Sébastien Philippe : « le livre vise à faire connaître les artistes et les mettre en relation avec les futurs collectionneurs »

Sébastien Philippe, architecte et écrivain, est un Franco-malien installé à Bamako depuis 2001. Amateur et collectionneur d’arts, il est tombé amoureux du savoir-faire des artistes maliens du domaine. Au point de leur dédié un livre de 246 pages intitulé « Figures des arts plastiques du Mali ». Entretien avec l’auteur.

Vous avez un parcours assez atypique, comment d’architecte, vous vous êtes retrouvé dans la littérature ?

Oui effectivement, je suis architecte de profession. J’ai eu mon diplôme d’architecte en 2001 et quelques mois après je suis venu m’installer à Bamako. J’y ai créé ma société d’architecture. En réalité, avant de découvrir le Mali, je me suis toujours intéressé à l’histoire et mon premier projet était d’être un architecte des bâtiments historiques en France et finalement, j’ai découvert le Mali.

Aussitôt arrivé, je me suis intéressé à l’histoire du Mali et surtout à celle de Bamako où je devais m’installer et vivre. J’ai commencé à me poser des questions sur l’histoire et les origines de la ville. J’ai fait des recherches car j’ai toujours rêvé de faire des recherches en archives et ce sont ces recherches qui ont abouti à l’écriture de mon premier livre en 2009 sur l’histoire de la ville de Bamako « une histoire de Bamako ».

C’est comme ça que je me suis retrouvé dans l’écriture par hasard car au début, je voulais juste écrire une petite brochure pour mes amis et finalement j’ai rencontré un couple d’éditeurs grâce auquel j’ai pu publier le livre de Bamako. Juste après, je me suis pris de passion pour l’écriture en faisant d’autres recherches qui ont donné lieu à d’autres livres.

Qu’est ce qui a motivé l’écriture de ce livre sur les Arts plastiques ?

Pour plusieurs raisons. Déjà parce que j’aime l’art et je suis un grand collectionneur. J’achète assez régulièrement des œuvres auprès d’artistes maliens et puis finalement ces artistes je les ai connus à travers le projet du palais de Koulouba, parce que j’étais l’architecte qui a reconstruit le palais entre 2014 et 2017 et à la fin du projet, j’ai proposé que dans au moins chaque pièce du palais présidentiel du Mali, il y ait au moins une œuvre d’art d’artistes maliens. C’est comme ça que j’ai approché des artistes maliens et même lancé un petit concours auprès des artistes maliens pour qu’ils puissent reproduire des œuvres sur le thème du palais dont l’œuvre lauréate a intégré la collection qui été exposée au palais. Voici donc comment je les ai rencontrés et j’ai sympathisé avec certains d’entre eux et je me suis intéressé à leur travail. Arrivé à un moment, c’est un des artistes, Noumouké Camara, qui m’a parlé de la possibilité de faire un livre. Et voilà comment l’idée du projet m’est venue. J’ai mis deux ans à le réaliser. J’ai répertorié 62 artistes dans ce livre.

Comment s’est passé le processus d’écriture ?

Ça n’a pas été évident. D’abord je voulais écrire le livre sous forme de magazine, comme des interviews. J’ai commencé à écrire les premiers portraits et puis j’ai commencé en disant « je », première personne du singulier. Finalement quand vous écrivez 62 artistes à la première personne, ça ne faisait pas trop naturel. Parce que certains s’exprimaient mieux que d’autres, je transcrivais les interviews et c’était assez monotone. Finalement, en un moment donné je me suis dit ce n’est pas ce qu’il faut que je fasse. J’ai tout repasser à la troisième personne du singulier.

Ainsi, c’est moi qui ai écrit ce que j’ai compris de leur parcours. Je parle et je présente les artistes à la troisième personne.

Selon vous, de quoi souffre cet art au Mali ?

Ce livre est fait avant tout pour aider les artistes maliens. Certains ont duré dans cet art pendant que d’autres sont à leur début. Ce livre vise donc à faire connaître les artistes et les mettre en relation avec les futurs collectionneurs, les galeries et les musées.  Qu’ils feuillettent le livre et aient un coup de cœur pour un artiste et puissent directement le contacter puisque j’ai placé les contacts directs des artistes dans le livre.

