Transition : La fin officielle engendre-t-elle un vide juridique ?

Depuis le 26 mars 2024, date à laquelle a pris fin la transition conformément au décret  No 2022-003/PT-RM du 6 juin 2022 fixant sa durée à 24 mois, un débat  autour d’un éventuel vide juridique pour la suite s’est installé. Sur la question, les positions sont très tranchées.

« Le vide juridique est lié au fait que la charte est caduque et que les organes de la transition le sont également. Aujourd’hui la vérité est que nous avons des organes de fait de la transition, qui sont là pas la force des choses », clame Dr. Mahamadou Konaté, président en exercice du comité stratégique du M5-RFP Mali Kura.

Parmi les éléments  sur lesquels se base le juriste, l’article 22 de la loi No 022-001 du 25 février 2022 révisant la charte de la transition et le décret No 2022-003/ PT-RM du 6 juin 2022 fixant le délai de la transition à deux ans.

Positions contradictoires

En revanche, pour Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, président de la plateforme Forum des forces du changement (FFC), le décret fixant la fin de la transition est « inopérant » parce qu’il est le fruit d’une négociation politique avec la communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest ( CEDEAO). En outre pour lui, la charte révisée de la transition notamment en son article 22 permet clairement à la transition de s’étendre jusqu’à l’élection du président de la République organisée par les autorités de la transition. « Mieux, la loi fondamentale du 22 juillet 2023 dans son article 190  dispose que jusqu’à la mise en place de nouvelles institutions, les institutions établies continuent d’exercer leurs fonctions et attributions ».

Le président de la commission Lois du conseil national de transition ( CNT) abonde dans le même sens. Pour Souleymane Dé, depuis la promulgation de la nouvelle Constitution du 22 juillet 2023, la fin de la transition au Mali n’est plus liée à une date mais à un évènement : l’élection du Président de la République. Pour lui, le débat sur le décret fixant la durée de la transition n’a également pas lieu d’être. « La charte de la Transition  dans son article 22 fixait la durée de la transition à 18 mois. La Charte modifiée du 25 février 2022 supprime le délai de 18 mois et renvoie à l’élection du Président suivie de la prestation de serment de ce dernier. Et avec la nouvelle Constitution, l’article 190 ramène au fait électoral », explique-t-il.

Faux, rétorque le Dr. Mahamadou Konaté. « Dire que la transition prend fin avec l’organisation de l’élection présidentielle est une aberration. La transition politique par nature est définie dans un temps précis. L’élection présidentielle n’est pas un temps, c’est une activité. Et avoir un tel raisonnement  revient à dire que la transition est illimitée dans le temps. Car, l’organisation de l’élection présidentielle peut être reportée 10, 15 , 20 ans après, voire plus », argue le président du Comité stratégique du M5-RFP.

Pour l’universitaire et chercheur Soumaila Lah également, on ne peut pas justifier le vide juridique par la constitution du 22 juillet 2023. « Aujourd’hui on essaye de justifier ce vide juridique par l’article 190 de la nouvelle Constitution. Mais cette nouvelle constitution  n’est pas en vigueur. L ’article 189 stipule que c’est à partir de l’installation des nouvelles institutions que la Constitution va entrer en vigueur », soutient-il.

Par ailleurs dans leur requête aux fins de constatation de vide institutionnel au Mali pour vacance de la présidence de la transition militaire et déchéance de ses organes  et de mise en place d’une transition civile de mission introduite auprès de la Cour Constitutionnelle le 28 mars dernier,  la Référence syndicale des magistrats ( REFSYMA) et l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) indiquent que les autorités actuelles de la transition  sont « juridiquement disqualifiées » à parler et pour agir au nom du peuple malien.

CEDEAO : réduite à 12 pays, l’organisation face à un tournant

Ils avaient déjà donné l’alerte lorsque la CEDEAO menaçait d’intervention militaire le Niger suite au coup d’État du 26 juillet 2023. Ils sont désormais passés à l’acte. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, réunis depuis le 16 septembre 2023 au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont définitivement claqué la porte de la CEDEAO le 28 janvier 2024, laissant l’organisation sous-régionale, désormais réduite à 12 pays, face à une crise sans précédent.

« Leurs Excellences le Capitaine Ibrahim Traoré, le Colonel Assimi Goita et le Général de brigade Abdourahamane Tiani, respectivement Chefs d’État du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger, prenant toutes leurs responsabilités devant l’histoire et répondant aux attentes, préoccupations et aspirations de leurs populations, décident en toute souveraineté du retrait sans délai du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest », indique le communiqué conjoint lu à la télévision publique des trois pays.

« Après 49 ans, les vaillants peuples du Burkina Faso, du Mali et du Niger constatent avec beaucoup de regret, d’amertume et une grande déception que leur organisation s’est éloignée des idéaux de ses pères fondateurs et du panafricanisme », se désolent les autorités de transition des trois pays, selon lesquelles « la CEDEAO, sous influence de puissances étrangères, trahissant ses principes fondateurs, est devenue une menace pour ses États membres et ses populations, dont elle est censée assurer le bonheur ».

Les trois pays reprochent également à la CEDEAO une non-assistance dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité, ainsi qu’une imposition de sanctions, jugées illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables, en violation des propres textes de l’organisation, « toutes choses qui ont davantage fragilisé les populations déjà meurtries par des années de violence imposées par des hordes terroristes instrumentalisées et téléguidées ».

Un retrait « sans délai » remis en cause

Selon l’article 91 du traité révisé de la  CEDEAO, « tout État membre désireux de se retirer de la Communauté notifie par écrit, dans un délai d’un (1) ans, sa décision au Secrétaire exécutif, qui en informe les États membres. À l’expiration de ce délai, si sa notification n’est pas retirée, cet État cesse d’être membre de la Communauté ». « Autour de la période d’un (1) an visée au paragraphe précédent, cet État membre continue de se conformer aux dispositions du présent traité et reste tenu de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité », précise l’alinéa 2 du même article.

Après l’annonce du retrait des pays de l’AES de la CEDEAO, la Commission de l’organisation sous-régionale, qui s’est dite « déterminée à trouver une solution négociée à l’impasse politique », a indiqué dans la foulée dans un communiqué n’avoir pas encore reçu de notification formelle directe des trois États membres  concernant leur intention de se retirer de la communauté. Mais  les  trois pays n’ont pas tardé à notifier formellement leur décision.

« Par communiqué conjoint en date du 28 janvier 2024, le Burkina Faso, la République du Mali et la République du Niger informent de leur décision de se retirer conjointement et sans délai de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). À cet égard, la présente communication vaut notification formelle de cette décision à la Commission de la Cedeao, Autorité dépositaire et pour l’information des États membres de la Cedeao, de l’Union africaine, de l’Organisation des Nations Unies et de toutes les organisations pertinentes », souligne un courrier du ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali daté du 29 janvier 2024 et adressé à la Commission de la CEDEAO. Selon des sources officielles au Burkina Faso et au Niger, les deux pays ont également  envoyé lundi leurs notifications formelles de retrait à la CEDEAO.

Pour l’analyste politique Dr. Amidou Tidiani, cette demande de retrait avec effet immédiat des trois pays aura du mal à se concrétiser et ne devrait être effective qu’après les 12 mois prévus dans les textes de la CEDEAO. « La sortie d’une organisation internationale avec effet immédiat n’existe pas en droit international », tranche-t-il.

« Fuite en avant » ?

Du point de vue du M. Tidiani, d’ailleurs, l’insistance sur la sortie sans délai est une manière pour ces différents régimes d’échapper à de nouvelles éventuelles sanctions de la CEDEAO suite au non-respect du chronogramme établi pour un retour à l’ordre constitutionnel au Mali et au Burkina Faso.

« Le seul moyen pour ces régimes d’opposer une fin de non-recevoir à la CEDEAO et de contester la légitimité de l’organisation à prendre toute sanction à leurs encontre, c’est de sortir de la CEDEAO », affirme-t-il.

« Le chronogramme du Mali prévoyait l’organisation d’élections en février et le Mali, bien évidemment, n’organisera pas ces élections en février. On s’attendait donc à ce que la CEDEAO fasse preuve de menaces particulières concernant le Mali dans les semaines à venir. C’est donc par anticipation à cette mesure que les communiqués sont tombés en prenant soin d’insister sur le fait que le retrait soit avec effet immédiat », poursuit l’enseignant-chercheur à l’Université Paris-13.

Liberté de circulation entravée ?

Pour plusieurs observateurs, ce retrait annoncé du Burkina, du Mali et du Niger de la Cedeao ne sera pas sans conséquences pour les trois pays, mais également pour l’organisation sous-régionale elle-même. En ce qui concerne les trois pays, si cette décision pourrait avoir des conséquences diverses, c’est surtout son impact sur la libre circulation des ressortissants et de leurs biens dans l’espace CEDEAO que craignent certains analystes.

« Le premier point à mettre en relief est celui de la libre circulation. Le grand acquis de la CEDEAO, depuis sa création, a vraiment été de permettre les déplacements sans autorisation ou nécessité de visa entre les pays membres. Le retrait du Burkina, du Mali et du Niger va entraver cette libre circulation des populations », pense Niagalé Bagayoko, Présidente de l’African Security Sector Network (ASSN).

Amidou Tidiani soutient que ce retrait implique que les avantages accordés aux ressortissants de ces États soient tout simplement levés. Toutefois, admet l’universitaire, « les trois États vont essayer de développer des relations bilatérales pour obtenir individuellement avec les autres États des conditions favorables de circulation et d’échanges économiques avec leurs voisins, indépendamment du cadre de la CEDEAO. Ce que ces pays perdront via la CEDEAO, ils essayeront de le récupérer à travers des accords bilatéraux ».

« Les États ont existé avant d’être ensemble dans les organisations. Il s’agit maintenant d’activer les conventions bilatérales que nous avons avec les pays de la CEDEAO pour baliser le rapport », appuie pour sa part l’analyste politique Ousmane Bamba, pour lequel, par ailleurs, le fait que le Mali soit sorti de la CEDEAO n’impactera pas la libre circulation des ses ressortissants à l’intérieur de cet espace, parce que « dans les relations internationales, les relations bilatérales ont précédé les multilatérales ».

L’exemple mauritanien

La CEDEAO a connu un précédent en matière de retrait, celui de la Mauritanie en 2000. Pays charnière entre le Maghreb et l’Afrique de l’ouest, la République islamique avait motivé son retrait par sa volonté de se concentrer sur l’Union du Maghreb Arabe (UMA) pour des raisons culturelles. 17 ans après, la Mauritanie a signé en mai 2017 un accord avec la CEDEAO portant sur quatre points, dont la libre circulation des personnes et des biens, l’application d’un tarif extérieur commun et la lutte contre le terrorisme. Le pays cherche depuis de nombreuses années à réintégrer le bloc régional. En 2017 toujours, à l’occasion d’un sommet à Monrovia, les Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO avaient émis une fin de non-recevoir à la demande de la Mauritanie de revenir au sein de la communauté.

Dialogue inter-malien : quelles chances pour le nouveau processus de paix ?

Le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, a annoncé dans son discours du Nouvel an 2024, le 31 décembre dernier, l’ouverture prochaine d’un dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation. Alors que certains acteurs y voient la fin de l’Accord d’Alger, ce nouveau dialogue a-t-il plus de chances de faire aboutir le processus de paix ?

« Nous sommes à une étape charnière de la marche de notre pays vers la paix, la sécurité et le développement. C’est pourquoi, capitalisant les avancées réalisées dans le cadre du processus de paix et tirant les enseignements des défis qui demeurent, j’ai pris l’option de privilégier l’appropriation nationale du processus de paix en donnant toutes ses chances au dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation nationale, afin d’éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires », a souligné le Président de la Transition dans son adresse à la Nation.

« Il s’agit en effet de créer les conditions pour que chaque Malienne et chaque Malien puisse s’épanouir dans un environnement marqué par la confiance retrouvée entre les communautés sous la protection de l’État », a poursuivi le Colonel Assimi Goïta. Depuis, pour préparer ce dialogue, des rencontres se tiennent à travers tout le territoire national entre les communautés, sous l’égide du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, alors que le Comité chargé de les piloter devrait déposer son rapport « au plus tard en février ».

Nouvelle opportunité

Avec la reprise de la belligérance entre l’État malien et les groupes armés du nord réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) dans la reconquête de Kidal, l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger était à l’agonie, selon certains observateurs. Ainsi, à les en croire, l’idée d’un dialogue direct inter-malien que prône le Président de la Transition constitue une nouvelle opportunité dans le processus de paix.

Pour le géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel Dr. Alpha Alhadi Koina, le dialogue inter-malien offre une occasion de régler pacifiquement les différends et peut empêcher l’aggravation des conflits armés qui pourrait conduire à davantage de pertes humaines et de déplacements de populations.

« Ce dialogue est essentiel pour trouver des solutions durables à la crise en cours. Il offre la possibilité de prévenir l’escalade de la violence, de favoriser l’inclusion et la réconciliation, d’identifier les causes profondes du conflit et de renforcer la légitimité des décisions prises. En s’appuyant sur les bonnes pratiques de l’accord actuel, le dialogue peut contribuer à recouvrer la paix et la stabilité au Mali », confie-t-il.

Dr. Abdoul Sogodogo est du même avis. À en croire le Vice-Doyen de la Faculté des Sciences administratives et politiques (FSAP) de l’Université de Bamako, dans les conflits tels que celui que vit le Mali, une médiation internationale est essentielle pour initier le dialogue entre les parties et mettre fin aux hostilités, mais il est tout aussi crucial d’avoir une médiation nationale plus étendue, impliquant non seulement les groupes directement engagés dans le conflit, mais aussi les populations les plus touchées par celui-ci.

« Cette médiation nationale doit être à la fois large et concertée, traitant en profondeur les problématiques actuelles pour comprendre les racines du conflit afin de les traiter convenablement », estime-t-il.

Fin de l’Accord d’Alger ?

Si jusque-là l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger n’a officiellement été dénoncé par aucune des parties signataires, certains acteurs estiment que le dialogue inter-malien annoncé par le Président de la Transition est une manière d’y mettre fin. « Nous pensons que cette proposition est une façon de prononcer la caducité définitive de l’Accord et de mettre la médiation internationale à la porte », a récemment déclaré à un media étranger le porte-parole du CSP-PSD, Mohamed Elmaouloud Ramadane, qui a également signifié que le Cadre n’était pas prêt à prendre part à un processus de paix « qui ne sera qu’un simulacre ».

« Je pense qu’avec l’annonce du dialogue inter-malien, l’Accord d’Alger devient définitivement caduc, même s’il faudra bien sûr s’appuyer sur ses acquis dans le nouveau processus de paix qui va être amorcé », tranche pour sa part un analyste politique.

2024 : une transition à durée indéfinie

Déjà reportée à deux reprises, l’élection présidentielle qui marquera le retour à l’ordre constitutionnel au Mali devrait se tenir en 2024. Initialement prévue pour février, en accord avec la CEDEAO, elle a été repoussée sine die en septembre dernier, sans l’approbation de l’institution sous-régionale. Même si cette dernière semble dans une nouvelle posture conciliante, ses relations avec le Mali pourraient à nouveau se tendre dans les mois à venir. Les partis politiques, dans l’incertitude, doivent se préparer pour une élection dont les dates ne sont pas encore connues.

« Les dates de l’élection présidentielle initialement prévues pour le dimanche 4 février 2024 (premier tour) et le dimanche 18 février 2024 (second tour) éventuellement, connaîtront un léger report, pour des raisons techniques (…) Le Gouvernement de la Transition précise que les nouvelles dates de l’élection présidentielle feront l’objet de communiqué ultérieurement, après échange avec l’Autorité indépendante de Gestion des Élections (AIGE) », annonçait le 25 septembre 2023 le ministre d’État de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Porte-parole du gouvernement, Colonel Abdoulaye Maiga. Trois mois après, les autorités de la Transition n’ont toujours pas communiqué de nouvelles dates pour cette élection très attendue.

S’accorder avec la Cedeao

Alors qu’elle était attendue lors du sommet du 10 décembre dernier pour se prononcer enfin sur le report de la présidentielle au Mali, la Cedeao s’est contentée d’une réaction a minima, déplorant les « décisions prises unilatéralement en ce qui concerne la mise en œuvre du programme de transition qui avait été convenu avec la Cedeao ». L’organisation sous-régionale, après avoir levé l’interdiction de voyage qui pesait sur certaines hautes autorités maliennes, a aussi décidé d’engager une Troïka présidentielle, composée des Présidents du Nigéria, du Bénin et de la Guinée Bissau, à entreprendre d’urgence des visites au Burkina Faso, en Guinée et au Mali, en vue de renouer le dialogue avec ces trois pays pour la mise en œuvre inclusive du programme de transition.

« Cette réaction de la Cedeao signifie qu’elle a pris acte du report de la présidentielle au Mali et qu’elle va s’employer à trouver avec les autorités maliennes de nouvelles dates, qui tiennent dans un délai raisonnable », estime un analyste. « Je pense que le fait de lever l’interdiction de voyage, de décider de renouer le dialogue avec les autorités de la Transition et aussi que le Représentant permanent et Ambassadeur du Mali auprès de la Cedeao ait été reçu dans la foulée par le Président de la Commission de l’institution sont autant de signes annonciateurs d’une certaine décrispation à venir dans les relations », poursuit-il.

