Ressources naturelles : La cote d’alerte !

Le 3 mars est dédié à la protection de la vie sauvage à travers le monde. Au Mali, la question de la protection des ressources naturelles se pose plus que jamais avec acuité, non seulement à cause de l’action des hommes, mais aussi des effets du changement climatique. Malgré l’existence d’un arsenal juridique et d’une multitude d’acteurs chargés de la gestion des ressources naturelles, leur dégradation semble inéluctable. Pourtant, c’est notre survie qui en dépend.

« Le Mali va manquer d’arbres d’ici peu, tant la vitesse de destruction est plus grande que celle de construction », estime l’Inspecteur Général Mahamadou Gakou, Directeur National des Eaux et Forêts. Ce constat, alarmant mais réaliste, a été dressé lors de la réunion annuelle du service des Eaux et Forêts le 24 février. Il  illustre, selon de nombreux acteurs, la situation des ressources naturelles au Mali. Au même moment, la Direction nationale de l’hydraulique préparait une réunion pour « alerter sur le risque de stress hydrique attendu cette année ». Même si 2018 semble particulier, la destruction de nos ressources n’est pas un phénomène nouveau.  L’eau, les ressources en sols, les ressources forestières, l’énergie et tout ce que l’environnement nous procure sont soumis à d’énormes pressions, compte tenu de plusieurs facteurs. Depuis 2003, le Rapport national sur l’état de l’environnement fait un état des lieux de l’évolution de la situation. Pour les  ressources en sols, les pressions concernent l’exploitation de l’or et « l’évolution à ce niveau est très négative », selon Moussa Diarra, Chef du département Information environnementale à l’Agence de l’Environnement et du Développement Durable (AEDD), dont la mission est de coordonner la mise en œuvre des politiques de protection. La  dégradation continue et la « détérioration  des conditions et du cadre de vie des populations » sont les principales caractéristiques des problèmes environnementaux au Mali, selon le Rapport 2005 sur l’environnement. Ce constat, couplé à l’insuffisance des ressources pour renverser la tendance, résume toutes les difficultés qui entravent une gestion rationnelle des ressources naturelles du Mali.

Plusieurs  types de menaces

Mais l’environnement, c’est un ensemble de composantes et autant d’acteurs, dont les actions ne peuvent être efficaces que dans le cadre d’une synergie pour sa protection. Ainsi, des acteurs institutionnels, dont le ministère  de l’Environnement, qui  est chargé de la mise en œuvre  de la politique de protection de l’environnement, aux acteurs de la société civile engagés dans le même domaine, en passant par les usagers, tout le monde doit jouer sa partition. Et les interventions s’inscrire dans un cadre bien défini. « Il existe tout un arsenal juridique pour la protection de l’environnement. La Constitution stipule que « toute personne a droit à un environnement sain » », précise Monsieur Diarra. Un dispositif légal existe donc, qui prend en compte les nouvelles donnes, comme celles liées au changement climatique, notamment. Mais, pour agir, il faut des moyens. Et « les Eaux et Forêts n’en ont pas », tranche Drissa Sangaré, ancien agent des Eaux et Forêts. « Les 3 forêts de la Faya, du mont Manding et du Sounsan représentent 120 000 hectares. Elles ont été créées pour ravitailler la ville de Bamako en bois et servir de ballon d’oxygène. Malheureusement, elles se dégradent à cause de la mauvaise gestion », regrette-t-il.

Pour exploiter une forêt, il faut un plan d’aménagement, qui coûte cher. L’État n’a « jamais financé un plan d’aménagement », s’indigne Monsieur Sangaré, ce qui a conduit à une exploitation à « outrance des ressources ».  Il n’y a pas suffisamment d’agents et le  travail de ceux qui sont sur le terrain se limite « à lutter contre les feux de brousse et les exploitants frauduleux et à replanter timidement », relève-t-il.

