Or : la mine de Morila cherche un repreneur

Deux ans après sa reprise, la mine de Morila a perdu son principal actionnaire. La société Firefinch a annoncé au Conseil d’administration, le 2 novembre 2022, son incapacité à poursuivre le financement des activités de développement de la société des mines d’or de Morila SA. Une mauvaise nouvelle pour les travailleurs de la société, qui espèrent des mesures idoines pour la continuité des activités et la sauvegarde de leurs emplois.

Acquise auprès de Barrick Gold et Anglogold Ashanti, la mine d’or de Morila a entamé un processus de redynamisation qui n’a pu être mené à terme face à plusieurs contraintes. Les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Mali, la hausse du coût du carburant et d’autres éléments essentiels, comme la non prorogation de la convention d’établissement, sont les difficultés invoquées par la société. S’y ajoutent les difficultés de levée de fonds pour assurer les investissements, selon M. Seydou Séméga, Représentant pays de la filiale malienne de Firefinch.

Dans un véritable cri du cœur, les responsables de l’usine ont invité les autorités à soutenir la mine afin de préserver les 2 100 emplois. Ils demandent, entre autres, l’abandon des procédures de redressement en cours pour les années 2017, 2018 et 2019. C’est dans le sens de la poursuite des activités que s’est engagée la société, en accord avec la direction. « Le processus d’investissement nouveau se déroule bien car de nombreuses parties ont manifesté de l’intérêt et devraient formuler leurs propositions dans les semaines à venir », assure M. Séméga. Une procédure de retrait qui devra être validée par l’État.

Développer les ressources

En attendant, et pour répondre à certaines affirmations l’accusant de s’être retiré avec la quantité d’or correspondant au montant de ses investissements, M. Séméga précise que le processus d’extraction des grandes mines est sous le contrôle strict de l’État et qu’aucune société n’a la latitude d’agir de façon non conventionnelle. « Firefinch a une créance de plus de 60 milliards de francs CFA sur Morila, correspondant aux coûts d’investissement inter-compagnies. Toutefois, Firefinch s’est dite disposée à annuler cette créance dans la mesure où cela permettrait au nouveau repreneur de pleinement jouir des opportunités de développement de Morila ». M. Séméga ajoute que l’or produit les deux dernières années a juste permis un maintien du niveau minimal opérationnel, sans faire face aux dépenses opérationnelles. Ce retrait n’a aucun impact sur les activités de Firefinch, qui intervient sur d’autres segments au Mali. Elle a acquis 17% des actions de Leo lithium, investisseur avec Gafend lithium de la mine de lithium de Goulamina, en phase de développement. Le ministère des Mines n’a pas réagi à nos sollicitations.

L’or du Mali, à qui profite l’exploitation du précieux métal jaune?

