Accord de paix entre RDC et Rwanda : L’espoir sous haute vigilance

Signé à Washington fin juin 2025, l’accord de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda marque une avancée diplomatique majeure. Mais, derrière l’engagement affiché, les cicatrices des conflits passés, la méfiance mutuelle et les intérêts croisés rendent l’avenir incertain. Selon le HCR, plus de 118 500 personnes ont fui l’est de la RDC depuis janvier 2025, s’ajoutant aux 6,7 millions de déplacés internes recensés dans le pays.

Le texte prévoit le respect mutuel de l’intégrité territoriale, la neutralisation du FDLR par Kinshasa et le désengagement militaire rwandais de l’est congolais. Le FDLR compterait encore entre 1 000 et 1 500 combattants actifs dans les Kivu, selon une estimation de l’ONU datant de décembre 2024, ce qui complique toute neutralisation effective. Pour autant, ce texte institue un Mécanisme conjoint de sécurité incluant les États-Unis, le Qatar et l’Union africaine, pour superviser les engagements sous 90 jours. Le plan d’action, issu du « CONOPS » d’octobre 2024, fixe quatre phases, à savoir le désengagement, la démobilisation, l’évaluation et la stabilisation. Le retour volontaire des réfugiés et un cadre économique régional complètent l’ensemble.

Mais l’accord n’aborde pas directement le cas du M23, groupe rebelle au cœur des violences actuelles. Kigali nie tout lien avec lui, malgré des preuves documentées par l’ONU. Pour Kinshasa, ce silence est une faille majeure. « On ne peut pas traiter un abcès en contournant la plaie », glisse un diplomate congolais. Faute de dialogue direct avec les groupes armés, le risque de reprise des hostilités demeure élevé.

Ce n’est pas le premier accord entre les deux pays. De Pretoria (2002) à Addis-Abeba (2013), plusieurs engagements ont échoué faute d’application réelle. Le contexte sécuritaire a certes changé, mais la méfiance est tenace. « La paix ne se décrète pas, elle se construit avec du courage politique », rappelle un responsable de l’Union africaine.

Les États-Unis, très présents dans la négociation, ne cachent pas leurs intérêts. Ils cherchent à contenir le FDLR, classé comme groupe d’extrême dangerosité, et sécuriser l’accès aux minerais critiques dont regorge le sous-sol congolais. Le cobalt, le coltan et le lithium sont devenus des ressources stratégiques pour les industries occidentales.

Cet accord fait écho aux tensions entre États voisins au Sahel : Mali et Algérie, Niger et Bénin, Burkina Faso et Côte d’Ivoire. Le même syndrome de défiance bilatérale menace la stabilité régionale.

Accès à l’eau : Un levier de croissance structurant pour le Mali

Le Mali vient de faire un pas majeur dans la sécurisation de l’accès à l’eau potable, un enjeu économique et social important. Le projet d’appui à la sécurité de l’eau, financé à hauteur de 100 millions USD (environ 60 milliards de FCFA) par l’Association internationale de développement (IDA), a récemment été approuvé par le Conseil national de transition.

Ce financement servira à moderniser les infrastructures hydriques dans six grandes villes, dont la capitale Bamako, Mopti, San, Ouélessébougou, Dioïla et Bafoulabé.

À Bamako, l’accent sera mis sur le renforcement du système d’approvisionnement en eau, avec la construction de nouvelles stations de pompage, d’un château d’eau de 2 000 m³ et la modernisation des réseaux existants. Ce projet ambitieux prévoit également la production de 24 400 m³ d’eau par jour pour les villes secondaires. Un réservoir semi-enterré de 1 000 m³ et des bornes fontaines seront installés afin de garantir l’accès à l’eau pour une population croissante, notamment en milieu urbain et rural.

Le projet vise directement 500 000 personnes, dont près de 50% de femmes et 19% de jeunes, apportant une réponse significative à la demande en eau potable. Il aura également des retombées positives pour les 227 000 bénéficiaires d’un service de base en eau, tout en améliorant la qualité de service pour environ 270 000 personnes supplémentaires. En outre, des actions de restauration des écosystèmes touchant les bassins hydrographiques des fleuves Niger et Sénégal bénéficieront à 30 000 personnes vivant en zone rurale.

D’un point de vue économique, le projet affiche des indicateurs positifs. Le taux de rentabilité interne (TRI) atteint 11,3%, avec une valeur actuelle nette (VAN) de 44,9 millions USD. Les bénéfices attendus pour la productivité agricole et l’emploi sont considérables, notamment pour les femmes, qui représentent une part importante de la population bénéficiaire. L’amélioration de l’approvisionnement en eau permettra également de renforcer la stabilité économique, en réduisant les coûts liés aux pénuries et aux pertes d’eau.

Ce projet s’inscrit pleinement dans les objectifs de Vision 2063 du Mali, visant à stabiliser les finances publiques et à stimuler la croissance économique. Il représente un levier majeur pour assurer l’accès universel à l’eau potable et pour soutenir le développement durable du pays à long terme. Le Mali montre ainsi qu’il peut se saisir des défis du climat et de l’eau pour construire une économie plus résiliente, inclusive et prospère.

3ème Semaine artistique et culturelle de Mopti : L’art comme vecteur de cohésion sociale

Du 23 au 29 juin 2025, la Venise malienne, Mopti, a accueilli la troisième édition de sa Semaine artistique et culturelle. Organisé par la Commune urbaine avec le soutien du centre Sudu Baba, l’événement s’est déroulé sur le thème « La culture comme moteur de résilience et d’autonomisation des femmes en période de conflit », dans le cadre de l’Année de la Culture 2025.

Cette nouvelle édition s’inscrit dans la continuité du succès enregistré lors de la Biennale artistique et culturelle de Mopti, tenue en juillet 2023, qui avait attiré près de 10 000 participants, confirmant définitivement Mopti comme pôle culturel de référence au Mali.

Cette édition 2025 a rassemblé environ 15 000 visiteurs, selon les estimations de la mairie de Mopti. Une mobilisation notable pour une ville de quelque 330 000 habitants en 2024.

La programmation offrait un large éventail d’activités telles que des concerts, des expositions artisanales, des projections photographiques, des ateliers de cohésion sociale, des défilés de mode traditionnelle et des concours inter-quartiers. Le quartier Komogeul a remporté le premier prix, doté de 200 000 francs CFA, suivi de Bougoufié et de Toguel.

La cérémonie d’ouverture, organisée le 26 juin au Centre d’architecture en terre, a été présidée par le ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme, Mamou Daffé. Le Général Ismaël Wagué, ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, s’est joint à l’événement après son arrivée le lendemain. À cette occasion, l’Orchestre Kanaga a proposé une prestation saluée par le public, tandis que le groupe Abarbarbahaye a animé la soirée du lancement, le 23 juin.

Le concert de clôture, le 29 juin, a été assuré par la chanteuse engagée Hawa Maiga, qui a interprété un répertoire centré sur les droits des femmes. Un artisan présent a partagé : « cette semaine m’a redonné espoir et clientèle, après des mois très difficiles ». Cette citation reflète l’impact social de la manifestation.

Au cours de la cérémonie finale, le ministre Mamou Daffé a affirmé que Mopti « devient l’épicentre de la culture malienne », remerciant le Général Wagué pour son soutien actif. L’événement réunissait ministres, autorités administratives, politiques et coutumières.

L’organisation était pilotée par la mairie de Mopti, le Conseil de cercle et le centre Sudu Baba. La manifestation a renforcé le dialogue communautaire au sein d’une région confrontée à des défis sécuritaires. Elle démontre que la culture constitue un levier concret pour la paix, la cohésion sociale et la résilience régionale.

Coupe du monde de Basket U19 2025 : Le Mali s’arrête en huitièmes

Le Mali a été éliminé en huitièmes de finale de la Coupe du monde U19 de basketball masculin, qui se déroule en Suisse du 28 juin au 7 juillet 2025. Avec une seule victoire en quatre rencontres, les Aiglons se contentent de finir le tournoi avec un classement honorable.

Les Aiglons avaient pourtant bien entamé la compétition dans le groupe A, aux côtés de la Serbie, de la Nouvelle-Zélande et de l’Argentine. Pour leur premier match, le 28 juin, ils ont battu la Serbie sur le fil, dans un match très disputé jusqu’à la dernière seconde, 72 – 70. Cette victoire serrée a révélé la détermination de l’équipe, avec un Sékou Bagayoko impressionnant à la mène et un collectif solide, notamment au rebond.

Lors du deuxième match, le 29 juin, le Mali a affronté la Nouvelle-Zélande. Moins efficaces offensivement, les Aiglons se sont inclinés 73 – 50. Malgré un double-double de Youssouf Traoré (11 points, 10 rebonds) et la créativité d’Ibrahim Doumbia (6 passes décisives), l’équipe a souffert face à l’adresse extérieure des Néo-Zélandais.

