Choguel Kokalla Maïga : dans le viseur du CNT, le Premier ministre va-t-il tomber ?

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga est attendu dans les prochains jours au Conseil national de transition (CNT) pour présenter le bilan de l’exécution du Plan d’action gouvernemental. Deux ans après son premier passage devant l’organe législatif de la Transition, Choguel Maïga, très attendu par les membres du CNT, pourrait être contraint à présenter sa démission et celle de son gouvernement.

Le Président du Conseil national de Transition, le Colonel Malick Diaw, a annoncé dans son discours d’ouverture de la session ordinaire d’avril, le 8 avril 2024, le prochain passage du Premier ministre devant l’organe législatif dans le cadre de l’orientation, du contrôle et du suivi-évaluation de la Feuille de route de la Transition.

Le Chef du gouvernement, très attendu par les membres du CNT, devra faire le point de l’avancement dans l’exécution de son Plan d’action gouvernemental sur les deux dernières années et faire face aux multiples interrogations sur différents sujets d’actualité lors de ce passage, dont la date doit être fixée et rendue publique après la prochaine Conférence des présidents du CNT.

Et si cette interpellation annoncée du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga était le début d’un processus aboutissant à sa destitution de la tête du gouvernement ?  Pressenti comme étant sur un siège éjectable depuis des mois, le Chef du gouvernement bénéficie toujours de la confiance du Président de la Transition. Mais pourra-t-il conserver celle du Conseil national de transition et obtenir son quitus pour prolonger son séjour à la Primature ?

Motion de censure ?

Lors de son dernier passage devant le CNT, en avril 2022, 9 mois après sa prise de fonction, Choguel Kokalla Maïga avait été déjà vivement critiqué pour la lenteur dans la mise en œuvre du Plan d’action gouvernemental, dont seulement 33,87% des activités avaient été exécutées.

Aujourd’hui, deux ans après, beaucoup de membres du CNT pensent que l’exécution de ce plan et de la Feuille de route de la Transition n’ont guère avancé. Selon nos informations, l’institution, dont la majorité des membres n’est pas très satisfaite de l’action gouvernementale, pourrait adopter une motion de censure contre le Premier ministre et le contraindre à la démission.

À en croire certains analystes, ce scénario n’est pas exclu, d’autant plus que le Premier ministre n’est visiblement pas prêt à rendre le tablier de lui-même et que les militaires auxquels il s’est allié ne veulent pas le débarquer, au risque de se mettre à dos le M5-RFP pour la suite de la Transition, même si le mouvement est aujourd’hui divisé.

Transition : La fin officielle engendre-t-elle un vide juridique ?

Depuis le 26 mars 2024, date à laquelle a pris fin la transition conformément au décret  No 2022-003/PT-RM du 6 juin 2022 fixant sa durée à 24 mois, un débat  autour d’un éventuel vide juridique pour la suite s’est installé. Sur la question, les positions sont très tranchées.

« Le vide juridique est lié au fait que la charte est caduque et que les organes de la transition le sont également. Aujourd’hui la vérité est que nous avons des organes de fait de la transition, qui sont là pas la force des choses », clame Dr. Mahamadou Konaté, président en exercice du comité stratégique du M5-RFP Mali Kura.

Parmi les éléments  sur lesquels se base le juriste, l’article 22 de la loi No 022-001 du 25 février 2022 révisant la charte de la transition et le décret No 2022-003/ PT-RM du 6 juin 2022 fixant le délai de la transition à deux ans.

Positions contradictoires

En revanche, pour Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, président de la plateforme Forum des forces du changement (FFC), le décret fixant la fin de la transition est « inopérant » parce qu’il est le fruit d’une négociation politique avec la communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest ( CEDEAO). En outre pour lui, la charte révisée de la transition notamment en son article 22 permet clairement à la transition de s’étendre jusqu’à l’élection du président de la République organisée par les autorités de la transition. « Mieux, la loi fondamentale du 22 juillet 2023 dans son article 190  dispose que jusqu’à la mise en place de nouvelles institutions, les institutions établies continuent d’exercer leurs fonctions et attributions ».

Le président de la commission Lois du conseil national de transition ( CNT) abonde dans le même sens. Pour Souleymane Dé, depuis la promulgation de la nouvelle Constitution du 22 juillet 2023, la fin de la transition au Mali n’est plus liée à une date mais à un évènement : l’élection du Président de la République. Pour lui, le débat sur le décret fixant la durée de la transition n’a également pas lieu d’être. « La charte de la Transition  dans son article 22 fixait la durée de la transition à 18 mois. La Charte modifiée du 25 février 2022 supprime le délai de 18 mois et renvoie à l’élection du Président suivie de la prestation de serment de ce dernier. Et avec la nouvelle Constitution, l’article 190 ramène au fait électoral », explique-t-il.

Faux, rétorque le Dr. Mahamadou Konaté. « Dire que la transition prend fin avec l’organisation de l’élection présidentielle est une aberration. La transition politique par nature est définie dans un temps précis. L’élection présidentielle n’est pas un temps, c’est une activité. Et avoir un tel raisonnement  revient à dire que la transition est illimitée dans le temps. Car, l’organisation de l’élection présidentielle peut être reportée 10, 15 , 20 ans après, voire plus », argue le président du Comité stratégique du M5-RFP.

Pour l’universitaire et chercheur Soumaila Lah également, on ne peut pas justifier le vide juridique par la constitution du 22 juillet 2023. « Aujourd’hui on essaye de justifier ce vide juridique par l’article 190 de la nouvelle Constitution. Mais cette nouvelle constitution  n’est pas en vigueur. L ’article 189 stipule que c’est à partir de l’installation des nouvelles institutions que la Constitution va entrer en vigueur », soutient-il.

Par ailleurs dans leur requête aux fins de constatation de vide institutionnel au Mali pour vacance de la présidence de la transition militaire et déchéance de ses organes  et de mise en place d’une transition civile de mission introduite auprès de la Cour Constitutionnelle le 28 mars dernier,  la Référence syndicale des magistrats ( REFSYMA) et l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) indiquent que les autorités actuelles de la transition  sont « juridiquement disqualifiées » à parler et pour agir au nom du peuple malien.

Conseil national de transition : une perpétuelle reconfiguration

Depuis sa mise en place, en décembre 2020, le Conseil national de transition (CNT) a connu plusieurs réaménagements. Passé de 121 à 147 membres en octobre 2022, conformément aux recommandations des Assises nationales de la Refondation, l’organe législatif transitoire a vu sa composition évoluer fréquemment.

Le 23 octobre 2023, le Président du CNT, le Colonel Malick Diaw, a annoncé la suspension pour 1 mois de 4 membres pour « absences non justifiées lors des travaux des commissions et des séances plénières de la session d’octobre 2023 ». Cette suspension, qui consiste en « l’interdiction de participer aux activités du CNT et la perte du bénéficie du salaire et des indemnités », concernait Mohamed Ag Intallah, Aménokal de Kidal, Mohamed Ali Ag Mattahel, Akli Ikan Ag Souleymane et Boubacar Sidigh Taleb Sidi Ali, tous proches des groupes armés du Nord. Deux d’entre-eux, Akli Ikan Ag Souleymane et Boubacar Sidigh Taleb Sidi Ali, ont annoncé dans la foulée leur démission de l’organe législatif transitoire.

Démissions et décès

Avant ces deux dernières démissions en date, le Conseil national de transition en avait connu bien d’autres. Quelques jours plus tôt, l’ancien député RPM Mamadou Diarrassouba, cité dans une affaire d’atteinte aux biens publics, avait rendu le tablier pour se « mettre à la disposition de la justice ».

Le 8 décembre 2020, trois jours après la séance inaugurale du CNT, lors de laquelle il était absent, l’Imam Oumarou Diarra s’était officiellement retiré de l’organe, expliquant dans la lettre de démission adressée au Président de la Transition que le CNT ne correspondait pas à ses attentes et qu’il aurait été une réussite seulement après une concertation entre les acteurs cités dans la Charte.

Kadidiatou Haidara, fille du leader religieux et Président du Haut conseil islamique du Mali, Chérif Ousmane Madani Haidara, qui avait été nommée au CNT en décembre 2020 mais n’y a jamais siégé, a été remplacée en octobre 2021. Par la suite, le Lieutenant-Colonel Adama Diarra avait démissionné de son poste, étant appelé à d’autres fonctions dans la lutte contre la prolifération des armes légères.

Nommés respectivement Consul général du Mali à Guangzhou en Chine, Consul général du Mali à Bouaké et Consul général du Mali à Lyon en France, Mamadou Sory Dembélé, ancien Président de la Commission Santé, le Colonel Abdoul Karim Daou et Sory Ibrahima Diakité, 4ème Secrétaire parlementaire, ont eux aussi quitté le CNT en octobre 2021. Par décret N°2023-PT-RM du 11 août 2023, ils ont été remplacés par MM. Hama Barry, Mohamed Albachar Touré et Mahamadou Coulibaly.

Dans une lettre adressée au Président du Conseil national de transition datée du 27 juillet 2023, mais rendue publique le 8 août, l’artiste Salif Keita avait également soumis sa démission « à compter du 31 juillet 2023 », pour des « raisons purement personnelles ». Le célèbre chanteur, qui a avait indiqué rester toujours « l’ami incontesté des militaires de mon pays », a été nommé une semaine plus tard Conseiller spécial du Président de la Transition.

Suite au décès de certains de ses membres, le CNT a aussi connu des changements en son sein. Décédé en janvier 2021, Abdrahamane Ould Youba a été remplacé par Sidi Mohamed Ould Alhousseini et l’ancien Président de l’ADEMA Marimantia Diarra, qui a tiré sa révérence le 23 juillet dernier, a été remplacé par l’ingénieur Oumar Maiga.

Décrets abrogés

Condamné le 14 septembre dernier à deux ans de prison, dont un ferme, pour « atteinte au crédit de l’État », le leader du mouvement « Yerewolo debout sur les remparts », Adama Ben Diarra dit « Ben le Cerveau », a vu son décret de nomination au CNT  abrogé le lendemain de sa condamnation par le Président de la Transition.

Avant lui, Issa Kaou Djim, ancien grand soutien du Colonel Assimi Goita, avait connu le même sort. Poursuivi pour atteinte au crédit de l’État, interpellé sur la base du flagrant délit, placé en détention provisoire le 29 octobre 2021 puis libéré le 8 novembre 2021, l’ancien 4ème Vice-président de l’organe législatif de la transition avait vu son décret de nomination être abrogé 24h après par le Président de la Transition.

Arrêté pour son implication présumée dans une tentative de déstabilisation des institutions de la Transition, le Colonel Amadou Keita, qui occupait de hautes fonctions au CNT, a lui aussi été renvoyé de l’institution le 24 juin 2022, suite à l’abrogation de son décret de nomination.

Lutte contre la corruption : où en est le traitement des dossiers ?

La lutte contre la corruption, érigée en priorité de la Transition, semble s’accélérer ces dernières semaines avec l’interpellation de plusieurs personnalités soupçonnées dans divers dossiers. Toutes bénéficient de la présomption d’innocence tant qu’elles ne sont pas condamnées, 

Depuis plusieurs semaines, de nombreuses personnalités ont été arrêtées dans le cadre de la lutte contre la corruption. La dernière arrestation d’une personnalité d’envergure est celle d’Adama Sangaré, maire du District de Bamako depuis 2007, placé sous mandat de dépôt le 20 septembre dernier. Il est accusé d’avoir « effectué des morcellements, des attributions illégales de parcelles appartenant à l’État et des accaparements des terres ne relevant pas de leur compétence dans la zone aéroportuaire ». Adama Sangaré qui est un habitué de la maison centrale d’arrêt avait d’abord été incarcéré en octobre 2019 pour faux et usage de faux et atteinte aux deniers publics dans le cadre d’un dossier portant sur une marché d’éclairage public pour près de 500 millions de francs CFA en 2010, avant d’être remis en liberté en mai 2020, puis réincarcéré en mai 2021 dans la même affaire, avant d’être à nouveau libéré un mois plus tard, en septembre 2021. Pour certains observateurs, le cas particulier d’Adama Sangaré est une illustration parfaite de certains maux de la justice malienne : arrêter sans juger. Ce spectre plane sur l’ancien ministre de la Sécurité et de la protection civile, le Général Salif Traoré, accusé de « faux, usage de faux, détournement de biens publics et complicité d’abus de biens sociaux » dans l’affaire dite « Sécuriport ». Il a été placé sous mandat de dépôt le 30 août 2023, au camp 1 de Bamako. Cette nouvelle affaire qui porte sur un contrat de concession entre le Gouvernement du Mali et la Société Sécuriport LLC pour la fourniture d’un système de sécurité pour l’aviation civile et l’immigration est une des nombreuses qui visent d’anciens responsables sous la présidence IBK.

Des procédures lentes

Si les mandats de dépôt sont rapidement décernés, l’instruction des différents dossiers traîne en longueur. Inculpé puis arrêté le 26 août 2021 par la chambre d’accusation de la Cour suprême dans l’affaire de l’achat d’un avion présidentiel et d’équipements militaires, Soumeylou Boubeye Maiga est mort le 21 mars 2022 sans avoir été jugé. L’arrestation de l’ex-Premier ministre d’IBK avait été dénoncée par Cheick Mohamed Chérif Koné, ancien premier avocat général de la Cour suprême. Selon lui, cette juridiction n’était pas compétente pour instruire l’affaire. Le procureur général de la Cour Suprême Mamadou Timbo s’en était défendu affirmant que lorsque la haute cour de justice (compétente pour juger selon la Constitution de 1992) est inopérante, « l’instruction se poursuit à la Cour suprême ». Selon un analyste qui a requis l’anonymat, ces arrestations serviront à « étoffer » le bilan de la transition. Mais dans le fond, les affaires ne bougent pas. Dans le cadre des dossiers de l’achat de l’avion présidentiel et celui des équipements militaires, plusieurs personnes citées, notamment des opérateurs économiques, ne se trouvent pas au Mali. Un mandat d’arrêt vise également Moustapha Ben Barka, aujourd’hui vice-président de la BOAD. D’autres anciens ministres d’IBK, contraints à l’exil, sont visés depuis le 25 juillet 2022 par des mandats d’arrêts internationaux pour « crime de faux, usage de faux et atteinte aux biens publics » dans l’affaire dite Paramount, qui remonte à 2015. Il s’agit des anciens ministres de l’Économie et des finances Boubou Cissé et Mamadou Igor Diarra et de l’ancien ministre de la Défense et des anciens combattants Tiéman Hubert Coulibaly, ainsi que plusieurs opérateurs économiques, notamment Babaly Bah, ancien PDG de la BMS.

