Pourquoi un billet de 500 FCFA ?

Les motifs proposés pour cette monnaie fiduciaire sont inspirés du thème «Â les nouvelles technologies de l'information et de la communication »…

Les motifs proposés pour cette monnaie fiduciaire sont inspirés du thème «Â les nouvelles technologies de l’information et de la communication » (NTIC). A l’image de tous les autres billets de la gamme, il comporte au recto comme motif principal, le poisson-scie (logo de la BCEAO). Au verso, la thématique retenue est un couple d’hippopotames. Pénurie de pièces En fait, depuis quelques années les économies des huit pays de l’Union sont incontestablement confrontées à  une pénurie de pièces et de petites coupures de billet. La simple observation empirique corrobore cet état de fait. En réalité, combien de petites transactions échouent, faute de petites monnaies pour les remboursements ? Par exemple, lorsque le consommateur qui dispose d’un billet de 1000 francs souhaite payer un pastèque qui vaut 800 francs, le plus souvent le vendeur n’a guère les 200 francs à  lui rendre pour équilibrer l’échange. Dans le même temps l’acheteur a besoin de ses 200 francs, ne serait-ce que pour payer du pain. Par finir, l’échange n’a pas lieu faute de pièce de monnaie. Aussi, bien souvent lorsque l’on paie ses médicaments en pharmacie, la compensation monétaire est plutôt faite en chewing-gum et bonbons, car le pharmacien n’a pas de petites monnaies. La Conférence des Chefs d’Etat de l’UEMOA, le Conseil des Ministres de la même institution, le Gouverneur de la BCEAO et leurs collaborateurs ont dû comprendre qu’une telle situation de manque de pièces divisionnaires et de petites coupures de billets (1000 et 2000 francs) empêche une régulation optimum des économies de l’Union et par dévers, pose un frein à  la croissance (agrandissement en volume des richesses produites). Or, il n ya point de développement (amélioration du bien-être des populations) sans croissance. En fait, un petit commerçant détaillant peut perdre entre 10 et 20% de ses clients par jour, en raison du manque de petites monnaies. Or, si les biens et les services ne trouvent pas un débouché croissant, leur production s’estompera naturellement. Lorsque l’on sait l’apport de l’économie informelle au PIB de nos pays africains, il va s’en dire que la pénurie de ces petites monnaies est un sérieux handicap au fonctionnement du secteur réel de nos économies. Au-delà , nous savons que les pauvres sont les plus nombreux d’entre nous, et que par ailleurs, ils ont plus besoin de pièces et de petites coupures que de billets de 5000 ou 10 000 francs. Qui plus est, leurs revenus, qu’ils soient nominaux ou réels sont faibles. Mais, une autre question non moins importante est la suivante. Qu’est ce qui explique la pénurie des pièces de monnaie et des billets de petite coupure ? La réponse à  cette question est que C’’est le Gouverneur de la BCEAO qui commande ces pièces et billets et les fait confectionner à  Chamalières à  2 km de Clermont-Ferrand en France. Une fois cette monnaie fiduciaire confectionnée, il faut payer le coût de la frappe et de l’émission, et celui du transport jusqu’à  Dakar au siège de la BCEAO. Ainsi, en passant la commande, dans le cadre même de la rationalité économique, le Gouverneur exprime sa préférence pour les grosses coupures (5000 et 10 000 francs) car ces billets se comptent plus facilement et plus rapidement que les petites coupures. Cela est d’autant plus vrai que si l’on dispose par exemple de 10 millions de francs en coupures de 10 000 francs à  compter, l’opération prendra entre 20 et 30 minutes. En pièces (5, 10, 25, 50, 100, 200 francs…) cette même opération est susceptible de prendre 10 heures de temps et plus. Par ailleurs, le coût de la frappe des pièces et de la confection des billets de 500 et 1000 francs est certainement plus onéreux que celui de grosses coupures, car la quantité est plus importante. Coût fiduciaire Enfin, naturellement le coût du transport du lieu de production jusqu’à  Dakar, lieu de l’utilisation est plus onéreux, lorsqu’il s’agit de ces petites monnaies, que quand il s’agit de grosses coupures. Donc, le choix est vite fait par le Gouverneur. Si par exemple il doit commander 400 milliards, il voudra alors 80% (320 milliards) en grosses coupures, et seulement 20% (80 milliards) en petites monnaies. C’’est certainement un choix rationnel en termes de coût à  