Mali – Russie : Une coopération stratégique

Du 21 au 26 juin 2025, le Président de la Transition, Assimi Goïta, a effectué une visite officielle en Russie. Le chef de l’État était accompagné de plusieurs membres du gouvernement pour cet évènement destiné à donner un nouvel élan à une coopération sécuritaire et économique déjà dynamique.

L’axe Bamako – Moscou amorce un nouveau tournant avec la visite de quatre jours effectuée par le Président Assimi Goïta en compagnie d’une dizaine de ministres. Pour la deuxième fois depuis son arrivée au pouvoir en 2021, le Président de la Transition s’est rendu en Russie. Après plus d’une décennie de crise, les nouvelles autorités maliennes ont fait le choix d’un partenariat stratégique avec le pays de Vladimir Poutine. Cette visite avait donc pour but, deux ans après la première, de « revisiter » ce partenariat, selon les termes du Président Goïta.

La défense et la sécurité, la coopération économique, l’enseignement supérieur, les mines, les transports et l’énergie ont été au centre des discussions entre les deux parties. À l’issue de cette visite, trois accords majeurs ont été signés.

Le premier concerne la création d’une commission intergouvernementale sur la coopération commerciale, économique, scientifique et technique. Ce cadre structurant vise à favoriser des projets à forte valeur ajoutée pour les deux pays. À terme, il pourrait permettre d’ouvrir le Mali à des investissements russes dans des secteurs clés du développement, donner accès aux technologies de pointe et renforcer la diplomatie multipolaire malienne.

Le deuxième accord porte sur le renforcement de la coopération sécuritaire et militaire. Fondé sur les principes de respect mutuel et de non-ingérence, il prévoit la formation, la fourniture d’équipements et un appui opérationnel pour soutenir les capacités nationales de défense et de sécurité. Il s’agit d’un axe central de la stratégie malienne de lutte contre le terrorisme, dans un contexte de retrait des anciennes missions internationales et de pression persistante des groupes armés.

Le troisième accord concerne le nucléaire à but civil, en partenariat avec la société d’État russe Rosatom. Ce projet vise à répondre à la crise énergétique que traverse le Mali depuis 2022, en renforçant l’indépendance énergétique du pays, en réduisant la dépendance aux importations de combustibles et en favorisant l’industrialisation. Il prévoit la construction d’infrastructures, la formation de spécialistes maliens, la radioprotection et l’utilisation de radio-isotopes dans la médecine, l’agriculture et l’industrie.

Partenariat gagnant – gagnant

Jugé « modeste » par le Président russe Vladimir Poutine, le niveau des échanges commerciaux entre le Mali et la Russie est en croissance. En 2023, le Mali a reçu de la Russie 55 000 tonnes de blé, 60 000 tonnes d’hydrocarbures et 22 000 tonnes d’engrais, en plus de 25 000 tonnes de blé en janvier 2024.

Selon les autorités maliennes, les échanges ont représenté en 2023 près de 1,5 milliard de francs CFA, essentiellement consacrés à l’achat de matières premières russes, dont des hydrocarbures. En 2023, les échanges commerciaux entre les deux pays ont même augmenté de 20% en un an, selon les autorités russes.

Une coopération universitaire en plein essor

La rupture avec les alliés traditionnel a offert une opportunité à la Russie pour renforcer sa relation dans d’autres domaines, notamment la coopération universitaire. Ainsi, suite à sa visite de juin 2025 en Russie, le Président de la Transition a confirmé l’augmentation du nombre de boursiers maliens en Russie, passé de 35 en 2023 à 290 en 2025. Cette dynamique contribuera à former une nouvelle génération de cadres et spécialistes capables d’accompagner les ambitions de développement du Mali.

Par ailleurs, le 16 juin 2025, le Président de la Transition a posé la première pierre de la toute première raffinerie d’or nationale à Sénou, codétenue à 62% par l’État malien et à 38% par le groupe russo-suisse Yadran. Cette installation, implantée sur 5 hectares, vise une capacité initiale de 100 tonnes par an, extensible à 200 tonnes, avec pour objectif de rapatrier les revenus annuels estimés à environ 275 milliards de francs CFA via l’exportation brute d’or non raffiné. Le site ambitionne une certification internationale (LBMA) pour s’imposer sur le marché mondial.