Des procès possibles ?

L’absence de ces personnes ainsi que les décès de certains responsables compliquent l’instruction de ces affaires. Madame Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre de l’Économie et des Finances de 2013 à 2015 est placée sous mandat de dépôt depuis le 26 août 2021 dans l’affaire dite de l’avion présidentiel et de l’achat des équipements militaires. Dans une lettre ouverte envoyée au président de la transition le 26 août 2022, elle avait réclamé la tenue de son procès. « J’avais placé tout mon espoir en la procédure en cours. Malheureusement, le temps que prennent les choses me préoccupe au plus haut niveau, notamment au regard de mon âge et de l’espérance de vie très limitée dans notre pays », indiquait-elle dans sa lettre. Mais, selon un analyste qui a requis l’anonymat, il sera difficile de tenir ces procès, car selon lui, « cela pourrait relever la faiblesse de certains dossiers ». Pour lui, « la justice joue la montre, le temps de la transition ». Aucune date n’a encore été indiquée pour d’éventuels procès et la justice communique très peu sur les affaires. Selon une source judiciaire, une cour d’assises spéciale devait être convoquée pour qu’un jugement ait lieu, mais sans donner plus d’explications, il ajoute simplement que cette cour n’est plus en « projet ». Cette source ajoute que la lenteur dans les procédures s’explique aussi par les changements intervenus au niveau des juridictions. Plusieurs juges ont été remplacés. « Avec un nouveau juge, c’est comme si la procédure reprenait de nouveau » , assure-t-il.

Le dossier des masques COVID qui s’est traduit par l’interpellation de Youssouf Bathily, ancien Président de la Chambre de commerce du Mali et certains de ses collaborateurs depuis le 23 novembre 2022, n’a pour le moment pas non plus trouvé de suite. Il leur est reproché des malversations financières dans l’achat des masques COVID qui ont été distribués en 2020 peu avant la tenue du scrutin législatif.

Des auditions en cours 

L’ancien Président de l’Assemblée nationale de 2013 à 2020, Issiaka Sidibé, croupit lui aussi à la Maison centrale d’arrêt de Bamako depuis le 9 août 2023. Accusé d’atteinte aux biens publics, l’ancien député a été mis aux arrêts, ainsi que son ex-Directeur financier et actuel Président de la Fédération malienne de football, Mamoutou Touré dit Bavieux, Modibo Sidibé, Secrétaire général de l’Assemblée nationale et du CNT, Demba Traoré, ancien comptable, et Anfa Kalka, ancien Contrôleur financier de l’institution parlementaire. Si les anciens dossiers patinent, des auditions ont été menées pour ceux récemment sortis des tiroirs. Selon nos informations, le président de la FEMAFOOT Mamoutou Touré a été entendu par un juge d’instruction le 27 septembre. Il a clamé son innocence des faits qui lui sont reprochés. Mamadou Diarrassouba, ancien questeur de l’Assemblée nationale et actuel membre du CNT, est également visé dans le même dossier, mais n’a pas été écroué en raison de son immunité parlementaire. Soupçonnés de malversations financières, Abdrahmane Niang, ancien Président de la Haute cour de justice, et deux de ses anciens collaborateurs, dont l’ancien Directeur administratif et financier Mamby Diawara, ont aussi été placés sous mandat de dépôt début septembre. Après deux semaines de détention, la santé de M.Niang, octogénaire, s’est considérablement dégradée, nécessitant une évacuation dans une clinique pour des soins.

« Ristournes du coton »

Outre ces affaires, Bakary Togola, l’ancien Président de l’Assemblée permanente des Chambres d’agricultures du Mali (APCAM) a lui aussi signé son retour en prison, après avoir été inculpé en septembre 2019 pour « détournement de deniers publics, sur la base de faux et usages de faux, soustraction frauduleuse et autres malversations estimées à plus de 9,4 milliards de francs CFA entre 2013 et 2019 », puis acquitté en novembre 2021. 

Yerewolo : la vie sans « Ben le cerveau »

Yerewolo debout sur les remparts doit se passer depuis quelques semaines de son leader et « Commandant en chef », Adama Ben Diarra, dit « Ben le cerveau », condamné le 14 septembre dernier à 2 ans de prison, dont 1 ferme, pour atteinte au crédit de l’État. Comment le mouvement fait-il face à cette situation ?

En plus de « Ben le cerveau », Siriki Kouyaté, Porte-parole du mouvement, a été aussi placé sous mandat de dépôt le 8 septembre dernier. Alors que son jugement est prévu pour fin novembre, ses avocats ont introduit une demande de liberté provisoire dont le délibéré est attendu le 9 octobre prochain.

Malgré la mauvaise passe que traverse Yerewolo, ses activités régulières se poursuivent. Tenue des réunions hebdomadaires, messages de soutien aux Forces armées maliennes, prises de position sur l’actualité nationale et conférences, entre autres.

« Le mouvement se porte bien. Cela fait toujours mal de voir des camarades en prison mais nous continuons nos activités. Les camarades vont bien là où ils sont et ils nous demandent de continuer le combat. Nous avons déjà un plan d’actions bien défini et nous poursuivons sa mise en œuvre, peu importe ce qui arrive », assure Ibrahima Keita dit Makan, chef du « Compartiment » formation et instruction du mouvement.

À l’en croire, selon les statuts de Yerewolo, en l’absence d’Adama Ben Diarra, le mouvement est dirigé par le Secrétaire général Amadou Lamine Diallo. « C’est lui qui coordonne tout actuellement. Mais nous sommes une plateforme avec beaucoup de leaders. Toute décision qui est prise vient du Comité de pilotage », indique-t-il.

Fidèle à la Transition

Soutien affiché de la Transition depuis ses débuts, Yerewolo Debout sur les remparts ne semble pas avoir changé de cap, malgré le « divorce » entre son leader et les autorités actuelles. « Yerewolo demande aux militants et sympathisants de rester derrière la justice. Calme et retenue, surtout en ce moment où l’armée a besoin du peuple », avait lancé le mouvement juste après la condamnation de son leader, le 14 septembre dernier.

Deux jours après, suite à l’abrogation du décret de nomination d’Adama Ben Diarra au CNT, Yerewolo assurait les plus hautes autorités de tout son soutien et de son accompagnement pour une transition réussie. « Nous avons toujours estimé que cette transition était la nôtre. Nous ne faisons pas que la soutenir, nous la protégeons », glisse Ibrahima Keita.

Justice : Adama Diarra dit Ben le cerveau condamné à deux ans de prison dont un ferme

Le leader du mouvement Yerewolo Debout sur les Remparts, Adama Ben Diarra, plus connu sous le nom de Ben Le Cerveau a été condamné ce jeudi 14 septembre à deux ans de prison dont un ferme par  le tribunal du pôle judiciaire spécialisé contre la cybercriminalité en commune VI pour des faits d’atteinte au crédit de l’Etat. Le procureur avait requis 3 ans de prison dont deux ferme contre lui. Il était placé sous mandat de dépôt depuis le 5 septembre. Lors d’une récente sortie médiatique celui qui est surnommé Ben le Cerveau et dont le mouvement a manifesté demandant les départs de Barkhane et de la MINUSMA a insisté sur le respect du délai de la transition. Selon lui, les Maliens ne pourront plus supporter les effets d’autres sanctions de la CEDEAO si la transition était prolongée. Il avait aussi dénoncé des arrestations extrajudiciaires. Ce n’est pas la première fois que celui qui se décrit comme communiste fait des sorties hors des clous de la transition. En novembre 2022, il avait critiqué sur une radio privée l’augmentation du budget de la présidence qui passait selon lui de 18 à 22 milliards de FCFA, mais aussi jugé inopportun l’ajout de membres additifs au CNT, qui ferait le budget de l’organe législatif à près de 13 milliards de FCFA affirma-t-il. Etant membre du Conseil National de la Transition, Adama Diarra bénéficie normalement de l’immunité parlementaire. Mais selon des avis juridiques, son immunité ne saurait peser puisqu’il a été interpeller en flagrance. Par ailleurs, selon certaines informations, son décret de nomination pourrait très prochainement être abrogé. Un de ses très proches, Siriki Kouyate, le porte-parole du mouvement Yerewolo a également été placé sous mandat de dépôt cette semaine. Son jugement est prévu fin novembre.

Clôture de la session extraordinaire du CNT : trois nouveaux projets de lois adoptés

Lors de sa session extraordinaire ouverte ce 7 août 2023, le Conseil National de Transition (CNT), a adopté une dizaine de projets de loi. Les trois derniers adoptés ce 17 août sont relatifs à la loi de Finances rectificative du Budget 2023, le code des impôts et la loi portant Livre des procédures fiscales.

C’est à un exercice habituel que se sont livrés les membres du CNT et le ministre des Finances, porteur des trois textes présentés, qui a expliqué qu’en cours d’exercice   les évènements peuvent amener le ministre à faire des propositions pour modification. Lesdits textes ont tous été adoptés, respectivement à 131, 134 et 134 voix pour, contre 0 voix et 0 abstention.

L’exécution budgétaire a révélé en gros une augmentation des recettes de 105 milliards FCFA et compte tenu de l’évolution de l’environnement économique et sécuritaire des transferts budgétaires ont eu lieu et avec cette augmentation des recettes qui passent de 2 199 milliards FCFA à 2 304 milliards FCFA, a expliqué le ministre de l’Economie et des finances, Alousséni Sanou. Les dépenses ont donc été orientées. Il y a ainsi eu un renforcement d’appui au secteur de la défense de 118 milliards FCFA, un renforcement au secteur énergie de 15 milliards FCFA, au niveau des bourses scolaires, 6 milliards FCFA, un impact d’environ 15 milliards FCFA suite aux modifications de la grille et 19 milliards FCFA prévus pour faire face aux défis humanitaires liés entre autres au départ de la MINUSMA.

Ce qui permet une réduction du déficit budgétaire de 5% à 4,9%, soit une baisse de 6 milliards FCFA. Le ministre a également souligné le respect des critères de convergence.

Blanchiment et lutte contre le financement du terrorisme

Concernant les 2 autres textes relatifs au code des impôts et le Livre des procédures fiscales, 2 aspects sont à retenir. L’un est relatif à l’introduction dans les textes nationaux de la directive n°1 -2020 CM UEMOA.  En 2006, l’organisation avait adopté une directive qui instruisait que toutes les provisions pour risques dans les livres des banques au profit des clients en impayés sont déductibles des impôts. Une directive reprise en 2020 et dont la transposition dans les textes nationaux vient d’être faite.

Avec ce texte, plus besoin de justifier de l’irrécouvrabilité d’un impayé, pour que cela soit déductible des impôts. Cela permet aux banques de renforcer leurs fonds propres à partir du résultat, ce qui permettra d’avoir plus de possibilité de financement de l’économie.

Le deuxième texte concerne l’introduction des bénéficiaires effectifs dans l’arsenal juridique. Avec la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, il est nécessaire de savoir qui sont les bénéficiaires effectifs de ces financements. Et pouvoir ainsi lutter contre le blanchiment de capitaux, l’évasion fiscale.

La fin de la session a enregistré une communication relative à la nomination de 4 nouveaux membres du CNT et aux adieux émus de l’artiste international Salif Keïta, désormais conseiller spécial du Président de la Transition, à ses collègues du CNT.

Nouveau code minier : quelles sont les innovations ?

Le Conseil national de transition a adopté hier mardi 8 août deux projets de loi dans le secteur minier. L’un portant Code minier au Mali et l’autre relatif au Contenu local dans le secteur minier. L’objectif de ces réformes est de corriger « les insuffisances pour une amélioration substantielle de la contribution du secteur minier à l’essor économique et social », expliquent les autorités.

Le nouveau projet de Code minier est censé apporter des innovations par rapport à celles adoptées par le Code de 2019. Tout en réaffirmant la souveraineté de l’État sur les ressources minérales du sous-sol, les changements sont relatifs à la réorganisation du régime des titres miniers et la réforme du régime fiscal et financier et entendent combler un vide juridique et résoudre des incohérences.

L’une des premières innovations concerne la mise en place de deux conventions d’établissement. Alors que le Code de 2019 prévoyait une convention unique pour la recherche et l’exploitation, d’une durée de 20 ans, la nouvelle disposition prévoit une convention d’établissement pour la phase de recherche d’une durée totale de 9 ans, y compris les 2 renouvellements, et une convention d’établissement pour la phase d’exploitation d’une durée de 12 ans, dont 2 pour la phase de construction de la mine.

Optimiser les profits

La suppression des exonérations sur les produits pétroliers en phase d’exploitation est également une innovation majeure introduite pour mieux faire profiter l’État de l’exploitation minière. En effet, pendant plus de 30 ans, il a exonéré les sociétés minières sur les achats de produits pétroliers durant la phase d’exploitation. Ce qui a coûté en moyenne 60 milliards de francs CFA par an sur les 3 dernières années, selon les rapports d’audit, alors que les sociétés minières n’ont versé que 36 milliards de dividendes à l’État au titre de sa participation sur la même période.

L’indexation de la taxe ad valorem sur le cours de l’or et des autres substances minérales est également une nouvelle disposition qui vise à permettre à l’État de bénéficier de la hausse des cours de ces produits.

