Choguel Kokalla Maïga : dans le viseur du CNT, le Premier ministre va-t-il tomber ?

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga est attendu dans les prochains jours au Conseil national de transition (CNT) pour présenter le bilan de l’exécution du Plan d’action gouvernemental. Deux ans après son premier passage devant l’organe législatif de la Transition, Choguel Maïga, très attendu par les membres du CNT, pourrait être contraint à présenter sa démission et celle de son gouvernement.

Le Président du Conseil national de Transition, le Colonel Malick Diaw, a annoncé dans son discours d’ouverture de la session ordinaire d’avril, le 8 avril 2024, le prochain passage du Premier ministre devant l’organe législatif dans le cadre de l’orientation, du contrôle et du suivi-évaluation de la Feuille de route de la Transition.

Le Chef du gouvernement, très attendu par les membres du CNT, devra faire le point de l’avancement dans l’exécution de son Plan d’action gouvernemental sur les deux dernières années et faire face aux multiples interrogations sur différents sujets d’actualité lors de ce passage, dont la date doit être fixée et rendue publique après la prochaine Conférence des présidents du CNT.

Et si cette interpellation annoncée du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga était le début d’un processus aboutissant à sa destitution de la tête du gouvernement ?  Pressenti comme étant sur un siège éjectable depuis des mois, le Chef du gouvernement bénéficie toujours de la confiance du Président de la Transition. Mais pourra-t-il conserver celle du Conseil national de transition et obtenir son quitus pour prolonger son séjour à la Primature ?

Motion de censure ?

Lors de son dernier passage devant le CNT, en avril 2022, 9 mois après sa prise de fonction, Choguel Kokalla Maïga avait été déjà vivement critiqué pour la lenteur dans la mise en œuvre du Plan d’action gouvernemental, dont seulement 33,87% des activités avaient été exécutées.

Aujourd’hui, deux ans après, beaucoup de membres du CNT pensent que l’exécution de ce plan et de la Feuille de route de la Transition n’ont guère avancé. Selon nos informations, l’institution, dont la majorité des membres n’est pas très satisfaite de l’action gouvernementale, pourrait adopter une motion de censure contre le Premier ministre et le contraindre à la démission.

À en croire certains analystes, ce scénario n’est pas exclu, d’autant plus que le Premier ministre n’est visiblement pas prêt à rendre le tablier de lui-même et que les militaires auxquels il s’est allié ne veulent pas le débarquer, au risque de se mettre à dos le M5-RFP pour la suite de la Transition, même si le mouvement est aujourd’hui divisé.

Choguel Maïga – Classe politique : Un malaise grandissant

Affaibli politiquement depuis sa destitution de la présidence du Comité stratégique du M5-RFP, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga multiplie  les rencontres avec la classe politique, qu’il tente de rallier à sa cause. Mais la plupart des partis représentatifs de l’échiquier politique national ne répondent pas à l’appel du Chef du gouvernement. Entre le Premier ministre et la classe politique, dont il s’était déjà mis à dos une partie depuis sa nomination à la primature,  le courant passe de moins en moins.

7 mars, 18 mars, 25 mars 2024. En moins d’un mois, le Premier ministre a initié trois rencontres avec la classe politique pour échanger avec elle. Mais à chacune de ces rencontres le constat était le même : la quasi-totalité des grands partis de la scène politique nationale était aux abonnés absents.

Si lors de la première rencontre, le 7 mars au CICB, on pouvait noter la participation, entre autres, de l’URD et de l’EDR, représentés respectivement par leurs Présidents, Gouagnon Coulibaly et Salikou Sanogo, les deux autres qui ont suivi ont été presque réduites à des réunions entre le Chef du gouvernement, les membres de son cabinet et quelques représentants des mouvements du M5 qui lui sont restés fidèles.

Le 18 mars, le Premier ministre a expliqué le manque d’engouement de la classe politique pour la première rencontre par une « maldonne ». « Quand j’ai demandé de convoquer la réunion, mon cabinet a fait juste un communiqué. Quand je m’en suis rendu compte, je leur ai dit que ce n’est pas comme cela qu’il fallait faire. Les chefs de partis sont ceux qui sont appelés à diriger ce pays. Il faut dès le départ souligner en rouge la considération qui leur est due. J’ai donc demandé à mon cabinet de faire une invitation que je vais moi-même signer », a-t-il expliqué à l’entame de ses propos.

