Un habitant de Gao témoigne : « C’était horrible »

Le 31 mars 2012,nous étions tranquillement assis à  la maison, mes compagnons et moi, lorsque nous avons entendu des tirs.…

Le 31 mars 2012,nous étions tranquillement assis à  la maison, mes compagnons et moi, lorsque nous avons entendu des tirs. Nous étions à  mille lieux d’imaginer que Gao était en train d’être attaquée, même si nous étions sur le qui-vive depuis la prise de Kidal, la veille. Les tirs étaient de plus en plus fréquents. Nous avons été obligés de nous cacher dans nos maisons. Du fond de ma chambre J’ai entendu un hélicoptère de l’ armée survoler la ville. C’’est à  ce moment que J’ai compris la gravité de la situation. Vers le soir les armes se sont tues mais on ne savait pas qui contrôlait quoi. « Le coup d’Etat a fait plus de mal que de bien » Le lendemain les groupes armés qui avaient été chassés sont revenus et ont pris la ville Gao sans rencontrer la moindre résistance. Les militaires avaient fui ! J’ai le sentiment que les populations du nord ont été abandonnées par les autorités du Mali. Je n’ai jamais pensé un seul jour que la ville des Askias pourrait tomber aussi facilement. Ceux qui vivent dans le Nord Mali vont jusqu’à  dire que le coup d’Etat leur a fait plus de mal que de bien parce qu’au moment o๠les mutins fêtaient leur victoire, les populations vivaient dans une peur sans précédent. Car juste après le coup d’Etat l’armée s’est retirée, laissant les populations seules face à  des bandits qui n’ont pas hésité à  les violenter. « Honte à  toutes ces personnes qui ont violé des femmes ! » Des hommes enturbannés, armés de kalachnikov ont pris la place des forces armées et de l’administration. Les scènes qui se sont déroulées à  Gao se passent de commentaires. Il faut les avoir vues et vécues pour s’en faire une idée. De la fumée noire s’échappait des bâtiments en feu, des tirs se faisaient entendre, des habitants fuyaient tandis que d’autres pillaient des magasins. Des banques, l’hôpital, des centres de santé, des services publics ont été pillés. Le MNLA et Ançar Dine se sont rendus responsables de violations des droits de l’homme. J’ai vu des personnes égorgées, des cadavres trainés par terre, des rebelles montés sur des dépouilles humaines comme si de rien n’était. C’était horrible. Et il faut le dire haut et fort à  qui veut l’entendre : il y a eu des crimes contre l’humanité à  Gao. Honte à  toutes ces personnes qui ont violé des femmes alors qu’ils ont tous des femmes, des sœurs et des filles ! « Rêve absurde » Comme beaucoup d’habitants, j’ai essayé de quitter la ville. Le 3 avril, j’ai réussi à  monter dans un car en direction de Bamako. Tout au long du trajet les images de scènes horribles me revenaient en tête. Je pense toujours à  mes frères qui vivent encore l’enfer à  Gao. J’ai longuement réfléchi aux revendications du MNLA. Jamais ces utopistes ne réaliseront ce rêve absurde. Je lance un cri du C’œur aux nouvelles autorités pour qu’elles gèrent la crise avec la plus grande responsabilité et la plus grande ténacité afin que le Mali retrouve son intégrité territoriale. Boubacar Mahamane Tandina