Touche pas à ma constitution écrit à ATT: « Vous risquez d’engendrer un régime monstrueux »

"Monsieur le président, avec cette Constitution, vous risquez d'engendrer un régime monstrueux !" L'Assemblée Nationale perdra désormais tous ses pouvoirs,…

« Monsieur le président, avec cette Constitution, vous risquez d’engendrer un régime monstrueux ! » L’Assemblée Nationale perdra désormais tous ses pouvoirs, puisque avec la Réforme proposée, c’est le président de la République qui définit la politique de la nation, nomme le Premier ministre et le révoque selon son humeur faisant fi du fait majoritaire. C’est lui également qui nomme le Directeur Général des élections et le Président du Conseil Supérieur de l’audiovisuel, c’est encore lui qui va désigner les 03 membres de la Cour Constitutionnelle. De surcroà®t, le Président de la République va nommer le Président de la Cour Constitutionnelle. Toujours lui, le Président de la République va désigner des membres du Conseil économique, social et Culturel. Excepté, la durée et la limitation du nombre de mandats du président de la République, c’est encore, lui, qui décide souverainement de l’opportunité de soumettre un projet de révision constitutionnelle au Parlement convoqué en congrès ou à  un référendum. Conscient de cela, vous-même avez déclaré devant les plénipotentiaires de la Uma Islamia venue vous présenter les vœux de la Fête de l’Aà¯d el Fitr, « on parle d’un empereur, je ne serai pas cet empereur, car je m’en vais ». Alors, quel besoin de doter les Maliens d’un empereur en quittant vos fonctions de Président de la République ? Au demeurant, la Constitution du 25 février 1992, déjà , disposait :Le président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères. Il nomme aux emplois civils et militaires supérieurs. Il préside le Conseil des Ministres, le Conseil Supérieur de la Magistrature, le Conseil Supérieur et le Comité de Défense Nationale. Il décrète l’état de siège et l’état d’urgence. Il peut dissoudre l’Assemblée Nationale. Comment, avec un tel renforcement des pouvoirs du président de la République et un tel déséquilibre des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire on peut parler de renforcement de la démocratie ? Paraphrasant le président Barak Obama, nous dirons : l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts ; elle a besoin d’Institutions fortes parce que démocratiques. Or, cette Constitution installe plutôt un autocrate. *La création de la deuxième chambre du parlement n’est pas des plus heureuses non plus, l’existence d’un Sénat, ne se justifiant point. Elle va constituer une lourde charge pour le peuple malien sans pour autant améliorer le processus d’adoption des lois. Le système parlementaire malien a fonctionné sans anicroches, si ce n’est ces dix dernières années, pendant lesquelles le fait partisan a été déprécié. Il suffit de renforcer les capacités de l’Assemblée Nationale et du Haut Conseil des Collectivités Territoriales, en dotant chacune de ces institutions d’une véritable administration pour leur permettre d’accomplir correctement leur mission. Le réaménagement de la Justice n’aura d’autre effet qu’un affaiblissement du pouvoir judiciaire et l’amoindrissement de son indépendance. La nomination du président de la Cour Constitutionnelle constitue une régression notable dans la gouvernance de cette juridiction. En effet, substituer le mode de nomination à  celui d’élection est anti-démocratique dans le cas d’espèce. Quant à  la Cour des Comptes, la formulation malencontreuse de ses prérogatives occulte le fait que cette juridiction est une composante à  part entière du pouvoir judiciaire, et qu’elle ne saurait être mise à  la disposition du Parlement et du Gouvernement pour le contrôle de l’exécution de la loi des finances. Pour le Constituant de 1992, la consultation du Conseil Economique, Social et Culturel était obligatoire « sur tout projet de loi des finances, tout projet de plan ou de programme économique social et culturel ainsi que sur toutes dispositions législatives à  caractère fiscal, économique, social et culturel ». Celle-ci devient facultative pour tout projet de plan ou de programme et les textes législatif ou réglementaire à  caractère fiscal, économique, social et culturel. Les projets de loi de finances ne constituent plus des textes pour lesquels le Conseil peut être consulté. Il y a là  un affaiblissement de l’institution