Ordre du jour imprécis

Bien que l’invitation signée par le Chef du gouvernement soit par la suite parvenue en bonne et due forme aux partis politiques, cela n’a pas pour autant permis de rehausser leur présence au nouveau rendez-vous avec le Premier ministre.

Le RPM, l’URD, l’Adema-PASJ, l’ASMA-CFP, la CODEM, le parti Yelema, entre autres, sont toujours restés aux abonnés absents lors de la rencontre d’échanges du 18 mars à la Primature. La CODEM, de son côté, a participé à la rencontre du 25 mars pour ne pas « mener la politique de la chaise vide », comme l’explique son Secrétaire général, Alassane Abba. « Nous nous sommes dits que c’est le Premier ministre du Mali qui demande une rencontre avec les partis politiques et que c’est normal pour nous d’aller écouter ce qu’il a à nous dire, même si nous n’attendons rien de ses déclarations », confie-t-il.

Au RPM, plusieurs raisons sont évoquées pour justifier le « boycott ». « Nous avons décliné l’offre parce que d’abord, dans un premier temps, il n’est pas de coutume au Mali que le Premier ministre rencontre la classe politique. Par le passé, c’est le ministère de l’Administration territoriale qui était chargé de l’organisation du Cadre de concertation entre les forces vives de la Nation », affirme le Chargé de communication Sékou Niamé Bathily.

« Il y a aussi une mauvaise préparation de la rencontre, parce que dans la correspondance l’ordre du jour n’est pas précis et clair », poursuit-il, avant de révéler que le RPM avait adressé dès le 24 août 2021 une correspondance au Premier ministre pour échanger mais que cette lettre est restée sans réponse jusqu’à nos jours. « Nous sommes donc étonnés que lui, qui ne répondait pas à nos demandes d’audience, nous sollicite aujourd’hui et se pose en rassembleur ».

Par ailleurs, le parti Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, dans un courrier adressé à Choguel Kokalla Maïga en réponse à son invitation, a également pointé du doigt l’absence d’un ordre du jour précis des échanges. « Après examen attentif de votre invitation, nous sommes au regret de vous informer que nous ne pourrons y participer. Notre décision repose sur l’absence d’un ordre du jour clairement défini pour cette réunion », indique la note en date du 23 mars 2024, signée du Président du parti, le Dr Youssouf Diawara.

« Il est aussi utile de rappeler que pendant plus de deux ans les partis politiques n’ont fait l’objet d’aucune forme de considération de votre part. Pire, ils ont été continuellement accusés par vous de tous les maux lors de vos nombreuses sorties médiatiques », poursuit la note à l’endroit du Premier ministre.

Monologue

Pour sa part, le Président de l’URD, Gouagnon Coulibaly, évoque des rencontres sans intérêt. « Dans un premier temps, moi je suis allé à la rencontre du CICB. Pour nous, c’était pour parler du pays, ainsi que des relations avec les partis et autres. Mais on s’est vite rendu compte que le Premier ministre était dans un monologue, sans véritable sujet pertinent », déplore le Numéro 1 de l’URD, qui précise que son parti, par la suite, n’a pas été invité aux rencontres qui ont suivi.

« Nous avons vu des invitations sur les réseaux sociaux. Mais l’URD n’est pas un petit parti politique, encore moins la caisse de résonance de quelqu’un, pour se précipiter dans des rencontres où elle n’est pas dûment invitée », clarifie-t-il, avant de fustiger lui aussi le manque d’ordre du jour lors des différentes rencontres.

« Dans les invitations, il n’y a aucun ordre du jour. Notre interlocuteur habituel, c’est le ministre de l’Administration territoriale, mais si le Premier ministre nous appelle, cela veut normalement dire qu’il a quelque chose de très important à discuter avec les partis. Mais si on ne discute de rien et que le Premier ministre fait son monologue et s’en va, je pense que ce n’est pas la peine », se désole l’ancien député.

Quête de soutiens ?

La première rencontre initiée par le Premier ministre avec la classe politique a eu lieu le 7 mars 2024, deux jours seulement après qu’il ait été révoqué de la tête du Comité stratégique du M5-RFP par la tendance dirigée par l’ancien ministre Imam Oumarou Diarra. Pour certains analystes, ce timing est justifié par un besoin pour Choguel Kokalla Maïga d’avoir l’accompagnement de la classe politique alors même qu’il semble de plus en plus isolé.

