Bien qu’elle soit suffisamment engagée et qu’elle ait joué un rôle central dans les grandes révoltes qu’a connues le Mali sur le plan sociopolitique, la jeunesse reste structurellement écartée des sphères du pouvoir institutionnel. C’est ce qui ressort d’une étude publiée dans l’édition de mai – juin 2025 de la Revue africaine des sciences politiques et sociales.
La jeunesse malienne, bien que démographiquement majoritaire (plus de 70% de la population), demeure paradoxalement exclue des sphères formelles de décision. Pourtant, elle est au cœur des mobilisations politiques majeures du pays.
Historiquement, les jeunes Maliens ont été des piliers des luttes sociopolitiques. De l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) dans les années 1990 jusqu’au rôle central dans le Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), ils ont souvent été en première ligne de la contestation. Leur engagement s’est manifesté dans les rues, sur les réseaux sociaux et dans les mouvements citoyens, démontrant une volonté forte de transformation démocratique.
Cette étude, menée par le Dr. Abdoul Sogodogo, enseignant-chercheur et Vice-doyen de la Faculté des Sciences politiques et administratives de l’Université Kurukanfuga de Bamako, met en lumière cette contradiction entre engagement citoyen et marginalisation politique.
Les jeunes écartés
Selon le Dr. Abdoul Sogodogo, la mobilisation des jeunes ne trouve que rarement un prolongement institutionnel, leur participation aux organes de décision restant faible. Malgré quelques figures emblématiques, les jeunes sont souvent réduits à des rôles de mobilisation, sans accès réel aux leviers du pouvoir, contrôlés par des élites aînées qui perpétuent une gouvernance gérontocratique.
« La faible présence des jeunes dans les sphères de décision est expliquée par des obstacles structurels tels que le manque de ressources financières et une culture politique dominante qui confie le pouvoir politique aux aînés », explique l’universitaire. « En outre, la culture politique malienne laisse peu de place aux jeunes dans les cercles de décision, car la période de jeunesse est souvent considérée comme une étape d’apprentissage ou une phase charnière de préparation à la gouvernance et à la prise de décisions collectives », poursuit-il.
Le système politique malien semble structuré autour d’une logique de clientélisme dans laquelle les jeunes militants servent de bras d’action aux grands hommes politiques en échange de promesses d’emploi ou de reconnaissance. La précarité socio-économique, avec un taux de chômage élevé chez les jeunes, accentue cette instrumentalisation.
La jeunesse malienne, actrice majeure des bouleversements récents, aspire désormais à plus qu’une simple présence symbolique. La reconnaissance de son rôle passe par une refonte des pratiques politiques et une véritable inclusion dans les mécanismes décisionnels.
Mohamed Kenouvi