Économie




Transport aérien : Un frein nommé surtaxe

« Bamako, c’est l’aéroport le plus cher du monde ». Une affirmation d’un acteur du secteur du transport aérien qui fait l’unanimité :…

« Bamako, c’est l’aéroport le plus cher du monde ». Une affirmation d’un acteur du secteur du transport aérien qui fait l’unanimité : la destination attire toujours du monde, en particulier pour le tourisme d’affaires, mais les taxes et charges grèvent lourdement le prix du billet, et ce, quel que soit l’itinéraire du passager. De quoi décourager la grande majorité des clients potentiels qui préfèrent se rabattre sur les bus pour rallier, en particulier, les villes de la sous-région ouest-africaine. Une situation contre laquelle les différents acteurs sont engagés depuis des années, mais ce combat peine à porter des fruits.

L’Aéroport international Modibo Keïta – Bamako Senou a depuis quelques mois un nouveau visage. Après des années d’attente à voir sortir de terre le joyau architectural qu’est la nouvelle aérogare et avec les investissements réalisés en prélude au Sommet Afrique-France de janvier 2017, c’est une infrastructure aux normes internationales qui accueille désormais les milliers de passagers, arrivant à Bamako ou en transit. « Ça fait plaisir de voir que notre aéroport ressemble enfin à ceux d’Abidjan ou Dakar. On est à l’aise avec la nouvelle aérogare », se réjouit Mohamed, passager Air France qui rentre de mission. « C’est la première fois que je passe dans ce genre de tunnel (passerelle télescopique, ndlr) pour aller dans l’avion. On se croirait en Europe ! », s’enthousiasme Achétou, en train d’embarquer pour un long périple qui la mène à Dubaï, via l’Éthiopie. L’aéroport de Bamako est pourtant toujours en chantier, mais les autorités aéroportuaires promettent la fin prochaine des installations pour que les opérateurs et les passagers puissent avoir accès à toutes les commodités d’un aéroport de standing international : comptoirs et bornes d’enregistrement, système de convoyage de bagages, système de sécurité de pointe, espaces commerciaux, cadre d’accueil chaleureux et bien organisé, etc. Sur ses 18 000 m2, ce sont donc désormais des services aux normes qu’offre le principal aéroport du Mali. L’ancienne aérogare, en cours de rénovation, devrait bientôt remplir d’autres usages, encore en cours de détermination au niveau des autorités des Aéroports du Mali, en collaboration avec leurs partenaires. Une chose est sure, Bamako a désormais toute les cartes en main pour devenir le hub sous-régional qu’elle aspire à être et accueillir le monde entier. Les compagnies aériennes ne s’y sont d’ailleurs pas trompées et l’offre s’enrichit à chaque saison. Entre les compagnies aériennes africaines qui arrivent sur le marché (CEIBA International de Guinée Équatoriale et Rwandair, 16ème et 17ème compagnies à desservir le Mali), et les compagnies internationales qui améliorent leur prestation en proposant des avions plus confortables, des circuits plus courts pour rallier les destinations, ou encore des services au sol de standing, les passagers au départ ou à destination de Bamako ont désormais l’embarras du choix. Pourtant, la grande majorité préfère encore faire de longues heures de bus pour rallier Ouagadougou, Dakar ou Lomé. En cause, le prix exorbitant des billets d’avion.

Taxes prohibitives « Aller à Lomé me coûte plus cher que d’aller à Paris », s’insurge Aristide, ressortissant togolais vivant à Bamako et qui, malgré l’inconfort et surtout la longueur du trajet, réfléchit encore pour son voyage vers son pays d’origine. « Un billet en classe éco au départ de Bamako pour Paris me revient autour de 400 000 francs CFA. C’est le même tarif pratiquement (395 000) qu’on me donne pour aller à Lomé, à 2 000 kilomètres d’ici », explique notre interlocuteur. « C’est décourageant, et ce n’est pas avec ce genre de prix qu’on va convaincre les gens de prendre l’avion », termine-t-il.

Une situation dont sont pleinement conscients les représentants des compagnies aériennes présentes au Mali, réunies au sein de l’Alliance des représentants de compagnies aériennes (ARCA-Mali). Les 15 compagnies qui en sont membres ont transporté en 2016, environ 700 000 passagers et entendent bien multiplier ce chiffre par deux, afin d’exploiter les capacités de l’aéroport portées à 1 500 000 passagers par an. « L’avenir du transport aérien passera par une baisse des coûts qui permettra, de fait, une baisse des prix des billets. En effet, les taxes, les redevances et le coût du carburant pèsent lourd sur notre activité », reconnait Benoit Autret, président de ARCA Mali et chef de la représentation d’Air France à Bamako. Une dizaine de taxes et redevances au minimum, qui correspondent en général à 30 à 40% du prix de vente du billet. « Tout le reste est reversé à l’État ou à ses démembrements en charge de la gestion du transport aérien », nous explique un autre représentant de compagnie.

Les taxes d’aéroport couvrent, entre autres, l’entretien des aéroports, la sécurité des pistes de décollage et d’atterrissage, la prévention pour l’environnement. En règle générale, les taxes d’aéroport sont payées par les passagers auprès des compagnies aériennes, qui reversent ensuite leur montant à l’État. Celui-ci les redistribue ensuite aux aéroports. Si le calcul des taxes est complexe, il existe un détail des taxes qui sont réparties en différents codes et qui correspondent à la redevance passager, perçue par l’aéroport au titre de l’utilisation de ses aérogares par le passager, à la taxe surcharge compagnie aérienne, perçue par la compagnie aérienne pour compenser l’augmentation du prix du pétrole, ou encore la taxe sûreté sécurité environnement, perçue par l’État et qui finance les mesures de sûreté et de sécurité, tel le contrôle des passagers et des bagages, ou encore la protection contre les incendies. Cette dernière est reversée aux gestionnaires d’aéroports. Autant de petits montants qui, mis bout à bout, font augmenter la facture adressée au passager. « Au 1er janvier, on devait payer une nouvelle taxe qui allait s’ajouter à ce que l’on facture déjà au client. Un montant de 12 500 francs CFA qui devait être ajouté pour prendre en charge de nouveaux coûts de sécurité, mais nous avons réussi à faire surseoir cette mesure, après avoir rencontré la ministre de l’Équipement, du Transport et du Désenclavement. Elle est très pragmatique et travaille avec nous », explique un autre membre de l’ARCA.

« De toutes les façons, les prix des billets vont augmenter bientôt, poursuit notre interlocuteur. Avec le nouveau terminal, les prestations seront majorées de 30% et cette augmentation va être directement imputée au passager sur le prix du billet ». Une mauvaise nouvelle pour les passagers mais aussi pour les compagnies aériennes, qui vont devoir redoubler d’attractivité pour atteindre leurs objectifs. « C’est à nous de faire en sorte qu’au lieu de prendre la route pour aller à Dakar, Abidjan ou Ouaga, l’avion devienne un moyen de transport facile et à la portée de tout le monde », conclut le président de l’ARCA, qui lance : « arrêtons de surtaxer notre secteur, il en va de son avenir et de son développement ».