« Après la dislocation du M5, le Premier ministre a voulu rebattre les cartes en s’appuyant sur les partis politiques. Mais les chefs des grands partis politiques l’ont compris et c’est la raison pour laquelle ils ne se sont pas déplacés », estime le journaliste et analyste Badou S. Koba.

Issa Kaou Ndjim, Président de l’ACRT Faso Ka Welé, abonde dans le même sens. « Je pense que Choguel Maïga veut juste faire oublier ses déboires dans son propre camp, qui s’est disloqué. Il appelle les partis politiques pour essayer de se refaire une santé », accuse l’ancien 4ème Vice-président du CNT.

Des accusations que le Premier ministre balaie du revers de la main. « Certains ont pensé que c’était pour chercher des appuis auprès des partis parce que le Premier ministre serait en difficulté. En fait, ce n’était pas cela. L’objectif de cette rencontre, c’est de vous permettre en tant que futurs dirigeants de savoir ce qui s’est passé réellement pendant ces deux années », a-t-il déclaré lors de la rencontre du 18 mars.

Malgré tout, à l’Adema-Pasj également des doutes sont émis sur les vraies motivations du Premier ministre. « Depuis qu’il a accédé à la Primature, le Premier ministre a snobé les partis politiques. Pourquoi est-ce maintenant qu’il a été destitué de la présidence son mouvement qu’il veut s’entretenir avec eux ? », s’interroge le Secrétaire général Yaya Sangaré.

« Ce n’était pas de la négligence si je ne parlais pas souvent aux chefs de partis politiques. C’est parce que nous étions sur quelque chose d’ultra stratégique », s’est justifié le Chef du gouvernement devant une partie de la classe politique.

Pour autant, la plupart des dirigeants politiques ne sont pas prêts à « avaler » ce discours. Loin s’en faut. Et la « réconciliation » entre le Chef du gouvernement et la classe politique, dont il est par ailleurs issu, n’est visiblement pas pour demain.

Primature : Un Maïga peut en cacher un autre

Le Colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement depuis décembre dernier, a été désigné le 21 août 2022 pour assurer l’intérim du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, malade depuis maintenant un mois. Le nouveau chef temporaire du gouvernement a affirmé rester dans le sillage des instructions du Premier ministre, mais pour beaucoup sa présence pourrait marquer un nouveau tournant dans la transition.

Le Colonel Abdoulaye Maïga, 41 ans, qui ne faisait pas partie du « cercle des 5 colonels » qui ont pris le pouvoir en août 2020, est devenu sans conteste au fil des mois le visage des déclarations fortes des autorités de la transition.

Nommé ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation depuis le gouvernement Moctar Ouane, il est l’un des hommes de confiance du Colonel Assimi Goita. C’est donc sans grande surprise que le président de la transition l’a désigné pour assurer l’intérim à la Primature, le temps que le Premier ministre Choguel Maïga se remette de son indisponibilité.

Le Colonel Maïga imprime sa marque

À la tête du gouvernement, Abdoulaye Maïga n’a pas tardé à poser son empreinte. Quatre jours après sa désignation, dans une lettre circulaire en date du 25 août 2022, il exige des ministres l’observation de plusieurs mesures, dans le cadre de « l’efficacité du travail gouvernemental et de l’amélioration de la qualité des textes adoptés par le gouvernement en conseil des ministres ».

D’abord, la tenue des réunions de cabinet autour des dossiers inscrits à l’ordre du jour du conseil des ministres le lundi à partir de 08h00 au niveau des départements respectifs et la transmission des observations formulées sur les dossiers au secrétariat général du gouvernement le même jour avant 14h00.

Ensuite, la centralisation et la transmission au Premier ministre desdites observations par le secrétaire général du gouvernement. Par ailleurs, un conseil de cabinet doit se tenir le mardi à 10h00 à la Primature sur les observations des départements sur les dossiers du conseil des ministres et le secrétaire général du gouvernement doit tenir un procès-verbal de réunion faisant ressortir les observations pertinentes et les recommandations formulées. Ce procès-verbal du conseil de cabinet doit être transmis par le secrétaire général du gouvernement le même jour au Premier ministre par intérim.