Au travers des rencontres et des questions, cela m’a permis de rentrer dans l’intimité de chaque artiste et de mieux connaître certains que je pensais connaître et finalement je me suis rendu compte que je n’en savais pas beaucoup sur leurs difficultés. Cela m’a permis un peu de voir quel était le statut de l’artiste au Mali, les difficultés qu’ils ont au niveau des moyens car certains déjà pour acheter de la peinture, il faut de l’argent et ce n’est pas évident. Au niveau de la société malienne aussi, parce que le statut d’artiste c’est particulier et pas qu’au Mali. Dans le monde entier quand votre enfant dit « je vais devenir peintre », les parents disent « j’aurai préféré que tu sois médecin ou autre chose… ». Certains artistes m’ont témoigné que « quand j’ai dit à mes parents que je vais être artiste, ils m’ont dit mais « t’es trop intelligent pour être artiste ». Voici plusieurs difficultés pour même des artistes qui sont aujourd’hui reconnus. C’était assez émouvant qu’ils m’expliquent leur parcours, leurs difficultés et les rejets des familles. Tous ces aspects sont reflétés dans leurs travaux. Finalement, tout ceci forge l’être humain et surtout l’artiste qui les exprime à travers différentes thématiques. Nous retrouvons dans leurs créations, ce qui les a marqués dans leur vie.

Au travers de vos rencontres, les artistes vivent-ils de leur art ?

C’est très difficile. Il faut dire ce qui est. Sauf si les artistes arrivent à émerger et se faire connaître à l’international. Il y a assez peu de collectionneurs au Mali et ceux qui achètent sont souvent des étrangers. Malgré tout, il y a quand même des Maliens collectionneurs, des gens qui s’intéressent à leur travail et qui achètent.  Mais le problème est aussi qu’il y a moins de communication autour de l’Art plastique. C’est quand même difficile pour les artistes de vivre de leur art ici. C’est une question longuement débattue entre le public et les artistes eux-mêmes. Cependant, c’est possible si les artistes y travaillent sérieusement.

Les Lil rappeurs : Un tremplin vers le succès?

Le phénomène est en vogue dans le milieu hip hop. Parti des États-Unis, il s’est vite propagé dans le monde entier et a pris place dans le rap africain. Au Mali, l’univers du hip hop compte beaucoup de « Lil rappeurs », ces jeunes artistes en quête de notoriété qui se mettent sur les traces des grands ténors de la scène. Simple effet de mode ou véritable tremplin vers le succès ?

Sur le plan international, c’est après l’arrivée de Lil Wayne, de Cash Money, en 1999, avec son album « The block is hot », que la popularité du surnom « Lil » (de Little, petit) a explosé. Avant lui, on comptait une vingtaine de « Lil » et on en dénombre plus de 500 qui ont émergé après ses premiers succès.

En 2018, la plateforme de streaming Spotify a mené une enquête pour savoir le nombre de rappeurs dont le nom débutait avec un « Lil ». Selon ses résultats, on comptait plus de 8 000 rappeurs avec « Lil » dans leur nom, une augmentation de 725% depuis 2016.

Contrairement aux États-Unis, où les « Lil » et les « Young » ne s’inspirent pas forcément du succès d’un ainé pour se tailler une place dans le « rap game », les jeunes rappeurs maliens concernés ont tous un point en commun : non seulement ils se positionnent clairement comme des filleuls de leurs mentors mais ils essaient aussi d’imiter à la perfection leur style.

« Lil Iba Titiden », « Lil Gaspi », « Lil Sidiki Diabaté » « Lil Memo » ou encore « Lil Tal B », ils sont carrément des copies conformes en miniature des stars dont ils empruntent les noms de scène.

Carrières propulsées ?

À en croire plusieurs promoteurs culturels, le phénomène, même s’il a certains côtés avantageux, n’est pourtant pas sans inconvénients.

« Beaucoup le font pour avoir plus de visibilité. Il n’est souvent pas facile de sortir de l’anonymat et de s’imposer, même avec du talent. Quand ils se mettent dans le sillage d’un grand, ce dernier fait leur promotion sur chaque scène », indique Oumar Coulibaly dit Oumar Coul, promoteur du site Diez Star.

« Mais quand un jeune se prénomme « Lil Iba », par exemple, il est clair qu’il aura la cote chez les fans d’Iba One, mais que jamais les fans de Gaspi ne le suivront, parce que Iba One est en concurrence avec Gaspi. C’est cela l’inconvénient », souligne-t-il.

« Quand l’artiste vient avec son propre nom, il a toutes les chances d’avoir une fan base plus élargie », ajoute-t-il.

