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Sébastien Pétronin : « Je reste le fils de Sophie et je me bats pour qu’elle sorte de ça »

Sophie Pétronin, enlevée le 24 décembre 2016, est réapparue, dans la nuit du 1er juillet, dans une vidéo diffusée par…

Sophie Pétronin, enlevée le 24 décembre 2016, est réapparue, dans la nuit du 1er juillet, dans une vidéo diffusée par la coalition djihadiste Nusrat al-islam avec 5 autres otages, quelque part au Sahel. C’est la seule « trace de vie », depuis son rapt, qu’on ait de cette femme de 71 ans qui vivait au Mali, à Gao, où elle consacrait son temps aux enfants orphelins. Sébastien Pétronin, son fils, a livré au Journal du Mali, son sentiment après la publication de cette vidéo et expliqué le combat qu’il mène avec sa famille et, il l’espère, avec les autorités françaises, pour tenter de libérer Sophie Pétronin.

Quel était l’état de santé de Sophie Pétronin, votre mère, avant son enlèvement, car elle évoque dans la vidéo publiée par la coalition terroriste Nusrat Al Islam, une tumeur au sein gauche ?

Cela me préoccupe d’apprendre ça. Je ne l’ai pas vu depuis plus d’une année donc je ne sais pas. Ma mère était extrêmement discrète, elle n’était pas du genre à se raconter, sauf s’il y avait un caractère d’urgence. Donc, il est très possible qu’elle ait eu ce souci à sa connaissance et qu’elle ne nous ait pas informés.

Depuis son enlèvement en décembre 2016 et avant la publication de cette vidéo, aviez-vous eu des preuves de vie de Sophie Pétronin ?

Le dernier contact que j’ai eu avec elle, c’était une demi-heure avant son enlèvement par un échange de mail. Après ça, plus de nouvelles. Puis par la suite on a eu beaucoup de signaux, d’avertissements, comme quoi elle était vivante mais avec un degré de fiabilité relatif. M. Macron a d’ailleurs utilisé les mots parfaits en parlant de « trace de vie » mais ce n’est pas une preuve de vie. Depuis la diffusion de cette vidéo, on est dans un degré de fiabilité beaucoup plus important puisque c’est public et officiel, mais pour nous ce n’est pas encore un soulagement, c’est une bonne direction. J’essaie de rester lucide, ce n’est pas une preuve de vie, je ne lui ai pas touché la main. Elle est en captivité avec une santé qui n’est pas optimale. Cela fait six mois et demi qu’elle est détenue et l’année prochaine elle aura 72 ans. Tous ces éléments me mettent plutôt dans un état d’inquiétude et je ne suis pas serein après avoir vu le visage de ma mère dans cette vidéo.

Vous avez déploré, avec votre famille, l’inaction des autorités françaises dans ce dossier. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Oui, mais a une nuance près, c’est qu’il y a eu un changement de gouvernement. On n’a pas caché le fait qu’on a été très agacé par la position attentiste du gouvernement précédent. Maintenant on est plus du tout dans la même dynamique. On a un échange qui est beaucoup plus marqué, beaucoup plus constructif et évolutif. Je ne peux pas encore vous dire où ça va nous mener mais on a l’impression d’être plus fortement considérés.

Le président Macron a déclaré vouloir « éradiquer » les ravisseurs de Sophie Pétronin, alors que ceux-ci semblent vouloir établir un contact pour une négociation. Ne craignez-vous pas que cette réponse du président Macron soit considérée par eux, comme un refus de la France de vouloir négocier sa libération ?

Je ne veux pas me dérober à cette question parce que j’ai envie d’y répondre. C’était plus difficile avant parce qu’on nous tenait un peu au silence et à la discrétion. Comme on est dans l’émotion, on ne sait pas très bien si ce que l’on fait est bien, s’il faut parler ou s’il vaut mieux rester discret. Mais 6 mois après son enlèvement, on se sent plus à même de parler dans les médias. Donc mon sentiment personnel, c’est que M. Macron affiche sa détermination et ne rentre pas du tout dans cette histoire avec une position inférieure ou soumise dû à la détention de ma mère, et là-dessus je suis en accord avec lui. Je crois qu’il faut afficher sa force et sa détermination. Maintenant je suis aussi son fils, donc on est très anxieux depuis le début et on ne l’est pas plus ou pas moins parce que M. Macron a affiché de la force et de la détermination. Je suis plutôt concentré à essayer de percevoir des perspectives et des solutions, c’est ça qui m’anime. Je pense que M. Macron sait ce qu’il fait, les ministères concernés savent ce qu’ils font. Ils savent aussi peut-être à la virgule près ce qu’il faut dire. C’est quelque chose qui m’échappe, je reste le fils de Sophie et je me bats juste pour qu’elle sorte de ça.

Vous vous êtes récemment déplacé plusieurs fois au Mali et dans des pays de la sous-région. Essayez-vous de votre côté d’établir un lien avec les ravisseurs pour tenter de faire libérer Sophie Pétronin ?

Dans cette histoire, depuis le début, on essaye d’être dans la bienveillance et de ne faire que des choses qui vont l’aider elle et qui vont lui profiter à elle. On a décidé d’un commun accord avec la famille que rester immobile à attendre ce n’était pas possible, pas acceptable. Le gouvernement précédent ne voulant rien faire, nous avons essayé d’avancer, de rencontrer des gens. On s’est mis dans cette dynamique-là. Aujourd’hui le gouvernement a changé, on a plus les mêmes interlocuteurs, donc, nous la famille, on va déjà observer ce que ce nouveau gouvernement est prêt à faire et à mettre en place. Si le travail est fait, évidemment on se retirera. On n’a pas la compétence ni les moyens de la sortir de là tous seuls. Mais c’est clair qu’on a voulu montrer qu’on ne la laissera pas tomber quoiqu’il arrive et tant qu’on peut, on essaiera de faire quelque chose pour la sortir de là.

Avez-vous contacté le gouvernement malien ? Est-il aussi partie prenante dans ce dossier ?

J’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères à Bamako. J’ai rencontré plusieurs fois le gouverneur de Gao et différents officiels. J’ai été très étonné de la façon dont nous a reçu le ministre des Affaires étrangères parce qu’il était très ému. Je pense que les Maliens ne considéraient pas ma mère comme une ressortissante étrangère qui venait donner un coup de main. Elle était un peu plus que ça pour eux et pour la population de Gao notamment. Ça s’est ressenti en tout cas dans l’accueil que j’ai pu recevoir à Bamako et à Gao, que ce soit avec des officiels, des non-officiels, avec des gens qui la connaissait ou pas, avec des enfants ou des adultes. Il y a eu beaucoup de chaleur. Oui, je crois que les Maliens font quelque chose pour ma mère.

Sophie Pétronin craignait-elle d’être enlevée ou qu’on attente à sa vie, vu la situation sécuritaire qui s’est dégradée au Mali ces dernières années ?

Elle était parfaitement consciente du danger. On en a parlé de vive voix la dernière fois qu’on s’est vu à mon domicile. Je dirai qu’il n’y avait pas de peur, c’était plutôt un risque accepté, mesuré et puis pour elle qui travaillait avec les enfants orphelins à Gao. La vie d’un enfant ça valait tous les risques. 15 jours avant son enlèvement elle a sauvé deux bébés qu’elle a trouvé dans une poubelle. C’était risqué, elle le savait, je le savais, on l’acceptait et si c’était à refaire, on le referait.