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Un potentiel successeur à Cheikh Ag Aoussa

6 jours après la mort de Cheick Ag Aoussa, l'enquête qui devra faire la lumière sur les circonstances de sa mort…

6 jours après la mort de Cheick Ag Aoussa, l’enquête qui devra faire la lumière sur les circonstances de sa mort s’annonce difficile. À Kidal, la colère est un peu retombée, beaucoup se sont résignés et une minorité appelle à la vengeance. La ville et les mouvements sont toujours pressurisés par l’étau qu’exerce le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), tandis qu’au Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) un potentiel successeur est en passe d’être désigné.

Alors que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) soutient que la mort de Cheikh Ag Aoussa est un assassinat et que sa voiture a été piégée dans l’enceinte du camp de la Minusma, Radia Achouri, porte-parole de la force onusienne, a appelé à éviter « les spéculations hasardeuses ». Elle a confirmé que la Minusma a engagé une enquête interne sur le déroulement de la réunion à laquelle participait le chef militaire du HCUA, avant de décéder dans l’explosion de son véhicule. Elle a aussi rappelé que la force onusienne n’avait pas d’autorité judiciaire pour enquêter et que la Minusma se tenait à la disposition des autorités compétentes du pays. « Toutes les preuves sur la scène de l’explosion ont été dispersées, les gens ont tout pris, et la Minusma n’est venu sur la zone que le lendemain de sa mort, vers 9h du matin. Il n’y a plus rien pour vraiment commencer une enquête, rien sur quoi travailler », révèle cette source.

Peu confiant dans l’issue de l’enquête, la CMA dit vouloir porter plainte devant la communauté internationale pour le meurtre de son leader. À Kidal, les gens ce sont résignés, d’autres appellent à combattre Barkhane et la Minusma. « Il faut s’attendre prochainement à une vidéo des djihadistes, qui vont utiliser ça pour essayer d’attirer des combattants, parce que beaucoup d’entre eux au sein de la CMA y étaient pour Cheikh Ag Aoussa. Il reste maintenant Alghabass Ag Intalla, mais il a moins de potentiel que Cheikh, il est moins stratégique », explique cette même source.

Un nouveau faucon Un potentiel successeur serait en passe d’être désigné, Chafighi Ag Bouhada, un chef du HCUA, de la tribu Iradjanatène, ancien adjudant-chef de l’armée, qui a été un lieutenant du général Gamou, qu’il a suivi au Niger. Quand il en est revenu avec ses hommes, Ansar Dine les ont récupéré et il leur est resté fidèle jusqu’à présent. « C’est un grand combattant, il a participé à la dernière bataille entre la CMA et la Plateforme à Edjarer, et ça été un de ceux qui ont quitté le champ de bataille en dernier », explique ce sympathisant de la CMA.

Pression et accélération Dans la région, le GATIA domine toujours le terrain, autour de Kidal, dans les principales villes, et dernièrement à Tin-Essako, village natal d’Alghabass Ag Intalla. « C’est le fief des Ifoghass, il y a avait des Imghad mais ils ont été chassés en 1994. C’est un endroit où il n’était même pas envisageable de voir une unité du GATIA, même le gouvernement n’y est plus depuis les années 90, le député de Tin-Essako n’y va même pas. Donc si le GATIA est là-bas, c’est que c’est vraiment la totale ! », affirme cet habitant joint au téléphone.

La CMA ne contrôle à présent que Kidal et Tessalit, d’où des renforts pourraient venir. « À Tessalit, un échelon de la CMA dirigé par Chafighi Ag Bouhada a été rejoint par des Idnanes et puis récemment par une colonne d’une dizaine de voitures. Il paraît qu’il y avait dans cette colonne des gens qui ont participé à l’attaque de Tazalit au Niger. Cet échelon pourrait gagner Kidal pour renforcer la CMA, par la route de Tin-Essako, car le GATIA qui encercle la ville ne peut pas contrôler la zone à 100% », détaille cette source proche des mouvements.

Pour l’heure, les différentes parties semblent soucieuses de s’inscrire dans la continuité de la mise en œuvre de l’Accord de paix. Chaque mouvement a remis, jeudi dernier, la liste de leurs représentants pour les autorités intérimaires. La CMA a annoncé dans un communiqué, le 12 octobre, la réouverture des écoles à Kidal, conformément à l’Accord de paix. « Ces changements rapides révèlent que les choses sont concentrées dans les mains de quelques personnes, des gens comme Cheikh Ag Aoussa à présent décédé et Alghabass Ag Intalla. Dès qu’il y a un événement tragique, ça peut diamétralement changer la donne », analyse cet employé d’une ONG locale, qui dit apprécier ce revirement mais qui reste attentif à la suite des événements.