Pour un expert politique qui a requis l’anonymat, le seul point d’achoppement entre les deux parties pourrait être la durée d’une nouvelle prolongation de la transition. « Les autorités maliennes ont annoncé un léger report. Mais, si au cours des échanges avec la Cedeao elles proposent de nouvelles dates au-delà de 2024, par exemple, évidemment que la Cedeao ne l’acceptera pas. Elle pourrait alors brandir de nouvelles sanctions contre le Mali ». Selon certains observateurs, il n’est pas exclu que le léger report de la présidentielle soit au delà de 2024. « Les autorités pensent aujourd’hui être dans une position de force vis-à-vis de la Cedeao et de la classe politique ».

Les partis politiques dans l’expectative

Si des signes avant-coureurs sont là, des partis politiques se projettent déjà vers la présidentielle. À l’annonce du report, en septembre dernier, plusieurs formations se sont opposées et exigé la tenue de la présidentielle aux dates initiales den février 2024. Mais, à défaut de pouvoir faire revenir les autorités de Transition sur leur décision, elles se préparent pour une échéance éventuelle avant la fin de l’année 2024.

À en croire Sékou Niamé Bathily, Secrétaire à l’Information et Porte-parole du RPM tendance Bocary Treta, la préparation de la prochaine élection présidentielle a débuté dans l’ancien parti présidentiel depuis la tenue du Congrès extraordinaire, en août dernier, en démarchant dans un premier temps certaines formations de la classe politique et de la société civile. « Nous avons ensuite mis en place des commissions de travail et créé des structures pour une meilleure participation à ces élections, à commencer par une commission qui a travaillé sur la carte politique, que nous avons adaptée à l’organisation interne du parti. Nous avons créé de nouvelles sections et fédérations régionales, conformément au nouveau découpage territorial à base duquel devraient se tenir les prochaines élections dans notre pays ».

Comme le RPM, l’Adema est aussi déjà tournée vers la préparation de la présidentielle à venir. Selon Yaya Sangaré, Secrétaire général du parti, il essaye d’avoir une force politique nouvelle, de tirer les enseignements de tout ce qui a été fait ces dernières années et, en raison du contexte nouveau, d’analyser la situation pour proposer une nouvelle offre aux Maliens.

« Des actions sont déjà engagées. Nous sommes en train de renouveler nos structures à la base. Nous sommes aussi engagés depuis quelques mois à mettre en place une force politique électorale avec d’autres formations, mouvements et associations politiques », confie-t-il, assurant que l’Adema aura son propre candidat, comme recommandé lors du dernier Congrès, et que le parti travaillera à ce que ce candidat bénéficie de l’accompagnement des autres partis qui vont se retrouver dans son projet de société.

Au RPDM de Cheick Modibo Diarra, on se dit également « prêt à aller à la conquête du pouvoir à tout moment », tout comme au parti Yelema, qui va d’ores et déjà désigner son candidat au prochain scrutin présidentiel à l’issue de son 4ème Congrès ordinaire, le 23 décembre 2023.

Préparation impactée ?

Si les partis politiques sont tournés vers la préparation du prochain scrutin présidentiel, cette préparation reste particulière, étant donné que les nouvelles dates de l’élection ne sont pas encore connues. « La préparation est un peu impactée parce que nous ne connaissons pas les dates de l’élection. Dans un premier temps, notre programme de société, nous l’avons calé sur une période donnée, en nous basant sur les engagements des autorités de la Transition. Maintenant que ce délai a été repoussé, bien sûr que cela nous perturbe un peu », avoue Sékou Niamé Bathily, même si, pour lui, cette situation ne constitue pas un handicap. « Cela ne met pas un frein à ce que nous sommes en train de faire. Nous continuons à nous préparer pour être prêts lorsque le collège électoral sera convoqué », assure-t-il.

« C’est à la fois un handicap et une opportunité. Mais nous pensons qu’il est bon qu’on indique une date pour que nous puissions bien nous préparer, parce qu’une élection demande beaucoup de ressources. On ne peut pas se lancer dans une campagne indéfinie », estime pour sa part Yaya Sangaré.

Tenir l’échéance 2024

Même si la classe politique a invité le gouvernement de transition à ouvrir le dialogue en vue de trouver de nouvelles dates consensuelles pour la tenue de la prochaine élection présidentielle, elle n’a jusqu’à là pas encore été sollicitée par les autorités dans ce sens. Mais, pour la plupart des partis politiques, la tenue de l’élection ne devrait pas aller au-delà de l’année 2024.

« Nous devons tout faire pour que les élections puissent se tenir avant la fin de l’année 2024. Un léger report ne devrait pas dépasser 3 à 6 mois. Les autorités doivent mobiliser toutes les ressources, créer un cadre favorable de dialogue et régler tous les problèmes techniques pour que nous allions à cette élection pour mettre fin à la Transition », préconise le Secrétaire général de l’Adema.

C’est ce qu’estime également le RPM, pour lequel le léger report ne devrait pas dépasser 6 mois au plus. « Pour nous, cette élection peut et doit se tenir en 2024. Nous croyons en la bonne foi des autorités pour aller vers une sortie de transition honorable pour tous », appuie pour sa part Sékou Niamé Bathily. Aujourd’hui, l’interrogation porte sur les actions politiques qui seront menées si la Transition se prolonge pour une durée indéfinie. Mais nul doute que la pression pourrait être forte sur les autorités, aussi bien de la part de la Cedeao, des PTF, de la classe politique et des acteurs de la société civile.

Coopération Mali – Russie : un nouveau tournant ?

Entre Bamako et Moscou, c’est « collé-serré » depuis le début de la Transition. Le rapprochement entre les deux capitales s’est renforcé avec la « rectification » de la Transition, en mai 2021. Une douzaine de mémorandums d’entente devant aboutir à la réalisation de nombreux projets viennent d’être signée entre les deux pays, à l’issue de la semaine russe de l’Énergie, qui s’est achevée le 16 octobre dernier à Moscou.

Au-delà du domaine militaire, dans lequel le Mali et la Russie ont suffisamment renforcé leurs liens ces deux dernières années, les deux pays s’accordent à diversifier leur coopération sur d’autres plans. La visite de la délégation malienne de haut niveau, conduite par le ministre de l’Économie et des finances Alousséni Sanou à Moscou du 11 au 16 octobre 2023, a posé les jalons de ce nouvel élan. Plusieurs conventions ont été signées dans des domaines tels que l’Énergie, les Mines, l’Agriculture ou encore les Transports, entre autres.

Selon le ministre de l’Économie et des finances, des accords juridiques ont été signés pour la réalisation de deux à quatre centrales nucléaires au Mali, chaque centrale ayant une capacité minimale de 55 mégawatts, l’installation d’une usine d’affinage d’or d’une capacité de 200 tonnes à Bamako, avec à la clé une formation gratuite du personnel malien en Russie, et un transfert permanent de compétences, l’exploitation de certains minerais, la création d’un cadastre minier plus détaillé, la fourniture de 350 000 tonnes d’intrants agricoles, toutes spécialités confondues, d’ici février 2024, ainsi que celle de 200 millions de litres de produits pétroliers à l’État du Mali.

Le gouvernement malien envisage, par ailleurs, en partenariat avec la Russie, la réalisation de deux lignes de tramway à Bamako, ainsi que la création d’une compagnie aérienne pour la desserte nationale et sous-régionale et l’accès du Mali à des satellites de communication. À en croire la ministre des Transports, cette compagnie aérienne devrait être opérationnelle dans un an.

« La relation économique entre le Mali et la Russie est au beau fixe aujourd’hui. Des projets structurants engageant l’État du Mali pour les cinquante années à venir sont signés. Il s’agit pour nous de veiller à la mise en œuvre de tous ces projets pour que le Mali puisse être rapidement un pays émergent », a indiqué Alousséni Sanou.

Nouvelle dimension

Pour le géopolitogue Abdoulaye Tamboura, l’annonce de la signature de ces différentes conventions entre le Mali et la Russie constitue un nouveau cap dans les relations entre les deux pays.

« Cette coopération a pris une nouvelle dimension. Auparavant, elle était axée sur les domaines militaire, minier et de l’éducation. C’est un renforcement des acquis entre le Mali et la Russie et c’est de bon augure pour les deux pays. Cela permet à la Russie de diversifier ses offres et au Mali de diversifier ses partenariats », souligne-t-il.

Toutefois, des observateurs s’interrogent sur la capacité de la Russie à matérialiser tous ces projets et promesses, dans un contexte de guerre avec l’Ukraine, qui mobilise beaucoup de moyens, et de sanctions occidentales sur le pays. En 2019, lors du premier sommet Russie – Afrique, le Président Vladimir Poutine avait promis de doubler les échanges avec le continent, les faisant passer de 20 milliards de dollars à 40 milliards. Cette promesse n’a pas été tenue, d’après l’Institut français des relations internationales (IFRI). La Russie part avec plusieurs trains de retard en Afrique. Selon des chiffres avancées par certaines chancelleries occidentales, le volume des échanges de l’Union européenne avec Afrique a atteint en 2022 163 milliards d’euros alors que pour la Russie, il était chiffré à 20 milliards d’euros. Ce choix assumé des autorités vers la Russie pourrait avoir comme conséquence que les Occidentaux se détournent définitivement du Mali.

En dépit de cela, le 26 juillet dernier, le Colonel Assimi Goïta a pris part au 2ème sommet Russie – Afrique à Saint Petersbourg. Invité personnellement par Vladimir Poutine, avec lequel il communique régulièrement par téléphone, le Président de la Transition accomplissait son premier séjour en dehors du Mali depuis sa prise de pouvoir en mai 2021. « Cela dénote de toute l’importance que le Président de la Transition accorde à la coopération entre la Russie et le Mali et de ses relations privilégiées avec le dirigeant russe », glisse un analyste.

Présidentielle de février 2024 : les autorités annoncent un report

Devant la presse ce lundi 25 septembre, le ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale, le Colonel Abdoulaye Maiga a annoncé le report de la présidentielle prévue en février 2024 (4 février premier tour- 18 février second tour). Parmi les raisons, il a évoqué l’adoption d’une nouvelle constitution, la révision des listes électorales mais aussi un litige avec une société française, Idemia, impliquée selon lui dans le processus de confection de RAVEC. Le Colonel Maiga a évoqué un léger report pour la présidentielle et les « nouvelles dates feront l’objet d’un communiqué ultérieurement, après échange avec l’AIGE ». Il a également précise que le gouvernement décide d’organiser, exclusivement, l’élection présidentielle pour sortir de la Transition. Les autres élections feront certainement l’objet d’un autre chronogramme qui sera établi par les nouvelles autorités, sous les directives du nouveau président de la République. Le 8 août dernier, le ministre d’Etat avait fait le point des différentes propositions des partis politiques sur le chronogramme de la transition. Au total 17 propositions ont été faites par 81 partis politiques sur les 291 sollicités par le gouvernement, soit un taux de réponse de 27,83%. 5 principales tendances se dégageaient des 17 propositions faites, en tête desquelles celle d’une « prorogation du délai de la Transition de 3 à 18 mois afin de bien organiser les élections à venir », mise en avant par 15 partis. 14 autres optent pour l’organisation des élections conformément au chronogramme adopté par le gouvernement, 12 proposent de tenir l’élection présidentielle à la date indiquée dans le chronogramme et de coupler les autres élections, 9 préconisent l’organisation des élections en 2024 « lorsque les conditions sécuritaires seront réunies » et, enfin, 8 partis politiques proposent d’organiser les élections législatives en premier lieu puis l’élection présidentielle, les futures autorités organisant les autres scrutins.

Suspension de visas : le Mali applique la réciprocité à la France

Nouvel épisode de tension entre la France et le Mali. La France a suspendu en début de semaine la délivrance de ses visas après avoir placé le 7 août tout le Mali, y compris Bamako, en zone rouge, « formellement déconseillée » aux voyageurs, au risque d’enlèvement et d’insécurité de manière générale. Capago qui est le centre de dépôt de visa est par ailleurs fermé. Selon une source diplomatique française, tout rendez-vous fixé après le 3 août ne sera pas honoré et les personnes seront remboursées. Hier mercredi dans la soirée, le ministère des Affaires étrangères a décidé d’appliquer la réciprocité. Il a donc décidé de suspendre à son tour la délivrance de visas, jusqu’à nouvel ordre, par les services diplomatiques et consulaires du Mali en France.

D’une source diplomatique, les services consulaires français à Bamako ont traité en 2022, 22 000 demandes de visa et donné 12 000 réponses positives. Par ailleurs, environ 7 000 Français vivent au Mali dont 5 500 Franco-Maliens.

Pour rappel, les relations entre le Mali et la France se sont fortement détériorées depuis mai 2021 et la prise de pouvoir du Colonel Assimi Goita. En 2022, l’ambassadeur de France a été expulsé, les médias français RFI et France24 suspendus, Barkhane et Takuba poussés vers la sortie. Il faut également noter l’arrêt des activités des ONG fonctionnant sur financement français. La France de son côté a retiré plusieurs de ses coopérants et arrêté des projets de développement.

Dans le Sahel, au-delà du Mali, la tension entre la France et ses anciennes colonies ne cesse de s’accentuer et touche aujourd’hui le Burkina Faso et le Niger, tous actuellement dirigés par des gouvernements de transition. Sur le site internet de Capago, prestataire traitant les demandes de visa de France, où cette suspension de visa a été émise, Paris a également suspendu la délivrance de visas par ses services au Burkina. Air France a de son côté suspendu ses vols vers le Mali et le Burkina Faso jusqu’au 11 août inclus.

Constitution : le document final remis au président de la transition

Un mois jour pour jour après la publication du décret portant nomination des membres de la commission chargée de la finalisation du projet de nouvelle constitution du Mali, le document a été remis ce lundi au président de la transition. Selon Fousseyni Samaké, le président de la commission de finalisation, certaines dispositions ont été reformulées et des rajouts ont été faits. Grâce à ces amendements, le projet remis comporte 191 articles contre 195 pour l’avant-projet.  » Le document final que je viens de recevoir aujourd’hui, cristallisera, à n’en pas douter, l’espoir de la nation toute entière quant à l’instauration d’une véritable démocratie » s’est félicité le président de la transition, le Colonel Assimi Goita. L’avant-projet de constitution a été vivement critiqué par plusieurs entités notamment politiques qui avaient demandé son abandon. Les Maliens doivent en principe selon le chronogramme s’exprimer sur cette constitution lors d’un référendum programmé le 19 mars prochain.

Issa Kaou N’Djim : un prolixe désormais très taiseux

Anciennement Coordinateur général de la CMAS, membre actif du Comité stratégique du M5-RFP puis 4ème Vice-président du Conseil national de Transition (CNT), Issa Kaou Djim n’occupe plus aucune de ces fonctions aujourd’hui. Celui qui était très prolixe s’astreint désormais à un silence qui interroge.

Opposant comme proche du pouvoir, Issa Kaou Djim est l’un des rares hommes politiques maliens qui a toujours « farouchement » dénoncé ce qu’il considérait comme « déboires ». Comme en octobre 2021, où le gendre de l’Imam Mahmoud Dicko, bien qu’alors fervent partisan du Président de la transition, Assimi Goïta, n’a pas hésité à faire part de son désaccord via les médias sociaux sur la méthode utilisée par les autorités de transition pour le renvoi du représentant de la CEDEAO au Mali, Hamidou Boly, accusé d’être « impliqué dans des activités de déstabilisation contre la Transition ». En outre, le commerçant s’est toujours montré intransigeant contre l’instauration d’un bras de fer entre le Mali et la CEDEAO. Ces prises de positions, ajoutées à son « acharnement » contre le Premier ministre Choguel Kokala Maïga, qu’il considérait comme la source principale de « l’isolement diplomatique » du Mali, lui ont d’ailleurs valu, après un court séjour en prison, d’être condamné en décembre 2021 à 6 mois de prison avec sursis et à payer 500 000 francs CFA d’amende pour « atteinte au crédit de l’État et injures commises via les réseaux sociaux ». Pire, le 4ème Vice-président du CNT a été éjecté de l’organe législatif de la Transition le 9 novembre 2021 via un décret de « l’imperturbable Assimi Goïta », comme il aimait lui-même nommer le Président de la Transition. Son passage en prison, où on ne lui a pas fait de « cadeaux », l’a beaucoup marqué. Depuis, Issa Kaou Djim a pris ses distances avec la politique malienne. Après quelques brèves apparitions en décembre 2021 auprès du désormais Cadre des partis pour un retour à l’ordre constitutionnel et sur quelques médias sociaux mi-2022, le cinquantenaire a de nouveau choisi la discrétion.

« Il ne veut plus être l’agneau qu’on sacrifie », indique un analyste politique proche de lui. « À la CMAS et au M5-RFP, il prenait les coups pour l’Imam Dicko. De même, étant au CNT et bien qu’il pouvait se contenter de son poste, il a en quelque sorte apporté son soutien aux politiciens qui sollicitaient le départ du Premier ministre Choguel Kokala Maïga. Au final, par naïveté ou envie de bien faire, il a peut-être hypothéqué son avenir politique. Il lui fallait donc du recul pour mieux analyser la situation », explique l’analyste.

Silence radio                  

Le natif de Bagadadji partage à présent sa vie entre Lafiabougou Taliko, où il vit avec sa famille, et son Centre islamique Allah Kama Ton, un centre de formation coranique pour les jeunes et les femmes. « À part cela, il reste à la maison au calme et, de temps en  temps, il se renseigne sur ses activités que gère son grand frère au marché », confie un autre de ses proches, selon lequel, malgré son retrait actuel de la vie politique, « ses relations avec son beau-père, l’Imam Dicko, restent toujours tendues ».

