Siby : Il faut sauver la maison du Karité

Le karité est un arbre sacré. La noix qu'il produit est tout aussi précieuse à  tous égards. Le beurre de…

Le karité est un arbre sacré. La noix qu’il produit est tout aussi précieuse à  tous égards. Le beurre de karité a de nombreuses qualités. Il possède ainsi diverses fonctions thérapeutiques, est utilisé dans la cuisine et entre dans la fabrication du chocolat et de produits cosmétiques. Il se trouve qu’heureusement, notre pays est l’un des plus gros producteurs de beurre de karité au monde. l’activité a un visage essentiellement féminin. C’’est la grande affaire des femmes rurales. Dans les zones de production, elle constitue la principale source de revenus pour celles-ci qui sont les pauvres parmi les pauvres. La chaà®ne de production commence au début de l’hivernage par le ramassage des fruits mûrs tombés sous l’arbre. La chair qui enveloppe la noix est très appréciée. l’étape suivante est l’épluchage de l’amande, le pilonnage et le battage manuel ou la pression mécanique à  l’aide de moulins. Les revenus tirés du karité aident les femmes rurales à  subvenir à  une grande partie de leurs besoins. Ayant pris la mesure du rôle du karité dans la vie de la femme rurale, notre pays a engagé une politique de développement et de promotion de la production du karité. Des organisations non gouvernementales (ONG) et des partenaires techniques et financiers soutiennent fortement le développement de la filière en organisant les femmes en coopératives ou associations. C’’est le cas du Centre canadien d’études et de coopération internationale (CECI) et de l’Association conseil pour le développement (ACOD) dans la commune rurale de Siby à  quelques encablures de Bamako, dans le cercle de Kati. Ils s’attachent conjointement à  aider à  accroà®tre le niveau de vie des femmes dans la commune grâce à  une maison de production de beurre de karité. Regroupées en coopérative, 1 245 productrices ont été dotées, sur place, d’outils de transformation et de conditionnement de la noix de karité. La valeur ajoutée ainsi créée localement permet aux femmes d’accroà®tre leurs revenus, de renforcer leur position dans la filière, d’assurer une exploitation durable de la ressource et d’améliorer leurs conditions de vie. Grâce à  l’initiative de la Maison du karité et à  l’écotourisme, la commune rurale de Siby a amorcé un certain essor. La coopérative des femmes que gère la Maison est dirigée par Mme Camara Fatoumata Fabou Camara. Elle a permis de mieux valoriser le karité à  Siby. « Nous avons appris des techniques modernes en matière de fabrication de beurre de karité. Surtout pour le conditionnement et l’emballage de nos produits. Cette activité est grande génératrice de revenus pour les femmes », confirme-t-elle. [b Première coopérative En juillet 2010, la Coopérative des productrices de beurre de karité de la commune de Siby (COOPROKASI) est devenue la première coopérative du genre dans notre pays à  obtenir la certification équitable Flo-Cert. « La certification équitable émise par Flo-Cert vient renforcer la mission de la Maison du karité et ce label confirme l’engagement de la coopérative de Siby à  bénéficier des avantages du commerce équitable à  travers le monde. Cela offre à  ses membres un juste prix pour le beurre de karité. Les femmes participent ainsi activement au développement communautaire grâce aux revenus supplémentaires tirés du commerce équitable. l’octroi du label repose sur le respect d’un cahier des charges exigeant défini par Fairtrade Labelling Organisation (FLO) et des contrôles sur place des acteurs économiques (producteurs, importateurs et industriels) », détaille Mme Camara Fatoumata Fabou Camara avec une pointe de fierté. UNE ACTIVITE SAISONNIERE. Malheureusement, les activités de la Maison du karité sont aujourd’hui perturbées par un conflit ouvert entre les autorités municipales de la commune de Siby et la coopérative. Et le différend s’est exacerbé depuis plus deux mois avec la fermeture de la Maison par le maire de la commune. Selon la présidente de la coopérative, Mme Camara Fatoumata Fabou Camara, il y a un peu plus de trois mois, la coopérative a reçu une note de la mairie, expliquant que la coopérative devait payer une taxe mensuelle de 100 000 Fcfa, soit 1,2 million de Fcfa par an. Surprise par cette assignation, certaines femmes de la coopérative, dont la présidente, se sont rendues à  la mairie pour se faire expliquer la justification de cette taxe municipale. « Nous avons expliqué au maire que cette activité est surtout saisonnière et que le taxe qu’il veut imposer allait vraiment nous pénaliser. Comment peut-il nous demander de payer 100 000 Fcfa par mois alors que nous ne gagnons même pas cette somme mensuellement. La mairie n’a rien voulu entendre et a même menacé de fermer la Maison du karité si la somme fixée n’était pas réglée. Nous avons saisi les notabilités du village et les associations de jeunes pour leur expliquer la situation. A notre grande surprise, nous avons été convoquées à  la gendarmerie par la mairie pour nous mettre en demeure de payer sans délai la somme fixée. J’ai expliqué la situation aux gendarmes qui se sont montrés compréhensifs. Nous avons aussi saisi le sous-préfet de Siby et le préfet du cercle de Kati. Celui-ci a tranché en nous demandant de verser 18 000 Fcfa comme taxe annuelle soit 54 000 Fcfa pour les trois années d’activités. Cette décision de Kati a fortement irrité le maire. Sans autre forme de procès, il a envoyé des agents de la mairie fermer par la force notre maison. Ils ont même saccagé du matériel », raconte Mme Traoré Oumou Touré, la magasinière de la coopérative. La préfecture informée de ces faits, dépêcha une mission pour rouvrir la Maison. Faisant toujours fi de la position du préfet, le maire a, il y a trois semaines, envoyé une nouvelle sommation à  la coopérative demandant cette fois-ci le paiement de … 3,9 millions de Fcfa au titre de la taxe. De fait, plus de 1250 femmes voient aujourd’hui leurs revenus menacés par cette escalade d’autant plus incompréhensible que le maire ne s’est jamais soucié d’expliquer la méthode de calcul utilisée pour parvenir à  ces montants démésurés. « Il nous empêche de travailler au gré de son humeur. Tout le monde sait que le karité est un produit saisonnier. Cette Maison est notre seul espoir pour nous épanouir », insiste Mme Traoré Oumou Touré. Nous avons bien tenté de rencontrer le maire pour avoir sa version des événements. Mais nos multiples tentatives sont restées vaines. Que penser d’une telle attitude ?