’est pourquoi les gens viennent ici prendre des passeports pour continuer la “route des clandestins“ », expliquait déjà  en 2006 un responsable du ministère malien de l’Intérieur. Doit-on y voir la genèse de la crise actuelle ? Moussa Coulibaly, membre de la société civile malienne pense que oui. Pour lui, ceux qui délivrent des faux passeports doivent être arrêtés car ils causent du tort aux Maliens qui y ont réellement droit. Une chose est sûre, la pénurie de passeports, mais aussi de cartes d’identité nationale, fait l’objet d’un véritable trafic. Depuis le début de l’application des nouvelles mesures gouvernementales le mercredi 22 juillet, un cordon de sécurité sépare les demandeurs d’un groupe spécial d’individus qui traà®nent pourtant toujours sur les lieux. « Les gens nous traitent comme si nous étions l’une des causes de la pénurie des passeports, or nous travaillons avec les mêmes agents. Nous pouvons sortir une dizaine voir une vingtaine de passeports chaque jour », déclare l’un des « coxeurs ». Les agents, leurs « partenaires » d’hier, ont aujourd’hui consigne ferme les concernant. « Nous avons reçu ordre d’arrêter toute personne servant d’intermédiaire, y compris les forces de sécurité qui vont franchir notre ceinture de sécurité », nous confie un agent sur place. En cinq mois, ce business aurait rapporté la bagatelle de deux milliards de francs CFA aux différents acteurs, à  raison d’un prix de 100 000 à  500 000 francs le passeport, au lieu de 50 000 francs. La fin du calvaire ? Après l’intervention du ministre Maà¯ga, porte-parole du gouvernement, les réactions n’ont pas manqué pour saluer ce sursaut mais aussi et surtout pour demander la mise en œuvre concrète et rapide des mesures avancées. Ousmane Traoré, avocat, estime que « bonnes mesures riment avec bonne application ». Sur le terrain, la situation semble désormais sous contrôle. Pour évacuer les quelques 9300 demandes pendantes, la police des frontières a opéré un réaménagement de son fonctionnement. Son directeur, le commissaire divisionnaire Moussoudou Arby, assure que 500 à  600 nouvelles demandes sont reçues chaque jour. Le nombre de guichets est passé de cinq à  onze pour que tout se passe dans l’ordre et la célérité. Avec un petit sourire aux lèvres, notre commissaire assure que les nouvelles mesures facilitent leur travail. Du côté des demandeurs, on semble satisfait. Le guichet spécial ouvert aux personnes âgées, malades, boursiers et femmes enceintes est également apprécié. « Cela fait des mois que nous souffrons, que nous faisons des va-et-vient. Il était temps que des mesures soient prises parce que C’’est toujours le pauvre qui a tort dans ce pays ». Agée d’une cinquantaine d’années, notre interlocutrice vient de quitter le service de délivrance des passeports. Elle sourit en nous montrant son reçu lui indiquant son rendez-vous dans quelques semaines pour le retrait du document tant convoité. « J’avais rendez-vous pour aller me soigner en France et on a dû changer de date plusieurs fois. J’espère que cette fois-ci sera la bonne », nous explique-t-elle en s’éloignant.