Et pour mieux faire profiter l’économie nationale du potentiel de l’industrie minière, une loi sur le Contenu local a été initiée. L’innovation principale consiste à l’encadrer efficacement et à le promouvoir. Ceci permettra notamment d’augmenter la valeur ajoutée locale et la création d’emplois, de favoriser le développement d’une main-d’œuvre locale qualifiée et compétente et de contribuer ainsi à une participation plus accrue des populations à la chaîne de valeur des industries minières.

Référendum : la loi électorale revue à plusieurs reprises

Chronogramme de la Transition oblige, en vue de la tenue dans les délais du référendum du 18 juin 2023, quelques dérogations ont été portées à la Loi N2022-019 du 24 juin 2022 portant Loi électorale. Introduites par le gouvernement, elles ont été pour beaucoup déjà ratifiées par le Conseil national de transition, l’organe législatif transitoire.

Le 26 mai 2023, le gouvernement a pris une ordonnance, ratifiée par la suite par le Conseil national de Transition (CNT), portant dérogation à la Loi électorale,  exclusivement pour l’organisation du référendum constitutionnel de 2023.

Cette ordonnance No2023-018/PT-RM autorise l’utilisation de la carte d’électeur biométrique à la place de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée. Elle permet en plus aux électeurs, en cas de non disponibilité de la carte d’électeur biométrique, l’utilisation  du passeport, de la carte NINA, de la carte nationale d’identité, de la carte consulaire, du permis de conduire, du livret militaire et du livret de pension civile ou militaire pour accomplir leur devoir civique.

« Vu l’imminence du déroulement du référendum constitutionnel, dont le collège électoral vient d’être convoqué par le décret No 2023-0276/PT-RM du 5 mai 2023 pour le dimanche 18 juin 2023, l’utilisation de cartes nationales d’identité biométriques sécurisées pour le scrutin à venir devient hypothétique et nécessite la prise de mesures alternatives », expliquait le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga dans une correspondance adressée au Président du CNT le 16 mai dernier.

Pour rappel, la Loi No2022-019 du 24 juin 2022 portant Loi électorale avait été déjà modifiée par la Loi No2023-001 du 13 mars 2023 pour, entre autres, remplacer la carte d’électeur biométrique par la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme l’unique document d’identification de l’électeur dans le bureau de vote.

L’Ordonnance du 26 mai rend aussi possible la mise à jour du fichier électoral sur la base de la révision annuelle des listes électorales arrêtée au 31 décembre 2022. Outre ces dérogations, le 7 juin, à l’issue du Conseil des ministres, le gouvernement a décidé d’accorder également le bénéfice du vote par procuration aux personnes qui souhaitent accomplir leur pèlerinage aux lieux saints, la période coïncidant avec la tenue du référendum.

« Le vote par procuration, régi par l’article 116 de la loi électorale, n’autorise pas pour l’instant cette éventualité, d’où la nécessité de déroger aux dispositions de cet article en complément des articles concernés. Le projet d’ordonnance est adopté dans ce cadre. Il autorise les personnes effectuant leur pèlerinage aux Lieux saints à exercer le droit de vote par procuration à l’occasion du scrutin référendaire », explique le communiqué du Conseil des ministres.

Sécurité routière : adaptation des instruments de lutte

Le Conseil national de transition a adopté, lors de sa séance plénière du 29 mai 2023, le projet de loi portant modification de l’ordonnance N°09-003/P-RM du 09 février 2009 portant création de l’Agence nationale de la sécurité routière (ANASER).

Malgré les actions entreprises pour la réduction des accidents de circulation routière, les statistiques sont demeurées préoccupantes. Ainsi, depuis 2015, le Mali connaît un taux de mortalité routière de l’ordre de 25 tués pour 100 000 habitants, selon l’annuaire statistique de l’ANASER. Et les victimes sont principalement des jeunes.

Pour inverser la tendance et se référer aux bonnes pratiques internationales en la matière, les autorités ont adopté une stratégie nationale basée sur l’approche dite « système sûr », qui permet de traiter le problème de façon intégrée. Cette stratégie vaut pour la décennie 2021-2030 et son plan d’action pour 2021-2025.

Mais le diagnostic, établi en 2017 avant l’élaboration de la stratégie, a révélé des lacunes. C’est pourquoi il est apparu nécessaire de procéder à la modification de l’ordonnance de création de l’ANASER pour préciser les attributions de l’agence et redéfinir son rôle de coordination des actions de sécurité routière.

L’agence est confrontée à l’insuffisance des moyens techniques de contrôle de l’excès de vitesse, de la conduite sous l’emprise de l’alcool ou des drogues et de l’usage du téléphone au volant/guidon. À ce jour, le Mali ne dispose que de 4 radars portatifs vétustes et d’une dizaine d’éthylotests. Or il ressort des enquêtes que les conducteurs imprudents consomment plus de drogues qu’ils ne boivent d’alcool. Un testeur de drogue coûte en moyenne 20 000 francs CFA pour un usage unique.

Nana Aïcha Cissé : « Depuis le retrait du Mali, l’organisation G5 Sahel se porte très mal »

Mme Nana Aïcha Cissé est la Porte-parole des femmes du Conseil national de Transition (CNT). Elle a assuré pendant deux ans la Coordination régionale de la Plateforme des Femmes du G5 Sahel. Début mars, elle a été classée parmi les 100 femmes impactantes dans le développement de l’Afrique. Entretien.

Vous venez d’être classée 12ème parmi les 100 femmes qui contribuent à l’essor de l’Afrique, selon le site « Les Africaines ». Comment avez-vous accueilli cette distinction ?

Je ne m’y attendais pas du tout. Je ne connaissais pas le site. C’est donc une très grande surprise accueillie avec un réel bonheur. La reconnaissance du travail fait toujours plaisir

Vous avez assuré la Coordination régionale de la Plateforme des Femmes (PF) du G5 Sahel. Quel bilan dressez-vous de votre mandat ?

Le Mali a été le deuxième pays (après le Burkina) à assurer la Coordination régionale de la PF. Nous pouvons dire que sous ce mandat la PF a connu des avancées essentielles pour assurer son opérationnalité. Il y a eu la signature d’un Protocole d’entente entre la Plateforme des Femmes et le Secrétariat Exécutif du G5S. À travers cela, le Secrétariat reconnaît la Plateforme des Femmes comme une organisation faitière qui fédère les autres organisations féminines pour contribuer à l’atteinte de ses objectifs en matière de Genre. Nous avons pu, au cours de notre mandat, amener la Plateforme à élaborer un Plan stratégique, suivi de son Plan d’action pour 5 ans. Nous avons eu la chance d’obtenir des financements pour commencer à le mettre en œuvre. Nous avons pu également organiser plusieurs rencontres d’échanges pour la  visibilité de la PF-G5 Sahel.

Le Mali a décidé en mai dernier de se retirer de tous les organes et instances du G5 Sahel. Que pensez-vous de ce retrait ?

Le G5 Sahel a été créé en 2014 mais n’a  connu son rayonnement que  lorsque le Mali a assuré sa présidence, en 2017. Dans le Sahel, le Mali est l’épicentre du terrorisme, à cause des multiples crises que le pays traverse. De ce fait, retirer au Mali ses droits et son leadership au sein du G5 Sahel n’est pas acceptable de mon point de vue. Le retrait du Mali est une décision politique très forte qui a tout son sens. Évidemment, elle exclut  en même temps les Maliennes de la Plateforme G5 Sahel. Il n’était pas souhaitable d’en arriver là, mais nous soutenons notre pays et nous avons immédiatement suspendu notre participation en tant que membres. Depuis le retrait du Mali, l’organisation G5 Sahel se porte très mal. La preuve, depuis 2021, la présidence tournante, qui dure un an, est toujours au Tchad.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la représentativité des femmes en politique au Mali ?

Un regard plein d’espoir. Malgré notre Loi fondamentale et les textes auxquels notre pays a souscrit au niveau régional et international, c’est la Loi 052 du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, qui a amélioré la représentativité des femmes en politique.

La Loi 052 du 18 décembre 2015 n’est pas strictement appliquée depuis son instauration. Selon vous, comment améliorer la position des femmes dans la sphère politique ?

C’est vrai que cette loi, qui constitue un acquis précieux pour les femmes, n’est pas appliquée à hauteur de souhait. Cependant, contrairement à l’administration d’État, c’est dans la sphère politique, à travers le processus électoral, qu’elle est la mieux appliquée. Pour améliorer la position des femmes et faciliter leur accès aux postes de responsabilités dans les organes dirigeants des partis politiques, la prochaine relecture de la Charte des partis doit être mise à profit pour instaurer des mesures contraignantes.

Vous êtes membre du CNT. Avec vos collègues femmes de l’institution, quelles actions menez-vous pour le renforcement de la protection des droits des femmes ?

Au CNT, se sont retrouvés des femmes et des hommes issus de toutes les couches socio professionnelles du Mali. En tant qu’organe législatif de la Transition, le CNT remplace l’Assemblée Nationale. Donc ses membres sont les représentants des populations (hommes et femmes). Chaque membre du CNT  a pour mission la défense des intérêts des populations maliennes.  Ce que nous faisons en plus (certains hommes avec nous), c’est le plaidoyer pour la prise en compte du Genre, chaque fois que cela est nécessaire, dans les lois que nous votons. Nous recueillons également les préoccupations des femmes du Mali, chaque fois que besoin en est, pour les porter au moment des débats. Nous organisons régulièrement des sessions de renforcement des capacités pour que chaque femme au sein du CNT puisse prendre part aux débats parlementaires et voter en connaissance de cause

Elections : la loi électorale modifiée

Le Conseil national de transition (CNT), a adopté mardi 28 février un projet de loi portant modification de la loi N2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale. C’était à l’issue de la deuxième et dernière séance plénière de la session extraordinaire de février 2023.

Adopté à l’unanimité, (129 voix pour, 0 contre, 0 abstention), le projet de loi apporte plusieurs modifications à la loi initiale de juin 2022 telles que l’élargissement des lieux d’implantation des bureaux de vote dans les garnisons militaires, l’institution du vote par anticipation des membres des Forces armées et de sécurité et le remplacement de la carte d’électeur biométrique par la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme unique document autorisé dans le bureau de vote.

L’une des innovations majeures est le raccourcissement du délai d’installation des coordinations de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) qui passe de 6 à 3 mois au plus avant la tenue des scrutins.

« C’est à la pratique qu’on s’est rendu compte qu’effectivement, il va falloir intervenir sur la loi électorale pour apporter des modifications qui permettront de faire en sorte que le chronogramme qui est adossé à cette même loi électorale puisse permettre une application efficiente au bénéfice du processus électoral. C’est à la suite de cela que les innovations ont été entreprises », a expliqué devant les membres de l’organe législatif de la Transition,  Mme Fatoumata Sékou Dicko, ministre déléguée chargée des Réformes politiques et institutionnelles.

Toutes ces modifications apportées ont pour objectif de faire en sorte que le processus électoral se déroule de manière transparente, crédible et sécurisée, a-t-elle soutenu.

Le projet de loi initié par la ministre déléguée  chargée des réformes politiques et institutionnelles avait été adopté en Conseil des ministres le 15 février 2023.

Au cours de cette session extraordinaire convoquée par le Président de la Transition, le CNT a également adopté un projet de loi portant création des circonscriptions administratives en République du Mali, consacrant le nouveau découpage territorial qui retardait la mise en place des coordinations de l’AIGE.

 

 

Accord pour la paix : sur un fil

Confrontée à des difficultés de mise en œuvre depuis sa signature en 2015, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger n’a jamais autant frôlé la rupture. Alors que le début de la Transition, en août 2020, avait suscité un espoir de relance chez différentes parties signataires, le processus de paix est à nouveau bloqué depuis décembre dernier. La médiation internationale s’active pour le relancer, mais l’avenir de l’Accord semble de plus en plus incertain.

Le désaccord persiste entre le gouvernement de transition et les mouvements armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Alors que ceux-ci (Coordination des mouvements de l’Azawad, Plateforme du 14 juin d’Alger et Mouvements de l’Inclusivité), réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), demandent la tenue d’une réunion en terrain neutre pour discuter de la viabilité de l’Accord, la partie gouvernementale rejette toute rencontre en dehors du Mali.

Les mouvements du CSP-PSD ont d’ailleurs décidé le 21 décembre 2022 de suspendre leur participation aux mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue de cette réunion avec la médiation internationale. En cause, « l’absence persistante de volonté politique des autorités de transition à appliquer l’Accord pour la Paix et la réconciliation au Mali issu du Processus d’ Alger et l’inertie de celles-ci face aux défis sécuritaires ayant occasionné des centaines de morts et de déplacés dans les régions de Ménaka, Gao et de Tombouctou ».

À Kidal, Bamako indexé

Saisie début décembre pour l’organisation de la réunion en terrain neutre, la médiation internationale, accompagnée d’une délégation d’ambassadeurs d’États membres du Conseil de sécurité de l’ONU et du Comité de suivi de l’Accord pour la paix, s’est rendue le 1er février à Kidal pour échanger avec les groupes armés signataires et mieux cerner leurs attentes.

Lors de cette rencontre, les groupes armés signataires ont réitéré avec insistance la demande de tenue d’une réunion en terrain neutre et appelé la médiation internationale à raffermir sa conduite du processus de paix et à assumer ses responsabilités. Celle-ci en retour a indiqué la tenue prochaine d’une réunion de médiation élargie afin de rapprocher les positions des deux parties. « La CMA a signé l’Accord après des pressions et des garanties de la communauté internationale et elle doit tenir ses promesses. Si la communauté internationale ne peut pas forcer le Mali à mettre en œuvre l’Accord pour la paix de 2015, alors il faut penser à une autre solution et nous ne pouvons pas rester dans cette situation parce qu’elle dure depuis trop longtemps », s’est agacé pour sa part, Bilal Ag Achérif, Chef du MNLA et ancien Président de la CMA. Le Président de la Société civile de la région de Kidal a quant à lui déploré un « recul dans le processus d’application de cet Accord concrètement exprimé par les autorités de la Transition » depuis le coup d’État d’août 2020 contre IBK.