« Il est temps que l’or du Mali profite d’abord aux Maliens », a souligné le Président Assimi Goïta lors de la cérémonie de lancement, rappelant que ce projet répond à une exigence populaire de contrôle national sur les ressources naturelles.

Irek Salikhov, Président de Yadran, a précisé : « Cette raffinerie n’est pas seulement un outil industriel, mais aussi le symbole d’une coopération Sud – Sud ambitieuse et d’un véritable partenariat gagnant – gagnant entre la Russie et l’Afrique ».

À ce jour, aucune raffinerie d’or malienne ni russe en activité n’est certifiée LBMA. Les raffineries russes ont perdu leur accréditation en 2022, suite aux sanctions internationales, et la nouvelle raffinerie de Sénou, bien qu’ambitieuse, « vise la certification LBMA dans les prochaines années, mais doit d’abord démontrer sa capacité de production et sa conformité aux standards internationaux », précise un expert des questions minières.

Un expert du marché de l’or souligne : « la certification LBMA est un processus exigeant, qui nécessite au moins trois ans de production stable et des audits rigoureux. Le Mali a encore du chemin à parcourir avant de pouvoir exporter de l’or raffiné reconnu sur le marché international ».

Ce projet s’ajoute à celui de la centrale solaire de Sanankoroba, dont les travaux ont été lancés en mai 2024. Ce champ solaire d’une capacité de 200 MW, pour un coût de plus de 120 milliards de francs CFA, doit contribuer à l’amélioration du mix énergétique malien. Sa mise en service est prévue pour fin 2025.

Un futur prometteur malgré les défis

Saluant une « coopération efficace et une confiance renouvelée », le Président Assimi Goïta s’est dit « satisfait » à l’issue de sa visite en Russie. D’autres projets, notamment dans le domaine énergétique, sont prévus et un cadre de suivi pour leur exécution sera mis en place, même si les détails sur ces futurs investissements restent à préciser.

En plus d’une coopération bilatérale qui a permis au Mali de s’équiper et de « retrouver une liberté d’action », la coopération avec la Russie s’étend désormais à l’Alliance des États du Sahel (AES). Outre les relations bilatérales entretenues par les pays membres avec la Russie, les enjeux du nouvel espace ont été abordés lors de la visite du Président Goïta, Président en exercice de la Confédération.

Après la création de l’Alliance, en septembre 2023, et l’annonce de la naissance de la Confédération, en juillet 2024, plusieurs projets structurants sont en discussion, dont la création d’une Banque de développement et d’une force unifiée de 5 000 hommes. La Banque de développement, bien qu’annoncée officiellement, est en voie d’opérationnalisation. Les États membres travaillent à la définition de ses statuts et à sa mise en place effective. De même, la force conjointe de 5 000 hommes est en cours de préparation. Ses modalités ont été validées et des opérations conjointes ont débuté, mais son déploiement complet reste à finaliser.

Un repositionnement stratégique assumé

Malgré les « difficultés », le partenariat avec la Russie est un « repositionnement stratégique », assumé par les autorités de Bamako depuis 2021. Un choix qui s’est manifesté par le renforcement des liens militaires et économiques entre Bamako et Moscou. Dès leur première rencontre en juillet 2023 lors du sommet Russie – Afrique à Saint-Pétersbourg, le Président russe avait fait du Mali l’un de ses partenaires-clés sur le continent, saluant l’indépendance stratégique de Bamako. Ou plutôt une « dépendance » envers un partenaire jugé plus respectueux par Bamako, rétorquent certains. Pour les autorités maliennes, c’est bien la réaffirmation d’un choix de partenaires multiples, pragmatiques, capables d’aider à répondre aux défis auxquels fait face le Mali.