Son parti, l’Appel citoyen pour la réussite de la Transition (ARCT), est aussi au point mort. « Il n’existe plus que de nom. Nous ne tenons plus de réunions et il n’y a pas plus d’activités de la part du parti », déplore un militant du mouvement politique. Contacté par Journal du Mali, le Secrétaire général de l’ACRT, Soya Djigué, n’a pas souhaité s’exprimer sur la vie du parti, préférant que l’on s’en « réfère directement au Président Kaou Djim ». Silence radio au niveau de ce dernier également.

Selon l’analyse politique Amadou Touré, « il était prévisible que l’ACRT ne pouvait plus continuer à exister puisqu’il a été créé par Kaou Djim dans l’espoir de soutenir une potentielle candidature du Colonel Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle, même si, au sein du parti, on essaie de prétendre le contraire. Les relations des deux hommes n’étant plus au beau fixe, l’organisation politique est destinée à disparaître ». Tout comme la carrière politique d’Issa Kaou Djim?

Nouvelle Constitution : Assimi Goïta va-t-il céder à la pression politique ?

Enclenché en juin 2022, le processus d’adoption d’une nouvelle Constitution, en remplacement de celle du 25 février 1992, se poursuit. Mais, à l’approche du référendum prévu pour mars prochain, de plus en plus d’acteurs politiques s’y opposent, appelant à un abandon du projet. Le Président de la Transition, déjà tourné vers la finalisation du texte de l’avant-projet de nouvelle Constitution, va-t-il céder à cette pression et surseoir à l’adoption de cette nouvelle Loi fondamentale du Mali ?

C’était l’une des recommandations fortes des Assises nationales de la refondation (ANR), fin 2021. L’adoption d’une nouvelle Constitution figure également dans le Plan d’action du gouvernement de transition approuvé par le Conseil national de transition en août 2021.

Mais, dès le départ, le sujet a toujours divisé la classe politique. Si le constat est unanime sur les limites de l’actuelle constitution et la nécessité de la réviser ou de la remplacer, les positions sont par contre très tranchées sur la période et le contexte de l’adoption d’une nouvelle Constitution et sur le contenu de l’avant-projet rendu par la Commission de rédaction en octobre dernier.

Vague d’oppositions

Au sein de la classe politique, quelques partis sont farouchement opposés à l’adoption d’une nouvelle Constitution. C’est le cas de Convention nationale pour une Afrique solidaire (CNAS Faso Hèrè). Dans un communiqué, le 10 janvier 2023, le parti de l’ancien Premier ministre de transition de 1991, Zoumana Sacko, s’est une nouvelle fois insurgé contre l’adoption d’une « Constitution octroyée » dont le « peuple militant du Mali » n’a pas besoin.

« La CNAS-Faso Hèrè invite à nouveau les autorités issues du double coup de force militaire du 18 août 2020 et du 25 mai 2021 à renoncer définitivement et sans condition à leur entreprise antirépublicaine et antidémocratique de démolition de la Constitution démocratique, dont le Peuple malien s’est librement doté au prix des larmes, de la sueur et du sang, en tant qu’acquis essentiel de la lutte de plusieurs générations contre la dictature CMLN/UDPM », écrit le parti, pour lequel le retour à l’ordre constitutionnel doit se faire dans le « cadre inchangé de la Constitution adoptée le 12 janvier 1992 ».

Même son de cloche au parti FARE An Ka Wuli de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, où l’on estime que toute révision de la Constitution actuelle devrait être limitée et rigoureusement encadrée par les dispositions déjà prévues. « Le parti FARE demande au Président de la Transition d’abandonner le projet de nouvelle Constitution en cours et l’invite à reprendre l’initiative en créant les conditions d’inclusivité autour des forces politiques et sociales pour une refondation réelle du Mali en crise », indique son  Secrétariat exécutif national.

Cette position est partagée par la plateforme politique « Espérance Nouvelle – Jigiya Kura » autour de la Codem de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Housseini Amion Guindo, qui avait demandé dès juillet 2022 aux autorités de transition de surseoir à la rédaction d’une nouvelle Constitution, en raison des « motivations floues » qui entouraient cette démarche. Pour ce regroupement politique, le contexte de « crise multidimensionnelle, où la sécurité des personnes et des biens est plus que jamais menacée », n’est pas propice à modification de la Constitution.

Pour la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’Imam Dicko, « aucune disposition du droit positif ne donne compétence au Président de la Transition pour prendre l’initiative de l’élaboration d’une nouvelle Constitution et de la faire aboutir par voie de référendum ».

Ballan Diakité, analyste politique, pense que plusieurs facteurs expliquent les appels à l’abandon du projet qui se multiplient. « D’abord, les partis politiques ne sont pas rassurés par le contenu du texte de la nouvelle Constitution. Ensuite, au-delà du contenu, je pense qu’il y a un climat défavorable entre les partis politiques et les militaires au pouvoir. On sait que depuis le début de la Transition les militaires ont tout fait pour écarter les partis politiques de la gestion du pouvoir, ce qui a conduit à l’instauration d’une méfiance entre les deux parties », analyse-t-il.

Pour autant, selon lui, le Président de la Transition ne doit pas surseoir au projet d’adoption de la nouvelle Constitution mais plutôt établir un cadre de dialogue plus sincère avec les partis politiques, plus participatif, de sorte que leurs préoccupations puissent être prises en compte dans l’élaboration du nouveau texte.

« En  période de mandature normale, le Président qui va conduire cette révision de la Constitution risque de revoir son mandat présidentiel repartir à zéro. Pour éviter des tensions sociopolitiques dans les années à venir, il est important que la Transition puisse conduire cette révision de la Constitution ».

Revoir l’avant-projet

Certains partis politiques sont favorables au principe d’adoption de la nouvelle Constitution mais ont relevé des insuffisances dans le texte de l’avant-projet et apporté d’importants amendements, sur la forme et le fond, qu’ils entendent soumettre à la Commission chargée de la finalisation du projet.

« Nous pensons que la période de transition est la période idéale pour aller vers une nouvelle Constitution. Pour l’APR, la Constitution du 25 février 1992 a atteint ses limites au cours de ces dernières années et n’a pas permis d’apporter des atténuations aux crises répétitives qu’a connues le Mali. Elle doit être réformée pour faire face aux circonstances changeantes du moment et tenir compte de l’évolution de la société et de la matière constitutionnelle », clame Oumar Ibrahim Touré, Président de l’Alliance pour la République (APR).

Le parti a relevé les dispositions encourageantes contenues dans l’avant-projet, à l’instar de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les citoyens, la révocation du Premier ministre sans que celui-ci ne présente sa démission ou encore la fixation du nombre de membres du gouvernement au maximum à 29.

Mais l’APR pointe des dispositions « problématiques », comme le « bicamérisme inégalitaire » et la disparition du contrôle parlementaire de l’action gouvernementale, un risque de constitutionnalisation des coups d’État jugé « dangereux ». Il souligne en outre plusieurs dispositions manquantes, parmi lesquelles « l’absence d’un mécanisme de révision parlementaire » ainsi que de « démocratisation dans la saisine de la Cour constitutionnelle » et la « non constitutionnalisation des candidatures indépendantes ».

De son côté, la Coalition des forces patriotiques (COFOP), regroupement de partis politiques, propose entre autres que le poste de Premier ministre soit remplacé par celui d’un Vice-président, élu au même titre que le Président de la République, qui peut exercer le pouvoir en cas d’empêchement de ce dernier, que le Conseil économique, social, culturel et environnemental soit supprimé ou encore qu’avant leur nomination par le Président de la République les postulants à une responsabilité ministérielle présentent et défendent avec succès un « projet de société relatif au poste qu’ils désirent occuper ».

L’Union pour la République et la Démocratie (URD) affiche également son accord avec le gouvernement de transition pour l’adoption de la nouvelle Constitution. « Au Mali, toutes les Constitutions ont été faites dans des situations exceptionnelles. Aujourd’hui, nous sommes dans une transition et il est mieux pour nous de trouver la solution maintenant pour faire passer cette Constitution que d’attendre une prochaine fois », déclare son Président, Gouagnon Coulibaly.

Une finalisation très attendue

Beaucoup d’espoirs d’aboutir à un projet de Constitution consensuel reposent désormais sur la Commission chargée de la finalisation du projet, où les politiques souhaitent la prise en compte effective de leurs différentes suggestions et recommandations.

Créée par décret présidentiel le 19 décembre 2022, cette Commission, qui a pour mission d’examiner et d’amender, le cas échéant, l’avant-projet de Constitution, sera composée de 51 membres, parmi lesquels des représentants du Président de la Transition, du gouvernement, du CNT, des partis et regroupements politiques, des organisations de la société civile et du Conseil national des jeunes, entre autres.

Les membres de cette Commission n’ont pas encore été nommés. Selon nos informations auprès de quelques structures qui doivent la composer, ces dernières n’ont pas encore été sollicitées pour envoyer les noms de leurs représentants.

Comme lors des trois tentatives de révision constitutionnelle par le passé (1999, 2008 et 2017) qui n’ont pas abouti, le Président de la Transition va-t-il reculer devant les opposants ? Pour l’heure, aucun signe ne laisse présager d’un abandon du processus d’adoption de la nouvelle Constitution.

Selon une source proche du gouvernement, les autorités de la Transition ne sont pas dans l’optique d’y renoncer. « Elles peuvent essayer de discuter et de prendre en considération quelques amendements, mais le projet en soi ne sera pas abandonné ». Le ministre d’État Abdoulaye Maïga a clairement affiché le 12 janvier dernier, lors de la rencontre du Cadre de concertation avec les partis politiques, l’intention du gouvernement de poursuivre et d’achever l’adoption de la nouvelle Loi fondamentale avec l’organisation du référendum.

« Je voudrais dire à ceux qui pensent qu’il faut surseoir au référendum que c’est hors mandat. L’idée d’avoir une nouvelle Constitution est antérieure à la transition. Le DNI (Dialogue national inclusif) en a parlé. Bien avant le DNI, nous avons d’anciens Chefs d’État qui ont essayé de le faire. Cela n’a pas abouti. Les ANR l’ont très clairement mentionné. Je pense que la vision politique du chef de l’État est d’appliquer systématiquement, autant que faire se peut, toutes les recommandations des ANR », a-t-il clarifié, insistant sur le fait que la Transition « ne peut pas laisser le soin à un parti politique d’entraver ce processus ».

Mais, comme pour illustrer le peu d’engouement de la classe politique sur le sujet, seulement 50 partis politiques sur 281 saisis par le ministère de l’Administration ont pris part à cette rencontre.  Certains analystes n’excluent pas la possibilité de création d’un grand bloc de partis politiques pour empêcher le référendum, qui, au vu du retard accusé, pourrait faire l’objet d’un glissement de date.

46 militaires ivoiriens : à quand le dénouement ?

Le président du Togo Faure Gnassingbé s’est rendu mercredi à Bamako puis à Abidjan pour échanger avec les présidents Assimi Goita et Alassane Ouattara. Le Togo qui assure une médiation entre les deux pays se démène pour trouver une issue à la crise née de l’arrestation de 49 militaires ivoiriens dont 46 sont actuellement en détention au Mali. 

Les efforts de Faure Gnassingbé vont-ils porter fruit ? C’est la première fois que le président togolais dont le pays assure la médiation dans l’affaire des 46 militaires ivoiriens se rend à Bamako puis à Abidjan pour y rencontrer les présidents Assimi Goita et Alassane Ouattara. Aucun commentaire côté malien à l’issue de la rencontre, la présidence togolaise a elle assuré que les deux chefs d’Etat se sont entretenus entre autres sur des sujets régionaux d’intérêts communs. Sur la table notamment la question de la libération des militaires ivoiriens arrêtés à Bamako depuis le 10 juillet 2022, qualifiés dans un premier temps par les autorités maliennes des mercenaires. Le 30 décembre 2022, les 46 militaires ivoiriens ont été condamnés à 20 ans de réclusion criminelle alors que les trois soldates libérées en septembre 2022 ont, elles, écopé de la peine de mort par contumace. Ces militaires ivoiriens ont été reconnus coupables d’attentat et complot contre le gouvernement, « atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat, détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre ayant pour but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Selon une dépêche de l’AFP, le président Faure Gnassingbé aurait demandé une grâce présidentielle du Colonel Assimi Goita en faveur des militaires ivoiriens condamnés. Cette possibilité aurait été déjà laissé ouverte par le mémorandum conclu entre les deux parties, malienne et ivoirienne, le 22 décembre dernier à Bamako.

Dans une déclaration mercredi suite à une réunion du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly a assuré que le gouvernement ne commente jamais les décisions de justice prises en Côte d’Ivoire, et qu’il n’y a pas de raison de commenter les décisions de justice prises à l’étranger.  Il a en outre exhorté les Ivoiriens à faire confiance au Chef de l’Etat dans cette affaire où la Côte d’Ivoire a choisi la voie de la négociation et celle diplomatique.

Le président ivoirien Alassane Ouattara, lui, avait déjà promis dans son discours du nouvel an le 31 décembre dernier que les soldats condamnés regagneront bientôt le sol ivoirien.

46 militaires ivoiriens : désaccord entre le Mali et la CEDEAO

Après avoir demandé le 22 septembre la libération « sans conditions » des militaires ivoiriens détenus au Mali et envoyé une délégation de chefs d’État à cet effet à Bamako le 29 du même mois, la CEDEAO appelle les autorités maliennes à répondre favorablement aux différents appels à la libération des soldats.

L’affaire atteindra ce samedi, jour pour jour, son cinquième mois. C’est le 10 juillet dernier que 49 militaires ivoiriens – « des mercenaires selon les autorités maliennes » -ont été arrêtés et inculpés à la mi-août par la justice malienne pour « tentative d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État ». Depuis, les négociations se multiplient entre Bamako et Abidjan pour leur libération. En première ligne le Togo qui assure la médiation. L’implication togolaise a d’ailleurs permis la mise en liberté, en « guise de geste humanitaire » le 3 septembre, de 3 femmes soldats parmi les 49 détenus. Mais, depuis, la situation stagne du fait que le Mali a sollicité l’extradition de certaines personnalités maliennes faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux.

Une « contrepartie » qu’ont déploré les chefs d’États de la CEDEAO, réunis en sommet extraordinaire à la demande de la Côte d’Ivoire, le 22 septembre en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. Ils ont condamné avec « fermeté le maintien en incarcération » des 46 soldats ivoiriens au Mali, « malgré tous les efforts de médiation entrepris par la région » et dénoncé « le chantage exercé par les autorités maliennes dans cette affaire ». Ainsi, ils demandent aux autorités maliennes la libération « sans conditions » des militaires.

Le gouvernement malien avait déjà indiqué à l’annonce de la tenue du sommet qu’il n’est « nullement concerné par cette procédure devant l’instance communautaire ». Via un communiqué, le 15 septembre, il a souligné que « l’affaire des 49 mercenaires ivoiriens est purement judiciaire et bilatérale » et mis « en garde contre toute instrumentalisation de la CEDEAO par les autorités ivoiriennes pour se soustraire de leur responsabilité vis-à-vis du Mali ». Les autorités de la transition avaient également fait savoir qu’ils ne céderaient à aucun chantage.

Sanctions

Ce 4 décembre, lors de la 62ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO à Abuja, le Président de la Commission de l’organisation ouest-africaine, Dr Omar Alieu Touray, a annoncé aux médias que la CEDEAO « continuera à dialoguer avec les autorités maliennes pour obtenir la libération immédiate des 46 soldats détenus au Mali. Au cas où les soldats ne seraient pas libérés rapidement, les dirigeants se réservent le droit et ils ont pris la décision de prendre certaines mesures » sans plus de précisions. Pour faire céder le pays, selon un diplomate ouest-africain cité par l’AFP et largement relayé par la suite, la CEDEAO envisage des sanctions. Aucune mention n’est faite dans le communiqué final publié deux jours plus tard d’une menace de sanction ni d’un ultimatum pour la libération des soldats. Le ton est d’ailleurs plus diplomate et conciliant que celui du sommet de septembre. Dans les conclusions du sommet, la CEDEAO « appelle les autorités maliennes à répondre positivement aux différents appels à la libération desdits soldats ».

Selon Soumaïla Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la sécurité, le Mali ne subira pas d’autres sanctions de la CEDEAO, d’autant plus que la plus grande partie des autorités de la transition fait déjà l’objet de sanctions et que le pays est déjà suspendu de l’instance sous-régionale.

« En outre, je ne pense pas que la CEDEAO va rééditer ses sanctions économiques contre le Mali. Puisqu’autant le Mali a beaucoup à perdre, autant la CEDEAO a énormément à perdre, parce qu’une sanction de plus pourrait pousser le Mali à quitter l’instance. Son départ va mettre à mal les acquis de l’intégration et je pense que cela n’est pas le souhait de la CEDEAO », dit-il.

Des analystes mettent également en évidence le fait qu’un nouvel embargo contre le Mali ferait pâtir les ports de Dakar et Abidjan, dont le Mali est un important client dans l’importation de produits manufacturés. Et aussi les pays côtiers (Côte d’Ivoire, Ghana), qui dépendent du Mali pour l’importation du bétail-viande.

De plus, de l’avis des spécialistes, des sanctions de la CEDEAO contre le Mali dans le cadre de l’affaire des militaires ivoiriens pourraient se retourner contre l’organisation, déjà fragilisée auprès des opinions nationales et régionales.