Le Mali, troisième producteur d’or d’Afrique, est le 175ème pays à  l’échelle du développement humain. Au Mali, l’exportation de l’or a dépassé celle du coton dans la balance nationale et celle-ci peine à  retrouver son niveau antérieur de 2005 et 2006. En 2009, le Mali continue de montrer un taux d’alphabétisation de 70 % et 90% et la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Le Mali profite-il vraiment de l’actuelle ruée vers l’or ? Pour le Fond Monétaire international (FMI), l’impact direct sur la réduction de la pauvreté et les revenus nationaux, serait limité en raison de la nature enclavée du secteur, qui exige une technologie supérieure. La hausse des prix mondiaux de l’or stimulerait également les recettes fiscales et accélérerait les capacités d’exploration et d’exploitation du secteur minier, mais les effets économiques sur la main d’œuvre et les intrants seraient relativement modestes. l’or n’a ainsi aucun effet d’entraà®nement direct sur l’industrie malienne. La majorité de l’or extrait au Mali est exportée vers l’Afrique du Sud ( plus de 159 milliards FCFA soit 59,2% de la totalité des exportations ) et vers la Suisse (40,8%). Le métal jaune malien est surtout raffiné à  l’étranger. Combien l’or rapporte au Mali ? En neuf ans, entre 1997, date d’ouverture de la mine de Sadiola, et 2005, lorsque la commission de l’énergie et des Mines au Mali, rend son rapport à  l’Assemblée Nationale, les quatre mines d’or industrielles du pays ont injecté dans l’économie malienne, environ 690,72 milliard de francs CFA par an et 341, 7 milliards vont à  l’Etat. Viennent les fournisseurs rémunérés à  hauteur de 294,4 milliards de francs CFA, puis les salariés, auxquels 45 ,3 milliards de francs ont été versées pendant neuf ans, soit 6,5 % de la rente minière. Enfin, premier concernés dernier servis, les communautés locales n’ont bénéficié que de 9,2 milliards de francs soit 1,3 %. Sans surprise, Sadiola est par ancienneté, la première mine à  contribuer à  la rente aurifère malienne (à  hauteur de 330,3 milliards de franc CFA ou 47,7 % du total). La mine de Kalana, elle a rapporté après un an d’exploitation 3,74 milliards (0,5%). Cette manne représente 30% de la valeur des exportations maliennes d’or entre 1997 et 2005, C’’est aussi l’équivalent des dépenses du gouvernement malien dans la santé et l’éducation pour une période de deux ans. C’’est aussi le poids de l’or d’une seule mine de Sadiola, commercialisé entre 1997 et 2002(614,8 milliards de francs CFA ). l’autarcie sectorielle de l’or… Les raisons de l’autarcie sectorielle de l’or sont de deux ordres : La première est inhérente au secteur minier peu consommateur de main d’œuvre au Mali. Quand le coton nourrit 3,3 millions de personnes travaillant dans 200.00 exploitations, les mines emploient officiellement 12.000 personnes, soit à  peine un dixième du nombre de salariés que comprend le secteur formel, au Mali, et l’économie informelle représentait 41 % du PIB entre 1999 et 2000. Pourtant sur le terrain, moins de 3000 personnes suffissent à  exploiter les deux principales mines du pays, Sadiola (1200) et Morila (1100 emplois). Ces données comprennent les expatriés même si plus de neuf emplois sur dix sont occupés par des maliens. La seconde est inhérente aux travers structurels de l’économie malienne : l’enclavement d’abord avec 7000 km de frontières avec sept pays, le délabrement des infrastructures routières, la sous-industrialisation commune à  toute l’Afrique exception faite de l’Afrique du sud, avec un secteur secondaire est séparément marginal (17,9% du PIB en 2004). Le cyanure à  l’origine des dégâts ! l’origine de l’empoisonnement contracté par les populations locales et les morts inexpliquées d’animaux, surtout à  Sadiola, Morila et Yatela o๠les services chargés de la protection de l’environnement basés, à  Kayes se disent incapables d’agir, créent l’inquiétude. Selon l’article 60 du code de l’eau, les unités industrielles ont l’obligation de traiter leurs effluents (C’’est à  dires leurs déchets), avant de les déverser dans la nature. Ce qui, de l’avis des spécialistes, est loin d’être le cas des sociétés minières, opérant sur notre sol. A en croire ces spécialistes, la concentration de cyanure dans les eaux souterraines de Sadiola, Morila et Yatela est supérieur à  0 ,07mg par titre d’eau. Or selon les experts, la contamination par le cyanure, affecte sept générations. Selon une source proche du service environnement de la société d’exploitation des mines de Sadiola (SEMOS), il n’y a aucune crainte à  avoir, vis-à -vis du cyanure. « Les rayons du soleil détruisent la toxicité du cyanure » dit –il. Une hypothèse battue en brèche par les ONG nationales et internationales. A en croire une étude menée, par l’ONG « Guamina » sur ces sites miniers, l’inquiétude des populations locales est légitime. La création d’une véritable industrie aurifère au Mali revient régulièrement dans le débat public. Récemment, l’Assemblée nationale a émis une recommandation au gouvernement, pour réaliser un audit sur la production d’or et l’installation de raffineries pour soutenir les industries extractives. Mais les faibles quantités d’ or traitées au Mali rendent cette perceptive difficile.