IdéesIdées, Tribune




Presse au Mali: sacerdoce ou commerce?

Ce samedi 3 mai 2014 est célébrée à  travers le monde, la journée mondiale de la liberté de presse. Une…

Ce samedi 3 mai 2014 est célébrée à  travers le monde, la journée mondiale de la liberté de presse. Une occasion pour les acteurs de l’espace médiatique des différents pays de faire un nécessaire exercice d’introspection. Histoire d’évaluer les acquis et réfléchir aux améliorations à  apporter. En ce qui concerne le Mali, il importe tout d’abord de saisir cette opportunité pour rendre un hommage mérité à  la presse malienne qui aura joué un grand rôle dans le processus d’émancipation du peuple malien de façon générale, et du combat démocratique en particulier. On se rappelle les célèbres journaux qu’étaient La Roue, Les Echos et Aurore. Ces trois mousquetaires à  la fin des années 80, ont été à  l’avant-garde du combat pour l’avènement de la démocratie au Mali. Auréolée de sa victoire sur la dictature de 23 ans du général président Moussa Traoré en mars 1991, la presse malienne va connaitre un certain épanouissement avec la prolifération des titres et de radios en deux décennies. Le Mali est, dans la sous-région, l’un des pays les plus prolifiques en titres. Ce boom médiatique ne rime pas malheureusement plus avec la qualité. En effet, jusqu’ici, le pays peine à  avoir des entreprises de presse dignes de ce nom, capables de produire un journalisme professionnel axé sur la recherche de la vérité qui est le premier principe du journalisme. Les patrons de presse (dans le privé), préfèrent s’offrir les services du tout venant, des jeunes diplômes en manque d’emploi au lieu des professionnels sortis d’écoles de journalisme ou des journalistes formés sur le tas, aguerris. Conséquence, on assiste à  un dévoiement du métier : peu d’articles de fond, d’enquête, des grandes interviews. Le principe sacro-saint de la sacralité des faits est foulé aux pieds au profit des commentaires. Des commentaires qui frôlent selon les cas la délation, le réquisitoire et le « griotisme ». En toute ignorance des principes du métier, des journalistes se transforment en super flics ou justiciers. Sans compter des articles truffés de fautes qui donnent des boutons aux amateurs de la langue de Molière. l’honneur revient à  la politique qui truste plus de 90% des maigres pages des journaux. Tant pis pour les autres rubriques. La raison de cette prédominance de la politique n’est pas à  chercher loin : les hommes rendent bien la monnaie de la pièce en voyant leur visage dans les colonnes d’un journal ou en entendant des commentaires sur les ondes d’une radio. Bonjour donc le journalisme alimentaire. Pas de quoi offusquer nos mercenaires de la plume qui objecteront sans doute en disant que le pays a des politiciens, des magistrats, des fonctionnaires alimentaires. Ceci étant, qu’est-ce qu’on attendre mieux d’un journaliste payé en monnaie de singe ou pas payé du tout, C’’est selon les journaux. A leur décharge, les patrons sont à  mille lieues de se soucier de leur condition, l’organe de presse étant pour ceux-ci un fonds de commerce. La subvention de l’Etat est vite récupérée par les patrons pour améliorer leur train de vie au détriment de la rédaction et des journalistes, réduits à  la quête des perdiems et autres « business » sur le terrain. Voilà  qui schématise les mauvaises conditions de travail des journalistes au Mali. Ces insuffisantes pourraient bien être palliées si et seulement si les organisations faitières de la presse arrivaient à  assurer une formation continue aux journalistes d’une part, ainsi que l’amélioration des conditions de vie de ceux-ci à  travers, par exemple, une convention collective bien appliquée. Les lignes pourront-elles bouger ? Allons-nous enfin voir une presse malienne consciente de son pouvoir et encline à  en user dans le sens d’un développement du secteur mais aussi du pays ? En attendant, permettez que nous souhaitions bonne fête à  tous les confrères.