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Polémique : Des « quotas » pour les joueurs binationaux en France

Le 8 novembre dernier, Laurent Blanc, sélectionneur de l'équipe de France, Erick Mombaerts, sélectionneur des espoirs, François Blaquart, Directeur Technique…

Le 8 novembre dernier, Laurent Blanc, sélectionneur de l’équipe de France, Erick Mombaerts, sélectionneur des espoirs, François Blaquart, Directeur Technique National, et Francis Smerecki, sélectionneur des moins de 20 ans se réunissent au siège de la Fédération Française de Football à  l’occasion d’une réunion interne pour évoquer les problèmes du football français dont notamment la formation et la question des joueurs binationaux. Au cours de la discussion, des propositions telles que l’instauration d’un quota pour limiter le nombre de joueurs binationaux ou encore le changement de politique au sein des centres de formation pour donner plus de chances aux joueurs techniques sont évoquées sans que leur application soit formellement énoncée. Six mois après, le site internet Médiapart publie un article dans lequel ils révèlent que la FFF veut mettre en place des quotas officieux pour les joueurs binationaux. Si Médiapart ne ment évidemment pas, ont-ils vraiment pris le temps de la réflexion sur ces sujets importants du football français ? Il est vrai que, sortis de leur contexte, les mots sont durs et ont sûrement dépassé la pensée des interlocuteurs. Mais on se doit de dissocier le fond et la forme. Si cette dernière est clairement maladroite, regrettable voire condamnable, le fond ne l’est pas et mérite une analyse un peu plus poussée. Le problème des joueurs bi-nationaux Ce sont des joueurs dont on finance la formation en France, des joueurs qui ont joué dans toutes les sélections françaises de jeunes et qui partent au dernier moment pour aller jouer avec leur nation d’origine. Qui peut donc dire qu’ils ont tort de soulever ce problème ? Prenons l’exemple de l’équipe de France espoirs. Mombaerts a dû mal à  construire une équipe entre ceux qui partent en équipe de France A et ceux qui partent dans une sélection étrangère. Il est donc logique qu’ils se sentent lésés. Certes, la plupart des joueurs qui changent d’équipe nationale avaient peu de chances d’aller en équipe de France. Certes, certains font déjà  leur choix depuis leur adolescence. Mais à  des joueurs qui à  21 ans n’ont pas le niveau pour l’équipe de France, qui peut dire qu’ils ne l’auront également pas à  25 ans (on pense à  Drogba, Chamakh qui ont éclaté à  cet âge-là ) ? Devrons-nous attendre que la France se fasse éliminer par une équipe composée de joueurs formés en France pour que nous comprenions l’importance du problème ? On est dans une logique de concurrence et il est normal que la France ne veuille pas renforcer ses probables futurs adversaires lors de grandes compétitions internationales. Alors oui, bien évidemment que le mot « quota » n’est pas approprié, tout comme le fait de vouloir faire des quotas officieux l’est encore moins, mais la France, comme d’autres pays, subit des règlementations de la Fifa très farfelues. Ils cherchaient des solutions, en ont sorti spontanément sans vraiment y avoir réfléchi et se retrouvent aussitôt catalogués comme racistes (en sachant notamment que François Blaquart a énormément œuvré lorsqu’il était à  l’àŽle Maurice ou que Laurent Blanc met des joueurs comme Samir Nasri ou Alou Diarra capitaine de l’équipe de France). Mais l’autre problème de cette solution proposée est, au-delà  des mots, qu’il sera difficile de préjuger et de prévoir qu’un enfant binational de 12 ans aura le niveau pour l’équipe de France. On ne peut pas non plus demander à  ces enfants de choisir entre la France et leur pays d’origine, C’’est incongru pour leur âge. Le fait même de les différencier et de les « discriminer » dès le jeune âge passe mal. Malheureusement, il ne semble pas y avoir d’autres solutions plus efficaces (peut-être essayer d’inculquer l’histoire de l’équipe de France, ce que représente le maillot des bleus pour faire rêver et donner envie aux jeunes enfants) et tant que ce ne sera pas réglé dans les hautes instances internationales, les discussions et les solutions resteront du niveau de la réunion du 8 novembre. Changement de politique dans la formation Celle-ci a également soulevé un autre problème : la formation des joueurs à  la française. Depuis des années, on fait prévaloir les qualités physiques et athlétiques aux qualités techniques. Comme le dit Laurent Blanc : « Je vois quelques centres de formation: on a l’impression qu’on forme vraiment le même prototype de joueurs: grands, costauds, puissants. Qu’est-ce qu’il y a actuellement comme grands, costauds, puissants ? Les blacks. Et c’est comme ça. C’est un fait actuel. ». Il fait sans doute une généralité puisque il y a évidemment des joueurs blancs costauds et physiques (des joueurs scandinaves tels que le défenseur Petter Hansson de Monaco ou encore le milieu défensif français Jérémy Toulalan) mais on ne peut pas vraiment lui donner tort dans le fond. Des joueurs comme Valbuena ou Griezmann n’entraient pas dans le moule et ont dû partir dans une division inférieure pour l’un, à  l’étranger pour l’autre, pour vraiment émerger et se faire remarquer. Aujourd’hui, on remarque que les équipes qui gagnent sont des équipes qui privilégient les joueurs techniques (Barcelone, Espagne, Pays-Bas ou encore Borussia Dortmund et Lille) et Laurent Blanc veut également primer ces caractéristiques en changeant radicalement la politique de formation des joueurs. Arrêtons donc avec les a priori et les stéréotypes sur les profils de joueurs et concentrons-nous sur les critères de détection vers l’âge de 12 ans : privilégions les joueurs techniques, peu importe leur origine, leur taille, leur poids. Et maintenant ? La sur-médiatisation et tout le pataquès de cette semaine sont plutôt disproportionnés. Des voix se sont même déchaà®nées pour relier cet épisode à  la montée de la xénophobie dans la société française et à  la banalisation totale du racisme. Ce sont donc des conclusions hâtives voire erronées qui sont déversées ces derniers jours sans qu’il y ait vraiment eu des réflexions et des analyses approfondies des questions soulevées par la réunion. D’ailleurs, une enquête demandée par la ministre des sports, Chantal Jouanno, et une enquête interne à  la Fédération devraient être bouclées en début de semaine. Les conclusions de celles-ci orienteront les futures sanctions ou non en sachant que François Blaquart est d’ores et déjà  suspendu de ses fonctions le temps que l’enquête. Laurent Blanc va-t-il démissionner ? Médiapart va-t-il révéler de nouvelles pièces du dossier ? Le football français va-t-il enfin marcher à  l’endroit ? On n’a surement pas fini d’entendre parler de cette affaire.