Les Aiglons ont bouclé la phase de poules sur une nouvelle défaite le 1er juillet contre l’Argentine. Ils ont perdu 77 -6 6, dominés physiquement et techniquement par des Argentins bien organisés. Ce revers place le Mali à la 3ème place de son groupe, avec un bilan d’une victoire et de deux défaites.

Rêve brisé

Malgré ces deux défaites, le Mali s’est qualifié pour les huitièmes de finale grâce à un format qui qualifie les quatre équipes de chaque groupe. Mais en huitièmes de finale le 2 juillet 2025 face au Canada, un adversaire redoutable avec des prospects évoluant en NCAA et qui a terminé 2ème du groupe B derrière l’Allemagne, les Aiglons n’ont pas pu rehausser leur niveau de jeu.

Après avoir remporté le premier quart-temps sur le fil (17 – 15), les protégés du technicien Moussa Cissé ont été dominés tout le reste du match, s’inclinant à l’arrivée 100 à 75.

Avec cette élimination, les Aiglons voient leur rêve de faire au moins aussi bien que leurs prédécesseurs, Vice-champions du monde en 2019 après une finale perdue face aux États-Unis, s’envoler.

Pour la suite de la compétition, ils disputeront des matchs de classement qui détermineront le classement final de chaque pays participant.

Mohamed Kenouvi

Faisons la part des choses

Le mercredi 2 juillet 2025, une scène dérangeante s’est produite au marché à bétail de Djicoroni Coura, en périphérie bamakoise. Des agents d’une société privée de gardiennage y ont mené une descente, prétendant sécuriser les lieux au nom de l’État, après les attaques terroristes meurtrières du 1er juillet. Pourtant, ce marché ne figurait pas parmi ceux officiellement visés par les mesures post-attentats de septembre 2024 et ces agents n’étaient mandatés par aucune autorité légitime.

Au Mali, la loi n°96‑020, modifiée en 2017, et son décret d’application interdisent explicitement à toute société privée de sécurité d’exercer des missions de police ou de contrôle public. Ces entreprises, même agréées, n’ont ni pouvoir de fouille ni droit d’interpellation. L’intervention de civils armés non habilités dans un contexte post-attentat peut semer la confusion, créer des amalgames et parfois aggraver la situation.

Ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Après chaque attaque, certaines personnes s’improvisent justicières, altèrent des scènes de crime ou, pire, accusent à tort. Pourtant, des numéros verts sont disponibles pour alerter les forces de défense et de sécurité, les seules compétentes pour intervenir. À Bamako, l’argument de l’isolement ou de défaut de réseau ne tient pas.

Le témoignage d’un internaute évoque à juste titre le danger de ces réactions irréfléchies. La foule, la colère ou la rumeur ne doivent jamais dicter la conduite. L’émotion ne peut supplanter la loi. Trop souvent, des innocents en paient le prix, pendant que les véritables auteurs disparaissent.

Faire face au terrorisme, c’est aussi refuser la confusion et respecter les procédures. Il en va de la crédibilité de l’État, de la sécurité collective et des droits fondamentaux de chaque citoyen. Le civisme, ce n’est pas l’instinct. C’est la maîtrise.

Ada Diawara : « Le citoyen doit dénoncer toutes les pratiques corruptives »

La lutte contre la corruption est l’un des chantiers phares de la transition depuis quelques années. Dans cet entretien, Mme Ada Diawara, Vice-présidente de la Coalition des organisations de la société civile pour la lutte contre la corruption et la pauvreté (COSCLCCP), aborde les avancées enregistrées. Propos recueillis par Mohamed Kenouvi

Quel état des lieux général peut-on dresser de la corruption au Mali ?

Je peux dire que des efforts ont vraiment été faits, tant de la part de l’État que de la société civile. Dix ans en arrière, on ne pouvait pas parler de dénonciations. La lutte contre la corruption était même un tabou. Mais aujourd’hui on en parle. Dans l’année, il y a des journées dédiées à la lutte contre la corruption, notamment le 11 juillet, qui est la Journée africaine de lutte contre la corruption et le 9 décembre, la Journée mondiale. Ce sont des occasions pour les organisations de la société civile et les structures étatiques de diffuser l’information sur la lutte contre la corruption, ses causes et ses conséquences sur la population, ainsi que sur le développement durable du pays. Auparavant, ce n’était pas évident.

Êtes-vous satisfaite des différentes réformes dans la lutte contre la corruption ces dernières années ?

Je salue la mise en œuvre de plusieurs réformes, telles que la Stratégie nationale de lutte contre la corruption et le renforcement de nombreuses structures de lutte contre la corruption. Toutes ces structures travaillent et font des rapports, mais ce ne sont pas des structures de répression. La seule structure de répression reste la justice.

Quel est le rôle des organisations de la société civile dans la prévention et la lutte contre la corruption ?

Le rôle de la société civile a toujours été d’informer et de former la population sur ses droits et devoirs, ainsi que sur la manière dont les gens doivent se comporter face à des pratiques corruptives. Le citoyen doit prendre sa destinée en main en dénonçant toutes les pratiques corruptives à son égard et celles qui freinent le développement de la communauté. Aujourd’hui, nous sommes parvenus à sensibiliser près d’un million de personnes avec un seul projet de la coalition, qui est le projet Kenekanko, une plateforme dédiée à la dénonciation, mise en œuvre dans toutes les régions du Mali, en plus du District de Bamako.

La plateforme Kenekanko a-t-elle donné des résultats encourageants dans la lutte ?

Elle a permis de recueillir plusieurs dénonciations, à travers des images et des données. Nous avons créé des Comités de veille et des Comités de contrôle citoyen de l’action publique (CCAP) dans de nombreuses localités. Chaque communauté doit suivre les investissements qui arrivent et les projets auxquels ils sont destinés. Avec les CCAP, les détournements de fonds peuvent diminuer. C’est pourquoi nous exhortons chaque commune à avoir ces Comités. Au niveau de la Coalition, c’est notre outil phare de lutte contre la corruption.

Charte pour la paix : Espoirs et défis après la finalisation

Après des mois de consultations nationales, la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale sera remise au Président de la Transition dans les prochains jours. Considérée comme un texte fondateur pour la cohésion nationale, elle suscite cependant des interrogations sur sa mise en œuvre et son impact réel sur la paix au Mali.

Le projet de Charte nationale pour la paix et la réconciliation sera remis au Général Assimi Goïta, Président de la Transition, courant ce mois de juillet selon nos informations. La Commission chargée de son élaboration a achevé ses travaux le 30 juin 2025, après une dernière séance plénière le 27 juin pour décider de certains détails relatifs à la cérémonie officielle de remise.

Ce texte, présenté comme un instrument majeur de stabilisation, ambitionne d’instaurer un climat de confiance entre les communautés et de réparer les fractures sociales héritées de la crise qui frappe le Mali depuis 2012, tout en garantissant justice et équité pour les victimes.

Structuré en 16 titres, 39 chapitres et 105 articles, le projet de Charte repose sur des valeurs fondamentales propres à la société malienne, telles que le respect des parents, l’amour de la patrie, le travail bien fait, le pardon, la solidarité et le vivre-ensemble.

Il vise à jeter les bases d’une paix durable, à renforcer la sécurité, à favoriser la cohésion nationale, à reconstruire le tissu social et met également l’accent sur l’éducation à la paix, la tolérance religieuse et le respect des différences culturelles.

Contrairement à l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015, souvent jugé inadapté et difficile à appliquer, cette nouvelle Charte se veut une alternative endogène portée par les Maliens eux-mêmes. Elle est appelée à devenir le nouveau socle de la politique de paix et de réconciliation, remplaçant ainsi l’ancien accord.

Un tournant pour la paix

Une fois remise au Chef de l’État, la Charte devrait être adoptée officiellement avant sa mise en œuvre effective. « Après cette étape, une véritable campagne de vulgarisation sera enclenchée pour que tous les Maliens, où qu’ils soient, puissent connaître la Charte dans ses moindres détails pour mieux l’expliquer à leur tour à leur niveau », confie un membre de la Commission de rédaction.

Pour certains observateurs, la Charte représentera une étape historique si elle est appliquée de façon inclusive, car elle pourra contribuer à réduire les tensions intercommunautaires, à restaurer la confiance entre l’État et les populations et à renforcer l’autorité de l’État dans les zones de crise.

« La Charte pour la paix et la réconciliation est une initiative à saluer. Elle peut servir de socle à un véritable contrat social basé sur la vérité, la justice et la réconciliation », affirme Ibrahim Sidibé, analyste politique.

Une mise en œuvre freinée ?

Quelques insuffisances sont cependant déjà pointées, notamment l’absence de mécanismes contraignants. La Charte est un texte d’orientation et non un instrument juridique à portée obligatoire, ce qui pourrait limiter son impact, à en croire certains analystes.

