Secteur minier : l’État veut reprendre la main

C’est le 23 mars 2023 que les cabinets Iventus et Mazars ont présenté le « Rapport d’audit du secteur minier au Mali » au Président de la Transition.  Destiné à « fournir un diagnostic global des activités d’exploitation minière au Mali et un plan d’action » pour accompagner les ministères de l’Économie et des Mines dans les futures négociations avec les compagnies, il n’est pas encore connu du grand public. Mais il suscite déjà autant d’interrogations que de défis à relever pour le secteur.

Aussitôt présenté en Conseil des ministres, le 29 mars 2023, le rapport a fait l’objet d’une instruction du Président de la Transition demandant l’élaboration d’un plan d’actions pour mettre en œuvre les recommandations de la mission d’audit autour de quelques axes. Ces actions comprennent notamment la création de deux Commissions, l’une pour la négociation et/ou la renégociation des conventions minières et l’autre pour le recouvrement des montants éludés suivant un plan élaboré ou encore le rapatriement au Mali des produits issus de l’exportation de l’or.

Premier du genre, ce rapport d’audit est l’aboutissement d’un processus long de plusieurs mois. Le 28 novembre 2022, après avoir constaté des « manquements », le gouvernement a suspendu jusqu’à nouvel ordre l’attribution des titres miniers, alors que l’audit était déjà en cours. Au moment de la suspension décidée par les autorités, selon des données de la Direction nationale de la Géologie et des mines (DNGM), le 5 décembre 2022, 1 070 titres étaient actifs sur 2 833 attribués, 1 623 permis avaient expiré et 138 avaient été annulés.

Que peut changer le rapport ? 

Si les conclusions du rapport montrent de nombreuses anomalies dans le secteur de l’exploitation minière, irrégularités se rapportant notamment au non-respect des règles en vigueur, il faut toujours situer la responsabilité des manquements constatés. Certaines insuffisances pointées seraient notamment relatives au fait que les contrats aient été signés à des moments où le prix de l’or était très bas et que, ce prix ayant connu une augmentation, ces derniers devraient être révisés et adaptés aux nouveaux coûts, assure Dr Abdrahamane Tamboura, économiste. Le cours de l’or était de 58 000 euros le kilo de lingot en mars dernier. En janvier 2019, année de la dernière réforme du Code minier malien, il était de 37 380 euros. Le rapport donne donc aux dirigeants « le droit d’échanger avec les sociétés minières et de voir éventuellement les différentes modifications possibles ». L’État a ainsi des éléments justifiant la nécessité non seulement de réviser ces contrats, mais aussi de dédommager ou à la limite de mettre fin aux contrats. Une solution qui sera a priori difficile à mettre en œuvre, car nécessitant des recours au plan international. Une démarche peu probable, les autorités s’étant inscrites dans une logique qui se veut pour l’heure consensuelle.

Mais, en révisant les différents contrats, l’État s’offrirait la possibilité de mieux contrôler l’exploitation minière, qui doit connaître des améliorations, comme suggéré par les recommandations du rapport. C’est en tout cas l’objectif recherché dans une situation économique et financière difficile. L’État veut en effet reprendre la main sur un secteur-clé de l’économie. Troisième producteur d’or en Afrique derrière l’Afrique du Sud et le Ghana, le Mali souhaite faire de la formule trop entendue « l’or qui brille pour les Maliens » une réalité.

