Yerewolo : la vie sans « Ben le cerveau »

Yerewolo debout sur les remparts doit se passer depuis quelques semaines de son leader et « Commandant en chef », Adama Ben Diarra, dit « Ben le cerveau », condamné le 14 septembre dernier à 2 ans de prison, dont 1 ferme, pour atteinte au crédit de l’État. Comment le mouvement fait-il face à cette situation ?

En plus de « Ben le cerveau », Siriki Kouyaté, Porte-parole du mouvement, a été aussi placé sous mandat de dépôt le 8 septembre dernier. Alors que son jugement est prévu pour fin novembre, ses avocats ont introduit une demande de liberté provisoire dont le délibéré est attendu le 9 octobre prochain.

Malgré la mauvaise passe que traverse Yerewolo, ses activités régulières se poursuivent. Tenue des réunions hebdomadaires, messages de soutien aux Forces armées maliennes, prises de position sur l’actualité nationale et conférences, entre autres.

« Le mouvement se porte bien. Cela fait toujours mal de voir des camarades en prison mais nous continuons nos activités. Les camarades vont bien là où ils sont et ils nous demandent de continuer le combat. Nous avons déjà un plan d’actions bien défini et nous poursuivons sa mise en œuvre, peu importe ce qui arrive », assure Ibrahima Keita dit Makan, chef du « Compartiment » formation et instruction du mouvement.

À l’en croire, selon les statuts de Yerewolo, en l’absence d’Adama Ben Diarra, le mouvement est dirigé par le Secrétaire général Amadou Lamine Diallo. « C’est lui qui coordonne tout actuellement. Mais nous sommes une plateforme avec beaucoup de leaders. Toute décision qui est prise vient du Comité de pilotage », indique-t-il.

Fidèle à la Transition

Soutien affiché de la Transition depuis ses débuts, Yerewolo Debout sur les remparts ne semble pas avoir changé de cap, malgré le « divorce » entre son leader et les autorités actuelles. « Yerewolo demande aux militants et sympathisants de rester derrière la justice. Calme et retenue, surtout en ce moment où l’armée a besoin du peuple », avait lancé le mouvement juste après la condamnation de son leader, le 14 septembre dernier.

Deux jours après, suite à l’abrogation du décret de nomination d’Adama Ben Diarra au CNT, Yerewolo assurait les plus hautes autorités de tout son soutien et de son accompagnement pour une transition réussie. « Nous avons toujours estimé que cette transition était la nôtre. Nous ne faisons pas que la soutenir, nous la protégeons », glisse Ibrahima Keita.

Adama Ben Diarra : dos à la transition ?

Membre du Conseil national de transition (CNT) et réputé proche des militaires au pouvoir, Adama Ben Diarra dit « Ben le cerveau » est récemment devenu très critique vis-à-vis de cette transition. Le leader de Yèrèwolo debout sur les remparts est-il en train de rejoindre les rangs des « opposants » ?

C’est l’un des soutiens sans faille du Colonel Assimi Goita depuis la « rectification » de la transition, en mai 2021. Mais, depuis plusieurs jours, Adama Ben Diarra est au centre d’une controverse en raison de ses récentes prises de position contre les autorités.

Sur une radio de la place, « Ben le cerveau » a non seulement clairement critiqué l’augmentation du budget de la Présidence de la République, qui selon lui va passer de 18 à 22 milliards de francs CFA, mais aussi jugé inopportun l’ajout de membres additifs au CNT, qui ferait passer le budget de l’organe législatif à près de 13 milliards de francs CFA.

Et, pour ne rien arranger, une note vocale lui est attribuée, dans laquelle il critique la gestion des autorités de la transition, et a fuité sur les réseaux sociaux. Des associations de jeunes et d’épouses des militaires ont manifesté le 15 octobre dernier à Kati, réputé être son fief, pour demander son renvoi du CNT.

Critiques « normales »

Pour certains observateurs, les récentes actions de « Ben le Cerveau » peuvent porter un coup aux relations que ce dernier entretiendrait avec les militaires au pouvoir. Mais le Numéro un de Yéréworolo debout sur les remparts a-t-il réellement tourné le dos aux autorités de la transition ? Ses proches soutiennent que ce n’est pas le cas.

« Pour nous, les prises de position du camarade Ben le cerveau sont normales. C’est d’ailleurs la position de la majeure partie du mouvement. Nous pensons que dire les vérités aux autorités est une manière aussi de les aider. Nous sommes les boucliers de la transition, raison pour laquelle c’est un devoir pour nous », affirme un membre de Yèrèwolo proche d’Adama Ben Diarra.

« Nous ne sommes pas dans la logique de tourner le dos à la transition. Nous sommes d’ailleurs plus que jamais déterminés à la protéger », soutient-il. Cependant, « Ben le cerveau » ne semble plus être dans les bonnes grâces du pouvoir. Un rassemblement « patriotique » de son mouvement prévu le 22 novembre Place du Cinquantenaire à Kati pour « sauver la révolution » a été interdit la veille par le préfet. Dans la nuit du 24 au 25 novembre, à sa sortie des locaux d’une radio, la voiture de Sidiki Kouyaté a été pris pour cible. Selon les premières informations, des individus armés non identifiés ont fait feu sur sa voiture. Le commissariat de police de Sotuba a immédiatement annoncé l’ouverture d’une enquête sur cette affaire.