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Présidentielles au Gabon : Duel Jean Ping et Ali Bongo Odimba

La campagne électorale au Gabon est dans la dernière ligne pour les candidats. Elle s’achèvera ce vendredi 26 Août 2016…

La campagne électorale au Gabon est dans la dernière ligne pour les candidats. Elle s’achèvera ce vendredi 26 Août 2016 à minuit. Les candidats sont donc en train de jeter leurs dernières forces dans la bataille. Les favoris multiplient les meetings, notamment à Libreville où le sortant Ali Bongo tenait un meeting dans la commune d’Akanda alors que l’opposition était dans le quartier Carrefour Kanté Ozangué avant de se rendre à Port-Gentil.

Le chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo Odimba, candidat à sa propre succession et Jean Ping, sont les deux prétendants favoris du scrutin présidentiel demain ,samedi 27 août 2016. Issus du même sérail, les deux adversaires ont entretenu pendant longtemps des relations familiales plus que cordiales, avant de se déclarer la guerre. Ils sont les frères ennemis du Gabon contemporain.
Pour cette  élection présidentielle à un tour unique,  628 000 électeurs gabonais seront appelés aux urnes pour choisir parmi onze candidats, dont le président sortant, Ali Bongo Ondimba, et la figure majeure de l’opposition Jean Ping, rallié par trois candidats de l’opposition, dont Guy Nzouba-Ndama et Casimir Oyé Mba.

Avant de passer dans l’opposition, Jean Ping  fut, un pilier majeur de la dynastie Bongo qui détient le pouvoir à Libreville depuis bientôt un demi-siècle. Bras droit et directeur de cabinet d’Omar Bongo – le père de l’actuel président -, il fut aussi plusieurs fois son ministre, occupant des portefeuilles importants comme celui des Affaires étrangères ou encore des Finances. Né d’un père chinois qui s’est installé au Gabon dans les années 20 et d’une mère gabonaise, Jean Ping a fait des études supérieures d’économie en France avant de rejoindre la haute administration de son pays. Entré dans le gouvernement en 1990, l’homme est aujourd’hui, à 73 ans, un vétéran de la vie politique gabonaise et à ce titre il connaît tous les secrets du régime. Il les connaît d’autant mieux qu’il a été pendant un temps le compagnon de Pascaline Bongo, la fille du fondateur du régime, avec laquelle il a eu deux enfants.
Les relations entre Jean Ping et les Bongo ont été tellement étroites que même aujourd’hui, après sa rupture avec le fils d’Omar Bongo il est perçu par le grand public comme faisant partie de la première famille du pays.

En juin 2009, lorsqu’Omar Bongo décède et son fils Ali lui succède suite à une présidentielle controversée, Jean Ping est président de la Commission africaine de l’UA. Les deux hommes se connaissent bien en raison de leur proximité familiale et de leurs carrières parallèles de ministres dans des gouvernements successifs d’Omar Bongo. Mais le nouveau chef de l’Etat voulait absolument rajeunir la classe politique en se séparant des caciques septuagénaires qui peuplaient le Palais du bord de la mer du temps de son père. Fidèle à sa logique, il n’a pas renouvelé son parrainage pour le second mandat de Jean Ping à la tête de la Commission au sein de l’organisation panafricaine. C’est par la presse que celui-ci a appris que son pays ne soutiendra pas sa candidature à sa propre succession à Addis-Abeba où se situe le siège de l’Union africaine. C’est le début de la brouille entre les deux hommes qui ira s’amplifiant au cours des mois qui suivront.

Selon l’entourage du président Ali Bongo Odimba , la rupture entre Ali Bongo et l’ancien président de la Commission africaine serait dû au fait que ce dernier n’aurait pas apprécié la décision du nouveau chef de l’Etat de mettre fin à des prébendes et des privilèges en tous genres dont bénéficiaient les caciques du régime sous son père. Toujours est-il que la rupture entre les deux leaders est consommée dès 2014, lorsque Jean Ping claque la porte du parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG), et bascule dans l’opposition. Depuis, les deux hommes ne se parlent plus, mais ne s’empêchent pas de s’envoyer insultes et invectives par meetings et émissaires interposés.

Une rivalité tenace

Le climat entre les deux hommes s’est particulièrement détérioré à l’approche du scrutin présidentiel de cette année lorsque Jean Ping, en association avec d’autres ténors de l’opposition, a mis en cause la filiation et la légitimité du président. Selon les opposants, au regard de la Constitution qui impose aux candidats à la présidence d’être nés Gabonais, Ali Bongo est inéligible, car il serait originaire du Biafra et aurait été adopté par son père Omar Bongo. Cette affaire a fait couler beaucoup d’encre, mais les recours de l’opposition ont été rejetés par la Cour constitutionnelle. « Il n’en reste pas moins que la polémique suscitée par cette question d’état-civil a marqué les esprits »,  confirme un ancien du PDG sous le sceau de l’anonymat. « Pour les opposants, qui savent qu’Ali Bongo ne peut gagner dans une élection transparente, cette question de l’éligibilité du président était une bouée à laquelle ils pouvaient s’accrocher », a-t-il expliqué.

Parti l’un des premiers en campagne, Jean Ping n’a cessé de répéter dans ses meetings que « le Gabon n’était qu’une dictature pure et simple entre les mains d’une seule famille ». Il a aussi accusé le président de s’être entouré d’une « Légion étrangère », en référence à ses conseillers étrangers qui, selon lui, « dirigent véritablement le Gabon ». Enfin, il a été particulièrement véhément dans sa critique de la gestion économique « catastrophique » du pays par le pouvoir. « Avec 1,5 million d’habitants et toutes les ressources que nous avons, s’est-il interrogé lors d’un entretien avec l’AFP, comment ne peut-on pas subvenir aux besoins élémentaires de la population ? Comment se fait-il que les gens fouillent dans les poubelles pour manger, et ne vont pas à l’école ? »

Quant à Ali Bongo et son entourage, ils ont traité avec mépris dans un premier temps les velléités d’émancipation de cet ex-baron du régime, rappelant que Jean Ping n’avait pas de « projet politique ». « Jean Ping se trouvant sans emploi, n’a rien trouvé de mieux que de vouloir mon emploi, c’est la blague qui circule dans le milieu des chefs d’Etat africains », plaisantait le chef de l’Etat en août 2014, témoignant du peu d’importance qu’il attachait alors à l’ambition politique de son ex-beau frère.
Mais au fur et à mesure que l’homme a gagné en popularité en allant de meeting en meeting à travers le pays, les stratèges du Palais du bord de mer de Libreville ont commencé à le prendre au sérieux. Ils ont alors pointé du doigt, à l’intention surtout des médias étrangers dont il est devenu la coqueluche, la teneur xénophobe de ses propos appelant la population à « réveiller les morts pour l’accompagner en guerre et éliminer les cafards » du pays,  propos   qui ont  d’ailleurs été démentis par l’intéressé dans un entretien à RFI.

La fébrilité des stratèges du pouvoir est montée d’un cran lorsque, le 16 août dernier, deux des principaux candidats de l’opposition ont annoncé  leur soutien à Jean Ping allant jusqu’à retirer leur candidature. Cette coalition d’opposants inédite a été qualifiée par le Palais de « alliance contre-nature » et de résultats « d’un marchandage d’épiciers ».