Le contexte sécuritaire reste également un obstacle majeur. Les attaques persistantes pourraient annihiler tous les efforts de paix si la sécurité n’est pas rétablie parallèlement. Comme le résume M. Sidibé, « aucune charte, aussi bonne soit-elle, ne pourra produire des résultats durables si l’État ne sécurise pas d’abord les zones où la réconciliation doit s’opérer ». Ce dernier déplore la persistance de l’insécurité, « malgré les efforts indéniables et la montée en puissance des FAMa ».

Enfin, la dissolution des partis politiques et la division que cette décision a entraînée parmi les Maliens, même si ces partis avaient été consultés dans l’élaboration du projet, risquent de fragiliser l’adhésion nationale autour du texte. De plus, les belligérants, à savoir les rebelles et les djihadistes, n’ont pas pris part aux concertations.

Dialogue permanent

La finalisation du projet de Charte nationale pour la paix et la réconciliation constitue un pas important vers la pacification du pays. Même si elle ne saurait, à elle seule, résoudre les crises multiples que traverse le Mali depuis plus d’une décennie, une mise en œuvre efficace pourrait tracer la voie vers une stabilisation durable. Toutefois, pour qu’elle porte ses fruits, les autorités devront relever certains défis, dont celui du dialogue permanent.

« L’État devra veiller à maintenir un dialogue permanent et inclusif avec l’ensemble des communautés, leaders religieux, politiques et acteurs armés, tout en évitant la politisation du texte, qui doit demeurer un instrument national au-dessus des intérêts partisans », souligne un observateur.

Mali – Russie : Une coopération stratégique

Du 21 au 26 juin 2025, le Président de la Transition, Assimi Goïta, a effectué une visite officielle en Russie. Le chef de l’État était accompagné de plusieurs membres du gouvernement pour cet évènement destiné à donner un nouvel élan à une coopération sécuritaire et économique déjà dynamique.

L’axe Bamako – Moscou amorce un nouveau tournant avec la visite de quatre jours effectuée par le Président Assimi Goïta en compagnie d’une dizaine de ministres. Pour la deuxième fois depuis son arrivée au pouvoir en 2021, le Président de la Transition s’est rendu en Russie. Après plus d’une décennie de crise, les nouvelles autorités maliennes ont fait le choix d’un partenariat stratégique avec le pays de Vladimir Poutine. Cette visite avait donc pour but, deux ans après la première, de « revisiter » ce partenariat, selon les termes du Président Goïta.

La défense et la sécurité, la coopération économique, l’enseignement supérieur, les mines, les transports et l’énergie ont été au centre des discussions entre les deux parties. À l’issue de cette visite, trois accords majeurs ont été signés.

Le premier concerne la création d’une commission intergouvernementale sur la coopération commerciale, économique, scientifique et technique. Ce cadre structurant vise à favoriser des projets à forte valeur ajoutée pour les deux pays. À terme, il pourrait permettre d’ouvrir le Mali à des investissements russes dans des secteurs clés du développement, donner accès aux technologies de pointe et renforcer la diplomatie multipolaire malienne.

Le deuxième accord porte sur le renforcement de la coopération sécuritaire et militaire. Fondé sur les principes de respect mutuel et de non-ingérence, il prévoit la formation, la fourniture d’équipements et un appui opérationnel pour soutenir les capacités nationales de défense et de sécurité. Il s’agit d’un axe central de la stratégie malienne de lutte contre le terrorisme, dans un contexte de retrait des anciennes missions internationales et de pression persistante des groupes armés.

Le troisième accord concerne le nucléaire à but civil, en partenariat avec la société d’État russe Rosatom. Ce projet vise à répondre à la crise énergétique que traverse le Mali depuis 2022, en renforçant l’indépendance énergétique du pays, en réduisant la dépendance aux importations de combustibles et en favorisant l’industrialisation. Il prévoit la construction d’infrastructures, la formation de spécialistes maliens, la radioprotection et l’utilisation de radio-isotopes dans la médecine, l’agriculture et l’industrie.

Partenariat gagnant – gagnant

Jugé « modeste » par le Président russe Vladimir Poutine, le niveau des échanges commerciaux entre le Mali et la Russie est en croissance. En 2023, le Mali a reçu de la Russie 55 000 tonnes de blé, 60 000 tonnes d’hydrocarbures et 22 000 tonnes d’engrais, en plus de 25 000 tonnes de blé en janvier 2024.

Selon les autorités maliennes, les échanges ont représenté en 2023 près de 1,5 milliard de francs CFA, essentiellement consacrés à l’achat de matières premières russes, dont des hydrocarbures. En 2023, les échanges commerciaux entre les deux pays ont même augmenté de 20% en un an, selon les autorités russes.

Une coopération universitaire en plein essor

La rupture avec les alliés traditionnel a offert une opportunité à la Russie pour renforcer sa relation dans d’autres domaines, notamment la coopération universitaire. Ainsi, suite à sa visite de juin 2025 en Russie, le Président de la Transition a confirmé l’augmentation du nombre de boursiers maliens en Russie, passé de 35 en 2023 à 290 en 2025. Cette dynamique contribuera à former une nouvelle génération de cadres et spécialistes capables d’accompagner les ambitions de développement du Mali.

Par ailleurs, le 16 juin 2025, le Président de la Transition a posé la première pierre de la toute première raffinerie d’or nationale à Sénou, codétenue à 62% par l’État malien et à 38% par le groupe russo-suisse Yadran. Cette installation, implantée sur 5 hectares, vise une capacité initiale de 100 tonnes par an, extensible à 200 tonnes, avec pour objectif de rapatrier les revenus annuels estimés à environ 275 milliards de francs CFA via l’exportation brute d’or non raffiné. Le site ambitionne une certification internationale (LBMA) pour s’imposer sur le marché mondial.

« Il est temps que l’or du Mali profite d’abord aux Maliens », a souligné le Président Assimi Goïta lors de la cérémonie de lancement, rappelant que ce projet répond à une exigence populaire de contrôle national sur les ressources naturelles.

Irek Salikhov, Président de Yadran, a précisé : « Cette raffinerie n’est pas seulement un outil industriel, mais aussi le symbole d’une coopération Sud – Sud ambitieuse et d’un véritable partenariat gagnant – gagnant entre la Russie et l’Afrique ».

À ce jour, aucune raffinerie d’or malienne ni russe en activité n’est certifiée LBMA. Les raffineries russes ont perdu leur accréditation en 2022, suite aux sanctions internationales, et la nouvelle raffinerie de Sénou, bien qu’ambitieuse, « vise la certification LBMA dans les prochaines années, mais doit d’abord démontrer sa capacité de production et sa conformité aux standards internationaux », précise un expert des questions minières.

Un expert du marché de l’or souligne : « la certification LBMA est un processus exigeant, qui nécessite au moins trois ans de production stable et des audits rigoureux. Le Mali a encore du chemin à parcourir avant de pouvoir exporter de l’or raffiné reconnu sur le marché international ».

Ce projet s’ajoute à celui de la centrale solaire de Sanankoroba, dont les travaux ont été lancés en mai 2024. Ce champ solaire d’une capacité de 200 MW, pour un coût de plus de 120 milliards de francs CFA, doit contribuer à l’amélioration du mix énergétique malien. Sa mise en service est prévue pour fin 2025.

Un futur prometteur malgré les défis

Saluant une « coopération efficace et une confiance renouvelée », le Président Assimi Goïta s’est dit « satisfait » à l’issue de sa visite en Russie. D’autres projets, notamment dans le domaine énergétique, sont prévus et un cadre de suivi pour leur exécution sera mis en place, même si les détails sur ces futurs investissements restent à préciser.

En plus d’une coopération bilatérale qui a permis au Mali de s’équiper et de « retrouver une liberté d’action », la coopération avec la Russie s’étend désormais à l’Alliance des États du Sahel (AES). Outre les relations bilatérales entretenues par les pays membres avec la Russie, les enjeux du nouvel espace ont été abordés lors de la visite du Président Goïta, Président en exercice de la Confédération.

Après la création de l’Alliance, en septembre 2023, et l’annonce de la naissance de la Confédération, en juillet 2024, plusieurs projets structurants sont en discussion, dont la création d’une Banque de développement et d’une force unifiée de 5 000 hommes. La Banque de développement, bien qu’annoncée officiellement, est en voie d’opérationnalisation. Les États membres travaillent à la définition de ses statuts et à sa mise en place effective. De même, la force conjointe de 5 000 hommes est en cours de préparation. Ses modalités ont été validées et des opérations conjointes ont débuté, mais son déploiement complet reste à finaliser.

