Santé




SANTÉ AU MALI : ENTRE PROGRÈS ET LACUNES

Se soigner au Mali est loin d’être une sinécure. De la difficulté d’accès aux structures sanitaires, surtout en zone rurale,…

Se soigner au Mali est loin d’être une sinécure. De la difficulté d’accès aux structures sanitaires, surtout en zone rurale, à l’insuffisance de moyens des établissements existants, en passant par les problèmes de déontologie du corps médical, le malade malien doit souvent son salut à la prière ! Il faut cependant reconnaître un sursaut, tant des pouvoirs publics que des acteurs que sont le corps médical et les patients, qui se traduit par quelques progrès dans la prise en charge. Regards croisés sur le système de santé du Mali qui a encore de nombreux défis à relever.

« C’est simple, la meilleure illustration des défaillances de notre système de santé, c’est que tous ceux qui en ont les moyens, et en premier les décideurs, vont tous se faire soigner à l’étranger ». Cet étudiant en médecine qui veut garder l’anonymat est un peu démotivé. « Dans l’hôpital universitaire où je suis en internat, la situation est difficile. Manque de lits, manque de produits, manque d’équipements, manque de personnel… La seule chose qui ne manque pas, ce sont les malades », affirme-t-il, ajoutant que chaque journée est un combat contre la mort à laquelle « nous arrachons les patients avec les moyens du bord ». Les images des services de santé dans un état lamentable avaient fait, il y a quelques mois, le tour des réseaux sociaux, soulevant une vague d’indignation. Derrière ces « dénonciations », le mouvement Balai sanitaire international. Balla Mariko, président et membre fondateur explique que le collectif est constitué de citoyens lambda mais aussi de médecins, dont certains évoluent dans les établissements ciblés. « Nous avons décidé d’agir. Cette démarche a été très mal vue des autorités qui ont demandé que les images ne soient plus diffusées. La ministre qui venait de prendre fonction a demandé de la laisser agir. On peut dire que les choses ont plutôt bougé depuis, et cela est imputable à notre action », se réjouit-il. Prenant l’exemple de l’Hôpital Gabriel Touré, il estime qu’« aujourd’hui, les problèmes d’hygiène ont largement été pris en charge, 100% des sanitaires sont utilisables et la gestion du nettoyage de l’hôpital a été améliorée, avec des résultats sont visibles ».

Amélioration des conditions d’accueil On s’en réjouit bien évidemment du côté du département de tutelle. Le ministre Marie Madeleine Togo, elle-même ancienne directrice générale de l’Hôpital Gabriel Touré, salue les efforts qui ont été faits, mais reconnait que les défis sont nombreux. Autre aspect des griefs contre les structures sanitaires publiques, c’est l’accueil. « Ce n’est pas l’apanage du public, déplore Aminata. Même dans le privé, il y a du boulot. Ces personnels soignants n’ont pas compris que le moral joue beaucoup dans la rémission et que la façon dont ils traitent les malades avec dédain leur est préjudiciable ». Elle se souvient de brancardiers malmenant un parent admis aux urgences parce que ce dernier « avait osé se plaindre de leur rudesse ». La formation, répond le ministre de la Santé et de l’Hygiène publique. Le Dr Togo estime en effet que le personnel doit être renforcé et son rôle rappelé afin que chacun fasse face à ses responsabilités. Les conditions seront également améliorées, et particulièrement le plateau technique, dont l’insuffisance criarde a maintes fois été signalée. De nouveaux établissements spécialisés (pédiatrie, chirurgie, prise en charge oncologique) viendront compléter sous peu l’offre existante, afin d’assurer une meilleure prise en charge des patients et diminuer les évacuations coûteuses vers l’étranger.

Public vs privé? Le nombre de cliniques privées a explosé ces dernières années. Elles se comptent par centaines dans la capitale, mais aussi à l’intérieur du pays, où les médecins du public consacrent quelques heures par jour à ceux qui ont les moyens de payer leurs services. Les consultations y sont facturées entre 5 000 et 15 000 francs CFA (pour les spécialistes) et pourtant elles ne désemplissent pas. « L’offre publique est largement insuffisante pour satisfaire la demande, explique-t-on au ministère de la Santé et de l’Hygiène publique. Aujourd’hui, il existe 1 200 centres de santé communautaires, répartis sur toute l’étendue du territoire. Ceux-ci offrent la prise en charge de base et en réfèrent aux 65 centres de santé de référence, qui à leur tour doivent adresser les complications aux 12 hôpitaux et centres hospitaliers du pays ».

Vaincre la maladie. « C’est pour cela qu’on investit et les résultats sont là » se réjouit le ministre de la Santé. La lutte contre les maladies s’est intensifiée au cours des dernières décennies et a abouti à l’éradication certaine ou prochaine de maladies comme la rougeole, la poliomyélite, l’onchocercose ou encore le cas du ver de Guinée, dont le Mali comptait plus de 15 000 cas en 1992 et plus que 5 en 2015. Le paludisme, la tuberculose et le VIH Sida ont fait l’objet d’une attention toute particulière au cours de la décennie 2000. Les subsides investis dans la lutte ont permis d’engranger des avancées positives, comme la recherche sur un vaccin contre le paludisme, le recul des cas de tuberculose et de VIH. Mais environ deux millions de personnes contractent toujours le paludisme, première cause (40% du total) de consultations au Mali. Un coup de fouet devra d’ailleurs être donné à la lutte contre cette maladie et celles dites « tropicales négligées », à travers un programme sous-régional lancé ce 19 juillet à Bamako. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso bénéficieront ainsi chacun de près de 40 millions de dollars américains pour éradiquer ces maladies d’ici 2030.

L’accès au médicament est l’un des gros défis de la lutte contre la maladie. La problématique des médicaments de la rue reste entière, malgré des actions « coup de poings » et la sensibilisation. L’avènement des médicaments génériques n’a pas vraiment changé la donne, alors qu’ils sont censés amoindrir le montant de l’ordonnance tout en garantissant le soin au malade. « Les gens n’ont pas confiance, ils ont l’impression que comme ils sont moins chers, ils sont moins efficaces, ce qui n’est pas vrai », confie le Dr Marcel Massé, pharmacien.

Le système sanitaire s’est également doté de nouveaux moyens d’action, grâce à Internet et au téléphone portable. À travers l’Agence nationale de télémédécine et d’informatique médicale (ANTIM), les consultations par téléconférence et la formation des personnels isolés dans les zones enclavées, par exemple, sont devenues réalité.

Vaincre la mortalité maternelle et infantile, rendre l’accès aux soins universel, notamment à travers la mise en place de l’Assurance maladie obligatoire, promouvoir la santé de la reproduction, continuer à améliorer le plateau technique pour une meilleure prise en charge des pathologies sévères, renforcer la formation du personnel soignant… Autant de chantiers qui bénéficient de moyens colossaux. Reste maintenant une prise de conscience collective et individuelle, pour un changement de mentalité en termes d’hygiène et d’assainissement, car éviter la maladie demeure encore la meilleure option.