Coopération Mali – Russie : un nouveau tournant ?

Entre Bamako et Moscou, c’est « collé-serré » depuis le début de la Transition. Le rapprochement entre les deux capitales s’est renforcé avec la « rectification » de la Transition, en mai 2021. Une douzaine de mémorandums d’entente devant aboutir à la réalisation de nombreux projets viennent d’être signée entre les deux pays, à l’issue de la semaine russe de l’Énergie, qui s’est achevée le 16 octobre dernier à Moscou.

Au-delà du domaine militaire, dans lequel le Mali et la Russie ont suffisamment renforcé leurs liens ces deux dernières années, les deux pays s’accordent à diversifier leur coopération sur d’autres plans. La visite de la délégation malienne de haut niveau, conduite par le ministre de l’Économie et des finances Alousséni Sanou à Moscou du 11 au 16 octobre 2023, a posé les jalons de ce nouvel élan. Plusieurs conventions ont été signées dans des domaines tels que l’Énergie, les Mines, l’Agriculture ou encore les Transports, entre autres.

Selon le ministre de l’Économie et des finances, des accords juridiques ont été signés pour la réalisation de deux à quatre centrales nucléaires au Mali, chaque centrale ayant une capacité minimale de 55 mégawatts, l’installation d’une usine d’affinage d’or d’une capacité de 200 tonnes à Bamako, avec à la clé une formation gratuite du personnel malien en Russie, et un transfert permanent de compétences, l’exploitation de certains minerais, la création d’un cadastre minier plus détaillé, la fourniture de 350 000 tonnes d’intrants agricoles, toutes spécialités confondues, d’ici février 2024, ainsi que celle de 200 millions de litres de produits pétroliers à l’État du Mali.

Le gouvernement malien envisage, par ailleurs, en partenariat avec la Russie, la réalisation de deux lignes de tramway à Bamako, ainsi que la création d’une compagnie aérienne pour la desserte nationale et sous-régionale et l’accès du Mali à des satellites de communication. À en croire la ministre des Transports, cette compagnie aérienne devrait être opérationnelle dans un an.

« La relation économique entre le Mali et la Russie est au beau fixe aujourd’hui. Des projets structurants engageant l’État du Mali pour les cinquante années à venir sont signés. Il s’agit pour nous de veiller à la mise en œuvre de tous ces projets pour que le Mali puisse être rapidement un pays émergent », a indiqué Alousséni Sanou.

Nouvelle dimension

Pour le géopolitogue Abdoulaye Tamboura, l’annonce de la signature de ces différentes conventions entre le Mali et la Russie constitue un nouveau cap dans les relations entre les deux pays.

« Cette coopération a pris une nouvelle dimension. Auparavant, elle était axée sur les domaines militaire, minier et de l’éducation. C’est un renforcement des acquis entre le Mali et la Russie et c’est de bon augure pour les deux pays. Cela permet à la Russie de diversifier ses offres et au Mali de diversifier ses partenariats », souligne-t-il.

Toutefois, des observateurs s’interrogent sur la capacité de la Russie à matérialiser tous ces projets et promesses, dans un contexte de guerre avec l’Ukraine, qui mobilise beaucoup de moyens, et de sanctions occidentales sur le pays. En 2019, lors du premier sommet Russie – Afrique, le Président Vladimir Poutine avait promis de doubler les échanges avec le continent, les faisant passer de 20 milliards de dollars à 40 milliards. Cette promesse n’a pas été tenue, d’après l’Institut français des relations internationales (IFRI). La Russie part avec plusieurs trains de retard en Afrique. Selon des chiffres avancées par certaines chancelleries occidentales, le volume des échanges de l’Union européenne avec Afrique a atteint en 2022 163 milliards d’euros alors que pour la Russie, il était chiffré à 20 milliards d’euros. Ce choix assumé des autorités vers la Russie pourrait avoir comme conséquence que les Occidentaux se détournent définitivement du Mali.