Un repositionnement stratégique assumé

Malgré les « difficultés », le partenariat avec la Russie est un « repositionnement stratégique », assumé par les autorités de Bamako depuis 2021. Un choix qui s’est manifesté par le renforcement des liens militaires et économiques entre Bamako et Moscou. Dès leur première rencontre en juillet 2023 lors du sommet Russie – Afrique à Saint-Pétersbourg, le Président russe avait fait du Mali l’un de ses partenaires-clés sur le continent, saluant l’indépendance stratégique de Bamako. Ou plutôt une « dépendance » envers un partenaire jugé plus respectueux par Bamako, rétorquent certains. Pour les autorités maliennes, c’est bien la réaffirmation d’un choix de partenaires multiples, pragmatiques, capables d’aider à répondre aux défis auxquels fait face le Mali.

Dr. Amidou Tidiani, enseignant-chercheur à l’Université Paris 13

Quel regard portez-vous sur l’audit annoncé du financement des partis politiques après leur dissolution ?

En réalité, c’est une manœuvre politiquement inadaptée, mal calculée et irréalisable. Elle est aussi juridiquement infondée. La Cour suprême, en publiant le communiqué invitant les partis politiques à fournir leur bilan, piège le gouvernement et se piège elle-même dans un bourbier juridique.

Cet audit pourrait-il aboutir ?

Les anciens responsables des partis politiques ne prendront pas de risques et peuvent délibérément refuser de communiquer les bilans. S’ils acceptent de jouer le jeu et fournissent à la Cour suprême les bilans de leurs activités sur la période indiquée et qu’on constate qu’il y a des fonds qui ont été détournés, les personnes qui se seront rendues coupables d’infractions risqueraient des poursuites pénales.

Quelles conséquences pourraient subir les anciens Présidents de partis sollicités par la Cour suprême si ces documents ne sont pas fournis ?

L’obligation de dépôt des bilans qui était faite aux partis politiques résultait de la loi portant Charte des partis politiques. Or cette loi a été abrogée et l’obligation qui en découlait disparaît. Si les partis politiques décident de ne pas se conformer au communiqué de la Cour suprême et de ne pas fournir de bilan, ils ne peuvent pas subir une plus grande sanction que la dissolution. Or ils sont déjà dissous.

Hausse du prix du ciment : Les revendeurs inquiets face à un marché sous pression

Depuis avril 2025, le prix du ciment connaît une nouvelle hausse significative au Mali. En cause : l’interdiction des véhicules hors gabarit, entrée en vigueur le 1er avril, qui a désorganisé la chaîne d’approvisionnement. Entre tensions logistiques, plafonds de prix imposés par l’État et réalités du marché, les revendeurs dénoncent un déséquilibre de plus en plus insoutenable.

Le stationnement prolongé des camions hors gabarit à la frontière sénégalaise a provoqué une pénurie de ciment sur plusieurs marchés maliens, selon les professionnels du secteur. Cette pénurie s’est immédiatement traduite par une envolée des prix. Alors qu’avant la mesure la tonne de ciment coûtait entre 90 000 et 105 000 francs CFA, selon qu’il soit local ou importé, les prix ont bondi jusqu’à 130 000 francs, voire plus dans certaines localités.

Pour tenter d’endiguer cette flambée, le gouvernement a convoqué le 9 juin les principaux acteurs de la filière – industriels, transporteurs et revendeurs – dans l’objectif de « normaliser durablement le marché ». Les discussions ont débouché sur des plafonds de prix : 110 000 francs CFA la tonne pour le ciment local et 115 000 francs CFA pour le ciment importé. Ces plafonds reprennent ceux de l’arrêté ministériel toujours en vigueur depuis septembre 2022.

Prix consensuels ?

Mais sur le terrain ces mesures sont jugées déconnectées des réalités logistiques et commerciales. « On nous impose un prix de vente alors que nous ne sommes ni consultés ni approvisionnés à ce tarif », déplore un revendeur de Bamako. D’autres évoquent des frais additionnels ignorés par les autorités : transport, main-d’œuvre, marges minimes face à des grossistes qui eux-mêmes ne respecteraient pas les prix fixés.

Selon les données du Centre for Affordable Housing Finance in Africa (CAHF), la tonne de ciment au Mali coûtait en moyenne 119 500 francs CFA en juin 2024, contre 5 265 francs CFA le sac en 2023. En avril 2025, des enquêtes de terrain ont relevé des prix allant de 78 000 à 78 500 francs CFA à Kayes, contre 104 000 francs CFA à Bamako pour la même période.

Cette volatilité s’explique aussi par la forte dépendance à l’importation. Le Mali consomme 3,6 millions de tonnes de ciment par an, alors que la production nationale reste limitée à environ 2,6 millions de tonnes, assurées par trois unités industrielles.

Faute d’un approvisionnement régulier et de mesures de compensation sur les coûts logistiques, plusieurs points de vente ont temporairement cessé leurs activités, aggravant la pénurie. Les consommateurs finaux, petits entrepreneurs et ménages en construction paient le prix fort.

Chiffres

Prix de la tonne de ciment

Prix fixé : Entre 110 000 et 115 000 francs CFA

Prix pratiqué : Entre 120 000 et 130 000 francs CFA

Bogo Bara : La passion de l’art au cœur du LAC de Lassa

Du 28 au 29 juin 2025 se tiennent les ateliers LAC de Lassa, sur les hauteurs de Bamako, dans le quartier réputé être celui des « Rastas ». Depuis cinq ans, ces ateliers regroupent, le dernier weekend de chaque mois, les passionnés d’art et de créativité.

Les ateliers « Bogo Bara », en bamanankan le travail de la terre, ont été initiés il y a cinq ans pour aider les artisans à pouvoir vivre de leur art. C’est un espace d’échanges et de partage où se rencontrent passionnés, artistes et artisans confirmés ou en herbe.

Les ateliers sont un espace de formation pour des jeunes scolaires attirés par l’art et la culture. De la peinture au jardinage, en passant par la menuiserie métallique et en bois, la sculpture ou le bogolan, le LAC de Lassa propose six ateliers de formation, avec comme formateurs des artisans professionnels en activité ou à la retraite. La plupart sont des professionnels spécialisés dans divers domaines, ayant aussi enseigné dans des structures de formation formelles comme l’Institut national des arts.

Aider les artisans

L’idée, c’est « d’aider les artisans à vivre de leur art et aussi leur permettre de partager leurs expériences », explique Sékou Djiguiba, Chargé de Logistique au centre. Même s’il ne connaît plus le même engouement qu’au début, le rendez-vous continue d’offrir aux visiteurs la possibilité d’acquérir des objets d’art, mais aussi de s’initier à la pratique, afin de mieux apprécier le travail des artisans. Malgré l’absence des touristes, les ateliers continuent de former les élèves dans le cadre d’un partenariat. À terme, le souhait des initiateurs est de devenir un centre de formation agréé par l’État. Pour le moment, ils travaillent sur fonds propres.

Pour le présent atelier, douze artisans exposants sont attendus. Il y aura aussi au programme de cette célébration de l’art un concert dont le but est de faire découvrir des artistes peu connus. À cette occasion, des artistes, notamment des griots de la diaspora, viendront faire une prestation afin de communier dans le cadre d’une soirée mandingue et d’un retour aux sources.

Normalement mensuelles, les éditions lors de l’hivernage sont programmées tous les deux mois afin de permettre au public de se déplacer et aux artisans de mieux se préparer. Contrairement aux ateliers d’initiation d’un jour pour les participants, les élèves sont formés en résidence pendant six mois grâce au soutien du Fonds Maaya pour la Culture. Une formation au bout de laquelle ils bénéficient d’une attestation.

Lutte contre le terrorisme : Vers une nouvelle doctrine de la guerre asymétrique

Le Mali a dévoilé sa nouvelle réponse à la multiplication des attaques djihadistes avec la mise en place d’un Commandement des Opérations Spéciales (COS) décidée en Conseil des ministres. Cette initiative traduit un engagement inédit pour rationaliser la réponse militaire et renforcer la souveraineté nationale face à la violence persistante.

En 2024, le Mali déplorait environ 600 morts lors de 201 attaques terroristes, selon le Global Terrorism Index, soit une baisse de 21% par rapport à l’année précédente. Pourtant, le Sahel reste l’épicentre mondial du terrorisme, rassemblant plus de la moitié des décès liés à ces actes. L’armée malienne, jusqu’alors fragmentée à travers diverses composantes, entend désormais centraliser ses unités d’élite – forces spéciales, antiterroristes, composante aérienne, reconnaissance – afin de déployer des offensives coordonnées et robustes.

Plus qu’une copie du modèle français, le Mali observe aujourd’hui des initiatives africaines plus ancrées. Le Nigeria, avec Amotekun, alloue environ 1,5 milliard de nairas (environ 3 milliards de francs CFA) à cet organe régional de sécurité. Cette force de 10 000 volontaires mobilise des ressources locales pour sécuriser les communautés, exploitant un ancrage socioculturel fort. Une piste pour le Mali, qui pourrait ainsi professionnaliser ses unités tout en nourrissant leur légitimité auprès des populations, sans reproduire les impasses telles que la politisation excessive ou le manque de supervision civile observées au Nigeria.

