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Sécurité privée, un secteur en plein boom

Comme au Liban, en Irak et plus récemment en Côte d'Ivoire, « quand un pays connaà®t une crise militaire, les…

Comme au Liban, en Irak et plus récemment en Côte d’Ivoire, « quand un pays connaà®t une crise militaire, les sociétés de sécurité privée savent qu’il y a là  de quoi faire de bonnes affaires… ». Ce propos est celui d’un responsable d’une société privée de sécurité qui a pignon sur rue à  l’international et qui s’est installée au Mali dans la foulée de la crise de 2012. En moins de cinq années, le nombre d’acteurs présents sur le sol malien a considérablement augmenté avec des offres variées, « adaptées à  notre clientèle », selon notre interlocuteur. à€ peine quelques dizaines jusqu’en 2000, les sociétés de sécurité privées se sont multipliées et dépassent aujourd’hui, selon une statistique non officielle, le nombre de 250. « Ce sont des sociétés commerciales bénéficiant d’agrément du ministre chargé de la sécurité, et qui sont régies par des règles propres », précise l’inspecteur général de police Mahamadou Niakité, expert de ces questions. Elles ont des activités diverses, telles que la surveillance et le gardiennage, le transport de fonds, et la protection des particuliers et des sociétés. Un champ d’actions assez large, règlementé au Mali par la loi n°96-020/AN et son décret d’application n°96-064/PRM qui date du 29 février 1996. Contexte favorable et besoin de professionnalisation La survenance de la crise au nord et ses conséquences sécuritaires, l’expansion de la menace terroriste et ses manifestations sur le sol malien ont fortement contribué à  l’augmentation de l’offre de sécurité privée au Mali. Mais ce ne sont pas les seules raisons. Il faut rappeler que les premières structures ont vu le jour juste après les évènements de 1991, proposant leurs célèbres « lave-garde », du nom de l’une des sociétés pionnières, pour le gardiennage et la surveillance des bureaux, comme des domiciles des plus aisés. Le banditisme urbain et périurbain croissant, la demande a elle aussi augmenté et au début des années 2010, l’offre s’était largement diversifiée, plusieurs acteurs étrangers étant venus concurrencer les locaux. G4S, Mali Guard, Escort ou encore Securicom, entres autres, ont réussi à  s’imposer et se partagent une grosse part du marché, essentiellement composé d’institutions bancaires, de multinationales, de représentations d’organisations internationales, d’ambassades, de commerces ou encore de privés. Même si aucun chiffre n’est disponible, on peut estimer que le secteur génère plusieurs milliards de francs CFA de revenus annuels, emploie aujourd’hui plusieurs milliers de jeunes, et attire de plus en plus les demandeurs d’emploi, autrefois réticents à  exercer le métier d’agent de surveillance. Une filière de formation spécifique en sécurité et en sûreté a même vu le jour au mois d’août 2015, au sein du Centre d’études et de formation en informatique et business (Cefib), et porte le nom d’Académie de la sécurité professionnelle du Mali (Asp). Elle accueille une première vague de 15 élèves instructeurs, auxquels d’autres emboiteront certainement très rapidement le pas. Selon son directeur général, l’Ivoirien Clotcho Secongo, « le secteur privé de la sécurité, qui est une concession de l’à‰tat aux privés pour répondre au besoin de sécurité, est resté pendant longtemps informel et non professionnel ». Il faut en effet reconnaà®tre que les agents de la grande majorité des sociétés de la place ont un besoin de renforcer leurs capacités. « C’est plus par bravoure que grâce à  une bonne formation que ces hommes et femmes sont efficaces sur le terrain », déplore Aminata Coulibaly, dont le domicile est gardé par deux agents. « Ils n’ont pas d’armes et souvent les conditions salariales aussi laissent à  désirer, alors que nous payons le prix fort », ajoute-t-elle. La question des revenus du secteur comme celle des conditions des agents reste encore tabou, mais les quelques rares employés qui acceptent de se prononcer disent espérer une « meilleure répartition des profits, à  l’avantage de ceux qui prennent des risques sur le terrain… » Les traditionnels « gros bras » n’ont pas pour autant disparu. Ils participent toujours à  la sécurisation des évènements, ou se sont tout simplement recyclés comme agents, voire patrons. Le florissant business des équipements Selon les psychologues, « le sentiment d’insécurité est celui qui est le plus difficile à  combattre ». Il est surtout un « bon déclencheur » de la consommation de produits de sécurité privée, qui vont de la géolocalisation de personnes ou de biens, en passant par les systèmes d’alarmes ou de vidéosurveillance. Ces offres ont fleuri au cours des cinq dernières années et aujourd’hui nombreux sont les particuliers, mais aussi des institutions et des structures étatiques, qui y ont recours. Bamako est désormais sous vidéosurveillance, et le parc de caméras est appelé à  s’étoffer très rapidement. Autre produit en vogue, les portiques de sécurité et autres détecteurs de métaux. Depuis l’attaque de l’hôtel Radisson de Bamako, les dispositifs se sont largement renforcés au niveau de l’accès aux lieux publics. Ces équipements, malgré leur coût élevé, sont considérés aujourd’hui comme « indispensables ». à€ Global Assistance in Technologies, on se réjouit d’offrir, depuis 2004, des systèmes couvrant les technologies en matière de protection et de sécurité électronique et informatique. Ceux-ci permettent entre autres de faire de la vidéo surveillance, d’interconnecter des sites distants ou encore de surveiller le réseau d’une entreprise. La cyber sécurité est en effet une préoccupation croissante, chose qui permet à  des start ups de se positionner (Ismacorp, GDA, etc.), en complément de l’Agetic, qui assure la sécurisation des données de l’à‰tat, et des opérateurs de téléphonie mobile qui diversifient ainsi leur offre. De la nécessaire coopération avec le public La loi malienne n’autorise pas les agents des sociétés privés à  porter des armes létales. Par contre, ils sont tenus « d’informer les services de sécurité ou de faire appel à  eux pour toutes les infractions portées à  leur attention dans leur périmètre de surveillance ». Raison pour laquelle il n’est plus rare de les voir associés dans leur mission à  des éléments des forces de sécurité. D’ailleurs, ce secteur est pris en compte dans la réforme en cours de la sécurité, qui planche sur une meilleure coordination des actions des uns et des autres. Mais la coopération doit aussi se faire avec la population, dont le comportement évolue peu à  peu. Si on pouvait constater quelques réticences face aux injonctions des agents, aujourd’hui force est de constater que la compréhension est de mise, même si les automatismes tels que la fouille systématique des usagers ou la vérification des identités ne sont pas encore définitivement implantés dans les esprits. « Il faut qu’ils apprennent aussi à  être plus courtois », déclare, pince-sans-rire le sieur Sidibé, qui assure comprendre que les agents de sécurité « soient sous pression, mais nous aussi » !