Zeynab Souleymane : « Contre la violence, la parole est une arme »

Dans ses yeux, des larmes perlent. A Bamako o๠elle est déplacée depuis 6 mois, maintenant, Zeynab Souleymane réapprend à …

Dans ses yeux, des larmes perlent. A Bamako o๠elle est déplacée depuis 6 mois, maintenant, Zeynab Souleymane réapprend à  vivre sans ses repères habituels depuis qu’elle a quitté Gao début avril. «Â Ma sœur m’avait envoyé acheter du savon pour qu’on aille laver le linge sale au fleuve. Quand je suis revenue à  la maison, j‘ai entendu leur voix. Je me suis approchée d’une fenêtre et je les ai vu la brutaliser. Ils étaient plusieurs. Ils avaient des armes. Ensuite, l‘un d‘eux m’a surpris et a attrapé…». Zeynab s’arrête. A bientôt quinze ans, sa vie a basculé en quelques heures. Viols sur mineures Les jours qui ont suivi son agression, Zeynab s’est réfugiée chez une amie au quartier Goulboudien. « La famille de Mintou voulait aller à  Bamako. Ils disaient que ces hommes n’allaient pas tarder et s’en prendraient à  n’importe quelle jeune fille. Il fallait donc partir ou rester enfermée dans les maisons » Zeynab n’est jamais retournée chez elle. Depuis la prise de la ville de Gao début avril, les habitants vivent dans la peur et les atteintes aux droits humains se sont multipliées dans le Nord du Mali depuis le coup d‘état du 22 Mars. Selon le premier rapport d’Amnesty sur les conséquences de la crise, de nombreuses jeunes filles mineures à  Gao ont été enlevées et emmenées de force dans les camps pour subir des viols collectifs. l’une d’elles, âgée de 16 ans, témoigne : « Cinq rebelles sont venus me chercher de force, ils parlaient tamasheq [langue parlée par les Touaregs] et certains songhay. Ils m’ont emmenée en brousse et m’ont violée. Je suis restée là -bas deux jours. Durant cette période, J’ai été violée plusieurs fois. » A son arrivée à  Bamako, Zeynab a plusieurs tenté de joindre ses proches sans succès : « Ici à  Bamako, c’est la Croix rouge qui m‘a informé sur les personnes déplacées mais je n’ai trouvé le nom d’aucun membre de ma famille sur leurs listes ». En Mai, on recensait près de 130 000 personnes déplacées à  l’intérieur du Mali et plus de 200 000 dans les camps de réfugiés voisins. Des chiffres qui ont évolué depuis. « Comment notre pays a t-il pu en arriver là  ? », s’insurge Zeynab. La jeune fille avoue se sentir perdue dans cette grande ville qu’est Bamako. Surtout en cette période de rentrée scolaire, elle a perdu tout envie pour les études. Zeynab a ensuite appris par une correspondance, que ses parents étaient réfugiés dans un camp au Niger. Sa sœur aà®née reste introuvable. Mourir ou parler Entre partir rejoindre les siens au Niger ou rester à  Bamako, Zeynab n’a pas trop le choix. Si elle trouve que la libération du nord reste un problème national qui prend beaucoup trop de temps, elle n‘envisage aucun déplacement pour le moment et n‘en a pas les moyens. A l’inverse de nombreuses jeunes filles déplacées à  Bamako et qui gardent le silence sur ce qu’elles ont subi, Zeynab estime que témoigner permet d’alléger un peu les souffrances. Pour elle, la journée mondiale consacrée aux petites filles est surtout l’occasion de sensibiliser sur les violences faà®tes au sexe faible au nord du Mali. Désormais, la télévision et la lecture sont devenus les seuls loisirs de Zeynab, qui épluche constamment les journaux à  la recherche d’informations sur sa ville. Car malgré l’insistance de sa tante à  reprendre les cours, Zeynab Souleymane ne veut qu’une chose. Revoir les siens !