Sécurité alimentaire: le PAM vient en aide aux personnes déplacées internes à Sénou

Afin de leur porter une assistance alimentaire et nutritionnelle d’urgence, le Programme alimentaire mondial (PAM) au Mali, avec le soutien financier du gouvernement du Brésil et en collaboration avec la Direction nationale du développement social  et l’ONG G-Force,  a procédé lundi 22 mai 2023 à une distribution de vivres à 305 ménages de personnes déplacées internes à Sénou dans la région de Koulikoro.

Au total, 2208 personnes déplacées internes sur le site de Sénou bénéficient de cette distribution de vivres à travers un système de carte électronique, chaque ménage bénéficiaire ayant reçu un bon d’achat de 42.000FCFA qu’il va échanger contre les vivres de son choix auprès des commerçants locaux contractés par le PAM pour les desservir sur le site d’accueil.

Ces vivres acquis grâce à la contribution financière du Brésil à hauteur de 80.000 dollars américains,  sont constitués de sacs de riz, de mil, de sucre, de bidons d’huile, de cartons de pâtes alimentaires, de lait en poudre et de savons.

En guise de remise symbolique, cinq femmes représentant leurs ménages ont reçu leurs cartes d’achat électronique des mains de différentes personnalités présentes à la cérémonie en l’occurrence, entre autres, l’Ambassadeur du Brésil au Mali, et le Directeur pays du PAM.

Les bénéficiaires, à travers leurs représentants, ont témoigné du soulagement que leur apporte cette distribution de vivres à leur endroit et remercié l’ensemble des initiateurs, la Direction nationale du développement social, le PAM et le gouvernement du Brésil.

« Je m’incline devant votre courage et votre résilience, en souhaitant que la situation redevienne à la normale pour que vous retrouviez votre famille et puissiez reprendre une vie normale dans laquelle vous sortirez de l’assistance d’urgence à des activités de renforcement de vos capacités de résilience face aux chocs et d’augmentation de vos moyens d’existence », a indiqué Eric Perdison, Directeur pays du PAM au Mali

« Je voudrais réitérer l’engagement du PAM a rester aux côtés du Mali et à multiplier les efforts pour appuyer le Gouvernement malien dans la recherche de moyens et de solutions durables pour répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels des communautés affectées en vue de l’atteinte de l’objectif « Faim Zéro», a-t-il assuré.

Depuis avril dernier, le PAM et ses partenaires apportent une assistance alimentaire d’urgence à 650,000 personnes à travers le Mali, en soutien aux efforts du gouvernement de soulager les populations vulnérables, au nord, au centre et au sud-ouest du pays.

Déplacés internes : Survivre dans la précarité

Le nombre de déplacés internes au Mali s’élève à 99 039 individus, selon les évaluations menées  dans les régions de Koulikoro, Ségou et Mopti par les équipes de la DTM (Displacement Tracking Matrix, en anglais), la Matrice de suivi des déplacements. L’augmentation de ce nombre de 14 754 personnes, enregistrée du 1er au 31 mars 2019, fait suite à la dégradation de la situation sécuritaire dans la région de Mopti.

À Bamako, ils sont des centaines à vivre sur des sites d’installation spontanés, comme celui de Faladié, en Commune VI du District de Bamako. Outre l’insalubrité des lieux, ces familles, qui ont fui la violence et l’insécurité, survivent dans la précarité et redoutent l’arrivée de l’hivernage.

Difficile d’imaginer que ce sont des dizaines de familles et des centaines de personnes qui vivent sur ce site improvisé, en plein cœur de la commune VI du District de Bamako. C’est entre le parc à bétail et le dépôt d’ordures, situés à quelques centaines de mètres du monument de la Tour d’Afrique, que ces personnes en quête de survie ont trouvé refuge. Arrivés principalement de la région de Mopti, suite à la dégradation sécuritaire, ces déplacés continuent d’affluer. Ce 16 avril, il est un peu plus de 11 heures. Dans un abri de fortune, fait de paille et recouvert de divers tissus, Zakaria Diallo, membre du « Comité de soutien aux déplacés », recense les nouveaux arrivants. « Ils sont arrivés hier soir. Ils viennent de Yolo, dans le cercle de Bankass », explique t-il.

Rompu à cet exercice depuis l’arrivée des premiers occupants sur ce site, il y a environ 3 mois, M. Diallo, qui est maître coranique en Commune VI, note soigneusement les noms et prénoms de toutes les personnes nouvellement arrivées. Une liste dont les copies seront remises aux autorités, aux partenaires et aux bénéficiaires.

Conditions inhumaines

À ce jour, le site de Faladié compte 796 personnes, dont 575 enfants, sans les nouveaux arrivants, qui n’ont pas encore été recensés, explique Madame Kamaté Francine Dakouo, cheffe de la section promotion communautaire de la Direction locale du Développement social de la Commune VI du District de Bamako. Depuis 2 mois, avec son équipe, elle passe la journée sur ce site, où tout manque.

Par exemple, depuis 3 jours, les cuves installées sur le site ne sont plus approvisionnées en eau. La corvée d’eau fait donc désormais partie des tâches quotidiennes de ces mères de famille, qui avec une résilience remarquable continuent de se battre pour assurer la survie des leurs.