Des réponses insuffisantes 

Les efforts de reboisement sont bien en deçà de l’ampleur des dégradations que subissent les ressources naturelles, avec souvent un taux de réussite faible (aléas climatiques, feux de brousse et divagation des animaux), selon le rapport 2014 sur l’état de l’environnement au Mali. D’après une étude de la FAO effectuées en 1990, les ressources forestières du Mali (savanes soudaniennes et forêts claires guinéennes) étaient estimées à 14 300 000 hectares. En 2014, les superficies de forêts sèches et savanes boisées étaient estimées à 5 450 000 hectares et on dénombrait 107 forêts classées, représentant une superficie de 7 88 111 hectares. En référence à ces données, entre1990 et 2014, le Mali a perdu environ 8 850 000 hectares de formations forestières.

Une situation confirmée par les inventaires forestiers réalisés dans les régions de Mopti, Tombouctou et Gao en 2006 et 2007 et la création du Système d’information forestier en 2014. Cette diminution considérable des surfaces boisées entraîne également une perte de la biodiversité. Principaux facteurs de cette menace, les aléas climatiques et les activités de l’homme, aggravés par l’accroissement de la population et, partant, des besoins. Sur le plan climatique, ces pressions sur les ressources de la forêt se manifestent à travers des sécheresses récurrentes, la diminution et l’irrégularité des pluies et l’élévation des températures. Parmi les activités humaines qui contribuent le plus à la dégradation de ces ressources, on note en particulier les défrichements agricoles, l’exploitation anarchique des forêts, les feux de brousse et l’exploitation minière.

Face à ces pressions, deux types de réponse sont envisagés par la Direction Nationale des Eaux et Forêts (DNEF) : les réponses d’ordre juridique et  les actions techniques de protection. Le Mali a donc élaboré, en 1996, une Stratégie énergie domestique et des Schémas d’approvisionnement durables, avec la création de 250 marchés ruraux entre 1992 et 2002. L’AMADER avait aussi envisagé la création de 1 000 marchés entre 2005 et 2009, mais ils n’ont malheureusement pas vu le jour et les existants ont rencontré de nombreux  problèmes. Dont, entre autres, la faible rentabilité des exploitations, selon le plan d’aménagement, et l’absence de suivi par l’administration forestière et les collectivités.

Finalement, la superficie en exploitation contrôlée en 2012 était de 350 000 hectares, contre un besoin de plus de 16 700 000. Les superficies de reboisement réalisées  sont également en deçà des attentes (Plan quinquennal de reboisement 2010 – 2014 : 100 000 ha/an), avec un faible taux de réussite, évalué à 55% en 2012 (DNEF,) lié principalement à un manque de suivi régulier et de regarnissage des surfaces reboisées.

Indispensable coordination

La pluralité des intervenants agissant dans la sauvegarde de l’environnement exige une cohésion entre l’ensemble de ces acteurs. Et, pour agir en synergie, ils doivent disposer d’informations. Les collecter concernant les problématiques environnementales et aider les décideurs à prendre les mesures appropriées, c’est l’une des missions du Rapport biennal qui dresse l’état des lieux des ressources naturelles dont dispose le Mali, les pressions exercées sur elles et leurs impacts et les réponses apportées à ces pressions. Pilier de ce dispositif, l’AEDD « incite les communautés à intégrer la dimension environnementale dans leurs programmes de développement », précise le responsable du département Information environnementale. C’est seulement à cette condition que l’on pourra à long terme obtenir des résultats positifs, ajoute t-il. Associer les communautés, dans le but de les sensibiliser aux problématiques qui les touchent, c’est aussi l’approche préconisée par les Eaux et Forêts. Mais les enjeux de la gestion décentralisée de ces ressources restent les moyens importants nécessaires à la mise en œuvre.

« La gestion concertée est la solution. Mais les moyens ne sont pas suffisants. Notre rôle  est d’informer. La prise de décision est à un autre niveau », explique Madame Cissé Youma Coulibaly, Chef de l’unité de gestion du Programme Conjoint d’appui  à la Gestion Intégrée des Ressources  en Eau (GIRE) à la Direction Nationale de l’hydraulique. Ce programme financé par des partenaires pour la période 2016 – 2019 n’a malheureusement pas les moyens de ses ambitions. Sur les 33 Comités Locaux de l’Eau (CLE) prévus pour tout le Mali, seuls « 10 ont été dynamisés », faute de moyens.