Société




 Réfugiés : Tranches de vie à Mbéra

Un an et demi après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, plus de 100 000 Maliens…

Un an et demi après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, plus de 100 000 Maliens qui ont fui les conflits dans leur pays, vivent encore en exil. Dans l’extrême sud-est de la Mauritanie, à moins d’une centaine de kilomètres de la frontière malienne, ils sont environ 43 000 réfugiés maliens parqués dans le camp de Mbéra, immense enclos à ciel ouvert où les conditions de vie sont loin d’être optimales. Originaires pour la plupart des localités du nord et du centre du pays, ils ont fui l’instabilité, les affrontements entre groupes armés, le banditisme et les exactions. Ils ont tout laissé derrière eux et attendent, parfois depuis des années, des temps meilleurs.

Au Burkina Faso, au Niger, et en Mauritanie, les réfugiés vivent sous l’interdit. Ils ont fui le Mali et ont trouvé refuge chez les autres. Ils ont à boire, à manger, une tente pour s’abriter, mais ils restent déracinés, exilés, des apatrides dans ces villes immenses à ciel ouvert, hors du monde, où le temps passe sans qu’ils ne sachent vraiment s’ils retrouveront un jour leur chez eux. « Ce qui me manque le plus de mon pays c’est la liberté que j’avais », confie Ahmed, un Malien qui habitait un village près de Léré et qui avoue sans peine qu’en tant qu’habitant du désert, où les frontières n’ont pas cours, ce confinement s’apparente pour lui à une prison. « Nous sommes là, dépendant de l’assistance humanitaire pour boire, manger, s’éduquer, ou trouver un peu de travail », dit-il. Pour ces Maliens, la fierté en a pris un coup et la dignité est tout ce qui leur reste.

Vie de réfugiés Ils sont environ 43 000 réfugiés maliens concentrés dans le petit périmètre international du camp de Mbéra, vivant sous perfusion et selon les règles des ONG. « Je suis ici depuis le 25 janvier 2012, cela fait plus de 4 ans maintenant. La vie est très difficile au camp. Ce que nous recevons du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) n’est pas du tout suffisant, mais nous ne pouvons vivre ailleurs. Ce sont les conditions qui veulent ça », explique Zeine, résigné sur son sort. En 2012, au tout début de la crise, tout son village est parti de l’autre côté de la frontière en Mauritanie, pour fuir les exactions. « Nous avons eu peur car nous avons vu ce qui s’était passé dans les années 90. L’armée est venue et ils ont tué des gens. Nos parents l’ont vécu, nous aussi. C’est un problème qui est toujours là », lâche-t-il fataliste.

Le camp de Mbera qui s’étend sur 8 km carré est maintenant sa nouvelle réalité, son nouveau village. Ahmed se souvient du jour où il est arrivé : le monde, la poussière, la promiscuité, les files d’attentes interminables, qui sont devenues son lot quotidien, pour s’enregistrer, se nourrir, se loger, se soigner. « Quand tu arrives, tu fais la queue pour t’enregistrer auprès de l’administration mauritanienne, ensuite au centre d’accueil, où tu attends des heures ton enregistrement pour avoir un ticket te permettant d’accéder au camp. Tant que tu n’as pas l’attestation de réfugié, tu n’as pas droit à grand-chose », explique-t-il. Ahmed et sa famille ont attendu 3 mois pour avoir la leur. « Quand tu as une attestation, le HCR va te donner une tente, voire un hangar, et tu as droit à la distribution : du nécessaire d’hygiène, des biscuits, des couvertures, un bidon, des rations de nourriture mensuelles, le strict nécessaire », décrit Ahmed. Le HCR assiste, protège et organise la vie des réfugiés, il fournit l’aide provisoire d’urgence… qui va souvent durer. Un épineux et coûteux problème toujours pas résolu.

Khalid, 25 ans, a quitté le Mali en février 2012 pour fuir les représailles. Le camp de Mbéra, il connaît bien. Il y vit de petits travaux et d’expédients et, pour lui, en dehors de la chaleur implacable sous la tente qui frise souvent les 48 degrés et qu’il partage avec 5 autres personnes, la principale difficulté est la nourriture, les rations qui depuis quelques mois ont diminué. « Il y a des distributions mensuelles pour la nourriture, souvent irrégulière. Nous étions à 12 kg de riz par personne. Ce dernier mois nous avons eu 2 kg de riz plus 1 kg de haricot et 2 000 ouguiyas (équivalant de 3 440 francs CFA en monnaie mauritanienne). Comment voulez-vous arrivez à vous nourrir tout un mois dans ces conditions ? », maugrée-t-il. Pour améliorer le quotidien, il y a bien les boutiques des villages avoisinants, mais les prix sont deux fois plus cher qu’au Mali et la plupart des réfugiés ont tout abandonné au pays et ne disposent plus d’aucune ressource.

Un possible retour ? « Je suis au camp de Mbéra depuis 2013. Je suis venu par peur des représailles, des arrestations qui avaient lieu chez moi. Je suis de la commune de Karéri dans le cercle de Tenenkou », se présente Lamine, un Peulh. Pour lui, la motivation première des réfugiés pour quitter le Mali, c’est la sécurité. « Au Mali, on s’en prend à nous, à de simples personnes qui sont en transhumance. On les emmène, on place des armes à leur côté et on dit qu’on a récupéré des terroristes. Ce sont les autorités maliennes qui nous prennent pour des terroristes, qui nous accusent », décrit-il le ton las. Leur retour, les réfugiés le conditionnent à deux priorités, l’application de l’Accord et la sécurité. Khalid, Zeine et Ahmed semblent partager le même constat. « Si l’Accord et les point prévus pour les réfugiés sont appliqués, et s’il y a une armée reconstituée c’est à dire mélangée, incluant les groupes armés et non composée d’étrangers qui ne nous comprennent pas, alors nous retournerons », affirme Zeine. « La sécurité n’est toujours pas là. On a trop souffert, on en a assez. Il y a des barrages routiers et des hommes en armes qui viennent vous voler, nos biens, notre bétail, notre subsistance, c’est humiliant ! », affirment-ils. Selon eux, la majorité des réfugiés maliens du camp ne souhaitent pas retourner au Mali pour le moment. Certains ont essayé mais beaucoup sont revenus. Depuis septembre 2016, le camp de Mbéra a vu l’afflux de 3 000 réfugiés maliens, des retours ainsi que de nouveaux arrivants.

Même si pour la majorité de ces réfugiés maliens, les conditions ne sont pas réunies pour revenir au Mali, tous rêvent d’un retour au pays, sur leur terre. Alors, malgré les inquiétudes, certains décident de rentrer à la maison. Pour la période de décembre 2015 à juin 2016, le HCR en a aidé pas moins de 2 000 à rentrer. « Malgré tout la vie continue. On a l’espoir qu’il y aura la paix chez nous, que l’on puisse rentrer et vivre paisiblement et en sécurité. On attend et on s’en remet à Allah », conclut Zeine.