En dépit de cela, le 26 juillet dernier, le Colonel Assimi Goïta a pris part au 2ème sommet Russie – Afrique à Saint Petersbourg. Invité personnellement par Vladimir Poutine, avec lequel il communique régulièrement par téléphone, le Président de la Transition accomplissait son premier séjour en dehors du Mali depuis sa prise de pouvoir en mai 2021. « Cela dénote de toute l’importance que le Président de la Transition accorde à la coopération entre la Russie et le Mali et de ses relations privilégiées avec le dirigeant russe », glisse un analyste.

Russie : le Kremlin dément toute implication dans la mort de Prigojine

Soupçonné de culpabilité dans le crash qui a provoqué la mort du patron de Wagner, le Kremlin a affirmé hier vendredi ne rien à voir avec ce crash. Le porte-parole du président russe Dmitri Peskov, a qualifié de mensonge absolu les insinuations de dirigeants occidentaux selon lesquelles le Kremlin aurait orchestré le crash de l’avion qui transportait Evgueni Prigogine.

Dans une déclaration devant la presse, le président du Bélarus Alexandre Loukachenko, a affirmé ne pas pouvoir imaginer Vladimir Poutine donnant l’ordre d’assassiner le patron de Wagner.

Toutefois, le Kremlin n’a pas perdu de temps. Dans un décret présidentiel en date d’hier vendredi, la Russie exige aux milliers de paramilitaires de Wagner de prêter serment comme le font les soldats de l’armée régulière, de jurer fidélité et loyauté à la Russie, de suivre strictement les ordres des commandants et des supérieurs et de respecter de manière sacrée la Constitution russe. Après la mutinerie avortée de juin, Vladimir Poutine avait déjà proposé aux membres de Wagner non impliqués des contrats avec le ministère de la Défense russe.

De l’autre côté, les enquêteurs ont, annoncé avoir récupéré dix corps des victimes sur les lieux du crash ainsi que les enregistreurs de vol. Ils ont également indiqué que des analyses génétiques moléculaires étaient en cours pour établir leur identité.

Des habitants de Saint-Pétersbourg, base du groupe paramilitaire, ont défilé pour déposer des fleurs sur un mémorial en hommage à Evguéni Prigogine.

Russie : Prigojine, le patron de Wagner annoncé mort dans un crash d’avion

Selon l’agence du transport aérien russe Rossaviatsia, le patron du Groupe Wagner, Evgueni Prigojine, 62 ans, se trouvait à bord d’un avion privé qui s’est écrasé, mercredi 23 août, dans la région de Tver, à environ 180 kilomètres au nord-ouest de Moscou. « Selon la compagnie aérienne, les passagers suivants se trouvaient à bord de l’avion Embraer – 135 », a indiqué Rossaviatsia en citant le nom d’Evgueni Prigojine mais aussi celui de son bras droit Dmitri Outkine. Selon elle, le vol se déroulait « en vertu d’un permis d’espace aérien dûment délivré ». Wagner, la milice qu’il dirigeait, a, elle aussi, confirmé le décès du milliardaire, autrefois très proche de Vladimir Poutine. Elle salue, sur Telegram, un « héros de la Russie » et « un véritable patriote ». Selon un responsable des services de secours cité par l’agence Ria Novosti, les corps de huit personnes ont jusqu’à présent été retrouvés sur le site du crash. Une enquête a été ouverte pour « violation des règles de sécurité du transport aérien ». Pour rappel, le groupe Wagner avait tenté une révolte armée contre la Russie à la fin de mois de juin alors qu’il s’était rangé aux côtés des forces russes lors de l’invasion de l’Ukraine. Pour « éviter un bain de sang », un accord avait été trouvé entre les deux parties et le patron de Wagner avait trouvé refuge en Biélorussie.

Lundi soir, le patron de Wagner est apparu dans une vidéo diffusée par des groupes proches de Wagner sur les réseaux sociaux, où il affirmait se trouver en Afrique. Dans un paysage désertique et armé d’un fusil d’assaut, il disait travailler à « rendre la Russie encore plus grande sur tous les continents et l’Afrique encore plus libre ».