Choguel Kokalla Maïga : un retour et des questions

Absent depuis près de 4 mois, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a repris service le 5 décembre 2022. Un retour aux affaires très scruté pour celui qui avait pris les rênes de la Primature en juin 2021. Alors que sa gestion lors de son premier passage reste décriée par une partie de la classe politique, le Président de la Transition lui maintient sa confiance à l’orée d’une étape charnière de la Transition, l’année 2023.

Son absence aura duré 108 jours. De sa dernière apparition publique, le 9 août 2022 (audience accordée à la Fondation Damaguilé Diawara) à sa visite au Président de la Transition le 25 novembre. Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, qui était en soins suite à un accident vasculaire cérébral, prend de nouveau les rênes du gouvernement.

C’est d’ailleurs le message qu’il a tenu à adresser au Colonel Assimi Goïta lors de la rencontre des deux hommes au palais de Koulouba, avant son message de remerciement au peuple malien lu à la télévision nationale le même jour. « Après plus de 3 mois d’absence, me revoici parmi vous, en pleine possession de mes capacités physiques et intellectuelles », a assuré le chef du gouvernement.

Trois jours après, le 28 novembre, il s’était rendu chez le Président du Conseil national de Transition (CNT), le Colonel Malick Diaw, pour le remercier et lui dire qu’il était apte à reprendre le travail, selon la direction de la communication du CNT.

Le 4 décembre, le Président de la Transition a tranché et mis fin par la même occasion au flou qui persistait autour de la Primature depuis la réapparition du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga. Un décret présidentiel lu à la télévision nationale par le Secrétaire général de la Présidence a abrogé celui du 21 août 2022 désignant le Colonel Abdoulaye Maïga en qualité d’intérimaire du Premier ministre, remettant de facto Choguel Maiga en fonction.

Le retour effectif aux affaires de celui qui est également Président du Comité stratégique du M5-RFP n’a dès lors pas trainé. « Après près de quatre mois de repos médical, le Premier ministre, chef du gouvernement, Choguel Kokalla Maïga, reprend service ce jour 5 décembre 2022 », a indiqué la Primature lundi, précisant que le chef du gouvernement commençait ses activités par une série de rencontres avec, notamment, le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Porte-parole du gouvernement, le Secrétaire général du gouvernement et le Cabinet de la Primature.

« Cette reprise de fonction était déjà actée après ses deux visites au Président de la Transition et au Président du CNT et son message de remerciement aux Maliens. Il fallait juste attendre que le déplacement qui déjà était prévu du Premier ministre par intérim à Kayes ait lieu pour que Choguel Maïga reprenne  fonction et c’est ce qui a été fait », nous confie Dr. Allaye Bocoum, Président du mouvement politique CPM (Convention pour le Mali) et  proche du Premier ministre. À l’en croire, d’ailleurs, le Premier ministre n’a jamais été déconnecté d’avec les autorités, il était au courant de tout ce qui se passait et a souvent donné son avis sur certaines questions.

Un retour qui divise

En remettant Choguel Kokalla Maïga dans ses fonctions, le Président de la Transition a fait le choix de la continuité dans la trajectoire prise par la Transition depuis mai 2021. « Ce retour du Premier ministre montre que les autorités sont respectueuses de leur parole et qu’elles sont stables, elles savent là où elles vont. Le bouclier d’Assimi Goïta se renforce. La conduite de la Transition sera meilleure et l’œuvre de la refondation va se poursuivre », se félicite Dr. Allaye Bocoum. Pour ce fervent soutien de Choguel Kokalla Maïga, son retour va sonner le glas de « ceux qui veulent détruire l’espoir des Maliens » et « l’esprit du M5-RFP va prévaloir à nouveau ».

Mais si ce choix conforte les partisans du Premier ministre actuel, il ne satisfait pas la  partie de la classe politique qui demande depuis plusieurs mois la nomination d’un Premier ministre neutre. Longtemps d’ailleurs, certains observateurs avaient évoqué l’éventualité du départ de Choguel Maïga de la Primature dans un scénario où son « repos forcé » serait également synonyme de sa fin à la tête du gouvernement.

« Le Cadre maintient sa position et sa demande de nomination d’un Premier ministre plus consensuel, moins clivant, apolitique, pour diriger les affaires de la Transition. Notre position n’a pas changé », affirme Dr. Laya Amadou Guindo, l’un des porte-paroles du Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel.

« Pour un retour à l’ordre constitutionnel avec l’organisation d’élections libres, crédibles et transparentes, nous croyons qu’un Premier ministre politique ne peut pas faire ce travail. C’est à ce niveau que nous parlons du Premier ministre actuel. Sinon, notre combat n’est pas dirigé contre une personne », ajoute celui qui dit se réjouir, au-delà de l’adversité politique, que le Premier ministre ait recouvré la santé et aille mieux.

Pour l’analyste politique Boubacar Bocoum, le retour de Choguel Kokalla Maïga aux affaires est « normal », puisque l’intérim suppose qu’une fois que le titulaire est en bonne santé et revient il reprenne ses fonctions.

Selon lui, les prises de position des politiques contre le Premier ministre ont leur explication ailleurs. « Les hommes politiques ne voulaient pas que Choguel Kokalla Maïga revienne. Mais le problème, ce n’est pas le Premier ministre. Ce dernier gère un gouvernement, les décisions ne viennent pas de lui, ce n’est qu’au niveau de l’Exécutif. Je ne vois pas pourquoi on doit s’agiter au niveau d’une personne », fustige-t-il. Cet analyste soutient que Choguel Kokalla Maïga, taxé de « clivant », n’a posé aucun acte d’exclusion à l’endroit de cette classe politique. Toutefois, ses « amis » d’hier au sein du M5-RFP, qui ont dénoncé sa gestion de leur mouvement, se sont retirés pour créer le M5-RFP Malikura. Lancé le 3 août dernier par Mme Sy Kadiatou Sow, l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, Konimba Sidibé ou encore Me Mohamed Aly Bathily, ce mouvement, qui est dans une opposition de points de vue avec Choguel Maïga, pourrait selon certains observateurs se prononcer bientôt et exprimer son désaccord à son retour à la Primature.

Tenir le rythme

D’un point de vue médical général, des médecins estiment qu’une victime d’AVC, même si elle recouvre la santé, ne devrait pas immédiatement commencer à travailler à un rythme soutenu. En raison d’une très grande charge de travail à la Primature, qui peut aller à 15 heures d’activités par jour, plusieurs observateurs craignent que le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga qui, selon une source, continue de prendre des médicaments, ne soit pas encore totalement en mesure de tenir ce rythme de gestion du gouvernement.

Allaye Bocoum, quant à lui, ne s’inquiète pas outre mesure pour le Chef du gouvernement. « Je pense que le fait qu’il soit passé par cette étape va le forcer à réduire son temps de travail. Il aura un programme beaucoup plus léger. D’ailleurs, l’essentiel du travail est derrière lui. Il fallait tenir tête à toute cette adversité venant de l’extérieur. Je sais qu’il est vraiment apte aujourd’hui à continuer à assurer ses charges », assure le Président de la CPM.

Plus d’inclusion ?

Choguel Kokalla Maïga a été longtemps décrié par une partie de la classe politique, pour laquelle il n’est ni rassembleur ni inclusif, avec des prises de paroles et des discours divisant les Maliens. Avec son maintien à la Primature et à l’amorce d’importants échéances pour la Transition, notamment la préparation et la tenue des grands rendez-vous électoraux à venir, certains analystes pensent que le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga devrait changer de posture vis-à-vis de la classe politique en mettant plus d’inclusivité dans la gestion des affaires de la Transition.

« Je pense bien que Choguel Kokalla Maïga a intérêt à rassembler tous les bords, compte tenu des projets du gouvernement, notamment les différentes réformes politiques et institutionnelles à venir et les élections. Il va falloir qu’il soit un homme de consensus qui parvienne à rassembler tous les Maliens », indique Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako.

Boubacar Bocoum pense pour sa part que le Premier ministre subit des attaques infondées de la part des politiques et qu’il est injustement taxé de non inclusif. « Pour moi, le problème est à un autre niveau. Les politiques savent que Choguel  Maïga aussi est politique et qu’ils ne vont pas pouvoir l’embarquer dans un certain nombre de choses. Ils pensent peut-être que ce sera plus facile avec les militaires », accuse l’analyste politique. Et, pour l’heure, rien ne présage d’un changement de ton ou de posture du Premier ministre. « Je pense que les politiques sont obnubilés par leur envie de reprendre le pouvoir. Ils disent que Choguel Maïga est clivant parce que la lutte que ce dernier est en train de mener ils ne pourront pas le faire eux, ayant pris des engagements à l’extérieur », soutient Allaye Bocoum. La « promotion » du Colonel Maïga comme ministre d’État qui assure l’intérim du Premier ministre en cas d’absence, d’empêchement ou de vacance, est analysée par certains comme une ombre permanente sur le Premier ministre ou encore comme un jeu de positionnement des militaires à moyen terme. « Quand vous êtes dans une équipe que vous venez de diriger pendant près de 4 mois, vous avez une particularité. Il est normal que cela fasse de lui la 2ème personnalité du gouvernement », relativise Dr Allaye Bocoum. Le temps et les évènements nous donneront de la matière pour juger de la portée ou non de ce qui s’apparente à un coup politique.

Siaka Coulibaly : « ce voyage n’est qu’un renforcement de la coopération en matière de lutte contre le terrorisme »

Le président de la Transition du Burkina Faso a effectué mercredi 2 novembre 2022 une visite de travail et d’amitié à Bamako. Son tout premier déplacement à l’étranger après sa désignation le 14 octobre dernier. Siaka Coulibaly, consultant et chercheur indépendant Burkinabé en droit et sciences politiques livre son analyse.

Quel regard portez-vous sur la visite du capitaine Ibrahim Traoré à Bamako ?

C’est, à priori, une visite logique au vu de la situation sécuritaire qui prévaut au Burkina Faso. Etant donné le partage par le Mali et le Burkina Faso de l’espace sahélien et de la réalité du terrorisme, les coopérations entre ces deux pays en matière de sécurité ne datent pas d’aujourd’hui. Les échanges entre les armées et les services de sécurité du Mali et du Burkina Faso sont une tradition. Au sein du G5 Sahel, il avait été convenu que les armées puissent se soutenir dans la lutte contre les terroristes, y compris en pénétrant sur le territoire voisin. Peut-être que le capitaine Ibrahim Traoré souhaite réactiver ce mécanisme afin de renforcer la stratégie burkinabé contre les groupes armés terroristes  avec l’aide de l’armée malienne.

Il s’agit de son tout premier déplacement à l’étranger. Tout comme lui, son prédécesseur, le lieutenant-colonel Damiba avait choisi le Mali pour son premier voyage hors du Burkina Faso. Comment expliquez-vous ce choix porté sur le Mali ?

A sa prise du pouvoir fin septembre, le capitaine Ibrahim Traoré avait laissé entendre que le Lieutenant- colonel Damiba n’avait pas respecté  le plan du MPSR dans la lutte contre le terrorisme. On attendra la suite et les effets de la mission du 2 novembre pour vérifier si le capitaine Ibrahim Traoré a une vue différente de Damiba pour la coopération sécuritaire avec le Mali.

Ce déplacement s’inscrit-il dans le cadre de la création d’un Cadre bilatéral avec le Mali dans la lutte contre le terrorisme après le retrait du Mali du G5 Sahel ?

Le Mali et le Burkina Faso ont déjà une coopération multiforme sur le plan bilatéral, y compris la sécurité et la justice. Ce voyage n’est  donc qu’un renforcement de cette coopération qui pourrait prendre plusieurs formats opérationnels en matière de lutte contre le terrorisme

Pensez-vous qu’au-delà de la question sécuritaire, le Capitaine Ibrahim Traoré soit venu prendre conseils auprès de son homologue le Colonel Assimi Goita pour mener à bien la transition au Burkina Faso ?

Au stade actuel, il s’agirait plus que de prendre des conseils auprès des autorités maliennes. Cela devrait inclure des actions concrètes, étant donné la situation sécuritaire très précaire du Burkina Faso. Une très grande partie du territoire est sous contrôle des groupes armés terroristes. Le Burkina Faso a besoin d’une aide immédiate.

Transition : un chronogramme au ralenti

Un chronogramme des échéances électorales de la Transition, allant jusqu’en février 2024 a été dévoilé le 28 juin 2022 à la classe politique et à la société civile au sein du Cadre de concertation avec le gouvernement. 4 mois après, certains acteurs pointent du doigt une lenteur dans la mise en œuvre et s’interrogent sur la tenue à date des différents scrutins.

Dans le chronogramme électoral présenté à la classe politique et transmis à la Cedeao à la veille de son Sommet extraordinaire du 3 juillet 2022, qui allait décider de la levée des sanctions qui pesaient sur le Mali depuis le 9 janvier, les autorités de la Transition prévoient la tenue de quatre élections.

Le référendum constitutionnel est pour le mois de mars 2023, avec la convocation du collège électoral un mois plus tôt, en février. Ensuite suivra, toujours en mars 2023, la convocation du collège électoral pour l’élection des conseillers des Collectivités territoriales en juin 2023.

Pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, le 1er tour est fixé à octobre 2023 et le second en novembre. Pour cette élection, la convocation du collège électoral est prévue deux mois plus tôt, en juillet 2023. Enfin, l’élection du Président de la République doit se tenir en février 2024, le collège électoral étant convoqué en octobre 2023.

Retards avérés

La nouvelle loi électorale, adoptée le 17 juin 2022 et promulguée par le Président de la Transition le 24 juin, confie l’organisation des scrutins à l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE). Mais la mise en place de cet organe, qui constitue la première étape dans la tenue de toutes les élections prévues sous la Transition, a pris du retard.

Le décret de nomination des membres du Collège de l’AIGE, qui était prévu pour le 13 juillet 2022, n’a été pris que le 12 octobre dernier et la prestation de serment des membres, qui devait avoir lieu le 28 juillet, n’a été effective que le 20 octobre, soit après environ 3 mois. Par contre, les coordinations de l’AIGE dans les régions, district, cercles, communes, ambassades et consulats ne sont toujours pas installées, alors que cela était prévu pour  le 2 août 2022.

Seule la révision annuelle des listes électorales, du reste comme chaque année, a débuté comme prévu le 1er octobre 2022 et se poursuivra jusqu’au 31 décembre sur l’ensemble du territoire national, à l’exception de certaines localités toujours en proie à l’insécurité.

Par ailleurs, selon le chronogramme, le projet de loi référendaire doit être examiné et adopté par le Conseil des ministres, puis transmis au Conseil national de transition (CNT) et adopté par l’organe législatif courant novembre 2022.

« Nous constatons un retard et nous pensons qu’il n’y a pas de volonté manifeste de respecter le délai. Il était prévu qu’on se retrouve chaque mois pour évaluer la mise en œuvre du chronogramme, mais du mois de juin jusqu’à maintenant le Cadre de concertation n’a pas été convoqué », s’offusque Amadou Aya, Secrétaire général de la Codem.

Yaya Sangaré, Vice-président de l’Adema-Pasj, abonde dans le même sens. Pour l’ancien ministre, le retard pris dans l’exécution du chronogramme ne s’explique pas et le gouvernement devrait revenir à la classe politique pour des échanges et explications.

« Nous avons des appréhensions, mais nous disons que nous allons juger sur pièces. Chaque fois que nous allons constater une mauvaise foi, nous allons alerter et demander à ce que nous respections nos propres engagements et menions cette transition à bon port », poursuit M. Sangaré.

Si, pour sa part également, l’analyste politique Bréhima Mamadou Koné reconnait une lenteur dans la mise en œuvre du chronogramme de la Transition, il est persuadé que cela « n’est pas de nature à être une raison de report d’une activité prévue dans ce chronogramme ou d’une élection quelconque ». « À mon avis, les autorités de la Transition sont en train de travailler d’arrache-pied pour la mise en œuvre de ce chronogramme. Il y a des éléments qui prouvent à suffisance aujourd’hui que l’ensemble des acteurs, nationaux ou internationaux, ont pris à bras le corps l’organisation des différentes élections qui sont prévues », avance-t-il.

« Je crois qu’il y a une volonté politique de respecter ce chronogramme et, s’il y a la volonté politique, tout est possible. Je pense que les choses évoluent et on sent que le gouvernement est en train de travailler », appuie Nouhoum Togo, Président de l’Union pour la sauvegarde de la République (USR)

Tenue du référendum menacée 

Le décalage dans les activités prévues dans le chronogramme fait craindre à certains acteurs de la classe politique et de la société civile la non tenue du scrutin référendaire du 19 mars 2023. « Il est bien  possible que le retard pris aujourd’hui ait un impact sur la tenue du référendum et de l’élection des conseillers des collectivités. Il est dit par exemple  que les représentations de l’AIGE doivent être installés 6 mois avant le début de la campagne électorale, mais cela n’est pas encore le cas à 5 mois de l’échéance », fait remarquer Sékou Niamé Bathily, membre du Rassemblement pour le Mali.

Mais, de l’avis de Bréhima Mamadou Koné, les deux premiers scrutins prévus peuvent se tenir dans les délais. « Ce ne sont pas des élections comme la présidentielle ou les législatives, qui coûtent extrêmement cher au pays et qui demandent assez d’efforts dans leur organisation. Ce sont des élections à un seul tour. Je pense qu’en 3 mois, l’essentiel du travail peut être fait. Le retard pris aujourd’hui n’est pas de nature à avoir un quelconque impact sur les deux premiers scrutins », tranche l’analyste politique.