D’autres modèles africains

L’initiative du Mali semble également s’inspirer d’approches plus technocratiques, comme celle du Rwanda. À Kigali, le Commandement des opérations de sécurité intérieure a été structuré autour d’un renseignement intégré, combinant bases de données numériques, surveillance territoriale et actions préventives à l’échelle communautaire. Les résultats sont notables. Ainsi, entre 2015 et 2023, les incidents sécuritaires liés aux groupes armés y ont diminué de plus de 40%, selon les données du Centre d’analyse stratégique de l’Afrique. Le Mali, avec ses vastes régions frontalières, pourrait s’inspirer de cet ancrage local appuyé par des outils de veille et de coordination.

Au Kenya, la coordination interarmées s’appuie sur des centres d’opérations interconnectés, appuyés par des technologies de géolocalisation et de communication sécurisée. Ces dispositifs permettent une réponse rapide et ciblée aux menaces. Leurs résultats ont contribué à réduire significativement les incursions armées transfrontalières dans le Nord-Est du pays.

Atouts et défis

L’idée d’un COS confère au Mali une avancée en termes de planification stratégique et de réactivité opérationnelle, en synchronisant les divers éléments du renseignement, du combat et du soutien aérien. L’intégration avec certains partenaires comme les instructeurs russes, maintenant incontournable dans la logistique locale, augmente l’effet de levier militaire.

Cependant, la réussite du projet dépendra aussi d’un financement stable, d’un cadre de formation continue – idéalement interne ou en partenariat – et de mécanismes de contrôle civil rigoureux. Sans ces piliers, le risque est de voir le COS devenir une structure formelle sans substance, une simple vitrine à usage politique.

Une autre question importante est celle du financement. Le budget de la Défense a certes connu une hausse ces trois dernières années, atteignant plus de 400 milliards de francs CFA en 2024 (contre 312 milliards en 2021), mais les besoins restent immenses pour équiper, former et maintenir une force spéciale d’élite sur la durée. Le coût d’un déploiement mobile permanent, avec appui logistique, systèmes de communication sécurisés et dispositifs de renseignement, dépasse souvent les 100 millions de francs CFA par compagnie et par trimestre, selon des estimations d’experts militaires.

Une cohérence régionale à consolider

L’initiative du Mali pourrait inspirer ses voisins sahéliens qui n’ont pas encore franchi le pas d’un commandement ainsi structuré. Dans le cadre de la Confédération des États du Sahel (AES), il pourrait constituer un exemple à suivre, notamment si le financement, la gouvernance et les partenariats avec la société civile demeurent au cœur de cette construction militaire.

Faire vivre un tel commandement est un défi complexe, que peu de nations africaines ont relevé. Mais si le Mali parvient à combiner expertise militaire, soutien national et transparence politique, ce COS pourrait transformer la réponse sécuritaire dans une région en lutte permanente. Dans le Sahel, un dispositif de cette ampleur porte en lui l’espoir d’un virage réellement efficace pour contenir une menace qui dépasse largement les simples frontières nationales.

Forum du développement durable : Vers une structuration du marché carbone

Face à la crise climatique et aux engagements internationaux, la transition vers un modèle économique « bas carbone » devient une priorité. Si le mécanisme ouvre des perspectives pour le secteur privé, sa mise en place au Mali pose encore des défis. C’est l’enjeu de la 5ème édition du Forum pour le développement durable (FDD), organisé par le Centre international pour le conseil et la formation (CICF) les 24 et 25 juin 2025 à Bamako.

Axé sur le thème « Le marché du carbone, une opportunité pour le secteur privé », le forum réunit institutions publiques, entreprises, bailleurs et experts pour une stratégie adaptée au contexte malien et à ses contraintes économiques et institutionnelles spécifiques. Il vise à mobiliser les acteurs économiques autour du développement bas carbone, en mettant l’accent sur la sensibilisation des entreprises aux impacts économiques, l’analyse du cadre réglementaire et les conditions d’engagement du secteur privé. Innovation et technologies vertes sont identifiées comme leviers.

À ce jour, les projets de cuisson propre au Mali ont déjà généré plus de 1,4 million de tonnes de crédits carbone certifiés, selon Climate Focus, preuve de la faisabilité d’un marché carbone structuré et de l’intérêt croissant des bailleurs pour ce type d’initiatives vertueuses. Le potentiel malien est considérable, dans un secteur mondial estimé à 2,7 milliards de dollars en 2024 pour 430 millions de tonnes de CO échangées.

Développement responsable

Le marché carbone européen lancé en 2005 repose sur un système de quotas d’émissions : les entreprises qui polluent moins que le seuil alloué peuvent vendre leur excédent à celles qui dépassent leurs limites. Ce mécanisme incitatif permet d’investir dans la décarbonation tout en réduisant les émissions globales. Ce système a montré ses effets positifs sur la réduction progressive des émissions dans plusieurs secteurs à forte empreinte. Il offre un modèle reproductible, y compris pour les pays à faibles émissions comme le Mali, qui subissent néanmoins de plein fouet les effets des dérèglements climatiques.

À l’instar des autres États, le Mali doit honorer ses engagements climatiques. Plusieurs secteurs sont jugés porteurs dans le cadre du Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) : énergie, reboisement, lutte contre la déforestation, biomasse, industrie, gestion des déchets ou encore transports.

En février 2025, un atelier national a posé les bases d’un cadre structurant conforme à l’Article 6 de l’Accord de Paris, pour mobiliser entre 45 et 125 millions de dollars grâce aux crédits carbone. Ce dispositif vise à renforcer la résilience climatique du pays tout en ouvrant de réelles perspectives économiques pour les acteurs locaux, notamment les PME rurales, souvent exclus des dispositifs de financement classique.

Bamako : Quand les « lives » virent à l’arnaque

Ce qui devait n’être qu’un outil de promotion commerciale est en train de se transformer en piège numérique. À Bamako, les sessions « live » sur TikTok, devenues populaires pour la vente en ligne, font émerger un phénomène aussi inquiétant que pervers. C’est de l’escroquerie en temps réel.

Le mécanisme est aussi simple qu’efficace. Une vendeuse – ou un vendeur – présente ses articles en direct. Un internaute intéressé commente, souvent en laissant son numéro de téléphone pour être recontacté. C’est à ce moment-là que les arnaqueurs rôdent. Ils appellent dans la foulée, se faisant passer pour un soi-disant « livreur » ou « collaborateur », exigeant un paiement mobile money immédiat pour une commande fictive. Le client, pris de court, s’exécute. Mais la marchandise n’arrivera jamais. Quant au compte TikTok responsable du live, il niera toute implication.

Ce phénomène alarmant révèle un trou béant dans la régulation du commerce en ligne au Mali. Aucun cadre légal n’oblige aujourd’hui les vendeurs à vérifier l’identité des acheteurs ou des commentateurs. Les réseaux sociaux, quant à eux, n’ont ni la volonté ni la capacité de sécuriser ces échanges informels. Résultat : ce sont les citoyens, souvent modestes, qui paient le prix fort.

Il est urgent d’alerter l’opinion publique, de lancer des campagnes de prévention massives et d’imaginer un cadre juridique adapté à l’économie numérique locale. Car derrière chaque live se cache désormais une possible escroquerie. Il en va de la confiance numérique, mais aussi de la dignité de vendeurs honnêtes désormais discrédités malgré eux. À Bamako comme ailleurs, la technologie ne doit pas être un prétexte à l’impunité.

Massiré Diop

1ers Jeux de l’AES : Premières médailles, premières émotions

Lancée en grande pompe le 21 juin par une cérémonie d’ouverture haute en couleurs au Palais des Sports Salamatou Maïga de Bamako, la première édition des Jeux de l’AES se poursuit jusqu’au 28 juin dans une ambiance fraternelle et compétitive. Voici un tour d’horizon des résultats enregistrés au football, au kung fu wushu et au taekwondo.

Au tournoi de football U17, le Mali s’est largement imposé en match d’ouverture le 21 juin devant le Niger avec un score de 3 à 0. Cependant, les Nigériens se sont repris lors de leur deuxième sortie, le 23 juin, en s’imposant 1 à 0 devant le Burkina Faso. Pour leur deuxième match, les Étalons Cadets ont affronté les Aiglonnets le 25 juin et se sont inclinés de nouveau (2-5). La finale a opposé le 27 juin le Mali au Niger. Les Aiglonnets se sont à nouveau largement imposés devant les U17 nigériens (4-0) et ont décroché la médaille d’or de la compétition de football pour ces 1ers jeux de l’AES.