Négociations difficiles

Selon le Code minier en vigueur, l’État a droit à une participation de 10 à 20 % dans toutes les mines, essentiellement exploitées par des multinationales canadiennes et australiennes. Plusieurs d’entre elles, qui sont dans une certaine expectative, attendent des échanges avec le gouvernement. Les autorités ont promisune démarche participative incluant les sociétés minières dans la mise en œuvre du plan d’actions discuté en Conseil des ministres. Selon un analyste qui a requis l’anonymat, la méfiance des exploitants miniers s’est accrue depuis que le gouvernement a créé en novembre dernier une société minière nationale à capitaux 100% maliens. Les sociétés étrangères ont un avantage : leur capacité à lever des fonds. Et l’investissement continu, qui peut se chiffrer à plusieurs milliards de francs CFA, en demande beaucoup, ce qui rend difficile le développement des sociétés nationales. Pour preuve, plusieurs permis ont été accordés à des nationaux dans le but de favoriser leur participation, mais il s’est avéré que beaucoup n’ont pas réussi à les rentabiliser.  En sus, même si le sous-sol malien est très riche et que les contrats signés sont de longue durée, le Mali doit œuvrer sous la « menace » de certains voisins. Notamment la Côte d’Ivoire, dont le secteur minier se développe et qui propose des avantages fiscaux plus alléchants en termes d’investissement. Le port d’Abidjan est également un atout, pour la venue des machines indispensables à l’exploitation mais aussi pour faire sortir les productions. Les sociétés minières mettent également en avant tout ce que l’or apporte à l’économie malienne. B2 Gold, par exemple, l’un des principaux exploitants dans le pays, a assuré lors de son bilan annuel avoir versé à l’État malien 228 milliards de  francs CFA. Depuis 2016, c’est plus de 813 milliards de francs CFA qui ont été versés selon la société, qui affirmait employer à la fin de l’année 2022 2 697 Maliens.

Cette volonté des autorités d’avoir un plus grand contrôle sur le secteur minier ne peut aussi être dissociée du gain politique. L’incompréhension autour des potentialités minières du pays et des réalités des conditions de vie des Maliens alimentent souvent les débats. Et les sociétés minières ne sont pas les seules à indexer, loin de là. Selon notre observateur, le rapatriement des devises dont il est question est prévue dans le Code. Et s’il n’est pas effectué, cela dénote d’une insuffisance au niveau des mines mais aussi du côté du contrôle de l’État. Du laxisme, voire de la corruption, à plusieurs niveaux qui ne permet pas la totale transparence sur la question.

Réformes urgentes

Avec une production estimée à 72,22 tonnes en 2022, l’or reste au cœur des exportations et de l’économie malienne. Mais, pour constituer un véritable tremplin pour l’économie, le secteur doit encore s’adapter et nécessite des réformes. L’une des plus urgentes pourrait être de profiter des failles constatées pour envisager de réviser tous les contrats pour les adapter aux nouvelles donnes de l’exploitation minière. Il s’agit de faire en sorte que les réformes prennent en compte une meilleure implication de l’État. L’or fait partie des ressources naturelles, qui relèvent du domaine collectif, il faut donc que les communautés soient impliquées dans certaines prises de décision les concernant. Les réalités économiques font que le Mali doit presser le pas. L’or et le coton représentent ses deux principales ressources d’exportation. La CMDT a annoncé en février dernier que la production cotonnière record de la campagne 2021-2022, de 760 000 tonnes, ne serait pas renouvelée. Elle devrait baisser de plus de 30%. L’or, qui est le principal pourvoyeur de devises du pays, apparaît donc comme la « solution ». L’État a-t-il le pouvoir de renégocier ces contrats sans risque de réticences ? Pas sûr, et les autorités en ont conscience, selon M. Tamboura. Elles savent qu’elles ne peuvent pas remettre en cause ces contrats d’un seul coup. Mais maintenant que l’audit est fait et qu’il existe des éléments d’insuffisance, « s’il y a vraiment des manquements dans la conclusion des contrats, nous avons la possibilité de les réviser ».

Ces contrats constituent un gage pour les sociétés et les investissements y afférant, selon un responsable de société. Avant toute relecture, l’État devrait rencontrer directement les sociétés, sans intermédiaires, pour des échanges constructifs.

Même si les «  failles identifiées constituent des raisons valables pour mettre fin à ces contrats sans conséquences », il faut attendre la deuxième étape, après celle de la présentation du rapport. C’est-à-dire partager ses conclusions avec tous les acteurs en attendant de pouvoir répondre à la question essentielle : savoir si, malgré toutes ces failles, le Mali a le droit de mettre fin à ces contrats et comment le faire?

Crise du football : Le CONOR fait le point

Le Comité de Normalisation du football malien (CONOR) a tenu samedi 25 août 2018 une conférence de presse à son siège (FEMAFOOT) pour faire le point sur les différentes activités menées depuis la prorogation de son mandat en avril dernier, ainsi que les grandes perspectives  à venir.