À l’Adema-Pasj, pour respecter le délai de 24 mois imparti à la Transition, l’éventualité d’une modification du chronogramme, qui a été la position du parti lors des échanges du Cadre de concertation, n’est pas écartée. « Pour nous, même le référendum n’était pas important, vu que cela peut jouer sur le reste du calendrier. Nous avions dit à l’époque qu’il était difficile de tenir tous les scrutins et qu’il fallait se concentrer sur les scrutins incontournables comme la présidentielle et les législatives », rappelle Yaya Sangaré.

« S’il faut aller au référendum en mars 2023, il faut un préalable qui est non seulement  la stabilité politique mais aussi le consensus autour de l’avant-projet de Constitution, qui devra refléter les aspirations du peuple », alerte Sékou Niamé Bathily, pour lequel les autorités doivent  communiquer avec les forces vives de la Nation.

« S’il y a un consensus, tout est possible. Mais s’il y a des décisions qui sont prises sans prendre en compte certains partenaires importants dans le processus, cela pourrait amener à un blocage et, de retard en retard, on aboutira à un glissement dans le chronogramme qui pourrait aboutir à une crise », prévient t-il

Chronogramme toujours tenable ?

Le chronogramme de la Transition sera-t-il respecté pour une fin dans le délai imparti ? Du point de vue de Nouhoum Togo, qui croit « fermement qu’ensemble nous devons travailler pour relever le défi », cela ne fait pas de doute.

Bréhima Mamadou Koné soutient qu’on ne peut pas dire aujourd’hui qu’il n’y a pas de volonté politique et qu’il n’y a pas d’engagement de la part des autorités de la Transition d’aller vers l’organisation des différentes élections suivant le chronogramme électoral, qui a été élaboré de concert avec l’ensemble des forces vives de la Nation et soumis à la communauté internationale, qui suit de près l’évolution de la situation au Mali.

Amadou Aya ne partage pas cet avis. Pour le Secrétaire général de la Codem, pour lequel  les autorités de la transition « doivent poser la valise » si elles ne parviennent pas à respecter le nouveau délai, un autre chronogramme doit tout simplement être proposé, compte tenu du retard pris dans la mise en œuvre de celui du 28 juin. « Il faut revoir ensemble ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas et abandonner certains scrutins », préconise-t-il.

Yaya Sangaré y va avec un ton plus modéré, même si le doute sur le respect du chronogramme est partagé. « Nous pensons que cela va être tenu, mais ce sera difficile. Il faut que tout le monde soit associé et que chacun soit doté d’un minimum de bonne foi et ensemble on pourra arriver à tenir le chronogramme dans le délai imparti », relativise le Vice-président de l’Adema-Pasj.

Mais, même s’il semble être trop tôt pour évoquer une possible nouvelle prolongation de la Transition au-delà de février 2024, certains acteurs craignent déjà ce scénario, dont les conséquences seraient nombreuses pour le pays. Toute la classe politique est unanime pour « l’éviter  à tout prix ».

Mali : 62 ans après, une nouvelle indépendance ?

Depuis Modibo Keïta, le Mali n’a jamais autant semblé prendre son destin en main qu’en ces temps de transition. À coup de déclarations et de décisions fortes, les autorités actuelles imposent leur marque. Ces actions font-elles écho à celles des premières heures de l’indépendance?

« L’histoire ne se répète pas, mais parfois elle rime », a écrit l’essayiste américain Mark Twain. Le 15 août dernier, après 9 années d’intervention au Mali, le dernier contingent de l’armée française a quitté le pays, comme ce fut le cas le 5 septembre 1961, jour où le dernier soldat colonial français quitta le pays indépendant, à quelques jours près, depuis moins d’un an. Malgré des époques et des contextes différents, beaucoup ont ressenti un sentiment de souveraineté retrouvée. « Ce 22 septembre est une date commémorative de ce passé glorieux retrouvé, car elle est exceptionnelle en termes de restauration et de renforcement de la souveraineté, de la dignité, de la fierté, de l’honneur et surtout de l’unité du peuple », certifie Younouss Soumaré, Secrétaire général du Collectif pour la défense des militaires.

Le ton avait été donné le 25 septembre 2021 à l’ONU par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, habillé pour l’occasion comme Modibo Keïta. Il avait listé dans son discours ce qu’il affirmait être les nouvelles aspirations du peuple malien. À savoir : « le Mali nouveau n’acceptera pas qu’on puisse nous imposer des agendas, qu’on puisse nous imposer notre propre agenda, nos priorités, qu’on puisse nous imposer des diktats », a rappelé le 6 septembre au Togo, Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, lors de la 3ème réunion du Groupe de suivi et de soutien à la Transition au Mali. À ces déclarations s’ajoutent, entre autres, les expulsions du représentant de la CEDEAO, Hamidou Boly (25 octobre 2021), de l’ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer (31 janvier 2022) et du porte-parole de la Minusma, Olivier Salgado (20 juillet).

Fanfaronnades

Des décisions jugées « fortes », mais dans lesquelles ne se « retrouve pas », El Hadj Baba dit Sandy Haïdara, 1er Vice-président de l’US-RDA, parti du père de l’indépendance.

« Modibo Keïta a obtenu l’indépendance et a demandé aux militaires français de sortir de notre pays sans pourtant rompre ses relations ni avec la France ni avec les États-Unis. Il est resté dans une diplomatie constructive, sans fanfaronnade. Comme on le dit, un tigre n’a pas besoin de proclamer sa tigritude. Il se fait respecter par son comportement », explique M. Haïdara, selon lequel le moment de l’indépendance n’a rien à voir avec aujourd’hui.

Pour lui, « on ne peut pas vouloir l’unité africaine, se dire panafricain et être en désaccord avec tous les pays africains. Malheureusement, c’est ce qui se passe actuellement », regrette-t-il.

A contrario, pour le Dr Abdoulaye Amadou Sy, Président de l’Amicale des ambassadeurs et consuls généraux du Mali, « sur le plan diplomatique, au niveau africain, les actions phares qui sont portées par les autorités maliennes sont effectivement acceptées et admirées par une grande partie de la population africaine. Les populations aspirent à l’indépendance et à la souveraineté, de ce fait, elles aiment les dirigeants qui refusent de vivre une politique de soumission. Cela, on l’a senti en 1960 et on le ressent aujourd’hui ».

Du chemin à faire

Si, sur le plan politique, le Mali se présente comme appliquant une souveraineté retrouvée, sur le plan socio-sécuritaire il y a encore du chemin à faire. Rien que dans le cercle d’Ansongo, des sources locales font état d’une centaine de civils tués depuis début septembre. La situation est telle que, dans un message vocal récent, le Général El Haji Ag Gamou a appelé les habitants des localités concernées à quitter les villages reculés pour les grandes villes, pour leur sécurité.

Sur le plan social, « il faut que les responsables arrivent à lutter contre la misère. Il faut que les gens arrivent à circuler dans leur pays pour montrer qu’ils sont indépendants, à manger à leur faim et à boire à leur soif », s’exclame le Dr Sy.

Pour cela, il va falloir trouver des nouveaux paradigmes pour atteindre la souveraineté alimentaire, selon l’économiste Modibo Mao Makalou. « 62 ans après les indépendances, l’Afrique continue à importer un tiers de la nourriture qu’elle consomme, alors qu’elle possède 60% des terres arables au monde, a la population la plus jeune du monde ainsi que beaucoup de ressources hydriques et hydrauliques. Elle possède beaucoup de soleil aussi. Il va falloir tirer profit de tout cela et moderniser nos systèmes de production agricole pour ne pas continuer à dépendre de la pluviométrie, comme nous le faisons à 90% du temps actuellement », explique-t-il.

Mali – Côte d’Ivoire : 46 contre 2

L’affaire perturbe les relations entre la Côte d’Ivoire et le Mali depuis plus de deux mois. Alors que la libération de 3 soldates, membres des 49 militaires ivoiriens interpellés le 10 juillet 2022, le 3 septembre dernier suscité l’espoir d’un début d’issue définitive à cette crise, la situation a depuis pris une nouvelle tournure. Comme relayé par des sources diplomatiques proches des négociations, le Président de la Transition a finalement confirmé une demande de contrepartie du  Mali en échange de la libération des Ivoiriens détenus. Une exigence de la partie malienne qui présage d’une suite de plus en plus complexe à cette affaire, qui n’est déjà pas sans conséquences sur la cohésion entre les deux pays.

Pour la première fois depuis le début des négociations pour la libération des militaires ivoiriens, le Mali a officiellement exigé une contrepartie. Selon un communiqué de la Présidence en date du 9 septembre dernier, suite à la réception d’une délégation nigériane conduite par Geoffrey Onyema, ministre des Affaires étrangères de la République fédérale de Nigéria, au cœur de laquelle était la question des soldats ivoiriens, le Président de la transition, le Colonel Assimi Goita, a souligné la « nécessité d’une solution durable » à l’opposé d’une « solution à sens unique » qui consisterait à « accéder à la demande ivoirienne sans contrepartie pour le Mali ».

« Au moment même où la Côte d’Ivoire demande la libération de ses soldats, elle  continue de servir d’asile politique pour certaines personnalités maliennes faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux émis par la justice », a affirmé le Président Goita, déplorant que ces mêmes personnalités bénéficient de la protection de la Côte d’Ivoire pour  « déstabiliser le Mali ».

Le même jour, le Premier ministre par intérim, le colonel Abdoulaye Maiga, a évoqué  un dossier « éminemment judiciaire » mais également affirmé être « surpris  de voir certains de nos compatriotes vivant en Côte d’ivoire utiliser ce pays comme terrain en vue d’attaquer ou de perturber la transition ».

Durcissement de ton ?

La Côte d’Ivoire considère désormais ses 46 militaires écroués à Bamako comme des « otages », d’autant plus que le pays ne serait pas prêt à accepter ce « marché inacceptable ». Les autorités ivoiriennes à l’issue d’une réunion extraordinaire du conseil national de sécurité tenue le 14 septembre à Abidjan. Par ailleurs, le Conseil national de sécurité a instruit, la ministre ivoirienne des Affaires Etrangères afin qu’elle saisisse la CEDEAO pour que cette institution sous-régionale organise une réunion extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement
sur la crise entre la Côte d’Ivoire et le Mali. Les personnalités maliennes que réclament les autorités de la transition sont au nombre de deux : Karim Keita, fils de l’ancien Président, feu Ibrahim Boubacar Keita, cité dans l’affaire de la disparition du journaliste Birama Touré, et Tiéman Hubert Coulibaly, ancien ministre de la Défense, poursuivi dans l’affaire du marché public dite « Paramount » relative à l’acquisition d’équipements militaires.

« Moi, j’ai confiance et je ne pense pas avoir posé d’acte en direction du Mali, ni en direction de qui que ce soit qui puisse me valoir de servir de monnaie d’échange dans un tel dossier », confiait ce dernier en août dernier, jugeant « inhabituel » que Karim Keita et lui soient devenus des « enjeux dans cette affaire-là ». Selon certaines sources Tiéman Hubert Coulibaly ne se trouverait actuellement plus en Côte d’Ivoire. En février dernier, Ainéa Ibrahim Camara, un politique peu connu, s’était autoproclamé Président de la Transition malienne. Dans un communiqué publié dans la foulée, les autorités ivoiriennes l’avaient mis en garde, assurant « ne pas tolérer la déstabilisation d’un pays frère à partir de son territoire ». À ce moment-là, les relations entre les deux pays commençaient déjà à s’effriter. Visé par un mandat d’arrêt international lancé par la justice ivoirienne, Sess Soukou Mohamed dit Ben Souk avait été arrêté au Mali en août 2021. Finalement, 2 jours après la prise des sanctions de la CEDEAO contre le Mali, alors que certains y voyaient la main lourde du Président ivoirien Alassane Ouattara, les autorités ont libéré cet opposant très proche de Guillaume Soro le 11 janvier dernier.

« La Côte d’Ivoire n’est pas contente, parce qu’elle estime que l’attitude malienne s’avoisine à du chantage. La Côte d’Ivoire veut régler cette crise de façon amicale, à cause des liens d’amitié entre les deux pays. Mais elle constate que le Mali est vraiment fermé à toute négociation », glisse un observateur ivoirien proche du dossier

Pour autant, la Côte d’Ivoire compte poursuivre les discussions en cours afin d’obtenir la libération de ses soldats. « Toutes les voies diplomatiques sont ouvertes pour obtenir cette libération, tant avec l’implication de la CEDEAO que des Nations unies. La Côte d’Ivoire compte respecter le droit d’asile de tous ceux qui sont sur son sol pour des raisons diverses », nous confie un membre du Conseil de sécurité ivoirien.

Selon une autre source proche des négociations, « la Côte d’Ivoire était d’accord jusqu’à un certain moment pour régler le problème à l’amiable. Mais le ton monte à Abidjan et dans l’entourage du Président Alassane Ouattara. On n’est pas content ».

La même source prévient que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pourrait « hausser le ton » dans cette affaire, qui devrait être parmi les sujets à l’ordre du jour d’un Sommet extraordinaire de l’instance sous-régionale la semaine prochaine à New York, en marge de la 77ème session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU).

« La situation peut prendre une autre tournure. Si une résolution est prise au niveau de la CEDEAO et appliquée contre le Mali à cause de cette situation, ou peut-être aussi bien contre la Côte d’Ivoire, j’ai peur que cela ne soit un point de non-retour, parce que c’est une instance sous-régionale. Ce serait assez délicat », craint Birahim Soumaré, ancien diplomate et analyste en stratégie internationale. Pour lui, aussi bien la Côte  d’Ivoire que le Mali ont intérêt à conserver une relation convenable entre les deux pays.

« En tout état de cause, la rupture dans ce genre de situation ne présage rien de bon, eut égard à la dangerosité de notre environnement actuellement. Dans ce cadre-là, il est  souhaitable qu’une solution définitive soit trouvée. J’ai bien peur que la situation  ne soit très sensible entre nos deux pays si l’on ne s’entend pas sur un règlement définitif », poursuit-il.

Relations impactées

Si les diasporas des deux pays présentes sur chacun des deux territoires n’ont jusque-là directement pas subi de graves répercussions liées à la crise entre les deux États, les messages incitant à la haine et les accusations réciproques de ressortissants des deux pays inondent les réseaux sociaux depuis le début de l’affaire.

Les milieux culturels des deux pays sont les plus impactés. L’artiste malienne Mariam Bah Lagaré, devant se produire en concert en Côte d’Ivoire en août dernier, a vu son spectacle annulé « jusqu’au règlement du conflit », à l’initiative d’un mouvement de la Fédération de la jeunesse ivoirienne pour la libération des 49 soldats, « Je suis 49 ».

Par ailleurs, le concert du rappeur ivoirien Didi B, prévu pour le 24 septembre prochain à Bamako, a été finalement aussi été reporté à une date ultérieure par ses organisateurs. « Au vu des réactions très mitigées depuis l’annonce de la tenue du spectacle, nous, opérateurs culturels maliens et ivoiriens, responsables et soucieux de créer un environnement de paix, d’amitié et de fraternité à travers l’Art, décidons de reporter le concert de sensibilisation « Même Peuple » de Didi B », ont-ils indiqué après avoir, disent-ils, analysé « profondément et en détails » les réactions sur les réseaux sociaux.

Sur le plan économique, la situation ne semble pas pour l’heure impacter les échanges commerciaux entre les deux pays, dont les économies sont très liées, et, selon certains observateurs, Abidjan n’a pas l’intention d’exercer de pressions en ce sens sur Bamako. La Côte d’Ivoire exporte principalement des produits pétroliers vers le Mali, qui, de son côté, transporte de l’autre côté de la frontière du bétail.

Pour Birahim Soumaré, beaucoup de paramètres devront être pris en compte, du côté ivoirien comme malien, pour qu’une solution puisse être vite trouvée. « Les liens qu’il y a entre la Côte d’Ivoire et le Mali remontent à très longtemps. Il y a une grande communauté malienne active en Côte d’Ivoire. Pour des raisons économiques également, nous utilisons le port d’Abidjan », rappelle l’ancien diplomate.

Médiations tous azimuts

Depuis le début de l’affaire, des médiations sont en cours pour tenter d’aboutir à une issue diplomatique de cette crise. La médiation togolaise, demandée par le Mali, que conduit le Président Faure Gnassingbé depuis le 18 juillet dernier, suit son cours et a permis la libération des 3 femmes soldats ivoiriennes parmi les 49 interpellés, début septembre, à « titre humanitaire de la part du Président de la Transition », selon Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères.

Elle s’active toujours, selon Lomé, pour parvenir à la libération des autres soldats encore détenus à Bamako, qu’une délégation de diplomates ivoiriens avait pu rencontrer fin juillet à l’école de Gendarmerie et qui, d’après Abidjan, n’avaient subi aucun mauvais traitement.

La situation préoccupe également dans le reste de la sous-région. Le Président sénégalais Macky Sall, Président en exercice de l’Union Africaine, s’est aussi impliqué, évoquant lors de sa visite à Bamako le 15 août dernier des « solutions africaines » pour « faciliter le règlement de ce contentieux avec les militaires ivoiriens ».

Le Président nigérian Mahamadou Buhari tente également de s’investir dans le dénouement de cette crise entre la Côte  d’Ivoire et le Mali, par le biais de son ministre des Affaires étrangères, qu’il a dépêché sur Bamako la semaine dernière pour rencontrer le Colonel Assimi Goita. Outre ces tentatives diplomatiques, une médiation de leaders religieux auprès des autorités maliennes est aussi en cours.