Le Mali en force au kung fu wushu

Le kung fu wushu était à l’honneur le 23 juin. En taolu (enchaînements techniques), la Malienne Oumou Bouaré a brillé en décrochant 2 médailles d’or, notamment en changquan (main nue) et gunshu (bâton). Elle a néanmoins été devancée dans l’épreuve du sabre (daoshu) par la Burkinabè Rim Vanessa Simporé, sacrée championne.

Du côté du combat libre (sanda), la Malienne Adam Djekpilé s’est imposée chez les femmes (-65 kg), tandis qu’Abdoulaye Diassana, également Malien, a remporté l’or chez les hommes après avoir battu le Burkinabè Iboudo Nianis.

Le Niger tire aussi son épingle du jeu. Dans la catégorie masculine des -80 kg, Boubacar Ibrahim a dominé le Malien Seydou Diarra, offrant à son pays sa toute 1ère  médaille d’or de ces Jeux. Au classement final de cette épreuve, le Mali se hisse en tête avec 8 médailles d’or, suivi du Burkina Faso (3 médailles d’or) et du Niger (1 médaille d’or).

Le Niger s’impose au taekwondo

Le Niger s’est particulièrement illustré lors des épreuves de taekwondo junior, disputées le 24 juin. Avec 3 médailles d’or, 1 d’argent et 1e de bronze, les athlètes nigériens ont dominé le classement.

On retient notamment les victoires de Samira Soumana (-44 kg), Houssseina Zada (-55 kg) et Abdoul Aziz Issifi (-55 kg), qui ont porté haut les couleurs nigériennes. Le Burkina Faso suit de près avec 2 titres remportés par Doumbia Mariam (-49 kg) et Sanou Sibiri Moumouni (-63 kg), en plus de 3 médailles de bronze. De son côté, le Mali complète le podium avec 4 médailles d’argent et 1 de bronze.

Mohamed Kenouvi

Financement des partis : L’audit post dissolution qui divise

Un peu plus d’un mois après la dissolution de tous les partis politiques par les autorités de transition, la Cour suprême du Mali a annoncé le 17 juin 2025 l’ouverture d’un audit rétrospectif sur les financements publics accordés aux partis de juillet 2000 à mai 2025. Présentée comme une opération de transparence, la démarche soulève toutefois des controverses juridiques et politiques, dans un contexte où le pluralisme politique est suspendu.

Selon le communiqué lu à la télévision nationale et signé par le Président de la Section des Comptes de la Cour suprême du Mali, les Présidents des ex partis politiques sont invités à prendre les dispositions appropriées pour déposer à la Section des Comptes, avant le 30 juin 2025, les copies des états financiers, les pièces justificatives des dépenses, les journaux de banques et de caisses, les relevés et états de rapprochement bancaires, ainsi que les documents relatifs à la situation annuelle des ressources.

D’après nos recoupements, les partis politiques avaient été saisis par lettre depuis le 13 mai 2025 par le Président de la Section des comptes de la Cour suprême du Mali en vue de cet audit spécial sur le financement de leurs activités. Cependant, dans la foulée de leur dissolution par décret en date du même jour, les leaders des partis politiques dissous n’ont pas donné suite à la correspondance. Cela explique la diffusion du communiqué du 17 juin sur les antennes de la télévision nationale, en raison par ailleurs de la fermeture des sièges des partis politiques, conformément au décret de leur dissolution.

Une réponse aux recommandations des Forces vives

L’audit du financement public des partis politiques est une recommandation issue des consultations des Forces vives de la Nation des 28 et 29 avril 2025, et le Premier ministre a officiellement requis la Cour suprême le 5 mai 2025 pour sa mise en œuvre une semaine avant la dissolution des partis politiques.

L’objectif de cet examen approfondi, qui portera notamment sur la transparence des flux financiers, la justification des dépenses et le respect des obligations comptables, est d’évaluer la conformité des opérations financières des partis politiques aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.

Conformément à la charte des partis politiques abrogée, une subvention équivalente à 0,25% des recettes fiscales annuelles de l’État était répartie entre les partis selon des critères bien définis (Résultats électoraux, nombre d’élus, représentativité des femmes, etc.). En contrepartie, chaque formation bénéficiaire devait produire des états financiers certifiés, à déposer avant le 31 mars de l’année suivante auprès de la Section des Comptes.

Comme modalités de mise en œuvre de la recommandation sur l’audit du financement des partis, les Forces vives ont demandé de rendre publics les rapports et bilans financiers des partis politiques pour les fonds reçus et de contrôler leurs sources de financement internes et externes, tout en arrêtant et interdisant leur financement par des associations, des fondations, des États étrangers, des ONG et des institutions internationales. Elles ont en outre recommandé d’encourager le financement par les militants des partis, y compris ceux établis à l’extérieur, via des mécanismes transparents.

Audit illégal ?

Si la mission d’audit entre dans les attributions normales de la Section des Comptes de la Cour suprême, sa portée soulève une controverse juridique majeure. Peut-on auditer rétroactivement des partis politiques aujourd’hui dissous ? Les entités visées n’ayant plus d’existence légale, certains juristes estiment que l’exercice est juridiquement discutable, voire caduc.

« Le Premier ministre demande à la Section des Comptes de la Cour suprême de violer la loi. Elle aurait dû lui expliquer que sa demande était illégale », indique Maître Mountaga Tall, avocat et ancien Président du parti CNID Faso Yiriwaton. « C’est aux Présidents des anciens partis politiques que la Section des Comptes de la Cour suprême s’est adressée. Or, il n’existe pas aujourd’hui de Président de parti au Mali, fût-il ancien ou autre », poursuit-il.

À l’instar de Me Mountaga Tall, plusieurs autres personnalités politiques et observateurs ont fustigé la décision du gouvernement de mener cet audit rétrospectif sur le financement public des partis politiques. « Il s’avère que la Section des Comptes, depuis plus d’une décennie, publie quasi régulièrement des rapports annuels de vérification des comptes des partis politiques. Si le travail de la Section des Comptes a été mené avec intégrité et un soutien moral sincère, que peut réellement apporter un nouvel audit ? », s’interroge pour sa part le Dr. Mahamadou Konaté, Directeur du Bureau d’Études et de Conseils Donko pour la Gouvernance et la Sécurité.

« Le but de cet audit post-mortem n’est pas judiciaire, mais très probablement politique. Cela a tout l’air d’une manœuvre de diversion, d’une tentative désespérée de créer un ennemi rétrospectif, un coupable de substitution, pendant que le peuple ploie sous le poids du quotidien », analyse ce juriste.

Délai de prescription non conforme

L’illégalité décriée de l’audit ne se limite pas à l’inexistence des partis politiques au Mali. Elle est aussi relative à la période concernée, soit 25 ans, alors que des spécialistes financiers soulignent que le délai de prescription légale est de 10 ans.

« Que ce soit en comptabilité privée ou en comptabilité publique, le délai obligatoire de conservation des livres comptables et de leurs pièces justificatives est de dix ans », rappelle le Dr. Konimba Sidibé, expert-comptable et homme politique, s’appuyant sur l’article 24 de l’Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière de l’OHADA pour la comptabilité privée et l’article 71 du décret N°2014-0349/P-RM du 22 mai 2014 portant règlement général sur la comptabilité publique en République du Mali.

Quelle suite pour le processus ?

La suite du processus d’audit du financement des partis politiques au Mali s’annonce semée d’embûches. En l’absence de structures légales capables de répondre aux injonctions de la Section des Comptes de la Cour suprême, notamment la production des pièces justificatives, l’audit risque de tourner court.

Selon certains observateurs, en l’état actuel, trois scénarios pourraient se dessiner. Le premier serait un audit administratif à sens unique, basé uniquement sur les documents déjà déposés par les partis jusqu’en 2023. Cela limiterait l’enquête à un simple état des lieux incomplet, sans possibilité de contradiction ni d’éclaircissements supplémentaires.

Le deuxième scénario, plus juridique, consisterait à instruire des dossiers individuels visant d’anciens responsables politiques à titre personnel, en cas de suspicion d’enrichissement illicite ou de détournement. Ce glissement vers le pénal pourrait néanmoins ouvrir un terrain politique sensible. Le troisième scénario, enfin, serait la suspension ou l’ajournement pur et simple de l’audit, faute d’interlocuteurs valides et de conditions procédurales adéquates.

« La Section des Comptes de la Cour suprême peut difficilement aller au bout d’un audit rigoureux et contradictoire dans les conditions actuelles, sauf à redéfinir le cadre juridique de l’exercice », glisse un juriste sous anonymat. Il ajoute que l’absence de parties prenantes ne compromet pas la légitimité de la démarche, mais qu’elle en affaiblit considérablement l’exécution.

« Sans mécanismes transitoires permettant de convoquer d’anciens dirigeants ou d’accéder aux archives des partis, l’opération risque de rester inachevée », affirme notre interlocuteur.

