Sommes-nous en sécurité à Bamako?

l'attentat perpétré dans la nuit du vendredi au restaurant "La Terrasse" à  Bamako a été la goutte d'eau qui a…

l’attentat perpétré dans la nuit du vendredi au restaurant « La Terrasse » à  Bamako a été la goutte d’eau qui a fait débordé le vase des Bamakois qui se sentent livrés à  eux-mêmes en matière de sécurité. Depuis plusieurs années déjà , les voix s’élèvent pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de prendre le problème à  bras le corps. Des vols de moto aux assassinats, en passant par les braquages en plein jour, les choses ne sont guère améliorées depuis la crise de 2012. De nombreuses armes se sont retrouvées dans la nature et les criminels de tout acabit semblent s’être donné rendez-vous dans la capitale malienne. Des mesures inefficaces « Quand tu vois les policiers dans leurs voitures à  l’ORTM, tu as l’impression qu’ils servent à  quelque chose. Ils ne vont jamais dans les zones o๠les malfrats sévissent au vu et au su de tout le monde. Ils sont inefficaces ». Le vieux Traoré habite un quartier populaire de la banlieue de Bamako. Il fulmine car depuis des mois, il ne dort plus que d’un œil. « Ils ont été « rendre visite » à  plusieurs de mes voisins. Ils ont eu le toupet de les réveiller pour, tranquillement, leur demander de donner leurs biens les plus précieux. Or, argent, objets électroniques, motos, ils ont tout emporté, sans tirer un seul coup de feu », raconte celui qui fait le guet sur son toit chaque nuit, carabine à  la main, pour éviter de se faire ainsi dévaliser à  son tour. « On ne peut pas compter sur la police pour nous protéger. La plupart du temps, ils n’ont même pas de munitions dans leurs armes », affirme Boubacar, un jeune mécanicien. Les voleurs eux ont des armes de guerre, et n’hésitent pas à  s’en servir. Boubacar raconte qu’une nuit o๠des voisins se sont rendus compte qu’il y avait des voleurs dans une cour voisine, ils ont appelé la police au commissariat du coin. Personne n’est venu. Ou plutôt si, le lendemain, après que les victimes soient parties elles-mêmes porter plainte audit commissariat. Justice populaire Des crimes plus graves encore ont été signalés ces derniers temps. Plusieurs cas de disparition de jeunes filles ont été évoqués par des proches des victimes. Les malfaiteurs n’hésitent plus à  agir en plein jour, tant ils semblent assurer de la faiblesse de ceux qui doivent assurer la sécurité. Sans parler des collusions entre les deux groupes, « tu fais arrêter un voleur, après C’’est toi qui est en insécurité, parce qu’il a de fortes chances d’être relâché dès le lendemain », déplore une mère de famille de Kalabancoro, l’un des quartiers les moins sûrs de Bamako. La population a peur et de la peur découle les actes les plus irrationnels, et les plus durs. On assiste ainsi depuis deux à  trois ans, à  des scènes terribles de lynchage et de meurtre collectif. Les voleurs se font brûler vifs sans autre forme de procès. Les plus chanceux sont sauvés in extremis…par la police ! De tels actes risquent de se multiplier, car depuis l’attentat de Bamako, la psychose s’est bel et bien installée, malgré que la ville garde son ambiance habituelle. Sur les réseaux sociaux, les internautes, en particulier les plus jeunes, s’affichent avec des armes et clament qu’ils sont prêts « à  tuer quiconque s’attaque à  [leur] famille ». Une situation qui soulève d’autres inquiétudes, car le port d’armes est réglementé au Mali et des engins de morts dans des mains non initiées peuvent se retourner contre ceux qu’ils étaient censés protéger. Autre phénomène auquel on assiste, C’’est la floraison impressionnante des sociétés de gardiennage privées. D’une poignée, il y a trois ans, on en compte aujourd’hui à  tous les coins de rue, qui officient avec plus ou moins de professionnalisme. Plusieurs d’entre elles sont d’ailleurs des filiales de groupes internationalement reconnus. Ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir leurs services ont également leurs solutions. Ils créent des milices de quartier. l’option de l’auto-défense Au quartier Hippodrome, celui-là  même o๠s’est déroulée l’attaque du vendredi dernier, des jeunes font des rondes chaque nuit dans les rues. « Nous n’avons pas le choix, car chaque jour que Dieu fait, un paisible citoyen est dépossédé de sa moto, et pis certains mêmes sont tués à  cause de leur engins. Imaginez un chef de famille braqué devant sa femme et ses enfants pour dévaliser sa maison » s’emporte Mahamoud Maiga, coordinateur du groupe d’autodéfense à  l’Hippodrome. Vers 00h, on peut les voir, dans leurs T-shirts noirs, une trentaine environ, gourdin au poing. Ils jouent aux gendarmes et contrôlent les identités des passants. Leur présence n’a qu’un seul objectif : décourager les cambrioleurs et autres voyous qui seraient tentés de « faire un coup ». Pour les encourager dans leur action bénévole, quelques bonnes volontés mettent la main à  la poche. Les habitants du quartier apprécient en effet l’initiative de ces jeunes volontaires patrouilleurs. « Un week-end o๠J’étais sorti la nuit chercher un médicament pour mon enfant, ils m’ont arrêté pour vérifier ma pièce d’identité. Ils m’ont ensuite accompagné jusqu’au CSCOM de Sikoroni », témoigne d’un habitant de Hippodrome. De l’urgence d’agir Une chose est certaine, la situation a atteint un seuil critique et il urge de corriger les disfonctionnements du système. Et il semblerait que les pouvoirs publics aient pris la mesure de la tâche. Beaucoup se sont plaints de la lenteur de la réaction sécuritaire après l’attaque de La Terrasse (C’’était le sujet de l’émission « Appels sur l’actualité de RFI ce mercredi). « Pendant le week-end, il n’y avait pratiquement pas de patrouille » affirme également un confrère journaliste qui affirme avoir fait exprès quasiment le tour de la ville sans remarquer de changement particulier, sauf devant des endroits stratégiques comme le domicile du chef de l’Etat. Depuis le début de la semaine, les réalités sont tout autres. Les contrôles se sont systématisés et on remarque une augmentation en nombre et en matériel des forces de sécurité dans les rues de Bamako. « C’’est une bonne chose, mais il faut que ça dure, et qu’ils aillent là  o๠sont les malfaiteurs. Ils le savent », assure Boubacar le mécanicien. Même si la sécurité à  100% ne saurait être atteinte, « ce n’est que comme cela que nous serons réellement en sécurité à  Bamako », estime le jeune homme pour qui le sentiment de sécurité n’est pas la chose la mieux partagée en ce moment par les Bamakois.