Mais, au même moment, le processus judiciaire suit son cours. Pour rappel, avant la libération des 3 dames, les 49 militaires avaient été placés sous mandat de dépôt pour des « faits de crimes d’association de malfaiteurs, d’attentat et de complot contre le gouvernement, d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État, de détention, port et transport d’armes de guerre et de complicité de ces crimes ».

Primature : Un Maïga peut en cacher un autre

Le Colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement depuis décembre dernier, a été désigné le 21 août 2022 pour assurer l’intérim du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, malade depuis maintenant un mois. Le nouveau chef temporaire du gouvernement a affirmé rester dans le sillage des instructions du Premier ministre, mais pour beaucoup sa présence pourrait marquer un nouveau tournant dans la transition.

Le Colonel Abdoulaye Maïga, 41 ans, qui ne faisait pas partie du « cercle des 5 colonels » qui ont pris le pouvoir en août 2020, est devenu sans conteste au fil des mois le visage des déclarations fortes des autorités de la transition.

Nommé ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation depuis le gouvernement Moctar Ouane, il est l’un des hommes de confiance du Colonel Assimi Goita. C’est donc sans grande surprise que le président de la transition l’a désigné pour assurer l’intérim à la Primature, le temps que le Premier ministre Choguel Maïga se remette de son indisponibilité.

Le Colonel Maïga imprime sa marque

À la tête du gouvernement, Abdoulaye Maïga n’a pas tardé à poser son empreinte. Quatre jours après sa désignation, dans une lettre circulaire en date du 25 août 2022, il exige des ministres l’observation de plusieurs mesures, dans le cadre de « l’efficacité du travail gouvernemental et de l’amélioration de la qualité des textes adoptés par le gouvernement en conseil des ministres ».

D’abord, la tenue des réunions de cabinet autour des dossiers inscrits à l’ordre du jour du conseil des ministres le lundi à partir de 08h00 au niveau des départements respectifs et la transmission des observations formulées sur les dossiers au secrétariat général du gouvernement le même jour avant 14h00.

Ensuite, la centralisation et la transmission au Premier ministre desdites observations par le secrétaire général du gouvernement. Par ailleurs, un conseil de cabinet doit se tenir le mardi à 10h00 à la Primature sur les observations des départements sur les dossiers du conseil des ministres et le secrétaire général du gouvernement doit tenir un procès-verbal de réunion faisant ressortir les observations pertinentes et les recommandations formulées. Ce procès-verbal du conseil de cabinet doit être transmis par le secrétaire général du gouvernement le même jour au Premier ministre par intérim.

Enfin, les communications verbales doivent être impérativement déposées au secrétariat général du gouvernement au plus tard le mardi à 8h00. Le Premier ministre par intérim a également interdit dans la foulée, sur instruction du président de la transition, les téléphones, montres et tout autre appareil électronique en conseil des ministres.

Rappelons que cette interdiction, qui n’est pas nouvelle, n’était plus vraiment de rigueur depuis le départ du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, qui l’avait instaurée en 2017.

« L’intérim exige une double mission : rester dans le sillage des instructions du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga et faire face aux défis quotidiens », a déclaré le colonel Abdoulaye Maïga le 29 août dernier, lorsqu’il a rencontré les membres du cabinet du Premier ministre. Depuis, le nouveau locataire temporaire de la Primature s’attelle à la tâche.

Audiences le 25 août avec le Président mondial de la Jeune chambre internationale (JCI) et le 2 septembre avec le ministre algérien des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger. Présidence le 30 août d’un conseil de cabinet sur les dossiers à l’ordre du jour du conseil des ministres du mercredi 31 août 2022 et de la cérémonie de lancement de l’opération de recensement des agents des fonctions publiques de l’État et des collectivités le 1er septembre. Le chef du gouvernement par intérim ne fait que suivre le rythme effréné qu’il s’était jusque-là imposé à l’Administration territoriale, où, selon l’un de ses collaborateurs, le volume horaire a presque doublé au département depuis qu’il en a pris les rênes.

« C’est un grand travailleur, quelqu’un de très humble par rapport à ses connaissances intellectuelles. Il est très vigilent et très sociable avec ses collaborateurs. Il reconnaît la valeur de tout le monde et a une grande capacité d’écoute. Très assidu et rigoureux, il est très exigeant par rapport au rendement », nous confie cette source.

Un intérim bien accueilli

Le colonel Abdoulaye Maïga, qui a fait une partie de ses études en France, où il a notamment décroché un doctorat en sécurité internationale et défense à l’Université Jean Moulin de Lyon en 2011, et a travaillé notamment pour la CEDEAO, est un interlocuteur habituel des politiques, avec lesquels il a plusieurs fois échangé autour de de la mise en œuvre des réformes électorales en cours sous la transition.

Au lendemain de sa désignation pour assurer l’intérim du Premier ministre, la plupart d’entre eux l’ont bien accueillie. Le Rassemblement pour le Mali (RPM), après en avoir pris acte, a souhaité que ce tournant soit « une occasion de renforcer et d’étendre à l’ensemble du gouvernement l’esprit d’inclusivité que le colonel Maïga a imprimé au département de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, en vue d’une transition véritablement inclusive, apaisée et respectueuse de nos engagements ».

« Nous lui faisons confiance, le soutenons et lui souhaitons bonne réussite », dit pour sa part Bréhima Sidibé, Secrétaire général du parti de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, Fare An Ka wuli. Même son de cloche à l’ASMA-CFP, où l’on est convaincu que le colonel Maïga « est aujourd’hui celui qui incarne le plus la transition et est à même de maintenir le cap à la hauteur des défis du jour ».

« Le choix du Colonel Maïga me semble un choix cohérent, avec le fait qu’à travers son ministère il sera l’acteur principal des actions politiques en cours et à venir, telles que la mise en place de l’autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), l’adoption d’une nouvelle constitution et le marathon électoral. Jusque-là il semble donner satisfaction pour attaquer les défis politiques à venir », relève également Dr. Amidou Tidjani, analyste politique et enseignant-chercheur à l’université Paris 13 (Sorbonne-Paris-Nord).

Pour Abdoul Sogodogo, vice-doyen de la faculté des sciences administratives et politiques (FSAP) de l’université de Bamako, il est important aussi de noter que cette désignation intervient à un tournant décisif de la gouvernance publique et que le choix porté sur le colonel Abdoulaye Maïga pourrait s’expliquer par plusieurs raisons.

« On observe une confiance croissante du président de la Transition en la personne du colonel Abdoulaye Maïga. D’abord, le Premier ministre avait été littéralement déchargé de fonction de porte-parole de fait du gouvernement. Ensuite, c’est bien le ministre de l’Administration territoriale qui livrait le contenu des messages du gouvernement, bien qu’il ne soit pas un véritable idéologue comme le Dr. Choguel Kokalla Maiga », rappelle-t-il.

AIGE, la mauvaise note?

Même si le Premier ministre intérimaire semble bénéficier d’un état de grâce de la part des acteurs politiques et de la société civile, la décision qu’il a prise au niveau de l’Administration territoriale de recourir à un tirage au sort pour désigner les représentants des partis politiques et de la société civile au sein du collège de l’AIGE continue d’être controversée chez les politiques et pourrait mener à une dégradation des relations jusque-là apaisées entre lui et eux.

« Nous pensons que ce sont des manières de faire qui sont de nature à réinstaurer une crise de confiance entre l’Administration territoriale et la classe politique. Nous ne voulons pas d’une crise pré-électorale, c’est pourquoi nous interpellons le président de la transition sur ce dossier de l’AIGE », avertit Sékou Niamé Bathily, chargé de la communication du RPM.

« Ce n’est pas la personne du colonel Abdoulaye Maïga qui compte. Ce sont les actes posés par l’administration elle-même. C’est elle qui doit veiller au respect des textes, mais si c’est elle qui viole en premier les lois, c’est inquiétant », clame-t-il.

« La gestion de la mise en place de l’AIGE peut avoir des lourdes retombées sur la gouvernance du Premier ministre intérimaire, en ce sens qu’elle peut nuire aux relations entre la classe politique et lui », affirme Abdoul Sogodogo.

Mais, selon Amidou Tidjani, cela ne devrait pas être un problème pour le locataire intérimaire de la Primature, parce que, soutient-il, « le colonel Maïga semble être quelqu’un d’intelligent, qui laisse les politiques mener leurs discussions dans un cadre d’échange qu’il met en place sans y participer directement et les laisse s’entre-déchirer ou se mettre d’accord avant de trancher à la fin ».

Le colonel Abdoulaye Maïga entre-t-il dans les critères d’un Premier ministre longtemps réclamé par une partie de la classe politique, notamment le cadre d’échange ? « Pour le cas d’un Premier ministre neutre, consensuel, rassembleur, nous attendrons avec intérêt l’évolution de l’état de santé du Premier ministre et la suite que le président de la Transition donnera à tout cela », répond Sékou Niamé Bathily pour le cadre, précisant que le Colonel Abdoulaye Maïga est là, selon ce qu’il a déclaré lui-même, pour continuer dans le sillage de Choguel Kokalla Maïga.

Choguel Maïga toujours hospitalisé

Absent depuis un mois, Choguel Kokalla Maïga a, selon nos informations, fait un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. Il est depuis le 9 août dernier hospitalisé à la clinique Pasteur de Bamako, où il a été admis suite à son malaise. Il y occupe depuis la chambre 114, une chambre VIP à 125 000 francs CFA la nuitée. Face aux flots d’informations parus sur son état de santé le 13 août, la cellule communication de la Primature a dans l’urgence fait une publication affirmant qu’il avait été mis au « repos forcé » pour une reprise de ses activités la semaine qui suivait. Mais, depuis, très peu d’informations circulent le concernant, ce qui a le don d’exaspérer certains « vidéomen » réputés proches de lui. Selon nos informations, si un temps, vers les 22 – 23 août, la possibilité d’une évacuation vers Johannesburg avait été évoquée, la décision a finalement été prise de le garder à Bamako, et, d’après notre source il se porterait mieux mais a encore des difficultés à s’exprimer. « Il parle lentement » assure-t-elle. Dr. Allaye Bocoum, l’un de ses proches, confie avoir reçu un message du chef du gouvernement le vendredi 2 septembre 2022, où il disait se remettre « de mieux en mieux ».

« Il y a vraiment de quoi se réjouir, car il est entre de très bonnes mains, dans une très grande sécurité et aucun laisser-aller dans le domaine de son intimité familiale n’a été permis », glisse celui qui révèle que le Premier ministre n’avait pris qu’une semaine de repos l’année dernière alors même que ses médecins lui avaient imposé un mois.

À l’en croire, Choguel Kokalla Maïga, dont le black-out total autour de l’état de santé découlerait de sa volonté personnelle, récupérera une bonne forme physique avant de reprendre toute activité publique, chose sur laquelle ses médecins sont « intraitables ».

En attendant, le retour aux affaires du leader du M5-RFP semble improbable pour certains observateurs, qui n’excluent pas sur la durée un scénario à la guinéenne, où le Premier ministre intérimaire a fini par être nommé de manière définitive pour la suite de la transition.

Mali – Burkina Faso : le président Damiba en visite à Bamako pour renforcer la coopération

Le président de la transition du Burkina Faso, le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba effectuera une visite d’amitié et de travail demain samedi 3 septembre au Mali. Le président de la transition burkinabè rencontrera son homologue malien, le Colonel Assimi Goita selon un communiqué de la présidence du Faso. Les deux personnalités évoqueront des sujets d’intérêt commun pour les deux pays y compris les problématiques du Sahel. Ils examineront les voies et moyens de renforcer la collaboration entre les deux Etats et de mutualiser leurs efforts en vue de relever les défis auxquels ils font face. Les deux dirigeants vont certainement échanger sur les questions sécuritaires. Le 22 août dernier, le président Damiba a reçu à Ouagadougou le ministre de la Défense nigérien. Une rencontre à l’issue de laquelle le Niger et le Burkina Faso se sont engagés à mutualiser leurs efforts dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les deux pays avaient estimé que le Mali était le grand absent de la coopération dans le domaine de la défense et avaient appelé à un retour du Mali pour assumer ses responsabilités et jouer son rôle. Le Mali a quitté le G5 Sahel le 15 mai dernier dénoncant une instrumentalisation de l’institution. Le Colonel Assimi Goita devait en assurer la présidence tournante en février dernier mais la conférence qui devait consacrer cette présidence ne s’est jamais tenue. La visite de Damiba pourrait aussi s’inscrire dans le cadre de son plan de renforcement du dispositif sécuritaire au Burkina avec l’annonce de l’achat de plusieurs équipements. Selon des experts, ce plan ne sera véritablement efficace qu’avec le concours du Niger et du Mali afin de faire tomber les barrières des frontières poreuses pour lutter plus efficacement contre le terrorisme.

Mali -Transition : Le Colonel Abdoulaye Maiga désigné Premier ministre par intérim

A travers un décret lu à la télévision nationale hier dimanche, le colonel Assimi Goïta, a désigné Abdoulaye Maïga, premier ministre par intérim en remplacement de Choguel Maïga, hospitalisé il y a quelques jours. Encore inconnu avant le coup d’Etat, il a été nommé ministre de l’Administration territoriale dans le gouvernement de Moctar Ouane, portefeuille qu’il occupe encore.  Réputé proche du président de la transition, ce dernier l’avait désigné porte-parole du gouvernement, pour certains observateurs reprendre « la communication du gouvernement » à un moment où le Premier ministre Choguel Maiga qui faisait toutes les déclarations.  Depuis, il a régulièrement fait à la télévision nationale, au cours des derniers mois et revêtu de son treillis certaines des annonces les plus marquantes du gouvernement et des déclarations visant la France. L’hexagone, où il a fait une partie de ses études notamment un doctorat en sécurité internationale et défense en 2011 à l’Université Jean Moulin de Lyon. En 2016, Il a été nommé officier chargé de programme et analyste en charge du terrorisme, de l’extrémisme violent et de la sécurité maritime de la CEDEAO. Avant cela, il a été de 2014 à 2016, analyste alerte et prévention au centre africain d’études et recherche sur le terrorisme au sein de l’Union africaine.

Mali – IBK : du Premier ministre à poigne au président de la République contesté

En retrait de la vie politique depuis sa chute du pouvoir en août 2020, le « Kankeletigui » qui était souffrant depuis plusieurs années, s’en est allé définitivement le 16 janvier 2022, laissant derrière lui un parcours politique contrasté. L’homme politique à poigne, rigoureux et ferme, à la réputation forgée en tant que Premier ministre du Mali de 1994 à 2000, a laissé la place à un président de la République contesté, de 2013 à 2020. Retour sur le parcours de celui qui aura consacré sa vie à servir le Mali.

Né le 29 janvier 1945 à Koutiala, Il aurait eu 77 ans le 29 janvier 2022. Mais Ibrahim Boubacar Keita a passé l’arme à gauche 13 jours avant cet anniversaire qui se serait déroulé, s’il avait eu lieu, sobre dans l’intimité familiale de sa résidence privée sise à Sebenikoro. Une résidence héritée de son père, Boubacar Keïta, ancien fondé de pouvoir du Trésor, à laquelle l’ancien président de la République était particulièrement attachée.

Le parcours politique de celui qui a gravi tous les échelons de l’État depuis son retour au pays dans les années 1980, après 26 années passées en France, est assurément le plus abouti et le plus dense de toutes les grandes figures politiques contemporaines du Mali. Il peut se résumer en trois grandes étapes, ponctuées de fortunes diverses. La première, débute lors de sa nomination comme Conseiller diplomatique du président Alpha Oumar Konaré en 1992 et dure jusqu’à l’année 2000, période où il fut successivement ambassadeur en poste à Abidjan, chef de la diplomatie malienne, puis Premier ministre. La seconde démarre en 2002 après sa 1ère défaite à la présidentielle qui le conduit malgré tout à la tête de l’Assemblée nationale (2002-2007), suivie d’une période de traversée du désert. La troisième et dernière grande étape, commence avec son élection à la présidence de la République, en août 2013, pour s’achever au moment du putsch militaire en 2020.

Premier ministre à poigne

En février 1994, quand le président Alpha Oumar Konaré le nomme à la primature, Ibrahim Boubacar Keita, en déplacement à Addis Abeba, n’est à l’époque à la tête de la diplomatie malienne que depuis quelques mois. IBK Premier ministre doit alors faire face à des grèves et une crise scolaire et estudiantine sans précédent, dans un contexte d’ajustement structurel imposé par le FMI et de dévaluation du franc CFA. C’est aussi l’époque où la rébellion touareg sévit. Sur ces différents fronts le chef du gouvernement réussit à trouver des alternatives rigoureuses, procède à de nombreuses arrestations, y compris de leaders estudiantins et religieux, déclare l’année scolaire blanche, et parvient finalement à renouer le dialogue et à restaurer l’autorité de l’Etat. second mandat en 1997.

« Un Premier ministre d’autorité, très convivial, qui avait le sens de l’équipe, qui déléguait et qui assumait et pour le président de la République et pour les ministres ». C’est en ces termes que Moustaph Dicko, ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique décrit IBK. « Il a permis de redresser notre pays et de jeter les bases d’une étape démocratique forte (…) Ibrahim Boubacar Keita a été un excellent Premier ministre, qui a rendu à notre pays sa stabilité et a permis de restaurer l’autorité de l’Etat, », ajoute-t-il.

Du perchoir à la traversée du désert

Démissionnaire de la primature en février 2000, IBK pense devoir se préparer pour être le porte-étendard de l’ADEMA à l’élection de 2002. Or, il est mis en minorité au sein de son parti lors d’un congrès qui voit le club des rénovateurs, incarné par le clan CMDT et mené par Soumaïla Cissé, prendre le dessus. IBK démissionne alors avec fracas en octobre 2000 et prend du champ au Gabon, où il compte parmi ses soutiens l’ancien président Omar Bongo Ondimba.