Les mentors constitueraient-ils donc des limitations à la pleine éclosion du talent des jeunes artistes à l’aube de leur carrière ?

« Dans certains cas oui », répond Oumar Coulibaly. « Ils les bloquent d’une manière ou d’une autre, parce qu’ils veulent qu’ils soient toujours sous leur aile. Les jeunes, au final, ne se sentiront pas plus stars qu’eux », explique-t-il.

Selon lui, ces jeunes pourraient dépasser leurs mentors, avec les innovations et les nouvelles tendances, qu’ils maitrisent mieux, mais il ne faut surtout pas qu’ils tombent dans les clashs en voulant  se mêler des différends qui existent entre leurs ainés.

Pou Ismaël Ballody, promoteur culturel, c’est une manière pour les rappeurs débutants de profiter de l’audience d’un artiste confirmé, qui devient naturellement leur premier soutien. Mais sur la durée c’est un couteau à double tranchant, dit-il, car le jeune artiste peut chuter quand la notoriété de son mentor diminue.

« Mais en fait, pour ne pas sombrer, le seul secret c’est le travail. Vous pouvez commencer à l’ombre d’un grand artiste et avoir du succès, mais si  vous ne continuez  pas le travail, à la longue ce sera inévitablement le déclin », conclut le patron de Prestige Consulting.

Bamako 360 : Booster la culture malienne dans sa diversité

Bamako 360 est une initiative d’un Ivoirien de 37 ans, Patrick Tiess, développeur web installé au Mali depuis plus de huit ans. C’est un site internet dédié à la culture malienne, la passion de son fondateur.

Bamako 360 est le fruit de l’expérience que Patrick a su tirer d’un premier portail similaire en Côte d’Ivoire, entre 2003 et 2005. La première chose qu’il a donc faite une fois arrivé au Mali, en 2009, a été de créer un site uniquement dédié à la promotion de la culture malienne dans toute sa diversité. Au départ, son objectif était de donner des informations en live, d’où le nom du premier site, Bamako Live, devenu Bamako 360 en 2014.  « La culture malienne est une richesse que le monde entier doit découvrir », affirme Patrick Tiess.

Conscient de la richesse du Mali en la matière et très attaché à sa promotion, Patric Tiess travaille chaque jour pour parvenir à informer le public malien et du monde entier. Il suit de près les activités des artistes maliens, ou étrangers installés au Mali, ici comme en dehors du pays, à travers ses contacts personnels et les comptes des hommes et femmes de culture sur Facebook, Twitter ou encore You Tube. « Je fouille partout, sur internet et sur les réseaux sociaux et je participe aussi à certains évènements ou rencontres. Je cherche au quotidien du contenu pour le site, ainsi des contacts pour le futur », déclare le promoteur de Bamako 360, qui s’intéresse à la danse, au théâtre et à l’artisanat autant qu’aux artistes musicaux de renommée.

Bamako 360 travaille en partenariat avec certaines structures locales comme l’Institut français du Mali, le Ciné Magic, la Galerie Medina ou la Fondation Festival sur le Niger. « Il y a vraiment du talent ici au Mali. Certains artistes sont très connus, comme Oumou Sangaré, Rokia Traoré et Toumani Diabaté, mais beaucoup sont toujours dans l’ombre. Ce site est ma contribution pour aider ces artistes à avoir des auditeurs et des personnes qui pourront leur permettre de réaliser leurs rêves ».

Dans les mois à venir, Patrick Tiess ambitionne de lancer un magazine avec beaucoup de contenus très riches. Il compte ainsi toucher, en plus des artistes et de ses lecteurs, les structures mises en place pour le développement des activités culturelles. « Quand un artiste réussit, c’est toute sa communauté qui en profite », conclut-il.

Élection présidentielle : Quand les artistes s’en mêlent

La politique est devenue désormais l’affaire de tous. Un artiste, en tant que citoyen lambda, doit se préoccuper des problèmes de son pays ainsi que de son devenir. Certains utilisent même leur art, l’humour, la comédie, le théâtre, la sculpture ou la musique, pour promouvoir un candidat.

Comme tout citoyen, un artiste, au-delà de sa profession, peut se présenter aux élections et voter, car la vie de la cité est une combinaison harmonieuse de toutes ses composantes, sans discrimination de sexe, de profession ou de religion. « Si l’artiste se met en marge de sa société et si jamais il est gouverné par n’importe qui, le politique peut prendre la décision d’interdire tel ou tel art, comme nous le voyons dans certains pays », souligne le Dr Bréhima Ely Dicko, chef du département Socio-anthropologie à l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako.