supporter, mais malheureusement un choix irrationnel lorsqu’on sait que les pauvres -les plus nombreux- ont plutôt besoin de pièces et de petites coupures que du reste. Combien de pauvres ont besoin de billets de 10 000 francs ? Pour quel type de transactions ? Non, cela ne fait pas partie des préoccupations du pauvre. Politique monétaire Les autorités monétaires au plus haut niveau et les politiques ont ainsi donc conscience de l’erreur qui consiste à  doter la société de grosses coupures, certes faciles à  manipuler et à  transporter, mais n’entretenant pas une grande vitesse circulation de la monnaie. Celles-ci ont de surcroà®t un impact négatif sur la croissance. Voici les raisons du retour au billet de 500 francs. Personnellement, je pense que les anciens billets de 500 francs qui doivent être détenus pendant des années encore dans les coffres de la BCEAO, dans les archives et pour les besoins de justification comptable, auraient pu être mis à  nouveau dans la circulation avec peut-être une commande du complément, plutôt d’opérer la confection de nouveaux. La BCEAO économiserait ainsi sur les coûts à  supporter. Qu’à  cela ne tienne, l’essentiel est que chacun de nous aura bientôt ses billets de 500 francs, qui vont lui permettre subsidiairement de s’enrichir, car jusque là  on est sûrement gêné de donner une pièce de 500 francs à  un parent qui nous est cher. Cela ressemble à  de l’aumône. Du coup, on lui fait un cadeau d’un billet de 1000 francs. Désormais, en en offrant un billet de 500 francs au lieu de 1000 francs, ce qui n’est vraiment pas gênant, on s’enrichira incontestablement. Derrière, il y a lieu d’admettre qu’il subsiste aussi toute une satisfaction d’ordre psychologique. Par ailleurs, il y aura une amélioration dans les transactions. Mais attention, il ne faut pas vite manifester sa joie en accueillant ce nouveau billet de 500 francs, sans réellement cerner tous les contours de sa mise en circulation. D’autres questions encore importantes se posent. Quelle quantité de ces billets la BCEAO va t-elle mettre en circulation (C’’est ce qu’on appelle la création monétaire qu’il ne faut pas confondre avec l’émission monétaire qui correspond plutôt à  sa confection) ? En contrepartie de quoi, de quelles richesses créées elle va les mettre en circulation ? Ces questions sont posées, parce qu’en réalité ces nouveaux billets vont s’ajouter à  la masse monétaire (la quantité qui circule dans un pays, une zone à  un moment donné) déjà  existante. Donc, incontestablement la masse monétaire va augmenter. Je ne puis cependant préciser dans quelle proportion. Mais, si dans le temps la production de richesses ne suit pas, cela provoquerait inévitablement une tension inflationniste, C’’est-à -dire que le rapport suivant va augmenter : Masse monétaire/PNB. C’’est ce qui a été observé en 1929 au moment de la crise, o๠il y avait plus de monnaie en circulation qu’il n y avait de biens et services. On avait une inflation monétaire ou par la demande. l’inflation, C’’est la hausse généralisée, cumulative et auto-entretenue des prix. Nous savons surtout, que dans le contexte actuel du Mali, nous avons à  faire à  une économie en crise, en récession (-3,1 %, source : Délégation de l’Union européenne au Mali). Il y a lieu dans ce cas qu’il y ait un recours discret ou affiché à  la planche à  billet. Si tel était le cas, et si la quantité de nouveaux billets mise en circulation était importante, on assisterait alors malheureusement à  une amplification du phénomène inflationniste qui existe déjà . La masse monétaire évoluera alors plus rapidement qu’un PIB qui non seulement ne croà®t, mais diminue. Pour l’instant, l’inflation des pays de l’UMOA est une inflation par les coûts ; elle est rampante et donc lente. Si une inflation monétaire venait par malheur s’y ajouter, le dérapage économique se ferait alors avec une forte intensité. Ce qui ne serait pas de nature à  atténuer la pauvreté déjà  grandissante. Mais, ne soyons ni alarmistes, ni pessimistes. Les autorités monétaires de l’UMOA le savent et ont dû peut-être prendre des dispositions, ne serait-ce qu’au niveau comptable. Cela consisterait simplement à  retirer progressivement, dans un délai relativement court, les pièces de 500 francs et de les remplacer par les nouveaux billets. Cette mesure fera en sorte que la masse monétaire reste stable. Pr Abdrahamane Sanogo Professeur titulaire FSEG.