Tombouctou perd ses saints

Si à  Gao, les jeunes de la ville se sont mobilisés pour empêcher la destruction du Tombeau des Askias, l'un…

Si à  Gao, les jeunes de la ville se sont mobilisés pour empêcher la destruction du Tombeau des Askias, l’un des édifices religieux les plus connus d’Afrique, à  Tombouctou, les populations sont impuissantes face aux islamistes d’Ançar Dine qui ont décidé de casser tous les mausolées. Pour eux, C’’est « haram » (interdit, blasphème) de vénérer des saints dans l’islam. De plus, selon les théoriciens et les miliciens de l’islam le plus rigoriste, en vertu du principe de la soumission des croyants devant Dieu il existe une ‘injonction du « nivellement des tombes » qui se doivent d’être anonymes et discrètes. Ce sont ces arguments qui sont avancés pour justifier la disparition d’un patrimoine mondial qui attire chaque année des milliers de fidèles et de touristes. Le tollé est général et à  présent ce sont des appels à  l’action qui fusent du monde entier. l’apparente apathie du gouvernement du Mali face à  la destruction de biens culturels séculaires suscite l’incompréhension et l’indignation, surtout au niveau national. l’Unesco, saisie, il y a quelques jours par les autorités maliennes ne peut pas grand-chose et ce ne sont pas les menaces du n°1 de la CPI qui vont arrêter les salafistes. Les destructions de mausolées, des actes de guerre La destruction de sites vénérés par les musulmans n’est pas l’apanage d’Ançar Dine qui contrôle la ville de Tombouctou. En Libye, à  la faveur de la guerre civile qui a conduit à  la chute de Kadhafi, des miliciens salafistes ont détruit à  la roquette plusieurs mausolées de saints musulmans, nous rappelle le journal Le Monde. Au Yémen, en 1994, le mausolée d’al-Aydarus, considéré comme le saint patron d’Aden, était détruit à  la grenade et au bulldozer. Mais, toujours selon le journal, cette pratique remonte à  encore plus loin. En 1805-1806, lors de la prise de La Mecque et de Médine, les villes saintes de l’islam, par les hommes de Saoud, troisième souverain de la dynastie du même nom qui règne aujourd’hui sur l’Arabie saoudite, ces derniers entreprirent de détruire les dômes érigés au dessus des tombes de Khadija, la première épouse du Prophète, et de Hassan et Hussayn, ses petits-fils ; le mausolée du Prophète lui-même fut épargné, mais pas le trésor accumulé depuis des siècles par les dons des fidèles dans sa Chambre funéraire (la Hujra), qui fut entièrement pillé. Les salafistes d’Ansar Eddine s’inscrivent ainsi dans un courant doctrinal dont les représentants les plus actifs sont les Wahhabites d’Arabie saoudite (qui pour certains réclament toujours le démantèlement de la Hujra à  Médine), et dont les maà®tres à  penser sont aussi anciens qu’Ibn Taymiyya (1263-1328) et Ibn Hanbal (780-855), concluent nos confrères. C’’est un pan de l’histoire de l’islam et de l’humanité en général qui est ainsi en train de disparaitre sous nos yeux. Monuments en banco, les mosquées et leurs mausolées sont également une richesse culturelle, architecturale. Même s’il existe la possibilité de les reconstruire un jour, C’’est aussi l’impact moral de ces destructions qui préoccupe les observateurs de la crise malienne. Les populations en plein désarroi sont en train de subir un véritable lavage de cerveau idéologique et les villes sous contrôle des islamistes risquent de glisser vers un islam pur et dur, terreau de tous les extrémismes. Tombouctou est tout simplement en train de perdre son âmeÂ