En l’absence de garanties juridiques solides et d’un véritable processus contradictoire, l’audit du financement public des partis politiques au Mali, présenté comme un impératif moral et institutionnel, soulève de sérieuses interrogations sur sa finalité réelle.

Mohamed Kenouvi          

Mali Ko : La jeunesse au rythme de la mémoire musicale

De juin à décembre 2025, le projet culturel Mali Ko… sillonnera onze villes du pays pour faire revivre dix-neuf chansons emblématiques à travers les voix de jeunes artistes. Une initiative portée par Africa Scène et Blonba et soutenue par l’État malien.

Du Mali des années 60 à celui des plateformes numériques, la mémoire musicale nationale prend un nouveau souffle. Le projet Mali Ko… (Le Mali dit…), lancé dans le cadre de l’Année de la Culture, s’inscrit dans une volonté de transmission intergénérationnelle à travers la musique, l’image et le débat citoyen. Chaque ville sera élevée au rang de capitale culturelle éphémère, devenant à la fois une scène de spectacle, un lieu de mémoire et un laboratoire d’expression. Le choix de villes parfois éloignées du circuit culturel habituel est pleinement assumé.

Porté par Africa Scène et l’Espace Culturel Blonba, le projet revisite dix-neuf titres majeurs du patrimoine malien. On y retrouve des classiques comme Mali ba de Bazoumana Sissoko, Tassidoni du Super Biton, Nyama Toutou de Nahawa Doumbia, Chérie d’Ali Farka Touré, Mamaya d’Ami Koïta, Dimanche à Bamako d’Amadou et Mariam, Mali Twist de Boubacar Traoré Kar Kar, Bi furu de Oumou Sangaré, Mali Sadio de Mangala Camara, Can 2002 de Neba Solo. Ces chansons seront interprétées par six artistes contemporains : Malakey, Young BG, Dr Keb, Black AD, Mamou Fané et Maimouna Soumounou.

Avec un budget prévisionnel de 150 millions de francs CFA, soutenu par le ministère de la Culture et la GIZ à travers le programme Donko ni Maaya, la tournée traversera onze villes : Tombouctou, Mopti, Ségou, San, Koutiala, Sikasso, Bougouni, Koulikoro, Kita, Kayes et Bamako.

Chaque étape donnera lieu à un spectacle-concert de 2h30, conçu comme une mise en scène vivante du répertoire, sous la direction d’Alioune Ifra Ndiaye. Les jeunes artistes réécriront parfois les morceaux ou les adapteront sans les trahir, pour les faire résonner avec les réalités actuelles.

En parallèle, un album musical rassemblera les versions revisitées. Le projet investira également les écrans avec une série documentaire de 40 épisodes centrée sur les coulisses de la tournée et les villes visitées. Dix talk-shows de 90 minutes donneront la parole aux artistes, au public et aux figures locales.

L’objectif est d’atteindre 150 000 spectateurs en présentiel, 3 millions de téléspectateurs et 1 million de vues numériques. Mais, au-delà des chiffres, il s’agit surtout de réconcilier une génération avec son histoire par l’art.

À travers Mali Ko…, la jeunesse malienne devient actrice d’un récit national qui se chante, se partage et s’invente au présent.

Sidi Dicko : « La plupart des jeunes formés deviennent très actifs »

À l’École de la citoyenneté, le programme prépare sa 4ème cohorte. Les jeunes de 18 à 35 ans peuvent postuler jusqu’au 30 juin et les formations se dérouleront du 10 au 24 juillet 2025 au Palais des Pionniers pour Bamako et du 11 au 21 juillet 2025 pour les régions. Sidi Dicko, Président du Comité d’exécution du programme à l’École de la citoyenneté (ECI), revient pour nous sur les objectifs, les résultats déjà atteints et les perspectives. Propos recueillis par Fatoumata Maguiraga

Pourquoi une École de la citoyenneté et qu’est-ce qu’elle vise ?

L’École de la citoyenneté est un programme du ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne, qui vise à inculquer aux jeunes l’esprit patriotique en vue d’en faire des bâtisseurs et des défenseurs de la Nation, prêts à répondre à l’appel et à devenir des citoyens engagés et dévoués. L’école prépare sa 4ème cohorte. Les 1ère et 2ème ont formé 200 jeunes chacune à Bamako, regroupant les régions. La 3ème était une cohorte spéciale organisée à l’intention des Présidents élus des bureaux du Conseil national de la jeunesse (CNJ). Elle a réuni 700 jeunes.

Nous préparons la cohorte de Bamako et de sept régions ciblées (Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao). À Bamako, 400 jeunes seront formés,  300 pour Bamako et ses environs et 100 de la diaspora et des pays de l’AES, durant 15 jours (Du 10 au 24 juillet). La vision est de former toute la jeunesse, mais nous y allons par étape.

De la 1ère édition à maintenant, quels résultats avez-vous atteints ?

Nous avons commencé par 200 jeunes. Cette année, on prévoit 400 jeunes à Bamako et 200 par région, soit un total de 1 800 jeunes. En plus, le réseau de communication est large, car les panels sont diffusés sur les réseaux sociaux. Une des sessions a même enregistré 500 000 vues.

Que deviennent les jeunes formés ?

La plupart des jeunes formés deviennent très actifs. Ils participent aux activités d’assainissement dans leurs communautés, à la sensibilisation sur la circulation routière. En outre, il leur est demandé de restituer la formation reçue auprès d’autres jeunes et des autorités dans les régions. Ils sont aussi sollicités dans le cadre d’activités de volontariat, par exemple dans les brigades citoyennes. Ils deviennent des acteurs engagés, ce qui incite d’autres jeunes à les suivre. Depuis l’ouverture des candidatures le 15 juin, plus de 1 330 jeunes ont déjà postulé en ligne. Il y a beaucoup d’engouement car les jeunes ont besoin de cette formation.

Certains critères de sélection, comme l’appartenance à un mouvement associatif, ne risquent-ils pas d’exclure beaucoup de jeunes ?

Un jeune qui n’a jamais été à l’école a évoqué le critère du niveau d’études. Il peut postuler, car nous avons besoin de former toute la jeunesse, y compris ceux qui n’ont jamais été à l’école ou appartenu à une association. Il y a des critères que nous ne pouvons pas changer, mais qui ne sont pas obligatoires. Le programme est inclusif et s’adapte. Les formateurs s’expriment aussi en langues nationales.

Sept régions sont pour le moment concernées, et les autres ?

Lors des cohortes passées, les jeunes de toutes les régions ont participé, avec des représentants envoyés à Bamako. Des régions vont rejoindre chaque région ciblée. Par exemple, Sikasso regroupera les jeunes de Bougouni et Koutiala, Mopti, ceux de Bandiagara et Douentza pour la cohorte prévue du 11 au 21 juillet 2025.

Quelles leçons avez-vous tirées des précédentes éditions ? Quelles améliorations allez-vous apporter ?

Beaucoup de leçons ont été tirées, notamment le constat de l’amour que les jeunes ont pour la vie en groupe. Ils apprennent des choses qu’ils n’ont pas eu la chance d’apprendre à l’école. Ce sont aussi des jeunes qui partagent, ce qui attire les autres. Ils bénéficient d’un accompagnement et deviennent volontaires dans plusieurs domaines. Le programme prévoit des innovations et chaque cohorte bénéficie d’améliorations dans les modules. Au-delà du civisme, ils reçoivent aussi des formations en entrepreneuriat, etc.

Quels sont les modules enseignés ?

Introduction au civisme et à la citoyenneté, connaissances traditionnelles sur la société malienne, soirées éducatives « Danbé ni Maaya », culture de la conscience patriotique, connaissance du Mali, diplomatie culturelle, usage des médias sociaux, éducation aux valeurs, etc. Autrefois, les jeunes apprenaient des choses en dehors de l’école, auprès des grands-parents. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est cette opportunité que nous voulons leur redonner.

La Syrie partagée entre la peur et l’espoir

À l’instar des Allemands durant la période d’hyperinflation survenue dans la République de Weimar il y a un siècle, les Syriens d’aujourd’hui sortent rarement de chez eux sans une épaisse liasse de billets. Longtemps réprimées dans un pays dirigé jusqu’à récemment par la minorité alaouite, les tensions sectaires continuent d’alimenter l’instabilité, et les distributeurs automatiques de billets plafonnent actuellement les retraits à 40 $ par semaine, lorsqu’ils fonctionnent.

 

Six mois après l’éviction du président Bachar el-Assad, bouleversement qui a mis fin à 13 années de guerre civile brutale, les Syriens peinent encore à survivre au quotidien. En dépit de difficultés considérables, beaucoup s’agrippent à l’espoir du retour prochain d’une certaine normalité. Chaque semaine apporte malheureusement son lot d’épreuves, qui contrarient cet optimisme. Tout récemment, en utilisant l’espace aérien syrien pour frapper l’Iran, Israël a plongé les Syriens dans un embarras dont ils se seraient bien passés.