Bras de fer

Pourquoi le Cadre des groupes armés signataires insiste-il autant sur la tenue d’une réunion sur la viabilité de l’Accord en terrain neutre ? Attaye Ag Mohamed, Chef de délégation de la CMA au Comité de suivi de l’Accord (CSA), soutient qu’un terrain neutre permettrait plus de se retrouver dans l’environnement dans lequel l’Accord a été négocié il y a 8 ans à Alger. « Nous l’avons demandé pour que ce climat de discussions directes, en face à face, avec la médiation internationale puisse se créer, pour voir où se situe exactement le problème. Si c’est au niveau du gouvernement ou à notre niveau à nous ou encore si c’est la médiation internationale elle-même qui ne joue pas son rôle », explique-t-il, reconnaissant également une « confiance de moins en moins existante » sur les questions de fond.

Le gouvernement de transition, qui n’adhère à aucune rencontre en dehors des réunions du CSA, encore moins en dehors du Mali, affirme toutefois son engagement à poursuivre sans équivoque la mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix, mais dans les normes. « Nous, nous sommes un État. Les autres sont des mouvements signataires. Le gouvernement a indiqué que lors des réunions du CSA, pour qu’un ministre du gouvernement du Mali y participe, nous souhaitons que les principaux leaders des mouvements soient eux-mêmes présents, parce chaque fois que le gouvernement envoie des ministres, nous avons en face de nous des experts. Il y a un déséquilibre », a clarifié le ministre Abdoulaye Diop devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 27 janvier, regrettant la décision de suspension des groupes armés signataires qui va à « contre-sens de l’élan positif qui a été imprimé ces derniers mois » à la mise en œuvre de l’Accord.

Accord en danger ?

En lieu et place de la réunion demandée par le CSP-PSD, le Mali a sollicité l’Algérie, chef de file de la médiation internationale, pour la tenue d’une réunion du CSA à un niveau ministériel dès ce mois de février, pour permettre de reprendre le dialogue avec les parties signataires, a indiqué le ministre Diop. Mais, pour l’heure, le CSP-PSD, qui maintient sa suspension des mécanismes de mise en œuvre de l’Accord, n’entend pas y participer.

Selon Moussa Djombana, analyste politique et sécuritaire, bien que la tenue d’une réunion en terrain neutre puisse aider à relancer les discussions, il est possible de sauver l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali sans sa tenue, qui fait l’objet de mésententes entre le gouvernement et les groupes armés signataires. « Il faut encourager le dialogue direct entre les parties. L’engagement de la communauté internationale doit aussi être franc et sincère, tout en impliquant la société civile malienne, sans laquelle rien n’est possible en termes de décisions fortes engageant l’avenir de la Nation », préconise-t-il.

Pour certains observateurs, le blocage actuel dans le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger pourrait déboucher sur une rupture si les positions des parties prenantes restent tranchées. « Je ne vois pas dans l’immédiat comment le processus pourra être relancé. C’est assez difficile », confie une source proche de la médiation internationale, qui explique que le point fondamental de blocage est le transfert des grades des ex-combattants des groupes armés dans la chaîne de commandement de la nouvelle armée reconstituée. Une Commission ad hoc a été créée pour plancher sur la question, mais elle n’a guère avancé.

Dans cette atmosphère de dégradation des relations entre Bamako et les groupes armés signataires, la Coordination des mouvements de l’Azawad a annoncé la fusion de ses différents mouvements en un seul, le 8 février 2023. Une semaine plus tôt, son Président en exercice, Alghabass Ag Intalla, a procédé à la nomination d’un nouveau Chef d’État-major, le Colonel Hamad Rhissa Ag Mohamed. La nomination de cet « indépendantiste » peut être perçue selon notre source comme un message de désaccord avec le processus de paix tel qu’il est conduit actuellement par les autorités de transition.

Mais, Oumar Sidibé, Doctorant et Professeur-assistant en Relations internationales à l’Université RUDN de Russie, pense pour sa part que les récents évènements s’inscrivent dans la dynamique des rapports de force. « On peut en effet remarquer un refroidissement des relations entre la CMA et le gouvernement de transition. Mais aucun des deux n’a intérêt à mettre fin à l’Accord et à risquer de nouvelles mésaventures. Les intérêts de tous ces acteurs convergent vers la paix, mais divergent sur la façon de l’établir », analyse t-il.

Pour lui, par ailleurs, le seul acteur qui bloque l’Accord depuis des années est le peuple malien « qu’il faudrait peut-être penser à saisir par consultation ou referendum ». « Il y a une forte pression populaire et de fortes demandes en vue d’une relecture de cet Accord, pour reconsidérer certaines dispositions qui sont perçues comme anticonstitutionnelles ou discriminatoires », rappelle M. Sidibé.

Calmer le jeu

Chérif Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun Haïdara, Président des Mouvements de l’inclusivité, dont certains seraient membres du CSP-PSD, n’est pas sur même longueur d’ondes que les dirigeants des autres mouvements signataires. Dans un communiqué publié dans la foulée de la rencontre de Kidal, il a indiqué que les Mouvements de l’inclusivité soutenaient fermement la décision des autorités de la Transition de réfuter toute rencontre inter Maliens en terre étrangère.

« Tous les mouvements signataires de l’APR ne sont pas inscrits sur les listes du CSP. De même qu’ils ne le sont pas tous sur celles de la CMA, qui tente de dissimuler son infortune sous le couvert du l’hydre toujours en gestation appelée CSP », a fustigé celui qui est également membre du CNT.

Mais, pour calmer le jeu et éviter l’escalade, le Général El Hadj Ag Gamou, chef du GATIA, a lancé dans une vidéo, le 6 février, un message d’apaisement aux différents acteurs du processus de paix, en les invitant à l’union pour venir au secours des populations qui souffrent de l’insécurité grandissante. « L’heure n’est plus au bras de fer entre responsables d’un même pays, mais à la mobilisation générale pour l’intérêt de la population, qui ne réclame que son droit à la sécurité et celle de ses biens », a plaidé le chef militaire, qui appelle à éviter une « guerre entre Maliens qui ne nous grandira pas ».

Issa Kaou N’Djim : un prolixe désormais très taiseux

Anciennement Coordinateur général de la CMAS, membre actif du Comité stratégique du M5-RFP puis 4ème Vice-président du Conseil national de Transition (CNT), Issa Kaou Djim n’occupe plus aucune de ces fonctions aujourd’hui. Celui qui était très prolixe s’astreint désormais à un silence qui interroge.

Opposant comme proche du pouvoir, Issa Kaou Djim est l’un des rares hommes politiques maliens qui a toujours « farouchement » dénoncé ce qu’il considérait comme « déboires ». Comme en octobre 2021, où le gendre de l’Imam Mahmoud Dicko, bien qu’alors fervent partisan du Président de la transition, Assimi Goïta, n’a pas hésité à faire part de son désaccord via les médias sociaux sur la méthode utilisée par les autorités de transition pour le renvoi du représentant de la CEDEAO au Mali, Hamidou Boly, accusé d’être « impliqué dans des activités de déstabilisation contre la Transition ». En outre, le commerçant s’est toujours montré intransigeant contre l’instauration d’un bras de fer entre le Mali et la CEDEAO. Ces prises de positions, ajoutées à son « acharnement » contre le Premier ministre Choguel Kokala Maïga, qu’il considérait comme la source principale de « l’isolement diplomatique » du Mali, lui ont d’ailleurs valu, après un court séjour en prison, d’être condamné en décembre 2021 à 6 mois de prison avec sursis et à payer 500 000 francs CFA d’amende pour « atteinte au crédit de l’État et injures commises via les réseaux sociaux ». Pire, le 4ème Vice-président du CNT a été éjecté de l’organe législatif de la Transition le 9 novembre 2021 via un décret de « l’imperturbable Assimi Goïta », comme il aimait lui-même nommer le Président de la Transition. Son passage en prison, où on ne lui a pas fait de « cadeaux », l’a beaucoup marqué. Depuis, Issa Kaou Djim a pris ses distances avec la politique malienne. Après quelques brèves apparitions en décembre 2021 auprès du désormais Cadre des partis pour un retour à l’ordre constitutionnel et sur quelques médias sociaux mi-2022, le cinquantenaire a de nouveau choisi la discrétion.

« Il ne veut plus être l’agneau qu’on sacrifie », indique un analyste politique proche de lui. « À la CMAS et au M5-RFP, il prenait les coups pour l’Imam Dicko. De même, étant au CNT et bien qu’il pouvait se contenter de son poste, il a en quelque sorte apporté son soutien aux politiciens qui sollicitaient le départ du Premier ministre Choguel Kokala Maïga. Au final, par naïveté ou envie de bien faire, il a peut-être hypothéqué son avenir politique. Il lui fallait donc du recul pour mieux analyser la situation », explique l’analyste.

Silence radio                  

Le natif de Bagadadji partage à présent sa vie entre Lafiabougou Taliko, où il vit avec sa famille, et son Centre islamique Allah Kama Ton, un centre de formation coranique pour les jeunes et les femmes. « À part cela, il reste à la maison au calme et, de temps en  temps, il se renseigne sur ses activités que gère son grand frère au marché », confie un autre de ses proches, selon lequel, malgré son retrait actuel de la vie politique, « ses relations avec son beau-père, l’Imam Dicko, restent toujours tendues ».

Son parti, l’Appel citoyen pour la réussite de la Transition (ARCT), est aussi au point mort. « Il n’existe plus que de nom. Nous ne tenons plus de réunions et il n’y a pas plus d’activités de la part du parti », déplore un militant du mouvement politique. Contacté par Journal du Mali, le Secrétaire général de l’ACRT, Soya Djigué, n’a pas souhaité s’exprimer sur la vie du parti, préférant que l’on s’en « réfère directement au Président Kaou Djim ». Silence radio au niveau de ce dernier également.

Selon l’analyse politique Amadou Touré, « il était prévisible que l’ACRT ne pouvait plus continuer à exister puisqu’il a été créé par Kaou Djim dans l’espoir de soutenir une potentielle candidature du Colonel Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle, même si, au sein du parti, on essaie de prétendre le contraire. Les relations des deux hommes n’étant plus au beau fixe, l’organisation politique est destinée à disparaître ». Tout comme la carrière politique d’Issa Kaou Djim?

Climat social : tensions en vue

Malgré l’organisation de la Conférence sociale en octobre 2022 et l’accord sur l’application de l’article 39, le gouvernement doit faire face à de nouveaux mouvements. L’horizon ne semble pas serein pour le front social, malgré un apaisement apparent. Magistrats, gardiens de prison, médecins, tous menacent d’aller en grève si leurs revendications ne sont pas satisfaites.

Le 29 novembre 2022, les syndicats de la magistrature (SAM et SYLIMA) ont déclenché une grève de 5 jours qui devait se prolonger en grève illimitée si leurs revendications n’étaient pas prises en compte. Après des négociations, le mot d’ordre a été levé. Mais, suite à l’adoption par le Conseil national de transition (CNT), de la loi portant modification de la loi organique fixant l’organisation et les règles de fonctionnement de la Cour suprême, les magistrats ont remis à l’ordre du jour leur menace.

Quand au syndicat des gardiens de prison, il fait part d’une volonté d’aller en grève si sa demande d’amélioration des conditions de travail n’est pas considérée. Les syndicats des travailleurs des péages routiers ont aussi déposé un préavis pour le 5 janvier 2023. Le SYPESCO, l’un des membres de la Synergie des syndicats signataires du 15 octobre s’est refusé à signer l’accord sur l’application de l’article 39 et se réserve le droit de le dénoncer.

Au moment de la Conférence sociale, le gouvernement évoquait près de 400 préavis de grève. Pas sûr que tous aient trouvé une réponse favorable. La nouvelle année est donc celle de nouveaux défis sur ce plan.

Adama Ben Diarra : dos à la transition ?

Membre du Conseil national de transition (CNT) et réputé proche des militaires au pouvoir, Adama Ben Diarra dit « Ben le cerveau » est récemment devenu très critique vis-à-vis de cette transition. Le leader de Yèrèwolo debout sur les remparts est-il en train de rejoindre les rangs des « opposants » ?

C’est l’un des soutiens sans faille du Colonel Assimi Goita depuis la « rectification » de la transition, en mai 2021. Mais, depuis plusieurs jours, Adama Ben Diarra est au centre d’une controverse en raison de ses récentes prises de position contre les autorités.

Sur une radio de la place, « Ben le cerveau » a non seulement clairement critiqué l’augmentation du budget de la Présidence de la République, qui selon lui va passer de 18 à 22 milliards de francs CFA, mais aussi jugé inopportun l’ajout de membres additifs au CNT, qui ferait passer le budget de l’organe législatif à près de 13 milliards de francs CFA.

Et, pour ne rien arranger, une note vocale lui est attribuée, dans laquelle il critique la gestion des autorités de la transition, et a fuité sur les réseaux sociaux. Des associations de jeunes et d’épouses des militaires ont manifesté le 15 octobre dernier à Kati, réputé être son fief, pour demander son renvoi du CNT.

Critiques « normales »

Pour certains observateurs, les récentes actions de « Ben le Cerveau » peuvent porter un coup aux relations que ce dernier entretiendrait avec les militaires au pouvoir. Mais le Numéro un de Yéréworolo debout sur les remparts a-t-il réellement tourné le dos aux autorités de la transition ? Ses proches soutiennent que ce n’est pas le cas.

« Pour nous, les prises de position du camarade Ben le cerveau sont normales. C’est d’ailleurs la position de la majeure partie du mouvement. Nous pensons que dire les vérités aux autorités est une manière aussi de les aider. Nous sommes les boucliers de la transition, raison pour laquelle c’est un devoir pour nous », affirme un membre de Yèrèwolo proche d’Adama Ben Diarra.