Pour partir à l’assaut de Koulouba, IBK créée le 30 juin 2001 le Rassemblement pour le Mali (RPM) avec de nombreux transfuges de l’ADEMA qui lui sont restés fidèles. Son aura et son bilan à la primature font de lui l’un des favoris à l’élection présidentielle d’avril 2002. A l’issue du 1er tour, arrivé 3ème avec 21,03% des suffrages et seulement 3 500 voix d’écart avec le second, Soumaïla Cissé, ses partisans crient à la fraude électorale suite à l’annulation de plus de 541 000 voix, essentiellement à Bamako, fief d’IBK. Ce dernier appel au calme et apporte son soutien à ATT qui sera éluau 2nd tour.

Dans la foulée, les élections législatives consacrent en juillet 2002 la victoire du RPM qui arrive en tête avec 46 députés sur 147, ce qui permet à son leader d’être consensuellement élu à la tête de l’institution, où il fait office d’allié exigeant du pouvoir exécutif, jusqu’à 2006 et la signature de l’Accord d’Alger, un désaccord profond synonyme d’opposition pour le RPM. Vaincu à la présidentielle de 2007, IBK entame alors sa traversée du désert, malgré sa réélection en tant que député RPM, qui n’en compte plus que 11.

Présidence contestée

Après le coup d’Etat du capitaine Sanogo contre ATT en mars 2012, IBK revient sous les radars. Victimisé, son aura d’homme à poigne intacte, il surfe sur le sentiment d’honneur perdu des Maliens après la débâcle de son armée. « Il apparaissait objectivement comme celui qui, du fait de son parcours, ses réseaux et son expérience, pouvait remettre de l’ordre dans la maison Mali, redresser l’appareil militaire, et mettre fin à la grande corruption », souligne un diplomate en poste à l’époque. Résultat des courses,  « Kankelentigui » est triomphalement élu en aout 2013 avec 77% des voix.

« L’excellent Premier ministre a rappelé au souvenir des maliens le candidat IBK, ils en ont fait le président de la République. Je pense que l’homme est un tout, il a des forces et des faiblesses, IBK n’y échappe pas », résume Moustaph Dicko, tout en nuançant le rôle des militaires et des religieux dans l’accession au pouvoir du Président Keïta.

La rébellion touarègue, la perte de contrôle de pans entiers du territoire, la débâcle de l’armée et la faiblesse de l’appareil de défense, l’apparition du djihadisme, l’affaissement de l’autorité de l’Etat, la corruption endémique, la faillite de l’éducation nationale, et le contexte économique global, sont autant de difficultés dont le président élu a hérité. « Quand il revient en 2013 après une longue traversée du désert, notre pays avait évolué. Notre système institutionnel s’était plus ou moins dévoyé. Il y avait plus l’image de l’individu que l’image du groupe. L’individu ayant pris le pas sur le collectif, de même que les projets personnels sur les projets pour le pays, il n’y avait plus de cohésion au niveau de la gouvernance d’IBK », explique Moustaph Dicko, qui a longtemps cheminé avec lui, un « frère et ami » depuis le congrès constitutif de l’Adema en 1991. « Sa seule personnalité ne suffisait pas, il fallait en plus un projet commun, un engagement commun, une vision commune, ce qui n’a plus existé quand il est revenu au pouvoir ».

Selon l’analyste politique Salia Samaké, il y a « également le facteur âge qui a fait son effet, et dont il faut tenir compte », mais également le choix des hommes, pour lequel le président admettait volontiers qu’il n’avait pas eu « la main heureuse », et une gestion relativement lointaine des affaires de l’Etat. Les scandales provoqués par l’acquisition de l’avion présidentiel et d’équipements militaires, dont les dossiers sont en cours d’instruction par la justice, ont provoqué l’émoi auprès de l’opinion dès la première année de sa présidence, tout comme la perception d’une gestion clanique du pouvoir. Ajoutés aux difficultés à juguler l’insécurité et aux fréquents changements de gouvernement, le président IBK est devenu impopulaire auprès d’un peuple qui l’avait plébiscité, et envers lequel il vouait selon ses propos un « amour fou ». L’émergence du mouvement Antè A bana, qui bloqua le projet de réforme institutionnelle en 2017, en fut l’illustration, tout comme la contestation de sa réélection en 2018.

Un bilan qui reste à écrire

Au chapitre des avancées, la signature d’un accord de paix avec la rébellion armée, le développement de certaines infrastructures économiques (routes, échangeurs, centrales énergétiques, logements sociaux), l’extension de la couverture maladie universelle, tout comme la montée en puissance de l’armée et la relance de la production agricole, sont à l’actif de la gouvernance IBK.

Il est sans doute trop tôt pour dresser un bilan exhaustif des années IBK. Mais jusqu’au bout, le Président, qui sera conduit à sa dernière demeure ce vendredi 21 janvier après des obsèques nationales dus à son rang, aura servi le Mali « de toutes ses forces, pas toujours avec le même bonheur en retour  mais, j’en suis sûr, avec la même volonté », conclut Moustaph Dicko qui regrette la perte d’un homme qui aimait profondément le Mali.

Mohamed Kenouvi

Choguel Kokalla Maiga : 100 jours de débats

Des podiums  de conférences de presse à n’en pas finir du M5-RFP, celui qui est devenu à la faveur du coup de force du 24 mai dernier l’allié numéro un des militaires aux commandes a hérité de la Primature pour « rectifier » la Transition. S’il s’est attelé à la tâche, à un « moment crucial », et œuvre à la concrétisation des axes prioritaires de son Plan d’action, validé par le Conseil national de Transition début août, le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga doit faire face à la méfiance d’une partie de la  classe politique, qui ne s’accorde pas avec lui sur certaines questions pourtant fondamentales. Une réalité qui fait planer de gros nuages sur la suite de la transition, dont la fin est annoncée pour février 2022.

La « thérapie de choc » du Docteur Choguel Kokalla Maiga  au chevet du « grand corps malade » Mali a bel bien et commencé à être appliquée. Mais, près de 100 jours après le démarrage de ce « traitement », bien malin celui qui peut déjà entrevoir son efficacité à terme, les premiers signes concrets  de « guérison » se faisant toujours attendre.

« Nous pouvons dire que le bilan de ces 3 premiers mois n’est pas très flatteur. Le Premier ministre a présenté un Plan d’action du gouvernement et, si on doit l’évaluer, on doit le faire sur la base de ce plan. Et sur cette base plusieurs actions prévues sont déjà en retard dans la mise en œuvre », pointe le porte-parole du parti Yelema Hamidou Doumbia.

Sécurité, Justice et Refondation sont les trois besoins indispensables à la survie du Mali, selon le Premier ministre. Trois piliers autour desquels sont définis les quatre axes prioritaires que sont le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, les réformes politiques et institutionnelles, l’organisation des élections générales et la promotion de la bonne gouvernance, ainsi que l’adoption d’un pacte de stabilité.

Nettoyage judiciaire

Pour le Premier ministre, des efforts sont entrepris pour améliorer la sécurité sur toute l’étendue du territoire avec des opérations militaires qui y sont continuellement menées. Mais les impacts de ces opérations ne sont pas encore visibles à bien des égards.

« Concernant la sécurité, les attentes tardent à être comblées. Ce que nous nous voulons entendre, c’est que des territoires sont libérés. Mais c’est le contraire qui se produit au quotidien », se désole Housseini Amion Guindo, Président de la Convergence pour le développement au Mali (Codem), qui ne réfute pas pour autant « la volonté et l’engagement » dont fait preuve le Premier ministre.

Boubacar Bocoum, analyste politique, est plus tranché. Pour lui, la situation sur le plan sécuritaire est encore « plus catastrophique » qu’elle ne l’était, « sans évolution » ni de « montée en puissance » de l’armée. C’est finalement sur un autre terrain, celui de la justice que la nouvelle équipe se fait « sentir ».

Déterminé, sous l’impulsion du Président de la Transition, le colonel Assimi Goita, à mener une lutte implacable pour combattre la corruption et l’impunité, qui « sont à la base de la déliquescence de l’État », le Chef du gouvernement a durant ces 100 premiers jours réussi à faire bouger quelques  lignes.

La Justice, à travers la Cour suprême, a rouvert certains dossiers de malversations financières, notamment ceux de l’acquisition de l’aéronef présidentiel et de l’achat des équipements militaires sous l’ancien Président IBK. Ce qui a conduit au placement sous mandat de dépôt le 26 août dernier de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga et de l’ancienne ministre des Finances Mme Bouaré Fily Sissoko, à l’issue d’une procédure contestée, où les tiraillements des spécialistes du droit n’aident pas à y voir clair.

Comme promis par le Chef du gouvernement du temps de tirades du M5, les poursuites judiciaires sur les tueries et exactions des 10, 11 et 12 juillet 2020 à Sikasso, Kayes et Bamako sont également engagées, ayant conduisant à l’arrestation du commandant de la Forsat lors de ces évènements, le commissaire divisionnaire Oumar Samaké, provoquant au passage la colère des policiers.

Des actions que le Président de la Codem salue. Mais il estime qu’il reste encore beaucoup à faire, surtout au niveau de l’impartialité. « Il faut faire en sorte que la justice ne soit pas celle des vainqueurs. Cela est très important pour le nouveau Mali », s’alarme celui qui conduit également aux destinées du regroupement politique Alliance Jigiya Koura.

Refondation oui, mais…

S’il y a un point pour lequel le bout du tunnel semble encore loin pour le Premier ministre Maiga, c’est bien la question de la refondation du Mali, qui englobe toutes les réformes politiques et institutionnelles concourant à y parvenir.

La tenue des Assises nationales de la refondation (ANR), chère à l’ancien Président du Comité stratégique du M5, ne fait pas consensus. Et c’est bien là l’un des défis majeurs à relever dans les prochaines semaines par les autorités de la Transition.

Le constat est sans appel. Une partie de la classe politique, s’oppose tout simplement à la tenue de ces Assises, prévue pour la fin du mois de septembre et dont les termes de références sont en train d’être élaborés, selon certaines informations au niveau de la primature.

Pour ces politiques, regroupés au sein du Cadre d’échanges pour la réussite de la Transition mais pas que, d’autres ayant les mêmes positions sans en être, cela va être les assises de trop, parce que par le passé plusieurs échanges de ce genre ont déjà eu lieu.

Le Chef du gouvernement ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, les ANR seront différentes de tous les fora du passé. Leur particularité sera que les conclusions seront « immédiatement exécutoires » et  vont « s’imposer à toutes les autorités politiques ».

« Ce qui est nouveau cette fois-ci, c’est que l’ensemble des résolutions de ces différents fora vont servir de matières premières. On ne va pas les jeter à la poubelle parce que c’est le résultat d’actions et de réflexions de Maliens », explique le Premier ministre.

« Nous allons les enrichir par les idées des forces du changement. Ce sont les transformations politiques et institutionnelles que les forces du changement voulaient pour le Mali nouveau qui  vont enrichir le débat », ajoute-t-il.

Pour Housseini Amion Guindo, la transition a commencé par une concertation nationale qui a fixé son cadre et ses limites. Ce n’est  donc  pas pendant cette transition qu’il faut tenir des Assises nationales « coûteuses » pour lui « donner une nouvelle orientation ».

Une nouvelle orientation, qui, sans équivoque, mènera à la prolongation du délai de la transition, suspecte-t-on d’ailleurs du côté du Parti pour la Renaissance nationale (Parena).

« Nous prenons la tenue des ANR comme un stratagème pour sortir du délai initial de la fin de la transition. Nous ne voulons pas être la caution ou les complices d’une quelconque prolongation de la transition. Nous l’avons dit dès le début et nous camperons sur cette position », affirme le Secrétaire général Djiguiba Keita dit PPR.

Le parti de l’ancien chef de la diplomatie malienne, Tiébilé Dramé, a d’ailleurs déjà  lancé les futures « empoignades » durant les prochaines semaines entre la classe politique et le Premier ministre.

Le Parena a tout simplement décliné une demande en date du 4 septembre 2021 du ministère de la Refondation de l’État l’invitant à une rencontre le 6 septembre, relative aux « Assises  nationales de la refondation et à la création de l’Organe unique de gestion des élections et autres sujets connexes ».

« Pour nous il n’est pas question que ces assises remettent en cause un consensus national et international. C’est un mauvais jeu, qui contribuera à davantage diviser les Maliens », renchérit M. Guindo, qui va jusqu’à parler de « trahison » des Concertations nationales de septembre 2020.

Mais, s’offusque l’analyste politique Boubacar Bocoum, la classe politique est en manque de réalisme et se met dans des procès d’intentions aux autorités de la transition quant à la question de prolongation de celle-ci.

Selon lui, cette classe politique doit être « plus sérieuse », d’autant plus que « ni le Président ni le Premier ministre de la transition n’ont jusqu’à preuve du contraire affiché une volonté de prolonger le délai ».

Vers un blocus ?

La mise en place de l’Organe unique de gestion des élections est la deuxième pomme de discorde entre les politiques et le Chef du gouvernement. Processus « irréversible » selon le Premier ministre, dont une esquisse de chronogramme de mise en place a d’ailleurs été  établie au niveau du ministère délégué chargé des Réformes politiques et institutionnelles. Cela ne fait pas pour autant l’unanimité.

Au Parena, tout en n’étant « pas fondamentalement contre » la mise en place de l’Organe unique de gestion des élections, on pense que tel qu’il est proposé il ne pourra pas se faire sans la révision de la Constitution. « Or nous disons que la révision de la Constitution est également un stratagème pour sortir du délai de la transition, parce que cela va prendre beaucoup de temps », précise Djiguiba Keita.

Il souligne en plus que son parti a proposé comme solution alternative la création d’un organe transitoire régissant les élections, où les prérogatives de la Cour constitutionnelle vont rester.

Même son de cloche à la Codem, dont le leader rappelle qu’il y a eu un consensus sur une « Ceni renforcée » et un maintien des autres organes intervenant dans le processus électoral bien avant l’arrivée de l’actuel Premier ministre, avec le même ministre en charge de l’Administration territoriale.

Par ailleurs, selon Housseini Amion Guindo, qui ne voit pas quel intérêt  le Premier ministre aurait à vouloir imposer l’organe unique sans consensus, ce dernier gagnerait à respecter ce que veut la classe politique.

Un avis que ne partage pas l’analyste politique Boubacar Bocoum. « La faisabilité ou non de l’organe unique, ce n’est pas la classe politique qui la définit. Si les autorités de la transition pensent qu’elles peuvent l’instaurer, je ne vois pas où est  le problème. C’est le rôle de l’État de l’exécuter », tranche-t-il.

La mission de la Cedeao  pour le suivi de la transition, qui a séjourné à Bamako du 5 au 7 septembre, a réitéré l’impératif du respect du délai de la transition et demandé au gouvernement la publication d’un chronogramme détaillé des futures élections.

Quand elle a rencontré la classe politique, celle ci dans sa majorité, y compris des partis membres du M5-RFP, a été unanime sur la tenue aux dates indiquées des élections.

Si le Premier ministre ne s’y oppose naturellement pas, il insiste toujours sur l’effectivité des réformes avant ces rendez-vous électoraux. Des réformes qui vont être décidées lors es Assises nationales de la refondation pourtant rejetées par une partie importante de la classe politique. De quoi présager d’un bras de fer à l’horizon ?

Transition : Le coup de Jarnac

Décidément, Kati ne finira jamais de faire peur à Bamako. Le 25 mai, le Vice-président a démis de ses fonctions le Président de la transition et le Premier ministre. Décision motivée, selon Assimi Goïta, par le non respect de la Charte de transition, le manque d’inclusivité dans la formation du nouveau gouvernement et la tension sociale. Cette situation plonge le Mali dans une nouvelle crise aux conséquences incertaines.
 
