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Vers une islamisation de la politique au Mali?

Le printemps arabe a installé au pouvoir des partis islamistes dans les pays du Maghreb. Au Mali, on n'aura pas…

Le printemps arabe a installé au pouvoir des partis islamistes dans les pays du Maghreb. Au Mali, on n’aura pas eu besoin de révolution pour voir les leaders religieux s’immiscer avec succès dans le débat politique. Leur intervention dans le processus d’adoption du code des personnes et de la famille a fait faire demi-tour à  l’Etat et aujourd’hui, leur voix se fait entendre dans tous les secteurs de la vie publique et donc aussi en politique. Chez nos voisins sénégalais, les marabouts et autres dignitaires religieux sont des faiseurs de rois. Il leur suffit d’afficher de la sympathie pour tel ou tel homme d’Etat ou commerçants pour voir sa cote de popularité augmenter ou ses affaires redécoller. Il semble que le phénomène ait gagné le Mali, à  voir le défilé des hommes politiques chez les leaders religieux depuis quelques semaines. On tient à  montrer que l’on a reçu la bénédiction de tel ou tel, histoire de s’attirer au final les suffrages d’un peuple en désamour avec la chose politique. Démonstration de force Preuve de leur influence croissante, les associations islamiques avaient demandé aux imams de dresser le portrait robot du nouveau président. C’’était le 14 janvier dernier, le Haut Conseil islamique du Mali, l’instance suprême qui représente la communauté musulmane, tenait grand meeting symbolique au Stade du 26 mars de Bamako. Il en avait profité pour donner son avis sur les grandes questions d’actualité concernant le pays. Code des personnes et de la famille, élection présidentielle, situation au Nord, voilà  les principaux thèmes qui étaient au C’œur des échanges. Bravo au Haut Conseil islamique pour avoir obliger les trois plus grandes institutions de la République à  relire le Code. Mais lorsque le président de l’instance suprême musulmane met en garde les opposants du texte, il y a danger. Danger sur la liberté d’expression et d’opinion, puisque on se permet de menacer quelqu’un qui n’est pas d’accord avec soi. Celui là  est taxé de corrompu, de vendu aux puissances impérialistes extérieures. Mais a-t-on jamais demandé aux associations islamiques d’o๠proviennent leurs financements ? Arbitres, pas joueurs Quid des prochaines élections présidentielles ? Depuis 2009, la montée des courants islamistes en politique était prévisible. Mais à  défaut de désigner quelqu’un dans leur rang, les religieux envisageraient de donner des consignes de vote en faveur du candidat qui répondrait aux critères définis par eux-mêmes. Ce qui serait, au regard du passé, une très mauvaise initiative. En 2002, les initiateurs d’un appel similaire avaient été ridiculisés par le résultat obtenu par le candidat qu’ils soutenaient. Les dirigeants religieux ont un rôle très important à  jouer dans la société. En tant que leaders d’opinion, ils peuvent et doivent servir d’arbitres, de canalisateurs des différents intérêts qui s’opposent parfois violemment. Mais quand les arbitres décident de devenir des acteurs principaux, les règles du jeu sont faussées. Avec la présidence de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) confiée à  un membre influent du Haut Conseil, les associations islamiques ont l’obligation d’observer une stricte neutralité entre les différentes forces en compétition. Il y va de leur crédibilité et de leur honorabilité.