« Nous ne sommes pas dans la logique de tourner le dos à la transition. Nous sommes d’ailleurs plus que jamais déterminés à la protéger », soutient-il. Cependant, « Ben le cerveau » ne semble plus être dans les bonnes grâces du pouvoir. Un rassemblement « patriotique » de son mouvement prévu le 22 novembre Place du Cinquantenaire à Kati pour « sauver la révolution » a été interdit la veille par le préfet. Dans la nuit du 24 au 25 novembre, à sa sortie des locaux d’une radio, la voiture de Sidiki Kouyaté a été pris pour cible. Selon les premières informations, des individus armés non identifiés ont fait feu sur sa voiture. Le commissariat de police de Sotuba a immédiatement annoncé l’ouverture d’une enquête sur cette affaire.

Militarisation : la police va rentrer dans les rangs

La loi portant militarisation de la Police nationale et de la Protection civile adoptée ce jeudi par le CNT à 111 voix pour, 0 contre et 0 abstention et saluée par une partie de la population, amènera les éléments de ces forces à être déployées sur les « terrains chauds » et à aider l’armée dans la lutte contre le terrorisme. Le syndicalisme sera en outre supprimé. Si ces éléments sont clairs, d’autres sont pour l’heure plus confus, notamment la transposition des grades.

D’une pierre deux coups. Armer les policiers dans la lutte contre le terrorisme et mettre fin au syndicalisme de ce corps, dont les revendications se faisaient plus prégnantes. Les policiers déployés dans les zones de conflits, dépourvus d’armes lourdes au vu de leur statut de paramilitaires, en auront désormais pour appuyer l’armée contre le terrorisme. « Actuellement, on a affaire à des terroristes qui viennent avec des armes de guerre. Nous sommes aussi exposés que les militaires, sinon plus, car, étant plus près de la population, nous devenons des cibles plus faciles ici, où les armes circulent librement. Face à eux, avec nos PA (Armes automatiques, NDRL), il est difficile de les contrer », explique un sous-officier de la police déployé au sein du Groupement mobile de sécurité (GMS) de Gao.

Rien qu’en 2022, plusieurs policiers ont perdu la vie dans des attaques terroristes : deux le 21 février à Tombouctou, un autre dans la nuit du 23 au 24 juin à Fana, cinq le 7 août sur l’axe Koury – Koutiala…

« Nous sommes depuis quelques années dans une situation exceptionnelle. Une dynamique sécuritaire qui a pris des proportions que le pays n’avait jamais connues jusque là. L’État ne joue plus son rôle régalien sur une bonne partie du territoire du fait de cette crise sécuritaire. Ce contexte assez particulier oblige à adapter les réponses sécuritaires. Cette volonté de militarisation de la police s’inscrit dans la recherche d’une réponse coordonnée autour de la problématique du retour de l’État dans les zones où il est absent », explique Soumaïla Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la Réforme du secteur de la sécurité.

C’est d’ailleurs « au regard de la situation sécuritaire et des défis multiples auxquels les forces de défense font face » que le gouvernement explique dans son projet de loi sa décision de militariser la Police nationale.

Ainsi, en plus de ses missions classiques de maintien de l’ordre et de police judiciaire, elle pourra être déployée dans les zones reconquises par l’armée afin d’y assurer la sécurité des populations et de leurs biens et d’empêcher le retour des terroristes. Les agents bénéficieront de ce fait, selon le projet de loi du gouvernement, des mêmes avantages que les autres militaires engagés en opérations. Tout comme les sapeurs pompiers, qui seront aussi militarisés pour couvrir « l’arrière des forces engagées au combat » en appuyant la Police.

Discipline militaire

D’un autre côté, les autorités de la Transition mettront fin aux revendications syndicales de la Police nationale. Il lui sera appliqué la discipline militaire : le strict respect des règles, de l’ordre et de la rigueur. Les différents syndicats de la police nationale (14) seront supprimés. Ce dernier point constitue pour plusieurs observateurs la véritable raison « inavouée » des autorités de la Transition d’adopter le projet de texte, « presque en catimini », en plus au lendemain du 4 octobre (Journée de la Police) et après les renouvellements de certains bureaux des syndicats des Officiers et des Commissaires, notamment celui du Syndicat national des Commissaires de Police du Mali, le 1er octobre dernier.

Adoptée, la loi mettra aussi fin à « l’accentuation des attitudes peu orthodoxes : des Directeurs généraux, nationaux et hauts gradés du corps parfois menacés et pourchassés par des policiers mécontents, des policiers en cortège dans les rues de la capitale, le refus d’obtempérer à l’ordre hiérarchique », croit le Dr Aly Tounkara, expert défense et sécurité au Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S).

En effet, depuis le début de la Transition, les policiers se sont fait remarquer. Le 3 septembre 2021, ils étaient une centaine à prendre d’assaut la Maison centrale d’arrêt de Bamako pour exiger la libération du chef des Forces spéciales antiterroristes (FORSAT), le Commissaire divisionnaire Oumar Samaké, placé en détention dans le cadre de l’enquête sur la répression, en juillet 2020, du mouvement de contestation, sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Et, depuis l’unification de la grille indiciaire des personnels relevant des statuts des fonctionnaires de l’État, des Collectivités territoriales, des statuts autonomes et des militaires par l’Ordonnance 2021 n°2021-003 du 16 juillet 2022, signée par le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, les syndicats de police ne cessent de dénoncer par des manifestations une « discrimination » et une « marginalisation » de la Police nationale, « ignorée » dans la transposition de la grille salariale unifiée.

Inquiétudes

« Le sentiment partagé par beaucoup de policiers vis à vis du projet de militarisation est que la démarche n’a pas été inclusive et démocratique. C’est comme si les concernés n’avaient pas eu droit à la parole », constate Dr Aly Tounkara. La synergie des syndicats de la police a dans un communiqué en date du 19 octobre déploré que ce projet n’a fait l’objet d’aucune consultation des acteurs concernés. Lors d’une séance d’écoute avec la commission du CNT en charge du dossier, les deux représentants des syndicats ont insisté sur la nécessité d’un renvoi pour mener des discussions préalables afin d’aboutir à un projet consensuel, la préservation des acquis en terme d’avantages, des garanties en amont du maintien des corps et grades en ayant des équivalences avec ceux de l’armée afin d’avoir une grille harmonisée dans le nouveau statut.

Plusieurs syndicalistes de la police voient en la militarisation « une volonté de nous empêcher de lutter pour nos droits. Sinon, nos éléments sont déjà présents dans plusieurs localités à risques », indique un président de syndicat sous couvert de l’anonymat. Selon ce dernier, par respect pour les policiers, les autorités de la Transition auraient dû rassembler l’ensemble des syndicats de la Police pour prendre leur avis et leur expliquer comment va être mise en place la militarisation. « Jusqu’à présent, on ne sait pas clairement tout ce qu’elle va impliquer », déplore-t-il.

Dans le projet de loi du gouvernement, quelques indications sont esquissées. L’article 2 indique que les fonctionnaires de la Police nationale et de la Protection civile seront gérés par le Statut général des militaires, en les plaçant sous l’autorité du ministre en charge de la Sécurité. Le ministère de la Sécurité et de celui de la Défense ne seront donc pas liés, comme ce fut le cas par le passé lorsque la police était militarisée. En outre, l’article 3 annonce la relecture de l’Ordonnance n2016-020/P-RM du 18 août 2016, modifiée, portant Statut général des militaires. Laissant ainsi croire à une future harmonisation des statuts de la Police et des militaires.

Les inquiétudes n’en demeurent pas moins. « Les grades de la police, tels que commissaire, inspecteur et commandant doivent-ils être transposés à la lumière de ceux de l’armée avec les avantages y afférents ? Comment rester aussi proches de la population et agir en militaires ? La militarisation est-elle un gage suffisant pour plus d’éthique et de morale chez l’agent de Police ? Comment convaincre les partenaires au développement de continuer à soutenir la Police et la Protection civile en termes de formation et d’équipement en dépit de leur militarisation ? ». Autant de questions auxquelles, selon le Dr Aly Tounkara, il faudra apporter des éléments de réponse probants.

Concernant la transposition des grades, des policiers s’insurgent déjà. « Je ne peux pas être chef à la police et que, par cette militarisation, un subordonné d’un autre corps soit supérieur à moi », met en garde un officier supérieur. Parlant de ce point dans une interview récente, le premier Secrétaire général du Syndicat de la police nationale, l’Inspecteur Général de police à la retraite Mahamadou Zoumana Sidibé, promeut une concertation entre les différents corps concernés (Armée régulière, Gendarmerie nationale, Protection civile et Police nationale), pour faire « la confrontation des grades. On prend ce qui est à prendre et on laisse ce qui est à laisser », suggère-t-il.

Mutations

Au Mali, la militarisation de la police n’est pas nouvelle. Depuis sa création, le 31 juillet 1925, par un arrêté du Gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française, la Police nationale a subi plusieurs mutations de militaire à paramilitaire. En février 1968, sous Modibo Keïta, elle a connu une semi-militarisation marquée par la dissolution des syndicats et son administration avait été confiée au Secrétaire d’État chargé de la Défense et de la sécurité. En 1973, elle est devenue un corps militaire avec des grades d’appellations militaires et était composée de cinq corps : officier, aspirant, inspecteur, gardien de paix, brigadier et brigadier-chef. Elle a été démilitarisées en 1993 en application d’une recommandation de la Conférence nationale. Moins de 30 ans après, une autre concertation sociale (les Assises nationales de la refondation, tenues les 11 et 12 décembre 2021), veut à nouveau remettre les policiers dans les rangs de l’armée. Pour lutter contre le terrorisme et le syndicalisme, au passage.

Adama Ben Diarra : « La MINUSMA a échoué, elle doit l’assumer et partir »

Après le dépôt d’un courrier au siège de la MINUSMA pour qu’elle quitte le Mali avant le 22 septembre 2022, « Yerowolo debout sur les remparts » entend  manifester ce vendredi. Son « Commandant en chef », Adama Ben Diarra dit Ben le cerveau, membre du Conseil national de transition (CNT), nous explique le « combat » contre la mission onusienne.

Que reprochez-vous concrètement à la MINUSMA ?

Sa mission a été un échec. Elle n’a jamais pu sécuriser les civils, ni aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale et sa stabilité. Elle a échoué, elle doit l’assumer et partir.

Le Chef de la Mission, El-Gassim Wane, a annoncé lundi qu’une « revue stratégique » était prévue très bientôt. Cette déclaration ne suffit-elle pas à calmer vos protestations ? 

Non. Ils ont clairement dit qu’ils ne sont pas là pour lutter contre le terrorisme. Nous, notre problème, c’est le terrorisme. Ensuite, la Mission dit que c’est Barkhane qui la sécurisait et que puisque Barkhane s’en va c’est à l’armée malienne de le faire. Si l’armée doit sécuriser 15 000 hommes et nos populations civiles, la MINUSMA n’est plus une solution, elle devient un problème. Et à chaque fois que nos militaires tuent un grand nombre de terroristes, ils font des rapports pour les accuser d’exactions. Il se trouve que la France, qui a créé notre guerre et qui se nourrit de cette guerre, a des personnes aux postes-clés de la MINUSMA. De ce fait, si on chasse Barkhane pour maintenir la MINUSMA, c’est comme si l’ennemi restait toujours là.

Avez-vous eu une réponse à la lettre du 20 juillet ?

Ils disent qu’ils l’ont reçu et pris bonne note. Nous n’étions pas allés là-bas discuter, mais ils ont tenté de nous expliquer que ce que nous demandons la MINUSMA ne peut pas le faire. Qu’ils n’ont pas le mandat, les moyens logistiques et les équipements pour combattre le terrorisme.

Et si avec la révision annoncée cela changeait ?

Nous sommes dans une dynamique : si la MINUSMA doit rester au Mali, elle doit respecter certaines conditions. Il faut que les postes stratégiques soient assurés par un partenaire fiable du Mali, non par la France ou ses alliés. Sur les 84 pays membres de la MINUSMA, seuls 4 sont des partenaires sincères du Mali. Tous les autres sont ou manipulés ou alliés de la France. Si on pouvait réviser ces conditions et donner le leadership de la MINUSMA par exemple à la Russie ou à la Chine, on pourrait être assurés qu’elle sera une mission de soutien et non de déstabilisation.

Transition : le Premier ministre défend son PAG devant le CNT

Choguel Kokalla Maïga a défendu, jeudi 21 avril, le bilan d’exécution de son Programme d’action du Gouvernement (PAG) devant le Conseil national de transition (CNT). L’organe législatif avait convié le Premier ministre pour répondre aux interrogations quant au retard accusé dans l’exécution du PAG.

Le Plan d’action du Gouvernement de Choguel Kokalla Maïga comporte 4 axes: le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, les réformes politiques et institutionnelles, l’organisation des élections générales et la promotion de la bonne gouvernance et l’adoption d’un pacte de stabilité sociale. Ces axes sont déclinés en 9 objectifs, 64 actions et 108 indicateurs pour un coût estimé à plus de 2 050 milliards de francs CFA.

Son exécution devait normalement prendre fin au plus tard au mois de mars dernier. Selon un document transmis par la Primature au CNT, le PAG a fait l’objet de trois évaluations trimestrielles qui font ressortir que sur les 64 actions programmées, « 22 ont été entièrement réalisées, soit un taux d’exécution de 34,38%. 32 actions sont en cours de réalisation et 10 actions n’ont pas été réalisées. » Sur le coût estimé de plus de 2 050 milliards de francs CFA pour l’exécution du PAG, 1181,40 milliards de francs CFA de réalisations financières ont été décaissés, soit un taux d’exécution financière de 57,63%.