Quatre mois après la décision de la FIFA  d’accorder un temps supplémentaire au CONOR dans sa mission de résolution de la crise du football malien, le comité fait le point. Beaucoup d’actions ont depuis été menées pour enfin sortir  de l’ornière. Dernière ligue encore non conforme il y a peu, la situation a Ségou a été régularisée, avec la mise en place d’un bureau légitime. « Par rapport à notre mandat qui était la désignation des délégués légitimes, nous pouvons dire que nous en avons fini », explique Mme Daou Fatoumata Guindo, présidente du CONOR. En revanche, trois activités principales, selon la nouvelle feuille de route du mois d’Avril, sont toujours en cours.

Relecture des textes         

A en croire Mme Daou, le premier draft est attendu en principe à la fin du mois d’août avant d’être envoyé dans la semaine du 3 septembre 2018 aux ligues et aux clubs de première division afin d’avoir leurs observations. Avec un délai de retour d’observations pour traitement au niveau du CONOR, le document-projet devrait être envoyé à la FIFA pour validation en attendant la convocation de l’assemblée générale de la fédération malienne de football pour l’adoption. «  Si tout se passe comme on le souhaite, nous comptons envoyer ces documents à la FIFA dans la semaine du 20 septembre 2018 », précise la présidente du CONOR.

Audit judiciaire

Cet audit commandité par la FIFA sera réalisé en collaboration avec le comité de normalisation mais ce dernier n’en est pas au devant. Comme le dévoile Mme Daou Fatoumata Guindo, depuis la fin de l’élection du bureau de la ligue de Ségou, une correspondance faisant le point des activités et aussi demandant la période d’arrivée de la mission d’audit a été envoyée à la FIFA. « Nous n’avons pas encore reçu la réponse à cette correspondance mais suite aux entretiens téléphonique nous savons qu’elle a été bien reçue et nous avons été notifiés que sa réponse est en train d’être traitée », souligne celle qui tient au respect de l’échéance du mandat du CONOR, le 31 octobre 2018.

Assemblée électif du bureau fédéral

Il est important de signaler que le CONOR  ne pourra pas respecter le délai statutaire stipulant la convocation de l’assemblée électif du bureau fédéral 90 jours avant sa tenue car lui-même travaillant dans un délai déterminé et assez court. « Nous projetons d’organiser l’assemblée au plus tard  les 10 derniers jours du mois d’octobre et lancer l’appel à candidatures au moins 30 jours avant le jour de l’assemblée », planifie la présidente. Cette proposition de calendrier sera communiquée à la FIFA dès la semaine prochaine pour son approbation.

En attendant une reprise normale de l’instance dirigeante du football national, le ballon rond continue par rouler tant bien que mal sur les terrains. La Coupe du Mali organisé justement par le CONOR pour permettre à nos clubs de se présenter aux compétitions africaines la saison prochaine est actuellement au stade des quarts de finale.

Général Siaka Sangaré, Délégué général aux élections : « Tous les fichiers sont perfectibles »

A la tête de la Délégation générale aux élections (DGE) depuis 2006, le Général Siaka Sangaré est un des principaux acteurs de l’élection présidentielle. Plébiscité à l’international pour son expertise, il a dégagé un moment dans son agenda chargé pour répondre aux questions du Journal du Mali.

Quelles sont les spécificités du fichier électoral cette année ?

Cette année, après la révision exceptionnelle des listes électorales, nous avons mis à jour le fichier existant. Il en est ressorti que nous avons 8 464 000 électeurs répartis entre 23 041 bureaux de vote. Ce fichier n’a pas de spécificité par rapport aux précédents, c’est simplement une mise à jour. Si je devais parler de spécificité, ce serait de l’inversion du ratio hommes – femmes. Auparavant, le nombre de femmes était supérieur, mais dans le fichier actuel c’est l’inverse. Nous nous sommes aperçus que cela est surtout dû à l’étranger, où il y a plus de 520 000 électeurs mais très peu de femmes.

Après son audit, l’OIF a conclu que le fichier était fiable mais perfectible. En quoi l’est-il ?

