Culture




Les manuscrits de Tombouctou, trésor historique mondial

« On dit qu’en Afrique il n’y a pas d’histoire écrite, or l’histoire de l’Afrique est là, écrite, sur ces manuscrits…

« On dit qu’en Afrique il n’y a pas d’histoire écrite, or l’histoire de l’Afrique est là, écrite, sur ces manuscrits depuis plusieurs siècles. C’est notre histoire, mais aussi celle du monde », déclare Abdelkader Haïdara, directeur général de Savama DCI, ONG chargée de la restauration et de l’archivage de centaines de milliers de manuscrits de Tombouctou.

Ces manuscrits multiséculaires ont eu plusieurs chances : le climat de Tombouctou, sec, qui a permis leur conservation à travers le temps, la dévotion des familles qui les ont conservés au fil des siècles, et la détermination d’un homme, Abdelkader Haïdara, à les sauver de la destruction. Les plus anciens manuscrits découverts dateraient du 11ème siècle. Ils sont issus des empires qui se sont succédés au Mali entre le 10ème et le 17ème siècle. « Ces empires avaient des gouvernements, des administrations. Ils nous ont laissé de multiples traces écrites », explique l’artisan chevronné du sauvetage des manuscrits. C’est à Tombouctou, épicentre de la culture islamique médiévale, carrefour des savoirs, que le plus grand nombre ont été retrouvés, conservés et cachés, de génération en génération, par des familles qui, d’abord très méfiantes, ont accepté de sortir ces précieux textes pour les conserver dans plus d’une vingtaine de bibliothèques de la ville. En 2012, quand l’insurrection éclate au nord et que les islamistes jihadistes d’AQMI envahissent Tombouctou, la ville est en proie au chaos. Protéger les manuscrits des autodafés et de la destruction devient crucial. « Il fallait trouver une solution. J’ai appelé toutes les bibliothèques et nous avons décidé de cacher les manuscrits dans des familles. Mêlés aux casseurs et aux pilleurs, dans la confusion générale, nous avons pu les évacuer », raconte M. Haïdara. Le risque est écarté, provisoirement, et c’est à Bamako qu’il décide d’acheminer les anciens textes pour garantir leur sécurité. Il constitue un réseau composé de 90 personnes qui vont, par voie terrestre et fluviale, durant 6 mois, exfiltrer 377 491 manuscrits jusqu’à la capitale, à travers le Mali troublé.

Aujourd’hui, ces trésors sont conservés à l’ONG Savama DCI (Sauvegarde et valorisation des manuscrits) à Bamako. Elle emploie plus de 80 personnes chargées de les répertorier, restaurer, numéroter, numériser et archiver, dans le but de constituer un grand répertoire. Une volonté de rendre éternels ces manuscrits, parvenus jusqu’à nous, réceptacles de savoirs et de pratiques séculaires dont nous ne faisons, après tout, que suivre les traces et perpétuer l’histoire.