Bilan mitigé

Pour expliquer le faible taux d’exécution de 34,38% du PAG, le Premier ministre a déclaré aux parlementaires de la transition que l’ambition du Gouvernement a été confrontée à de multiples contraintes, dont « les investissements massifs dans la sécurité du fait du vide sécuritaire laissé par la France qu’il fallait occuper. » En outre, il a pointé du doigt « la situation économique et financière difficile du pays, exacerbée par les sanctions politiques de la CEDEAO, les sanctions économiques et financières de l’UEMOA et celles de l’Union européenne. »

L’ensemble des parlementaires qui ont interpellé Choguel Kokalla Maïga ont reconnu et salué les « énormes » efforts du Gouvernement par rapport au premier axe de son PAG, à savoir le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire. Pour le renforcement des capacités des forces armées et de sécurité, 6000 éléments ont été recrutés, 9 aéronefs acquis, 11 500 patrouilles de sécurité réalisées, la construction et l’opérationnalisation de 43 postes de sécurité, etc.

Au titre de l’axe 2, les réformes politiques et institutionnelles, le peu d’actions réalisées concernent surtout la tenue des Assises nationales de la refondation et l’adoption du projet de loi électorale qui consacre la création de l’Autorité indépendante de gestion des élections. Les membres du CNT n’ont pas manqué de demander au Premier ministre où il en est avec la relecture de l’ensemble des textes  régissant le processus électoral, la mise à jour du fichier électoral et la mise en disposition de la carte d’identité nationale biométrique qui tiendra également lieu de carte d’électeur.

Par rapport à la promotion de la bonne gouvernance, le Premier ministre a mis en exergue la réalisation de plusieurs audits de dépenses, dont notamment celui de la loi de programmation et de sécurité intérieure, du fonds Covid-19, de l’Assemblée nationale, du Haut conseil des collectivités, de la Haute cour de justice, etc. Plusieurs dossiers judiciaires sont également instruits pour soupçons de corruption.

Parlant de l’adoption d’un pacte de stabilité sociale, Choguel Kokalla Maïga  a souligné la réduction du train de vie de l’Etat, notamment la réduction des fonds de souveraineté de la présidence et de la primature dont 2/3 ont été réaffectés aux œuvres sociales. Cependant, la tenue de la conférence sociale et d’un pacte de stabilité sociale se fait toujours attendre alors que plusieurs mots d’ordre de grève sont suspendus et peuvent être déclenchés de nouveau en cas d’évolution de la situation politique avec la CEDEAO et l’UEMOA.

Nouveau départ

Le Premier ministre a annoncé le début de deux ans de transition « incompressible », et ce en dépit du fait qu’aucun accord n’a encore été trouvé avec la CEDEAO. Ce nouveau délai sera mis à profit pour rattraper le temps perdu. Choguel Kokalla Maïga a esquissé un chronogramme sur deux ans. Dans les six premiers mois, il y aura l’élaboration de la nouvelle constitution ainsi que les autres textes connexes liés à la préparation des élections. Dans les huit premiers mois, le Gouvernement pense pouvoir rendre opérationnel l’organe unique de gestion des élections s’il est voté par le CNT dans les meilleurs délais. Durant la deuxième année, Choguel Kokalla Maïga et son équipe tiendront quatre périodes électorales : le scrutin référendaire, la présidentielle, les législatives, les élections territoriales.  « L’ordre de la tenue  de ces élections n’est pas encore arrêté au niveau du Gouvernement et on est toujours en train de réfléchir au fait de savoir s’il faut coupler certaines élections ou pas », a-t-il précisé.

Il a par ailleurs déclaré que le mandat de la MINUSMA sera bien renouvelé au mois de juin prochain malgré l’appel de certains à y mettre fin.  « Bien qu’il ne faut pas s’attendre à un changement notable de son mandat, certains pays contributeurs de troupes laissent entendre qu’ils vont réévaluer le niveau de leur participation en raison du retrait de la Force Barkhane. Ce ne sont pas les forces étrangères qui vont amener la paix au Mali. Seule notre armée équipée et bien formée peut le faire de façon définitive. »

A l’issue de son grand oral, le Conseil national de la transition, par la voix de son président, le Colonel Malick Diaw, s’est engagé à accompagner  Choguel Kokalla Maïga et son gouvernement. A ceux qui l’ appellent à démissionner, le Premier ministre a déclaré que son sort est entre les mains du Président de la transition et du peuple malien. « Le jour où mon temps finira, je partirai la tête haute. Mais cela, c’est le président de la transition et les Maliens qui vont le décider. Je ne suis pas dans les calculs, je ne suis pas dans la ruse. Moi, je ne confonds pas la ruse et l’intelligence. Il y a des hommes politiques qui les mélangent. C’est deux choses différentes.»

 

Transition : une charte qui divise

Après une première partie, de septembre 2020 à mai 2021, suivie d’une autre dite de « rectification », la transition va amorcer une nouvelle étape, celle qui devrait s’acheminer à terme sur un retour à l’ordre constitutionnel. Pour l’acter, un projet de loi du gouvernement portant révision de la Charte de la transition est en cours d’adoption au Conseil national de transition (CNT). Parallèlement, concernant la durée de la transition, les autorités ont débuté des concertations avec la communauté internationale. Si, au fond, les conditions semblent être réunies pour un nouveau départ de la transition, dans la forme, cette dernière phase ne fait pas encore l’unanimité.

Le 9 février 2022, le gouvernement de transition a annoncé la mise en place d’un mécanisme de concertation avec la Cedeao, l’Union africaine et la communauté internationale pour rechercher  une solution « conciliant les aspirations du peuple malien et les demandes de la communauté internationale », notamment à travers l’adoption d’un chronogramme consensuel.

En annonçant cette initiative, il assurait renouveler son engagement pour le retour à un ordre constitutionnel normal et sa « disponibilité constante » au dialogue et au consensus pour la réussite de la transition.

Le mécanisme mis en place est structuré en deux groupes. Le premier concerne le dialogue au niveau ministériel et est composé du Ghana, de la Mauritanie, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Togo, de la Cedeao, de l’Union Africaine et des Nations unies. Il a pour mission de faciliter le dialogue entre les parties prenantes et d’œuvrer à un rapprochement des positions et à la recherche de compromis sur les questions en suspens.

Le deuxième groupe de travail, élargi notamment aux membres du Comité local de suivi de la transition et aux « personnes ressources et experts compétents », va quant à lui se pencher sur l’évaluation technique du projet de chronogramme de la transition présenté à la Cedeao.

Cette dernière a indiqué dans un communiqué, le 10 février, avoir pris note de la disponibilité du gouvernement du Mali pour la poursuite du dialogue avec elle, mais a également fait part de la non mise en place à cette date du groupe de travail au niveau ministériel.

« Ajustements nécessaires »

Le Président de la transition, le colonel Assimi Goita, a convoqué par décret le 4 février 2022 le Conseil national de transition en session extraordinaire, où est inscrite à l’ordre du jour la révision de la Charte de la transition.

Dans le communiqué sanctionnant le Conseil des ministres extraordinaire du 4 février qui a précédé cette décision, le gouvernement indiquait que l’adoption de ce projet de loi permettrait de procéder aux « ajustements nécessaires en vue d’une mise en œuvre efficiente des objectifs de la Transition ».

Cette révision de la Charte portera sur certaines modifications dont, entre autres, la suppression du poste de Vice-président, celle du nombre de membres du gouvernement, l’augmentation du nombre des membres du Conseil national de transition et surtout l’adaptation de la durée de la transition « aux recommandations des Assises nationales de la refondation, « dans le but de mener les réformes indispensables au retour à l’ordre constitutionnel ».

Nouvelle quête d’inclusivité

« L’augmentation du nombre des membres du CNT a pour objectif de créer plus d’inclusivité, pour une bonne gouvernance politique et sociale », affirme Mme Fatoumata Sékou Dicko, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargée des Réformes politiques institutionnelles.

Par ailleurs, ajoute-t-elle, le nouveau délai final de la transition qui va être fixé le sera à la suite des discussions que le gouvernement vient d’entreprendre avec la communauté internationale. « Il faudra trouver le juste milieu, un délai consensuel. C’est ce délai qui va être reproduit dans le chronogramme et qui sera considéré comme le nouveau délai de la transition», affirme-t-elle.

L’analyste politique Salia Samaké abonde dans le même sens. « Les dispositions qui seront adoptées au niveau de la Charte refléteront certainement les résolutions des Assises. Mais, à l’évidence, il faut se dire que pour la durée de la transition, même s’il y a un intervalle acté dans le projet de révision de la Charte, le vrai délai arrêté sera celui qui sortira des négociations entre le Mali et ses partenaires ».

Pour sa part, Boubacar Bocoum, analyste politique, approuve lui aussi l’initiative de révision de la Charte de la transition. Pour lui, « si la transition doit continuer, il faut bien qu’il y ait une autre base, sur laquelle on va l’asseoir, et il faut pallier au vide qui commencera au terme délai initial prévu ».

« Je pense aussi qu’aujourd’hui l’esprit de cette révision est aussi de donner la possibilité à ceux qui voudraient bien participer, que ce soit au niveau du CNT ou du gouvernement, et c’est ce qui oblige le gouvernement à modifier la Charte, pour la recadrer en fonction de la nouvelle orientation », avance-t-il.

« Non seulement ce sont des signes de recherche d’inclusivité, mais c’est déjà une mise en œuvre pratique des recommandations issues des ANR. Ces Assises ont clairement demandé à ce que le CNT soit ouvert à plus de membres », renchérit Salia Samaké.

« Les 18 mois devraient finir en mars. Si jamais on arrivait à cette date dans cet état, on tomberait dans un vide juridique. L’initiative de révision de la Charte n’est qu’une prise de conscience du gouvernement par rapport à cela et vise à mettre en place un cadre normatif », poursuit-il.

À l’en croire, un remaniement ministériel aura forcément lieu après la révision de la Charte pour aboutir à un gouvernement d’inclusivité.

Le Cadre rejette

Le projet de révision de la Charte de la transition ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique, malgré sa « nécessité », mise en avant par le gouvernement. Le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie s’y oppose, y voyant plutôt une tentative de « confiscation du pouvoir » par les autorités actuelles. Une tentative « à peine voilée », que « nous ne saurions jamais accepter », a clamé le Président en exercice du Cadre, le Dr. Modibo Soumaré, le 9 février dernier, lors d’un atelier à l’issue duquel il a annoncé certaines décisions.

Outre le rejet de la relecture de la Charte en cours au niveau du CNT, le Cadre, qui regroupe certains partis-clés de l’ancienne majorité présidentielle, demande l’adoption d’une nouvelle loi électorale consensuelle et annonce la « non reconnaissance des autorités actuelles à partir du 25 mars 2022 ».

Il appelle également à la mise en place d’une « nouvelle transition » pour un délai de 9 mois, avec un gouvernement de mission conduit par un Premier ministre « neutre », la mise en place d’un « nouveau CNT » et l’adoption d’un chronogramme électoral pour l’élection présidentielle et les législatives à la fin de la transition.

« Nous disons au Président de la transition de prendre la mesure de la situation. Nous lui tendons la main, une main ferme et amicale. Nous l’invitons à se mettre au-dessus de la mêlée. Nous pensons que le gouvernement, avec à sa tête le Premier ministre, se retrouve dans une dérive totalitaire qui déclare des conflits à tout le monde, de la France en passant par le Danemark, aux pays membres de la CEDEAO, aux États-Unis, aux amis du Mali », a fustigé le Dr. Soumaré.

Dans un communiqué en date du 6 février, la Codem, parti membre du Cadre d’échanges, a qualifié l’initiative de révision de la charte de « fuite en avant » qui s’inscrit, tout comme les « Assises dite de la refondation », dans une « volonté d’accaparement du pouvoir ».

« Au moment où le peuple s’attend au bilan de la transition et à un véritable dialogue entre les forces vives de la Nation pour dégager un consensus national nous permettant de repartir sur des nouvelles bases, la Codem constate l’embastillement par les autorités de la transition du CNT, dont la mise en place en elle-même a violé le décret de sa création, dans le seul but de se maintenir au pouvoir », indique le communiqué signé du Président du parti, Housseini Amion Guindo.

Le Parena, qui, par ailleurs, a pris part à l’atelier du Cadre d’échanges du 9 février, avait publié plus tôt un nouveau mémorandum appelant à « se parler, sà e donner la main pour sauver le pays ». Une option qui, selon le parti du bélier blanc, doit être « la priorité des priorités ».

Entres autres propositions de sortie de crise, le parti de Tiébilé Dramé opte pour un début du processus électoral « à partir de novembre 2022 » et une nouvelle feuille de route, en concertation avec les partis politiques, les sociétés civiles et les mouvements du Nord.

Adhésion non exclue

Malgré la position affichée par le Cadre d’échanges de son non adhésion à la conduite actuelle de la transition, certains observateurs pensent que certains partis politiques pourraient se désolidariser très prochainement de certaines décisions, notamment celle de la non reconnaissance des autorités de la transition à compter du 25 mars.

Déjà, l’ancien Premier ministre Moussa Mara, ancien Président du parti Yelema, a déclaré le 11 février, lors d’un déplacement à Niono, que cette décision du Cadre d’échanges n’était pas une bonne option pour le parti, même si son porte-parole Hamidou Doumbia avait précisé dans la foulée que cela n’était pas la position officielle du parti Yelema.

D’autre part, suite à une rencontre entre l’Adema-PASJ et une délégation du directoire du Cadre, le 14 février, le parti des abeilles, par ailleurs membre fondateur du Cadre, a également invité ses membres à abandonner « toute posture radicale extrémiste », dont la non reconnaissance des autorités en place dès le 25 mars 2022, et à inscrire leurs actions dans le cadre du dialogue et de la concertation, « gages de l’apaisement social et de la stabilité » du pays.

« C’est vrai que le ton monte au niveau du Cadre, mais il n’est pas exclu que certains partis rejoignent le gouvernement par la suite. Il est même possible de voir une fissure d’ici les prochaines semaines », glisse Salia Samaké.

« Nos politiciens sont imprévisibles. La logique voudrait qu’ils ne participent à rien du tout maintenant et qu’ils restent dans leur posture. Mais ils sont toujours à l’affût de petites opportunités », appuie Boubacar Bocoum, qui ne serait pas « surpris » que certains partis ne manquent pas de saisir l’opportunité de cette probable dernière partie de la transition.