Ce n’est pas moi qui le dit, mais le comité d’audit. Il n’y a pas de fichier parfait, tous les fichiers sont perfectibles. Dans le contexte malien, il y a deux insuffisances qu’il conviendrait de corriger : la sous-inscription des jeunes électeurs et l’existence d’électeurs décédés. Il y a aussi des erreurs de saisie qui sont indépendantes de la volonté de la DGE mais qui doivent également être corrigées.

La révision exceptionnelle destinée aux nouveaux majeurs n’a pas suscité un grand engouement. Cela a-t-il eu une incidence ?

Cette sous-inscription des jeunes majeurs est une insuffisance du fichier électoral indépendante de la volonté de la DGE et de celle du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation (MATD). Lorsque nous avons élaboré le fichier de 2016, dans la perspective des communales, nous avons fait une évaluation et rédigé une note technique qui a été envoyée au MATD. C’est pour cela que le ministère a organisé une opération spéciale d’enrôlement des jeunes majeurs. Nous nous attendions à au moins 500 000 jeunes, mais le résultat a été très décevant, puisque nous en avons recensé moins de 100 000.

Comment expliquer la présence de personnes décédées dans le fichier ?

Même le jour du scrutin, au moment où certains sont en train de voter, d’autres sont rappelés à Lui par le Bon Dieu. Dans le contexte malien, ceci s’explique par deux phénomènes. Tout d’abord, nous avons un état-civil en construction, pas encore fiable. Tous les faits d’état-civil ne sont pas enregistrés à temps. Cela a été aggravé par la suppression de l’impôt per capita qui, à la faveur des évènements de mars 1991, a été supprimé, certainement à juste raison. Il obligeait la famille d’une personne décédée à aller le déclarer rapidement afin de ne pas devoir le payer. Depuis la suppression, les chefs de famille ne se pressent plus pour faire les déclarations. Voilà pourquoi nous avons des électeurs décédées dans le fichier, mais le plus important est de faire en sorte qu’on ne puisse pas utiliser leurs cartes d’électeurs. Le dispositif mis en place cette année, avec un assesseur de la majorité et un autre de l’opposition qui auront pour mandat spécifique l’identification des électeurs dans les bureaux de vote, fera que, j’en suis sûr et certain, s’ils ne sont pas complices, personne ne pourra passer à travers les mailles du filet avec la carte d’autrui.

Certains électeurs se plaignent de devoir voter très loin de leur domicile. Quelle en est la cause ?

Cette année, nous avons fixé un minima pour tous les bureaux de vote. Si le nombre d’électeurs dans un bureau n’atteint pas 50, ce bureau est rajouté à un autre. Effectivement, cela peut créer un phénomène d’éloignament. Mais les gens devraient chaque année, à l’occasion des révisions des listes électorales (d’octobre à décembre), aller changer leur lieu de vote afin de se rapprocher de leur lieu de résidence. Je l’ai fait personnellement.

La DGE procède au financement public des partis politiques. Un financement spécial est-il prévu en période électorale ?

Le financement des partis politiques est une aide que l’État leur accorde. Son montant est égal à 0,25% des recettes fiscales du budget d’État. C’est donc un financement annuel, qui n’est pas lié aux élections qui n’ont pas de financement spécifique prévu. C’est un peu l’une des faiblesses de notre système électoral, mais des réflexions sont menées. Je pense que, tôt ou tard, la possibilité de rembourser jusqu’à un certain niveau les dépenses électorales existera, tout comme le fait de fixer un plafond de dépenses pour les campagnes. Dans certains pays, c’est 300 millions, dans d’autres 500. Il va falloir que nous fassions la même chose.

Quels sont les critères de financement public des partis ?

Il y a sept critères d’éligibilité, dont cinq importants. D’abord, il faut avoir un siège différent du domicile, tenir les instances statutaires, avoir un compte dans une institution financière et déposer le 31 mars de chaque année un bilan qui doit être validé par la Section des comptes de la Cour suprême. Ensuite, il faut avoir participé aux élections générales.

Le poids et l’implantation des partis déterminent-ils leur financement ?

Oui. Il y a une clé de répartition. Ceux qui ont beaucoup d’élus ont une plus grande part. 35% sont répartis entre les partis au prorata du nombre de députés. Il en est de même pour les conseillers communaux et pour le genre. 10% sont alloués aux femmes élues, 5% pour les femmes députés et 5 autres pour les conseillères.