Tedy Barry a quitté le village de Pissa, dans le cercle de Bankass, avec son mari et ses enfants. Dans une atmosphère suffocante, entre la fumée qui s’échappe des ordures qui brûlent à longueur de journée et  les odeurs venus du parc à bétail, l’air est irrespirable. Ces conditions inhumaines ne semblent pour le moment pas déranger la mère de famille. « Ceux qui sont ici ont fui une mort certaine. Nous savons que nous allons tous mourir. Mais mourir dans la paix vaut mieux que vivre dans l’anxiété », explique-t-elle.

Avec ses enfants, elle s’adapte tant bien que mal. Les plus grands font de petits boulots ou du commerce. Elle-même vend des condiments pour acheter ne serait-ce que des beignets pour les enfants le matin, confie-t-elle. En temps normal, chez elle, elle s’occupe de son bétail, dont elle vend le lait et fait de la coiffure le reste du temps. Ses deux premiers garçons voyageaient vers le Burkina ou la Côte d’Ivoire, « pour avoir un peu d’argent. Ils revenaient cultiver le champ pendant l’hivernage », ajoute Madame Barry.

Même si elle désire ardemment retrouver sa vie d’avant, elle n’envisage pas  de retourner chez elle de sitôt. « Trop dangereux. Tous les deux ou trois jours, nous devons fuir parce qu’il y a des attaques ».

Craignant de se faire tuer en cours de route, elle a même choisi de passer par le Burkina Faso et d’emprunter la route de Bobo Dioulasso pour rejoindre Bamako. Si elle ne se plaint pas de cet environnement particulièrement insalubre, Tedy espère que l’endroit sera « aménagé » pour faire face à l’hivernage.

Des actions insuffisantes

La saison des pluies qui pointe à l’horizon constitue la principale hantise sur ce site spontané. En effet, les tentes sont installées sur une partie où les  ordures ont été recouvertes de latérite, donc facilement inondée en cas de pluie. Déjà fréquentes, les maladies liées à ce cadre insalubre risquent de connaître une «  explosion » avec les premières pluies, craint Madame Kamaté du service du Développement social. Surtout avec des enfants en bas âge dont le seul espace de jeu est ce tas de déchets.

Sur le site improvisé, les occupants ont reçu plusieurs aides, dont celles des autorités et de leurs partenaires ainsi que plusieurs associations. Des dons en vivres et non vivres destinés à permettre à ces populations, aussi meurtries que démunies, de survivre. Des aides vitales cependant insuffisantes pour couvrir les besoins de ces déplacés, qui continuent d’arriver vers la capitale.

Adama Kouyaté est le président de l’ONG Initiative contre la faim et pour l’éducation des enfants (IFE Mali), créée en 2012. Les premières actions de son organisation ont bénéficié aux déplacés, avec des collectes de vêtements réalisés pour les déplacés de Gao dès 2013. Plus récemment, pour les déplacés de Mopti installés à Bamako, il a décidé de mener des actions s’inscrivant dans la durée. En plus des dons alimentaires ou non effectués par plusieurs organisations, IFE a choisi, après une enquête de terrain, d’aider notamment les femmes déplacées à Bamako à renforcer leurs capacités afin de pouvoir exercer des activités pour subvenir à leurs besoins.

« Dans un premier temps, une vingtaine de femmes seront formées et disposeront d’un fonds pour démarrer une activité », explique M. Kouyaté. Ce nombre limité, compte tenu du budget de l’ONG, marque tout de même sa volonté de s’inscrire dans une démarche plus durable.

Agir pour le futur

Une démarche  partagée par  d’autres organisations, comme Solidaris 223, qui espère aussi pouvoir former environ 200 femmes avec l’appui de l’Union européenne. Si l’organisation, à travers le réseau Fraternité, a participé à la remise de plusieurs tonnes de vivres aux déplacés, elle souhaite une réinsertion de ces derniers sur leurs lieux d’origine. En effet, la participation à la formation, qui sera donnée sur les lieux de retour, se fera sur la base du volontariat, explique M. Balla Mariko, membre du Conseil des fondateurs de l’association.

Pour « ces déplacés qui manquent de tout », tout est urgent. Des besoins les plus élémentaires, comme l’eau ou l’accès à des toilettes, à l’accès à l’éducation pour les enfants, qui « est un droit pour eux », selon M. Kouyaté. Il faut donc agir et vite.

La première nécessité est de reloger ces familles, car le site est tout simplement inapproprié pour accueillir des êtres humains. À ce besoin s’ajoutent ceux d’une réinsertion et d’un « suivi psychologique », estime M. Mariko. En effet, la plupart de ces personnes ont vécu des traumatismes importants et il est crucial de les aider à surmonter ces drames. D’autant que certains habitants présents sur le site en ressentent déjà les séquelles.

Cette prise en charge, qui s’avère indispensable, implique de «  réfléchir sur l’avenir de ces personnes, qui sont des Maliens et qui n’ont pas demandé à venir à Bamako dans ces conditions », s’indigne M. Kouyaté. Ces familles, dont certaines étaient propriétaires d’un cheptel important, ont dû tout abandonner pour fuir. Il faut leur trouver un site sécurisé à proximité de leur village d’origine, suggère t-il, scolariser les enfants et renforcer les capacités des femmes et des chefs de ménages, à travers des activités génératrices de revenus.

Parce que grandir dans de telles conditions pour des enfants peut nourrir des rancœurs, les rendre vulnérables et en faire des cibles potentielles pour des individus mal intentionnés, avertit M. Kouyaté.