CNT : report en vue pour les projets d’amnistie

Le Conseil national de transition (CNT) est réuni en session extraordinaire. Et, dans le tableau des saisines, deux projets de loi font énormément parler. Celui proposant d’amnistier « de faits survenus et ayant entraîné la démission » de Bah N’Daw et de Moctar Ouane le 24 mai 2021 et celui traitant « des faits en lien avec la démission » du Président Ibrahim Boubacar Kéïta le 18 août 2020. « Ça suscite énormément de débats. On va certainement avoir un rapport de demande de report d’examen de la Commission saisie au fond, surtout avec ce qui vient de se passer en Guinée », explique une source.

Déposé le 4 mai 2021, le projet de loi d’amnistie « des faits en lien avec la démission » du Président Ibrahim Boubacar Kéïta  a déjà fait l’objet de plusieurs reports pour continuation des travaux. Quant au projet de loi d’amnistie « de faits survenus  et ayant entraîné la démission » de Bah N’Daw et Moctar Ouane, il a été déposé le 28 juillet 2021. Et il pourrait également être dans la même situation que le premier. Les deux projets de loi ont été initiés par le ministère de la Justice.

Rappelons que le premier projet, qui avait fuité dans la presse, avait suscité la polémique. Le projet de loi portant ratification de l’ordonnance fixant la grille indiciaire, cause de la crise scolaire, est aussi au menu de cette session extraordinaire.

Mali – Crise politique: après la stupeur, les réactions des acteurs politiques

La confusion a longtemps persisté durant les heures qui ont suivies l’arrestation le 24 mai du Président de la transition Bah N’daw  et de son Premier ministre Moctar Ouane, après l’annonce d’un nouveau gouvernement. Mais la déclaration le lendemain du Vice-président de la Transition, le  colonel Assimi Goïta, a clarifié la situation. Les deux désormais ex-dirigeants de la transition ont été mis « hors  de leurs prérogatives » par l’homme fort de l’ex-junte. Un coup d’Etat de plus que la classe politique dans sa quasi-totalité a condamné.

II a été le premier à avoir pris position face à ce qui était encore désigné dans les premières heures de l’arrestation comme une « tentative de coup de force ». L’ancien Premier ministre Moussa Mara a condamné « sans équivoque » toute prise de pouvoir par les armes, avant d’appeler à la libération des détenus et au dialogue.

« Je demande la libération sans condition des responsables et la poursuite normale de la Transition. Seul le dialogue peut nous permettre de dépasser les incompréhensions et d’avancer ensemble vers le retour à un ordre constitutionnel normal », a insisté celui qui a également appelé à « mettre notre pays au-dessus de nos intérêts personnels ».

Le jour suivant, le 25 mai, son parti, Yelema, a dans un communiqué signé du Président Youssouf Diawara rappelé aux uns et aux autres que « l’extrême profondeur de la crise multidimensionnelle que traverse notre pays exige de chacun de nous d’agir avec responsabilité et exemplarité ».

De son côté, Housseyni Amion Guindo, Président de la Codem et de la plateforme Jiguiya Koura, s’est également dressé contre « les évènements en cours dans notre pays » et a exigé « la libération immédiate et sans conditions » du Président de la transition Bah N’Daw et du Premier ministre Moctar Ouane.

Même son de cloche à l’URD qui, en plus,  a exigé l’instauration d’un dialogue inclusif dans le but de « parvenir rapidement au retour à une situation normale susceptible de conduire le processus de transition à terme dans les délais impartis ».

Manque de concertations

L’Action républicaine pour le progrès (ARP), coalition de partis politiques  portée par l’UDD de Tiéman Hubert Coulibaly est allée plus loin.  Elle a invité à la concertation de l’ensemble des forces vives de la nation en vue de « sauver la République » et a demandé la recomposition du CNT conformément à la charte de la Transition.

Pour le Dr. Abdoulaye Amadou Sy, Président de la Coalition des forces patriotiques (COFOP), un regroupement issu de l’ancienne majorité présidentielle, à partir du moment où le pays est dans une situation anormale, où ceux qui gèrent le pouvoir sont des personnalités nommées, la gestion demande « beaucoup plus de concertations avant la prise de grandes décisions ».

 « L’armée n’a pas été concertée, or c’est elle qui dirige. C’est elle qui a fait son coup d’État et ce sont les militaires qui ont le pouvoir. Le CNSP n’existe plus du point de vue légal, mais dans les faits c’est tout le contraire », a-t-il réagi.

Retour à l’ordre constitutionnel ?

La plateforme An ko Mali Dron, membre du M5-RFP et présidée par Mme Sy Kadiatou Sow, a pour sa part, dans une déclaration, insisté sur « le respect des fondements, des valeurs et des principes de la République » qui « s’impose à toutes les composantes de la Nation et particulièrement aux forces de défense et de sécurité ».

Ce regroupement, dont font partie les Fare An Ka Wuli de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, a aussi exigé la « libération immédiate du Président, du Premier ministre et de toutes les personnes arrêtées ».

L’Alliance pour le Mali (EPM) a, pour sa part  après avoir condamné « toute prise de pouvoir par la force »,  réaffirmé sa volonté de soutenir le processus de transition civile en cours dans notre pays conformément à la charte et reste « intransigeant au respect du délai de la transition qui est de 18 mois ».

Mais il semble évident qu’avec la nouvelle donne sociopolitique, le chronogramme électoral des futures élections générales, publié le 15 avril dernier et fixant le premier tour de l’élection présidentielle au 27 février 2022, sera difficile à tenir.

Mohamed KENOUVI

 Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°320 du 27 mai au 02 juin 2021 

Candidature d’Assimi Goïta : vraiment probable?

Le Mouvement Appel citoyen pour la réussite de la transition (ACRT) d’Issa Kaou Djim appelle à la candidature d’Assimi Goïta, Vice-président de la transition, à la prochaine élection présidentielle. Cette demande fait débat, suscitant des interrogations quant aux motivations d’Issa Kaou Djim et aux implications d’une telle candidature.

« L’imperturbable et le patriote Assimi Goïta » osera-t-il briguer la présidentielle prochaine ? C’est la grande question du moment au Mali et le vœu pieux d’Issa Kaou Djim. Cependant, l’idée de voir le Vice-président de la transition se porter candidat à la présidentielle prochaine soulève beaucoup de questions et, à la limite, fait polémique. La Charte de la transition lui interdit de prendre part aux prochaines échéances électorales. Ballon d’essai, intention inavouée des ex-putschistes ou demande unilatérale du 4ème Vice-président du CNT ? Les supputations vont bon train. « Cela ne peut pas être une demande esseulée et personnelle d’Issa Kaou Djim. C’est fortement sous-tendu par une théorie des ex-putschistes. Issa Kaou Djim est en mission, mais il faut comprendre que c’est une diversion que de dire qu’Assimi Goïta sera candidat. Et, pendant que les gens seront dans ce débat stérile, ils vont passer à autre chose. Assimi Goïta ne peut pas être techniquement candidat. Mais certainement ils vont influencer celui qui sera leur candidat pour cette période post transition. Donc il est important pour Kaou Djim et ses alliés d’être dans une dynamique de collaboration », pense Boubacar Bocoum, politologue.

Selon Ballan Diakité, cette demande pourrait être un ballon d’essai, « pour permettre à Assimi Goïta de faire un petit sondage sur une possibilité de candidature qui serait acceptée favorablement ou défavorablement ». Néanmoins, le politologue n’écarte pas la probabilité d’une candidature. « La Charte de la transition interdit à ceux qui vont la diriger d’être candidats aux prochaines échéances. Cependant, elle n’est pas la consécration de la Constitution du Mali. Donc cela laisse entendre qu’il y a de fortes possibilités que certains dirigeants de la transition dérogent aux exigences qui ont été données par la Charte de la transition », explique Ballan Diakité.

Mais il prévient qu’une éventuelle candidature du vice-président de la transition présagerait « d’un fiasco total » de l’élection présidentielle, « tant on sait bien qu’ils ont nommé des gouverneurs de région. Et les partis politiques n’accepteront pas cela ».

3 questions à: Gabriel Annaye Togo, politiste

Quel est votre regard sur le Plan d’action du gouvernement ?

Il est salutaire dans la mesure où il intervient dans un moment où la transition est critiquée. Le gouvernement, à travers ce plan d’action, se positionne dans un processus de lobbying. Le Premier ministre veut rendre la situation plus favorable à un dialogue entre la classe politique, la société civile et une partie des autorités de la transition. Avec un président de transition qui s’exprime peu et un vice-président qui ne se prononce que sur les questions de sécurité depuis la mise en place du CNT, il est porteur d’un message de paix.

L’exécution des actions peut-elle tenir dans le temps restant ?

Les actions annoncées seront exécutées dans le délai restant. Le plan d’action a tenu compte de la difficulté de mettre en place un organe unique de gestion des élections. Le calendrier électoral sera difficilement respecté, dans la mesure où toutes les zones électorales ne sont pas sous la responsabilité de l’État malien. Les réformes institutionnelles prévues auront certainement lieu, mais la participation ne  sera pas à hauteur de souhait sans l’implication réelle de la classe politique.

La transition risque-t-elle d’être prolongée ?

Oui, au vu de l’évolution des choses. Une prorogation de 8 à 14 mois est possible. Nous devons être réalistes et objectifs. Nous sommes déjà dans une période exceptionnelle et il est primordial de résoudre les questions de gouvernance et d’instaurer un État de droit dans un climat paisible.

Mali-CNT : Le plan d’action du gouvernement adopté

 

Après huit heures de débats, le plan d’action du gouvernement de transition a finalement été adopté, lundi 22 février, par les membres du Conseil national de transition à 100 voix pour, 4 contre et 3 abstentions.   

« Nos citoyens sont de plus en plus exigeants dans la conduite des affaires de l’Etat et nous membres du CNT resteront vigilants. Nous veillerons à ce que la mise en œuvre du plan d’action se fasse de manière efficace et efficiente », a prévenu Malick Diaw, président du CNT.

Le plan d’action  présenté par le Chef du gouvernement comporte 6 axes déclinés en 23 objectifs, qui sont adossés à 275 actions à évaluer  à travers 291 indicateurs. Le premier axe porte sur le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, le deuxième, sur la promotion de la bonne gouvernance, et le troisième est consacré à la refonte du système éducatif. Les trois derniers axes portent respectivement sur les réformes politiques et institutionnelles, l’adoption d’un pacte de stabilité social et l’organisation des élections générales. Chaque axe du plan est décliné en des actions prioritaires.

Mali: Le M5-RFP dit « non » à la gouvernance de la transition

Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) a tenu un meeting d’information, dimanche 21 février, au palais de la culture de Bamako. Il a déclaré désapprouver la conduite de la transition. C’était en présence d’hommes politiques, des associations de la société civile et de plusieurs centaines de personnes.

« Quand on n’est pas d’accord, on dit : NON !», a prévenu le M5-RFP dans sa déclaration liminaire. Le mouvement contestataire du régime d’IBK  désapprouve la conduite de la transition et s’insurge contre  « la perpétuation » des mêmes  « pratiques combattues ». Il reproche à la junte d’usurper la victoire  du peuple et se rendre « responsables de l’aggravation et de l’extension de l’insécurité par leurs comportements ».

Le M5-RFP a également pointé du doigt la corruption qu’il estime prendre de l’ascenseur. Il exige la relecture de l’Accord d’Alger ainsi que la dissolution du Conseil national de transition (CNT) qu’il juge illégale. « La procédure de destitution introduite auprès de la cour suprême  ne peut qu’aboutir au regard de la solidité de nos arguments et du souhait des Maliens de ne plus avoir à faire à des juges aux ordres comme dans un passé récent », espère-t-il.

Le Mouvement contestataire dit enfin « non aux manœuvres encours pour faire des élections à venir une cession du pouvoir à un homme choisi par la junte pour perpétuer son pouvoir et s’assurer  d’une immunité ».

Mali-Transition : Le Premier ministre expose le plan d’action du gouvernement au CNT

Le Premier ministre de la Transition, Moctar Ouane, a présenté vendredi 19 février  2021 le plan d’action de la feuille de route du gouvernement devant le Conseil national de la transition (CNT). La cérémonie qui s’est déroulée au CICB a enregistré la présence de l’ensemble des membres du CNT et de quelques ministres.

Le plan d’action  présenté par le Chef du gouvernement comporte 6 axes déclinés en 23 objectifs, qui sont adossés à 275 actions à évaluer  à travers 291 indicateurs.

Le premier axe porte sur le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, le deuxième, sur la promotion de la bonne gouvernance, et le troisième est consacré à la refonte du système éducatif.

Les trois derniers axes portent respectivement sur les réformes politiques et institutionnelles, l’adoption d’un pacte de stabilité social et l’organisation des élections générales. Chaque axe du plan est décliné en des actions prioritaires.

« Cet ensemble cohérent d’actions vise à atteindre, dans un horizon précis, des objectifs définis, avec des moyens identifiés dans le respect du temps imparti et des équilibres macroéconomiques et financiers », a indiqué le Premier ministre.

« Je sais que le gouvernement peut compter sur la mobilisation totale du Conseil national de la Transition pour apporter les réponses adéquates aux urgences et engager les réformes structurelles nécessaires à la refondation de l’Etat. Vous et nous, nous le ferons avec le concours de toutes les Maliennes et de tous les Maliens, sans exclusion», a-t-il insisté.

Moctar Ouane a par ailleurs assuré que tous les moyens seront mis en œuvre pour organiser, dans les délais convenus, des élections libres et transparentes afin de « doter le pays d’institutions fortes et démocratiques et poser les jalons d’une gouvernance saine plaçant le citoyen au début et à la fin du développement ».

Les membres du Conseil national de transition se réuniront en plénière le lundi 22 février pour débattre sur le plan d’action exposé par le Premier ministre.