 « Deux êtres nous manquent et tout est dépeuplé ». Voilà ce que pourrait être le soupir des membres de l’ex CNSP (Comité national pour le salut du peuple), à la place d’Alphonse de Lamartine. Les militaires, visiblement mécontents de la mise à l’écart de deux des leurs dans le second gouvernement du Premier ministre Moctar Ouane, n’ont pas tardé à agir. Un gouvernement dont la vie a été écourtée, moins de 24 heures, par le Vice-président de la transition, Assimi Goïta. Parce que les postes de ministres de la Défense et de la Sécurité, initialement occupés par deux ténors de la junte, les colonels Sadio Camara et Modibo Koné, ont été assignés à deux généraux sans consultation préalable de Goïta. Et le Vice-président, qui est « un légaliste », ne peut tolérer cette « indignité » et ce manque d’inclusivité, qui « viole l’esprit de la Charte de la transition », a-t-il affirmé dans un communiqué. Venu au pouvoir par la voie des armes le 18 août dernier, il « s’est vu dans l’obligation d’agir pour préserver la Charte de transition et défendre la République », en plaçant « hors de leurs prérogatives le Président et son Premier ministre, ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation ».
Coup d’État?
« Coup de force », « coup de pression », « coup d’État », « malentendu », les qualificatifs sur la situation malienne vont bon train et diffèrent selon les acteurs. Pour le Président français Emmanuel Macron, c’est « un coup d’État dans un coup d’État ». La CEDEAO, par contre, adopte un ton moins énergique, parlant de « malentendu lors de la mise en place du gouvernement ».
À Kati depuis le 24 mai, le Président de la transition Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane ont démissionné le 26 mai. Très probablement sous la contrainte, comme ce fut le cas en août 2020 avec le Président Ibrahim Boubacar Keita et le PM Boubou Cissé. Pour l’analyste politique Ballan Diakité, il n’y a pas d’équivoque.
« Ce qui s’est passé est un coup d’État dans un coup d’État. ». Comment en sommes-nous arrivés là ?
«  Dans sa déclaration, le Conseiller spécial du Vice-président Assimi Goïta a fait état du non-respect de la Charte de la transition par le Président Bah N’Daw et son Premier ministre, ce qui serait la raison de leur départ forcé. Mais il faut dire qu’on est dans le non-respect du cadre légal depuis le 18 août. C’est la Constitution qui n’a pas été respectée par les membres du CNSP. Et, aujourd’hui, on se plaint que le Premier ministre et son Président n’aient pas respecté le cadre légal », poursuit Ballan Diakité.
Dr. Boubacar Haïdara, chercheur associé à l’Institut d’études de Bordeaux, abonde dans le même sens. « En agissant ainsi, Assimi Goïta, qui se proclame au pouvoir, respecte-il la Charte de la transition ?  Cette dernière est claire, en aucun cas le Vice-président ne peut remplacer le Président de la transition. Nous ne sommes pas dans un processus légalitaire. On a la junte, qui a des armes et qui fait la loi». Pour Boubacar Salif Traoré, ce qui s’est passé est motivé par l’instinct de survie des ténors de la junte, qui semble menacé. « En les ayant sortis du gouvernement sans leur donner une garantie de protection, en termes de responsabilité ou autre, ils se sont sentis quelque part exposés. Et c’est aussi par instinct de survie qu’il y a eu le processus qui est en cours actuellement ».
Quelles conséquences?
 Il ne reste que neuf mois à la transition pour conduire les grandes réformes politiques et institutionnelles, ainsi que les élections générales, en vue de la normalisation de la situation politique. Et le coup porté par Assimi Goïta et les siens au processus augure de lendemains incertains pour le Mali. Prolongation du délai de la période transitoire, rapports de force avec la communauté internationale, sanctions, crise politico-sociale, la situation est très confuse. La communauté internationale brandit le chiffon rouge des sanctions, qu’elles soient ciblées ou générales. Et, à ce titre, généralement elles sont connues. Des gels de passeports diplomatiques ou des avoirs des ténors de la junte pourraient intervenir. Le Mali pourrait aussi être suspendu des institutions internationales ou sous-régionales et ne plus bénéficier de l’aide internationale au développement, comme cela avait été le cas en août 2020. Le 26 mai, les USA ont déjà suspendu leur aide à l’armée malienne et brandi la menace de sanctions ciblées contre les protagonistes. Après avoir rencontré le Vice-président de la Transition, l’émissaire de la CEDEAO doit rendre compte à Félix Tshisekedi, président de l’Union africaine, et à Nana Akufo-Addo, président de la CEDEAO. Une réunion des dirigeants de la CEDEAO est prévue dans la foulée pour statuer sur le cas du Mali. Cependant, plusieurs facteurs pourraient édulcorer la rigueur de ces sanctions.
« Aujourd’hui, la communauté internationale est beaucoup plus regardante sur plusieurs aspects. On ne peut pas condamner le Mali uniquement pour ce que ses militaires font. On regarde aussi la situation assez critique de la population malienne, qui vit une crise sécuritaire et une situation économique très difficile depuis 2012 », explique Ballan Diakité. Boubacar Salif Traoré est du même avis.
« La communauté internationale n’a pas une très grande marge de manœuvre. Depuis quelques années, elle joue sa crédibilité au Mali. Elle s’est déployée en masse dans le pays et les résultats ne sont pas là. Le pays est en position très fragile. Et la communauté internationale, en voulant adopter une position assez rigide, risque de provoquer un effondrement du peu qui reste, combiné à la situation tchadienne. Le Sahel risque un embrasement généralisé, qui peut avoir des conséquences dramatiques non seulement sur les pays européens mais aussi au-delà, avec des crises migratoires. Donc la communauté internationale a intérêt à trouver des équilibres, à favoriser le dialogue et à trouver un compromis pour permettre à la transition de continuer ».
Les 18 mois de la transition pourrait être prolongés au regard du contexte sociopolitique actuel. Selon le chronogramme électoral initial, le premier tour de l’élection présidentielle, couplée aux législatives, est prévu pour se tenir le 27 février 2022. Dans sa déclaration à la Nation lue par son Conseiller spécial, le commandant Baba Cissé, Assimi Goïta affirme que les élections vont se tenir « courant 2022 ».
Des assurances répétées à l’émissaire de la CEDEAO, Goodluck Jonathan, lors de leur rencontre le 25 mai. Toutefois, des questions demeurent, avec cette instabilité constante. « Ce qui prime à mon avis n’est pas le délai des élections, mais plutôt d’un retour à la normale. La promesse de tenir les élections aux dates indiquées s’éloigne de plus en plus. Parce que la situation qui intervient nous fait revenir à la case départ. Et, comme leur attitude l’a montré, les militaires putschistes n’ont pas intérêt à aller aux élections le plus rapidement possible », explique Dr. Boubacar Haïdara.
« Personnellement, je ne crois pas du tout que des élections puissent se tenir aux dates communiquées, sauf si on nous emmène à faire des élections bâclées. Et une élection bâclée, cela va encore nous emmener dans une situation de crise, comme nous l’avons vécu au temps d’IBK avec les élections législatives », pense pour sa part Ballan Diakité. Selon Boubacar Salif Traoré, « tout va dépendre du temps qui sera pris pour la normalisation de la situation. Si c’est une crise qui perdure, il y a un fort risque à ce que ça soit repoussé.  Et, à mon avis, le second scénario risque de l’emporter sur le premier.»

 

Quel scénario?
 Des tractations sont en cours depuis la nuit du 24 mai. Et, selon plusieurs sources concordantes, le scénario qui se dessine pourrait être celui d’une primature donnée au M5-RFP. Bon ou mauvais choix ? Les militaires ont la main basse sur l’État. Et Bah N’Daw, en voulant s’affranchir de la tutelle d’Assimi Goïta, a tout simplement été écarté, comme Amadou Aya Sanogo l’avait fait en 2012 avec le Premier ministre de la transition Cheick Modibo Diarra. Le M5 est divisé sur la question. Certaines entités qui le composent ont condamné les évènements en cours, mais le Comité stratégique a attendu dans la soirée du mercredi 26 mai pour s’exprimer. Il dit rester attaché à ses 17 mesures contenues dans les 10 points de son mémorandum et maintient son appel à manifestation le 4 juin. «La seule attitude du M5 devrait être tout simplement de condamner ce qui vient de se passer et de n’engager aucune discussion avec le CNSP (officiellement dissout le 25 janvier) en l’état actuel de la situation. Le CNSP a besoin de soutiens et il va les chercher auprès du M5, qui semble n’avoir rien retenu des leçons du passé. Et, même en acceptant la Primature, le M5 est-il sûr de pouvoir mettre en application ses dix recommandations, face à des militaires qui ont la mainmise sur le pouvoir ? », s’interroge le Dr. Boubacar Haïdara. Le chercheur Mohamed Ag Ismaël est du même avis. « Les putschistes tentent de rectifier leur erreur en s’approchant du M5-RFP, des partis politiques et de la société civile, pour légitimer leurs actions et préparer les élections générales. Mais cela dépendra de l’offre proposée ».
Ballan Diakité est optimiste. « La politique est le champ de tous les possibles. Aujourd’hui, le M5 est la seule force politique capable de tenir tête à ces militaires-là, compte tenu de sa constance dans sa dynamique de contestation. Si les autorités militaires veulent quand même travailler avec lui, elles ne doivent pas ignorer l’ensemble de leurs recommandations, notamment la dissolution du Conseil national de transition (CNT) ».
Boubacar Salif Traoré pense que  le bicéphalisme à la tête du pays ne marchera pas. Nommer un Premier ministre civil pour ensuite diriger dans l’ombre provoquera toujours des situations de crise. « Si le Vice-président se sent en mesure d’assumer la responsabilité de la tête de la transition, en concertation avec les acteurs impliqués, je pense que, pour la stabilité du pays, c’est une hypothèse à ne pas écarter. Je suis convaincu que le bicéphalisme à la tête de l’État ne marchera pas». De toutes les façons, depuis le 18 août et la chute d’IBK, la réalité du pouvoir est entre les mains de Goïta.

 

 

Boubacar Diallo

 Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°320 du 27 mai au 02 juin 2021 

Candidature d’Assimi Goïta : vraiment probable?

Le Mouvement Appel citoyen pour la réussite de la transition (ACRT) d’Issa Kaou Djim appelle à la candidature d’Assimi Goïta, Vice-président de la transition, à la prochaine élection présidentielle. Cette demande fait débat, suscitant des interrogations quant aux motivations d’Issa Kaou Djim et aux implications d’une telle candidature.

« L’imperturbable et le patriote Assimi Goïta » osera-t-il briguer la présidentielle prochaine ? C’est la grande question du moment au Mali et le vœu pieux d’Issa Kaou Djim. Cependant, l’idée de voir le Vice-président de la transition se porter candidat à la présidentielle prochaine soulève beaucoup de questions et, à la limite, fait polémique. La Charte de la transition lui interdit de prendre part aux prochaines échéances électorales. Ballon d’essai, intention inavouée des ex-putschistes ou demande unilatérale du 4ème Vice-président du CNT ? Les supputations vont bon train. « Cela ne peut pas être une demande esseulée et personnelle d’Issa Kaou Djim. C’est fortement sous-tendu par une théorie des ex-putschistes. Issa Kaou Djim est en mission, mais il faut comprendre que c’est une diversion que de dire qu’Assimi Goïta sera candidat. Et, pendant que les gens seront dans ce débat stérile, ils vont passer à autre chose. Assimi Goïta ne peut pas être techniquement candidat. Mais certainement ils vont influencer celui qui sera leur candidat pour cette période post transition. Donc il est important pour Kaou Djim et ses alliés d’être dans une dynamique de collaboration », pense Boubacar Bocoum, politologue.

Selon Ballan Diakité, cette demande pourrait être un ballon d’essai, « pour permettre à Assimi Goïta de faire un petit sondage sur une possibilité de candidature qui serait acceptée favorablement ou défavorablement ». Néanmoins, le politologue n’écarte pas la probabilité d’une candidature. « La Charte de la transition interdit à ceux qui vont la diriger d’être candidats aux prochaines échéances. Cependant, elle n’est pas la consécration de la Constitution du Mali. Donc cela laisse entendre qu’il y a de fortes possibilités que certains dirigeants de la transition dérogent aux exigences qui ont été données par la Charte de la transition », explique Ballan Diakité.

Mais il prévient qu’une éventuelle candidature du vice-président de la transition présagerait « d’un fiasco total » de l’élection présidentielle, « tant on sait bien qu’ils ont nommé des gouverneurs de région. Et les partis politiques n’accepteront pas cela ».

Maroc : l’inspecteur général des FAR reçoit le vice-président Assimi Goïta

Le général de corps d’armée, inspecteur général des Forces Armées Royales marocaines, Abdelfettah Louarak, a reçu, vendredi à Rabat, le colonel Assimi Goïta, vice-Président de la transition malienne, qui effectue une visite de travail au Maroc à la tête d’une importante délégation militaire.Les entretiens, qui se sont déroulés au niveau de l’état-major général des FAR à Rabat, en présence de l’ambassadeur de la République du Mali à Rabat et de l’attaché militaire près l’ambassade de la République du Mali à Rabat, ont porté sur la coopération militaire entre les forces armées des deux pays, indique un communiqué de l’état-major général des FAR.

Les deux responsables ont, par ailleurs, examiné les opportunités qu’offre la coopération militaire bilatérale entre le Maroc et le Mali, ainsi que les moyens à même d’encourager et d’élargir les perspectives de cette coopération dans divers domaines.

Au programme de la visite de travail de la délégation militaire malienne au Royaume, la visite de l’Hôpital militaire d’Instruction Mohammed V de Rabat, et du Collège royal de l’enseignement militaire supérieur de Kénitra, souligne la même source.

Mali – Transition : La Charte de toutes les questions

Près d’un mois après son adoption, la Charte de la transition n’a toujours pas été officiellement publiée. Elle reste « mystérieuse » pour les Maliens et la CEDEAO, voire les experts qui ont participé à son élaboration.

« La présente Charte entre en vigueur dès son adoption par les forces vives de la Nation », dispose l’article 21 de la Charte de transition adoptée lors des concertations nationalesPrès d’un mois après son adoption, sa publication dans le Journal officiel de la République tarde à venir et des interrogations se posent quant à la nature des actes de droit se fondant sur elle. « Je suis surpris de constater que jusque-là la Charte n’a pas été publiée mais que son application a commencé. Il y a le président qui a été intronisé sur la base de la Charte. Il est en train de prendre des actes sur cette base alors qu’elle n’a pas fait l’objet de publication. Est-ce que l’absence de publication empêche l’application de la Charte ? Je dirais oui », explique le Dr. Fousseyni Doumbia, juriste et coauteur du projet de Charte.

L’acte fondamental du CNSP a continué à s’appliquer. Les séries de nominations à des postes stratégiques en témoignentSi la Charte s’était imposée immédiatement, ces nominations n’auraient pas eu lieu. « Il était important que la Charte soit publiée au Journal officiel. Elle ne l’est pas. Le CNSP prend des actes sur la base de son Acte fondamental, le président a été investi sur la base de la Charte et souvent on est dans la Constitution. Nous sommes dans une incertitude juridique difficile à expliquer », explique un constitutionnaliste.

Discorde

Les prérogatives du vice-président de la transition posent problème à la CEDEAO. Elle refuse que le vice-président Assimi Goïta remplace le président, temporairement ou de façon définitive, en cas d’empêchement. La CEDEAO exige de connaître la version finale de la Charte avant de procéder à la levée des sanctions. Cela pourrait être la cause du retard dans la publication de la Charte. Selon Dr. Fousseyni Doumbia, car « cette disposition n’a pas fait l’objet de modifications ». Alors que la vice-présidence est accepté ailleurs, ce niet s’explique par le profil du tenant du poste. « C’est parce qu’il est militaire. Le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance s’oppose à tout exercicdu pouvoir par un militaire. La CEDEAO a des principes auxquels elle ne souhaite pas déroger, parce qud’autres États sont potentiellement exposés à une irruption des militaires sur la scène politique. Le problème ne se poserait pas s’il y avait une vice-présidence civile ».

Boubacar Diallo

Transition : le président et le vice-président investis

« Je jure devant Dieu et le peuple malien, de préserver en toute fidélité le régime Républicain. De respecter et de faire respecter la Constitution, la charte de la transition et la loi, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire nationale. Je m’engage solennellement et sur l’honneur à mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité africaine. Je jure, je le jure ». C’est en récitant ces mots, main droite levée que le président désigné de la Transition, le colonel à la retraite Bah N’daw a prêté serment ce vendredi au CICB. Son vice-président, le colonel Assimi Goita s’est également prêté à l’exercice en récitant le même texte. Ils ont prêté serment devant les membres de la cour suprême, et en présence du président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo, du médiateur de la CEDEAO Goodluck Jonathan, et le ministre des Affaires étrangères du Ghana Shirley Ayorkor Botchway, dont le président est celui en exercice de la CEDEAO. Lors de sa toute première allocution, le président de la transition a tenu un discours fort. Il s’est dit « prêt au sacrifice suprême pour que le Mali redevienne le Mali de nos rêves ». Il a assuré qu’il « combattra sans concession les scrutins aux couts astronomiques, la fraude électorale, l’achat des voix ». Le colonel à la retraite a aussi promis que les moyens de l’armée iront dans l’armée et que les dossiers d’enquêtes seront transférés aux juges.

Mali : Assimi Goïta, nouveau chef de l’Etat selon l’acte fondamental du CNSP

Le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) a désormais une base juridique. Son acte fondamental a été publié, jeudi 27 août, dans le numéro spécial du journal officiel du Mali. Il en ressort que pour l’heure le Colonel Assimi Goïta, président du CNSP, assure les fonctions de chef de l’Etat.

« Le Comité national pour le Salut du Peuple désigne en son sein un Président qui assure les fonctions de Chef de l’Etat », dispose l’article 32 de l’acte fondamental du CNSP. Ainsi, c’est le Colonel Assimi Goïta qui devient le nouveau chef de l’Etat du Mali avec toutes ses prérogatives. Il nomme aux emplois civils et militaires, signe les ordonnances et les décrets adoptés, accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès d’autres pays et ceux de l’étranger sont accrédités auprès de lui.

L’acte fondamental ne se contente pas uniquement d’avoir une base juridique au CNSP, mais fait aussi montre de sa légitimité. Dans le préambule, les nouvelles autorités militaires se fondent sur la Constitution du Mali et qualifie de populaires « les événements du 18 août 2020 ayant conduit à la démission du président de la République Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA ». Elles indiquent que c’est « conscient de l’urgence de doter le Mali d’organes de transition pour la conduite des affaires publiques » que l’acte fondamental a été adopté.

L’acte fondamental préserve également les droits et devoirs de la personne humaine, la souveraineté de l’Etat et de l’unité africaine. Et ce sont ses dispositions « qui s’appliquent comme dispositions constitutionnelles, complètent, modifient ou suppléent celles de la Constitution du 25 février 1992 » avant l’adoption d’une Charte pour la transition