De nos jours, les artistes maliens sont de plus en plus intéressés par la politique. Certains apportent même leur soutien à un candidat bien déterminé, comme Salif Keïta, Sidiki Diabaté, Iba One, Gaspi ou encore Tal B. « Nous sommes dans un gouffre. Est ce que Soumaïla ne peut pas nous faire sortir de là ? », dit Salif Keïta, qui lance un appel à tous ses fans pour un changement de gouvernance.

Parmi les jeunes de la génération montante, Gaspi précise « il y a un temps pour tout, actuellement, c’est l’heure des choses sérieuses » et Iba One et Sidiki ont décidé de joindre leurs forces au pouvoir en place, en laissant le choix à leurs fans de voter pour qui ils veulent. « Notre pays n’est pas un gâteau à partager, il nous faut mettre de coté nos intérêts égoïstes au profit de tous », s’insurge le professeur Issouf Diallo.

Certains humoristes, dont Petit Guimba et Claba, ont pris parti, tandis que d’autres, comme Souleymane Keïta dit Kanté, se veulent neutres. Certains jeunes bamakois voient ces artistes comme des mobilisateurs, car un artiste a toujours un public derrière lui, souvent prêt à suivre ses orientations politiques, sociales ou culturelles. « Un candidat ne peut pas convaincre les probables électeurs s’il ne les voit pas en face. La présence d’un artiste lui permet de drainer les foules », affirme Dr Brehima Ely Dicko. Mais ces prises de positions peuvent avoir des retombées néfastes sur les carrières. « Quand un artiste prend position et que son candidat ne passe pas, il est possible qu’on ne l’invite plus à des cérémonies officielles », conclut le professeur.

Mobilisateurs. De nombreux artistes aident les partis à remplir les espaces publics à travers le Mali. « J’ai assisté au lancement de la campagne d’un candidat à l’élection présidentielle, pas parce que c’est mon candidat préféré, c’est la présence de mon artiste chouchou qui m’a décidée » témoigne Mariam Diallo. Certains artistes entre autres, Master Soumy, Fouken J, Mylmo ont quant à eux, fait le choix du silence. Pour ces jeunes, les Maliens doivent mettre l’intérêt de la nation devant les intérêts personnels, estimant qu’aucun candidat parmi les 24 n’a réellement besoin du soutien des artistes pour être élu. « Nous devons mettre le Mali devant tout, l’absence d’une preuve, n’est pas l’absence de la vérité » déclare, Mohamed Soumano dit Mylmo.

Beaucoup d’artistes qui avaient soutenu des candidats sont décédés depuis, comme Moutchatcha (Alpha Oumar Konaré), Mangala Camara (Amadou Toumani Touré) et Bako Dagnon et Fantani Touré (Ibrahim Boubacar Kéita). Avis aux superstitieux… 

Debademba, un duo ouest-africain en accord parfait

La formule 1+1=1 employée pour qualifier une union n’a jamais eu autant de sens qu’en écoutant ce duo musical qui s’est rencontré en 2008 à Paris et qui ne se sont plus lâchés depuis.

Au début sceptique, Abdoulaye Traoré, guitariste burkinabé, a été conquis par la voix mélodieuse du griot ivoiro-malien, Mohamed Diaby. La voix de l’un et les prouesses des doigts de l’autre créent une fusion parfaite de blues, soul et jazz avec des sonorités mandingues.

Après avoir chanté dans leurs deux précédents albums l’Afrique, les valeureux guerriers africains, l’immigration, le duo nous transmet dans un nouvel album, où apparait le chanteur français Ben l’Oncle Soul, un message de paix. Aussi, le duo nous chante les valeurs de courage, d’harmonie, d’hospitalité, et prônent les femmes et une figure emblématique de l’Afrique, Mandela.

L’on ne peut s’empêcher d’être emporté par les rythmes africains divers que leur troisième album « Sanikoya » apporte. Cet album est une fusion de plusieurs rythmes ouest-africains qui donne au groupe un angle panafricain. C’est ainsi un véritable album panafricain qui réunit l’Afrique subsaharienne de l’Est à l’Ouest, et du nord au sud.

Debademba qui signifie « grande famille » en bambara c’est une ode à la vie, à la musique, à l’Afrique.

En ces temps tourmentés, ça fait bouger, ça fait du bien et on adore !