 

Dans une culture au sein de laquelle l’hospitalité est sacrée, la plupart des Syriens ne peuvent plus se permettre de proposer ne serait-ce qu’une tasse de café à leurs invités. Le pays souffre d’une grave sécheresse – pire encore que la sécheresse souvent associée au soulèvement de 2011 – qui menace aujourd’hui 75 % des récoltes de blé, compromettant l’accès au pain, et accentuant l’insécurité alimentaire.

 

Peu de Syriens souhaitent le retour d’Assad, mais beaucoup sont sceptiques quant à son successeur, Ahmed al-Charaa. Ancien commandant d’Al-Qaïda, Charaa a dirigé pendant plusieurs années la province rurale d’Idlib, au sein de laquelle il appliquait un code islamiste sunnite strict. Bien qu’il ait depuis modéré ses positions, il demeure aussi énigmatique qu’un Bachar el-Assad diplômé en Occident et en apparence calme, qui avait promis des réformes, pour ensuite devenir l’un des pires criminels de guerre depuis la Seconde Guerre mondiale.

 

À l’instar de son prédécesseur, Charaa gouverne par décret, et fait preuve d’un manque de transparence préoccupant, ce qui conduit de nombreux Syriens à craindre d’avoir remplacé un autocrate par un autre, une dictature laïque par une dictature islamiste. Par ailleurs, les orientations idéologiques et les priorités économiques de Charaa demeurent peu évidentes. Ses détracteurs tournent en dérision son passé chez Al-Qaïda, tandis que ceux qui ont combattu à ses côtés en Irak mettent en doute son attachement au djihad.

 

Quels que soient les objectifs de Charaa, les divisions sectaires continuent de compromettre toute action gouvernementale significative en Syrie, dans la mesure où les Druzes, dans le sud, et les Alaouites, dans le bastion de longue date d’Assad le long de la côte, refusent d’accepter le nouveau gouvernement. « Ce sont des hypocrites », m’a expliqué le chef spirituel druze Hikmat al-Hijri, décrivant Charaa et ses alliés en employant un terme religieux lourd de sens, désignant ceux qui font obstacle au message du prophète Mahomet. Interrogé sur son soutien ou non à un État fédéral, al-Hijri répond qu’il est opposé au centralisme. En réalité, ce que lui et ses coreligionnaires souhaitent, c’est un gouvernement central faible, incapable d’exercer un contrôle sur leur province reculée.

 

Les Alaouites sont confrontés à un problème différent. En tant qu’ancienne minorité au pouvoir en Syrie, ils partagent peu de choses avec l’élite sunnite renversée par les États-Unis dans l’Irak voisin. Les sunnites étant prédominants dans le monde arabe et islamique, la minorité sunnite d’Irak s’est considérée en droit de régner sur la majorité chiite du pays, et a réclamé que soit rétabli son statut légitime.

 

Les Alaouites de Syrie ne peuvent pas cultiver des aspirations similaires, ce qui ne les a toutefois pas empêchés de tenter une insurrection, à l’instar des sunnites d’Irak après l’invasion américaine de 2003. Seulement voilà, la minorité alaouite est non seulement beaucoup moins nombreuse que la minorité sunnite en Irak, mais également historiquement trop fragmentée pour espérer constituer un front uni.

 

Les récents affrontements entre le gouvernement et ces groupes minoritaires ébranlent la Syrie, ce qui met à mal la confiance de la population dans le nouveau régime. Pour autant, malgré ce conflit sectaire, Charaa bénéficie du soutien de la plupart des sunnites arabes. Si les musulmans pieux l’approuvent, c’est parce que l’effondrement du parti laïque Baas a permis le retour de la religion dans la vie publique. D’autres lui attribuent le crédit d’une baisse des prix, bien qu’il reste à prouver que Charaa puisse exercer sur les marchés autant d’influence qu’un Donald Trump, par exemple.

 

L’antiaméricanisme et l’hostilité féroce vis-à-vis d’Israël constituaient les piliers du credo baasiste de la dynastie Assad. Bachar et son père avaient adopté ce dogme pour détourner l’attention de leurs échecs nationaux et de leur régime minoritaire. Sous les Assad, la Syrie aurait été la première à dénoncer les frappes israéliennes contre l’Iran, ainsi qu’à proposer son soutien – verbal et matériel – à tout protagoniste désireux d’en découdre avec les Israéliens. Par opposition, les Syriens sont aujourd’hui devenus insulaires, plus préoccupés par la guérison nationale que par les événements régionaux. De nombreux Syriens sont heureux d’entretenir désormais des relations de voisinage normales, alors même qu’Israël empiète de plus en plus sur leur territoire depuis la chute d’Assad.

 

Dans une société en proie aux pénuries, la seule chose dont les Syriens ne manquent pas est l’espoir – un bien gratuit qui, contrairement à la plupart des autres, n’est ni coûteux ni soumis à des sanctions internationales. « Sans espoir, nous ne pourrions pas vivre », m’a confié un Syrien qui se demandait s’il allait dépenser ses maigres économies dans l’achat de nouvelles chaussures de sport pour ses enfants ou dans la réparation de l’installation électrique défectueuse de son appartement.

 

Les Syriens sont confrontés à une multitude de choix de ce type. Ce qui leur manque, ce sont les coups de chance soudains, tels que la décision inattendue de Trump d’assouplir les sanctions américaines contre leur pays, une démarche qui conduit de nombreux Syriens à espérer d’autres surprises positives. « C’est Allah qui a planté la graine de la Syrie dans le cœur de Trump », m’a soufflé un Syrien confiant, qui tenait dans ses mains calleuses un sac de tomates à la limite du pourrissement, achetées au rabais.

 

D’après l’envoyé spécial américain pour la Syrie, Tom Barrack, la décision de l’administration Trump de lever certaines sanctions visait à « inonder la zone d’espoir ». Ce que les Syriens espèrent, c’est que les Américains inonderont leur pays de capitaux et d’investissements, leur évitant ainsi d’avoir à choisir entre besoins existentiels et confort de base, et leur permettant à tout le moins d’acheter des fruits encore pleins de vie.

 

Barak Barfi a été chercheur chez New America, et chercheur invité à la Brookings Institution.

 

Project Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org

Guerre israélo-iranienne : La fragilité des alliances face à la Realpolitik

La récente escalade militaire entre Israël et l’Iran dévoile la volatilité des alliances internationales et les limites de la dépendance sécuritaire. Dans un monde où les intérêts priment sur les engagements, chaque État doit repenser sa stratégie pour garantir sa souveraineté.

Depuis le 13 juin 2025, l’Opération Rising Lion, menée par Israël contre plusieurs sites nucléaires et infrastructures stratégiques en Iran, a bouleversé l’équilibre régional. Près de 224 morts et plus de 1 200 blessés, selon les autorités iraniennes, témoignent de la violence de cette offensive, assumée publiquement par le Premier ministre israélien Netanyahu. Si l’appui discret des États-Unis à Israël a évité une riposte directe contre les forces américaines, il a paradoxalement renforcé la cohésion autour du régime iranien, loin d’isoler Téhéran sur la scène internationale. Ce raid, l’un des plus importants depuis l’attaque iranienne par drones du 13 avril dernier, vise selon Tel-Aviv à prévenir un réarmement stratégique de son principal ennemi régional.

Cette séquence révèle la fragilité des alliances traditionnelles. La Russie, tout en dénonçant les frappes israéliennes comme « illégales », propose une médiation sans véritable engagement, illustrant la prudence de Moscou à s’impliquer dans un conflit qui pourrait menacer ses propres intérêts. Les États du Sahel, récemment tournés vers la Russie pour compenser le retrait occidental, découvrent que ces partenariats restent conditionnés et instables. La Realpolitik domine, dans la mesure où les alliances se font et se défont au gré des rapports de force et des intérêts immédiats.

Les États-Unis, convaincus de la faiblesse stratégique de l’Iran, soutiennent l’offensive israélienne, mais ce calcul pourrait se retourner contre eux. La réaction iranienne, marquée par une résistance farouche et la menace d’un réarmement nucléaire, montre que la pression extérieure peut parfois renforcer la détermination d’un régime plutôt que le fragiliser. En Israël, la dimension politique interne n’est pas absente, dans la mesure où la gestion de la crise sert aussi à consolider le pouvoir de Netanyahu face à ses détracteurs.

La leçon pour les États tiers, notamment au Sahel, est limpide. En effet, la sécurité ne s’achète pas sur étagère et ne se délègue pas sans risques. Miser sur des alliances extérieures sans investir dans ses propres capacités revient à s’exposer à l’imprévisible. Dans un monde multipolaire, la souveraineté et l’autonomie stratégique restent les meilleurs remparts contre l’instabilité et la dépendance. C’est aussi un avertissement pour d’autres régions en crise.