et en même temps une augmentation de l’effectif des membres à  travers la désignation par le président de la République de « personnalités qualifiées dans le domaine économique, social et culturel dont des chercheurs et des universitaires ». Il y a là  un paradoxe, augmenter le nombre de personnes ressources et diminuer le pouvoir de l’Institution concernée. La nouvelle procédure de révision constitutionnelle préconisée par la réforme fait craindre que le Congrès (Session conjointe des deux Chambres) soit un instrument à  la disposition du Président de la République lui permettant de faire l’économie du référendum chaque fois qu’il souhaite réviser la Constitution pour la rendre conforme à  ses pratiques et désidérata. Comme vous l’avez constaté, Excellence Monsieur le président de la République, aucune de ces réformes ne se justifie, à  plus forte raison n’apporte le moindre plus à  notre évolution démocratique. Bien au contraire, c’est une fâcheuse régression, porteuse de crise grave pour un avenir immédiat. Le Mali vient d’être déclaré, premier pays réformateur de la zone UEMOA. Cela ne doit pas constituer un encouragement pour persister dans la voie de la concrétisation d’une réforme constitutionnelle qui, de l’avis de tous les observateurs objectifs et avertis, marque une régression de l’Etat de droit. Monsieur le Président, ne pensez vous pas que la décision d’ôter le droit de se présenter à  l’élection présidentielle à  des citoyens maliens ayant la double nationalité mériterait un débat national ? Ce qui urge, ici et maintenant, Monsieur le président, c’est de focaliser toutes les énergies, tous les efforts sur une très bonne préparation des élections : Présidentielle et Législatives. Il faudra éviter la fraude et pour ce faire, doter le pays d’un fichier électoral fiable. Le Mali n’a besoin que de paix, de stabilité, gages de son développement. Le couplage du référendum constitutionnel et du 1er tour de l’élection présidentielle est juridiquement sujet à  caution, constitue une bombe et vous n’avez pas le droit de mettre en péril la quiétude nationale. Nous vous invitons enfin à  méditer sur les expériences des différents pays qui se sont engagés dans ce type de tripatouillage des Constitutions, sur l’échec cuisant de certains auteurs de ce tripatouillage sur la violence que ce type d’initiative a engendrée parfois, les populations conscientisées refusant de se laisser manipuler. Cette initiative est grosse de périls pour vous et pour tous les Maliens, car ce texte ne suscite aucun engouement et n’a été approuvé que du bout des lèvres, et au prix de quel marchandage ! Monsieur le président, vous le savez et nous aussi le savons, quels efforts vous avez déployés, quelles cordes sensibles vous avez fait vibrer, de quels types d’arguments vous avez usés pour obtenir l’adoption par les Etats Majors politiques, et (parfois par les seuls leaders des Partis), l’adoption d’un projet de Constitution pourtant décrié par l’ensemble de la classe politique et beaucoup de chefs religieux. Une Constitution qui a inspiré réserves et scepticisme des chancelleries quant au bien fondé de votre détermination à  laisser une Loi si controversée aux générations futures ! Monsieur le président, l’histoire enseigne et la pratique l’a largement démontré que ceux qui longtemps violent la conscience des citoyennes et des citoyens de leur pays connaitront un jour la révolte et la violence de leurs peuples frustrés. Monsieur le président, le référendum s’annonce d’autant plus âpre que la classe politique s’est déjà  tournée vers un avenir sans vous, y compris dans les rangs de ceux qui se clament comme vos partenaires les plus fervents, qui ont d’autres préoccupations et sont très peu enclins d’ailleurs à  épuiser le peu de force qui leur reste dans un combat qui ne suscite pas trop l’adhésion des élites et de la population. Un échec est à  craindre et pourrait rendre votre sortie bien moins glorieuse que celle souhaitée, pour vous, par les acteurs du 26 mars 1991. Nous terminons cette lettre en pensant que vous avez compris le pourquoi de notre opposition à  la tenue de ce référendum et en souhaitant que nous vous avons convaincu de la nécessité d’y renoncer pour le Mali. Vous n’en sortirez que plus grand. Veuillez croire, Monsieur le président de la République, en la sincérité de nos sentiments républicains démocratiques et patriotiques. source:L’Indépendant mali