Quand le Rap dérape en violence

Il y bientôt deux mois de cela, un de mes articles (1) alertait l'opinion publique nationale sur les dérapages qui…

Il y bientôt deux mois de cela, un de mes articles (1) alertait l’opinion publique nationale sur les dérapages qui s’installent dans le monde du rap malien. Dans les ‘’morceaux clash » dont raffolent les jeunes, les rappeurs se taclent sans cesse verbalement, mais aussi poussent l’outrecuidance jusqu’à  insulter père et mère de façon obscène. Ils se lancent des piques, qui nourrissent une haine réciproque qui durera avant de s’éteindre. C’’est cette rivalité entre les rappeurs Gaspi, Iba one et Talbi, Moobjek qui anime aujourd’hui la polémique chez les férus de rap. Même s’il reste à  déplorer que les grands titres de la presse locale boycottent cette discipline, il semble évident que tous évoquent un art fait pour les « nases, les ratés, les délinquants » et, par conséquent, indigne d’une once d’égard. Sinon comment comprendre le peu d’intérêt que tous ou presque ont montré en apprenant que le jeune rappeur Snipper avait été agressé par un gang conduit par Moobjek (un autre rappeur opposé à  Gaspi, allié de Snipper). Snipper ajoute même qu’il a été victime d’un hold-up, et qu’il n’en est pas sorti sain et sauf. Lundi dernier, la nouvelle est allée vite dans la rue, si bien que la rumeur, le plus vieux média, a commencé à  gérer l’information. Chacun y allait de son récit des faits. Rencontré jeudi dernier chez lui, Snipper, une blessure couverte d’un pansement au sommet de la tête, et des bandages aux doigts, il parlait sur le ton du rappeur sur scène. Il n’a pas hésité à  livrer son récit des faits : Le film de l’agression raconté par Sniper Rares sont ceux qui diront le contraire, Snipper paie là  le prix de la rivalité qui oppose son allié, Gaspi, à  trois autres rappeurs dont Moobjek qui, comme Gaspi, possède un ‘’fanbase » (public) très grand. Il se trouve que dans cette rivalité, Snipper en est arrivé à  faire monter la mayonnaise, multipliant les ‘’morceaux clash » o๠il attaque, en digne porte-parole de Gaspi, Talbi, Mobjek et Oxbi, dont il ne se prive pas d’insulter père et mère. On sait que ce jeune rappeur est connu pour ses insultes obscènes, ses goujateries verbales (il dit que C’’est son style à  lui !) qui ont dégoûté nombre de mordus du rap, et lui valent aujourd’hui, après son agression, des « bien fait pour sa gueule ! » Dans son dernier titre intitulé « Telle mère, tel fils », il s’en prend aux mères des trois rappeurs : On voit que Snipper n’est pas virulent qu’avec les seuls rappeurs, mais va jusqu’à  mettre leur mère dans le même sac qu’eux. Ce fut, à  l’en croire, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, hélas déjà  plein à  ras bord. La virulence des textes avait atteint son paroxysme. Une telle rivalité dans le giron du rap malien n’était jamais parvenue à  une telle dimension. Une confrontation physique était prévisible, voire inévitable pour qui se souvient encore des menaces que ces rappeurs se lancent par textes interposés. « Guerre d’égo » Mais, il reste que dans cette affaire, on s’est éloigné du rap hardcore, du rap conscient pour finalement basculer dans une sorte de guerre d’égo qui hante désormais les textes. Une passe d’armes d’une animosité rare qui occupe les discussions quotidiennes entre les fans-clubs des rappeurs concernés. Au point que, souvent, on ne peut se défendre de demander s’il y avait des limites au clash, sachant bien que la réponse n’est autre que, dans l’art, la question de la limite est d’ordre personnel. Aussi, on sait que le but poursuivi dans le clash est de faire parler de soi, de faire le boucan. Ceci dit, l’agression contre le jeune rappeur est un évènement navrant qui ne fera que renforcer les contempteurs de cette discipline, et contribuera à  mettre tous les rappeurs dans une mauvaise posture. C’’est un acte intolérable, insupportable, qui donne une image noire du rap, et des rappeurs eux-mêmes qui se doivent d’être exemplaires compte tenu de l’influence que cet art exerce sur la jeunesse. On ne peut que s’interroger. O๠va le rap malien ? Ne risque t-il pas de perdre sa place dans le monde de la culture malienne ? Pour Abdoulaye Coulibaly, alias Black Lion, un jeune rappeur de la place, la rivalité entre ces rappeurs dépasse le cadre du clash et ils feraient mieux d’arrêter », parce que « les insultes père et mère, ce n’est pas tout le monde qui peut supporter. C’’est vraiment regrettable. Et ce n’est même pas bon pour l’image du rap. » (1)- Mali : quand le rap explose et dérape…, lundi 13 janvier 2014. (2)- La tante de Mobjek intervient dans une de ses chansons. Elle y dit que les rappeurs, comme Snipper, qui font des insultes père et mère sont maudits.