 

Assane Sidibé : « Nous n’avons qu’un seul Mali, personne n’a intérêt à ce qu’il chavire»

Ancien maire et député, Assane Sidibé siège depuis début décembre 2020 au Conseil national de la Transition (CNT). Dans un entretien accordé à Journal du Mali, il évoque les raisons de ce choix, mais aussi Yelema, le parti politique dont il préside la section en Commune IV du District de Bamako.

On vous entend souvent être très critique, pourtant vous être au CNT. Pourquoi  avoir fait ce choix?

Pour moi, le choix n’était même pas discutable par rapport à ce que j’ai fait dans l’ancienne législature. C’était une occasion de continuer le boulot. Le Mali est en train de vivre une période cruciale de son existence. J’ai été sollicité et j’ai accepté d’apporter ma contribution à l’édification de mon pays. Je me suis dit aussi que c’était une occasion inouïe pour les Maliens. Le CNT étant l’organe le plus important de la Transition, il était donc impératif pour moi d’y être. Nous n’avons qu’un seul Mali, personne n’a intérêt à ce qu’il chavire.

Est-ce pour vous une continuité du mandat de député ?

C’est une occasion de continuité parce que pleins étaient de l’Assemblée nationale dissoute mais n’ont pas eu l’occasion d’être au CNT. Au-delà de cela, pour moi, le plus important  c’est simplement de parfaire le boulot que j’avais commencé, faire la politique autrement. En cela, c’est même plus qu’une continuité, c’est une occasion de refaire.

Votre parti, Yelema, prône « la politique autrement ». En quoi traduisez-vous concrètement cette aspiration ?

La politique autrement n’est autre que de servir le peuple et non de se servir. C’est ce que nous avons toujours dit et que nous sommes en train de démontrer. Il y a eu l’alternance au sein du parti. Lors de l’ancienne législature, Moussa Mara et moi avions décidé de créer une caisse de solidarité au profit des femmes et des jeunes de la Commune IV avec nos salaires, ce qui continue d’ailleurs avec mon salaire au CNT. C’est autant de faits qui concrétisent notre aspiration.

Comment se prépare votre parti pour les élections ?

Nous sommes en train de parcourir le pays pour aller à la rencontre des futurs sympathisants et électeurs et leur proposer notre solution pour le Mali et l’expérience de la jeunesse. Aujourd’hui, nous pensons que notre heure est arrivée. Nous l’espérons,  par la grâce de Dieu.

Des primaires au sein de votre parti pour la désignation du futur candidat à la présidentielle ?

Bien sûr qu’il y en aura, si en plus de Moussa Mara, qui n’a pas encore déclaré sa candidature, il y a d’autres camarades qui se présentent. Nous sommes un parti de démocrates.

Mali – RPM : entre clans et départ de son fondateur, quel avenir ?

Un peu plus de quatre mois après la chute d’Ibrahim Boubacar Keita, le Rassemblement pour le Mali (RPM) cherche sa voie. Si la dynamique de remobilisation de la base enclenchée par le Bureau politique national se poursuit, des divergences entre les premiers responsables persistent encore aujourd’hui, augurant de lendemains incertains.

L’entrée récente au Conseil national de la transition (CNT) de Mamadou Diarrassouba, 1er Secrétaire à l’organisation du RPM, en rupture avec la ligne du parti, qui était de ne pas participer à cet organe, a accentué les fractures au sein du parti des Tisserands.

« Je ne suis pas là au nom du RPM. Mon apport sera d’aider à ce que toutes les réformes se fassent dans de bonnes conditions et en les adaptant aux réalités du moment. En tant que Malien et patriote, je ne peux pas me mettre en dehors de cela », se défend l’ancien 1er Questeur de l’Assemblée nationale.

Même si l’ex-député se réclame toujours, et plus que jamais, du RPM, malgré ce choix individuel « pour le Mali », sa décision divise au sein du parti. Selon un observateur proche du RPM, certains responsables et militants la partagent, estimant que même en n’étant  pas d’accord avec les procédures, il ne faut  pas jouer la politique de la chaise vide et qu’il faut avoir des éléments dans le dispositif pour savoir ce qui se passe, en prévision des élections à venir en 2022. Mais, pour d’autres, cela procède tout simplement d’une trahison.

Comme par le passé, lors de l’élection du Président de l’Assemblée nationale, les divergences de position entre les clans, certains favorables à l’élection de Moussa Timbiné, d’autres à Mamadou  Diarrassouba, et d’autres ne soutenant ni l’un ni l’autre, continuent au sein du RPM.

« Aujourd’hui, le parti est loin d’être uniforme et loin d’être en cohésion. Le départ de celui qui en est le fondateur fait qu’il se trouve un peu orphelin. Déjà sous IBK il y avait des tensions et des divergences mais maintenant qu’il n’est plus là, c’est pire », confie notre source.

Lendemains incertains

Même si, en termes d’implantation, le RPM est encore le premier parti sur l’échiquier politique national, sa survie au delà l’ex Président IBK suscite bien des interrogations. Réussir à s’accorder sur l’essentiel pour maintenir le parti soudé, de sorte à ce que même s’il ne gagne pas, il figure en bonne position lors des prochaines échéances, c’est cela, à en croire un proche d’IBK,  le vrai challenge du RPM aujourd’hui.

Mais, constate-t-il, « il n’y a personne qui émerge au point d’être présidentiable, derrière qui le RPM va se dresser comme un seul homme et qui pourrait même drainer d’autres forces périphériques, qui ont accompagné le parti depuis 2012 ».

Dans cette configuration, les mésententes persistantes au sein du parti peuvent aboutir  aux départs de certaines figures, pour des ambitions personnelles, si au moment de choisir un candidat pour le parti ou de soutenir un candidat d’une autre force politique les violons ne s’accordent pas.

Mais dans l’immédiat, pour notre interlocuteur, cela ne risque pas d’arriver, parce qu’ « il vaut mieux rester soudé à un parti qui a un nom et une implantation que d’aller tenter une aventure dans un moment aussi incertain ».

À court ou long terme, pour Boubacar Bocoum, analyste politique, la disparition du RPM de l’échiquier politique national est une certitude. « Les conflits internes vont avoir raison du parti », prédit celui qui pense qu’il n’est pas évident qu’avec le pouvoir qui s’installera après la transition le RPM ait les mêmes connexions. « Ils sont en train de mourir. Ne pas l’accepter et vouloir se débattre pour sortir la tête de l’eau est tout à fait légitime, mais réussir est une autre paire de manches », ironise l’analyste politique.

Mali – Bloc anti CNT : Vers des alliances de circonstances 

Le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif, et le seul qui reste à mettre en place pour achever le tableau des organes de la transition, continue de crisper les attentions. Les remous sur sa mise en place se poursuivent, rapprochant, de loin, les positions des plus grands partis et regroupements politiques de l’arène malienne, qui ont décidé pour beaucoup de ne pas y envoyer de représentants. Pour capitaliser cette convergence apparente, des démarches sont menées pour former un bloc commun, capable d’amener les autorités de la transition à revoir leur copie. Si les portes ne sont pas totalement fermées entre les partis politiques, d’autres paramètres de positionnement ne rendent pas pour autant aussi simple une éventuelle grande alliance entre eux.

Dès le lendemain de la publication au Journal officiel de la République des deux décrets fixant respectivement les modalités de désignation des membres du CNT et sa clé de répartition, le M5-RFP, qui « refuse de servir de faire-valoir à un régime militaire déguisé », a non seulement décidé de ne pas y participer dans le format proposé, mais aussi lancé un appel à toutes les forces patriotiques et politiques, pour « se concerter, entrer en résistance et faire face pour sauver la démocratie et la République ».

Cette prise de position n’en était qu’une parmi les très nombreuses qu’a suscitées l’adoption des deux décrets au sein de la classe politique. Cette dernière, dans sa presque totalité, a fustigé la manière de procéder des autorités de la transition et décidé de boycotter le Conseil national de transition si la procédure n’était pas revue.

Le 12 novembre 2020, après une première réaction la veille, exhortant toute la classe politique à observer le devoir de non-participation, l’alliance de l’ancienne majorité présidentielle Ensemble pour le Mali (EPM) a réitéré, dans une déclaration commune avec d’autres partis et regroupements politiques, à l’instar de la Coalition des forces patriotiques (COFOP), de l’Action républicaine pour le progrès (ARP), de l’Alliance Jiguiya Koura ou encore du parti Yelema, la décision unanime de ne pas siéger au CNT. La conférence des Présidents de ces différents partis a appelé à « une union sacrée pour préserver les acquis démocratiques pour sauver la République ».

Quelles actions communes ?

Le Président de la transition, Chef de l’État, M. Bah N’Daw avait déclaré alors qu’il était récemment en tournée dans la sous-région, vouloir s’en tenir à l’esprit des deux décrets qu’il a signés. Les premières réactions de la classe politique n’ont pas réussi jusqu’à maintenant à le faire revenir sur ce qui a été décidé.

Mais, le 19 novembre dernier, trois ministres du gouvernement ont rencontré la classe politique dans le cadre de la relance du Cadre de concertation des partis politiques déjà existant entre elle et le gouvernement. La question de la mise en place du CNT n’était initialement pas à l’ordre du jour, mais les politiques n’ont pas manqué l’occasion d’y revenir.

Les émissaires du gouvernement ont alors promis de faire un compte-rendu aux plus hautes autorités, sans pour autant donner la garantie que la procédure allait être revue.

Pour faire adhérer les autorités de la transition à ses exigences, le M5-RFP se met déjà dans une démarche active, pour faire converger les actions au sein de la classe politique.

« Nous avons commencé par prendre des contacts avec les partis de l’ancienne majorité présidentielle puis avec d’autres forces vives. Nous avons un agenda de rencontres cette semaine. Elles ont déjà commencé et nous allons les intensifier, puis faire un front commun dans lequel tout le monde va se retrouver pour imposer une transition vraiment démocratique », affirme Choguel Kokala Maiga, Président du Comité stratégique du M5-RFP.

Pour lui, il ne s’agit même plus pour les « jeunes militaires » de discuter uniquement avec le M5, mais de « parvenir à un accord politique global qui puisse convenir au moins à l’ensemble des forces politiques et sociales ».

Cette vision est partagée à la COFOP, où le Président, Dr. Abdoulaye Amadou Sy, estime qu’il faut nécessairement une concertation avec la classe politique, parce qu’il s’agit de l’intérêt du Mali et non d’un individu et qu’il faut que les fils du pays discutent autour d’une table et décident ensemble de ce qu’il faut faire, dans le cadre des règlements qui sont fixés.

Jeux politiques et grande coalition

Le M5-RFP est résolument tourné vers la réalisation d’une grande coalition des forces politiques et sociales, y compris celles se positionnant du côté de l’ancienne majorité présidentielle. « Nous les avons déjà invitées à des séances de travail. Nous avons eu une première rencontre avec elles pour une prise de contact dans le courant de la semaine passée et nous irons peut-être au-delà cette semaine », confie M. Maiga, pour lequel l’objectif est de réunir tous ceux qui ne sont pas d’accord avec la façon de faire des autorités de la transition.

Mais, à l’alliance EPM, l’ancienne majorité présidentielle, même si la procédure de la mise en place du CNT est fustigée, le ton semble ne pas être le même que celui du M5, du moins pour le moment, sur l’unicité des actions.

« Le M5 et nous, nous sommes différents et nous n’avons pas les mêmes méthodes pour faire aboutir nos revendications. Nous ne sommes pas dans la défiance de la transition, nous l’accompagnons. Le M5 est par contre dans une posture de défiance de la transition, en disant qu’il est aussi légitime que la transition », précise Me Baber Gano, Secrétaire général du RPM, parti-clé de l’alliance EPM.

« Nous ne sommes pas dans ce schéma. Au contraire, pour nous, il faut accompagner la transition et trouver les meilleures solutions afin de sortir de cette situation », ajoute l’ancien ministre des Transports.

Même avec les partis et regroupements politiques avec lesquels a été signée la déclaration commune du 12 novembre, l’alliance EPM ne voit pas pour le moment une plus large alliance. « C’est juste un partage de vision sur un objectif commun. Le CNT est un organe qui doit regrouper l’ensemble des forces politiques et sociales du pays. Cela veut dire que nous allons tous nous retrouver là-bas. Nous avons donc dit que, pour cet objectif, pour un départ il ne faut plus  se mettre dans une posture d’opposition ou de majorité, c’est surtout pour l’intérêt du Mali », souligne M. Gano, laissant tout de même entrevoir que les portes ne sont pas totalement fermées.

« L’avenir nous le dira. Nous sommes tous des partis politiques qui œuvrent pour la démocratie et si tant est que leur objectif à eux est de consolider la démocratie et l’État de droit, nous allons le poursuivre ensemble », assure-t-il.

Marge de manœuvre réduite 

La situation enchevêtrée, avec une multitude d’acteurs politiques et des positions différentes, fait craindre à certains une faible marge de manœuvre des politiques dans le processus de mise en place du CNT. Il faut préciser qu’en dehors des grands partis et regroupements politiques, qui s’inscrivent dans la posture de boycott, un nombre non négligeable de petits partis est prêt à siéger au sein de l’organe, d’où la multitude de candidatures qui atterriraient sur le bureau du Vice-président de la transition, le colonel Assimi Goita.

Pour l’analyste politique Boubacar Salif Traoré, quand on tient compte de cette situation, il semble difficile qu’un seul bloc politique puisse se former autour de la cause du CNT. D’autant plus, selon lui, qu’il y a déjà une sorte de précampagne en vue de la future présidentielle. « Se mettre ensemble, c’est quelque part renoncer aux différentes candidatures au profit d’un seul candidat, alors qu’aujourd’hui cela parait peu probable ».

D’ailleurs, soutient M. Traoré, « le fait de perdre l’autorité morale de l’Imam Mahmoud Dicko, associé à la fragilisation de la classe politique liée aux mésententes internes, ne leur permet pas de constituer à ce jour une force assez critique ».

Germain KENOUVI