Samuel Sidibé : « La photographie n’est plus seulement un portrait »

La biennale de la photographie se tient, actuellement, à Bamako du 2 décembre au 31 janvier 2018. Le délégué général de…

La biennale de la photographie se tient, actuellement, à Bamako du 2 décembre au 31 janvier 2018. Le délégué général de cette manifestation, depuis 2009, Samuel Sidibé, s’est livré au Journal du Mali sur l’organisation technique de ces rencontres. 

Journal du Mali : Pouvez-vous nous dire en quoi consiste cette rencontre ? 

Samuel Sidibé : Les rencontres sont une plateforme qui permettent aux photographes africains du continent et de la diaspora de montrer leur travail. Vous savez, la photographie s’est développée vers une approche artistique. On est aujourd’hui dans une approche différente. Elle est une démarche artistique pour les photographes qui cherchent ainsi par la photographie exprimer leur vision du monde, leurs préoccupations. Depuis plusieurs années, en Afrique, on essaie de faire de la photographie un moyen d’expression artistique. La biennale, c’est offrir l’opportunité aux artistes africains, qu’on appelle plus simplement photographes, de montrer ce qu’ils savent faire. Je pense en ce sens que la biennale est aujourd’hui devenu quelque chose de vraiment important pour les photographes africains en terme de visibilité internationale.

Pourquoi organiser cette biennale au Mali ?

La biennale existe depuis 1994 et a toujours eu lieu au Mali. C’est un concours de circonstances. En 1992, l’idée de faire cette biennale a émergé en marge de l’exposition de Françoise Huguier à Bamako. Par un jeu de circonstances, le milieu international de la photographie re-découvrait à cette époque les illustres photographes maliens : Seydou Keita et Malick Sidibé. L’idée de faire cette grande rencontre de la photographie en Afrique est apparue à ce moment et Bamako était considéré comme l’espace naturel pour initier ces rencontres. 

Pouvez-vous nous parler de ce que cela représente ?

Les rencontres constituent un plan majeur pour le Mali, à l’international. Et le fait qu’il soit organisé au musée contribue à donner une plus grande visibilité au musée national tout d’abord. Traditionnellement, les musées s’intéressent au passé. Le fait de s’investir dans la création contemporaine et artistique permet au musée d’élargir son offre culturelle. En élargissant l’offre culturelle au public, on attire d’avantage de personnes, notamment les jeunes.

Qu’est ce que c’est que d’organiser cette rencontre internationale à Bamako ? 

Le point de départ, c’est d’abord pour nous de choisir un commissaire, capable de prendre la responsabilité scientifique et artistique du projet. Cette personne en la personne de Marie-Ann Yemsi pour cette édition nous a proposé une thématique qui est « Afrotopia » qui sera une sorte de réflexion sur les utopies africaines et sur comment l’Afrique peut à partir de ces propres valeurs, et de son potentiel s’interroger sur son avenir. A partir de cela, les photographes ont développé leur propre approche artistique. Nous avons reçu tout un ensemble de travaux de différentes natures qui montraient la façon dont les photographes réagissaient aux phénomènes divers dans la société tels que l’urbanisation, les questions politique et sociale, ou plus prosaïquement la relation entre les hommes.Après avoir rassemblé tout ce travail, on a mis en place un comité qui a sélectionné les propositions des photographes. Cette dernière sélection a permis de choisir 40 photographes qui seront à Bamako.

À quoi aura droit le public du 2 décembre au 31 janvier 2018 ?

Au musée national, il y aura une exposition panafricaine qui sera inaugurée dès le 2 décembre. Cette exposition fera l’objet d’une évaluation par un jury et des prix seront attribués à certains artistes dont le prix Seydou Keita financé à hauteur de 5000 euros par le ministère malien de la culture. Pour développer un nouveau public autour de la création artistique et permettre aux jeunes de développer une sensibilité artistique. 
Aussi du 2 au 5 décembre, a eu lieu la semaine professionnelle. Les rencontres sont certes une occasion parfaite pour rencontrer un lot important d’artistes. Toutefois, nous souhaitons que le travail artistique et celui intellectuel se rejoignent. Ainsi des intellectuels, des commissaires, des directeurs de musée, de galerie et tout un ensemble de gens des mondes de la culture de l’Afrique, de la France, de Brésil, de l’Espagne, de l’Angleterre seront présents pour organiser des débats, des masters class, des discussions autour de la photographie afin d’enrichir la biennale d’un débat intellectuel. Car, je le rappelle, la photographie est perçue, pour les photographes, comme un moyen d’expression. Les photographes réfléchissent sur les problèmes sociaux, et leur art est une forme d’écriture. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement un clic de l’appareil. C’est toute une réflexion. La plupart des photographes tiennent un discours et veulent à travers leur photographie dire leur façon de penser le monde. On s’est demandé comment les photographes et les intellectuels peuvent se rencontrer pour partager leur vision sur la relation de la photographie avec le discours politique par exemple, ou la relation de la photographie avec les questions d’identité. 
Au musée du district, il y aura un regard de la photographie africaine des indépendances, particulièrement la joie de vivre illustrée par James Barnor. Il y aura ensuite une exposition à la galerie medina sur l’afro-futurisme, une réflexion sur l’Afrique future, et à l’institut français sur « La part de l’autre ». En marge, des montages-vidéos de la biennale seront projetés dans les espaces publics afin de toujours élargir le public.