Enfin, les communications verbales doivent être impérativement déposées au secrétariat général du gouvernement au plus tard le mardi à 8h00. Le Premier ministre par intérim a également interdit dans la foulée, sur instruction du président de la transition, les téléphones, montres et tout autre appareil électronique en conseil des ministres.

Rappelons que cette interdiction, qui n’est pas nouvelle, n’était plus vraiment de rigueur depuis le départ du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, qui l’avait instaurée en 2017.

« L’intérim exige une double mission : rester dans le sillage des instructions du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga et faire face aux défis quotidiens », a déclaré le colonel Abdoulaye Maïga le 29 août dernier, lorsqu’il a rencontré les membres du cabinet du Premier ministre. Depuis, le nouveau locataire temporaire de la Primature s’attelle à la tâche.

Audiences le 25 août avec le Président mondial de la Jeune chambre internationale (JCI) et le 2 septembre avec le ministre algérien des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger. Présidence le 30 août d’un conseil de cabinet sur les dossiers à l’ordre du jour du conseil des ministres du mercredi 31 août 2022 et de la cérémonie de lancement de l’opération de recensement des agents des fonctions publiques de l’État et des collectivités le 1er septembre. Le chef du gouvernement par intérim ne fait que suivre le rythme effréné qu’il s’était jusque-là imposé à l’Administration territoriale, où, selon l’un de ses collaborateurs, le volume horaire a presque doublé au département depuis qu’il en a pris les rênes.

« C’est un grand travailleur, quelqu’un de très humble par rapport à ses connaissances intellectuelles. Il est très vigilent et très sociable avec ses collaborateurs. Il reconnaît la valeur de tout le monde et a une grande capacité d’écoute. Très assidu et rigoureux, il est très exigeant par rapport au rendement », nous confie cette source.

Un intérim bien accueilli

Le colonel Abdoulaye Maïga, qui a fait une partie de ses études en France, où il a notamment décroché un doctorat en sécurité internationale et défense à l’Université Jean Moulin de Lyon en 2011, et a travaillé notamment pour la CEDEAO, est un interlocuteur habituel des politiques, avec lesquels il a plusieurs fois échangé autour de de la mise en œuvre des réformes électorales en cours sous la transition.

Au lendemain de sa désignation pour assurer l’intérim du Premier ministre, la plupart d’entre eux l’ont bien accueillie. Le Rassemblement pour le Mali (RPM), après en avoir pris acte, a souhaité que ce tournant soit « une occasion de renforcer et d’étendre à l’ensemble du gouvernement l’esprit d’inclusivité que le colonel Maïga a imprimé au département de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, en vue d’une transition véritablement inclusive, apaisée et respectueuse de nos engagements ».

« Nous lui faisons confiance, le soutenons et lui souhaitons bonne réussite », dit pour sa part Bréhima Sidibé, Secrétaire général du parti de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, Fare An Ka wuli. Même son de cloche à l’ASMA-CFP, où l’on est convaincu que le colonel Maïga « est aujourd’hui celui qui incarne le plus la transition et est à même de maintenir le cap à la hauteur des défis du jour ».

« Le choix du Colonel Maïga me semble un choix cohérent, avec le fait qu’à travers son ministère il sera l’acteur principal des actions politiques en cours et à venir, telles que la mise en place de l’autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), l’adoption d’une nouvelle constitution et le marathon électoral. Jusque-là il semble donner satisfaction pour attaquer les défis politiques à venir », relève également Dr. Amidou Tidjani, analyste politique et enseignant-chercheur à l’université Paris 13 (Sorbonne-Paris-Nord).

Pour Abdoul Sogodogo, vice-doyen de la faculté des sciences administratives et politiques (FSAP) de l’université de Bamako, il est important aussi de noter que cette désignation intervient à un tournant décisif de la gouvernance publique et que le choix porté sur le colonel Abdoulaye Maïga pourrait s’expliquer par plusieurs raisons.

« On observe une confiance croissante du président de la Transition en la personne du colonel Abdoulaye Maïga. D’abord, le Premier ministre avait été littéralement déchargé de fonction de porte-parole de fait du gouvernement. Ensuite, c’est bien le ministre de l’Administration territoriale qui livrait le contenu des messages du gouvernement, bien qu’il ne soit pas un véritable idéologue comme le Dr. Choguel Kokalla Maiga », rappelle-t-il.

AIGE, la mauvaise note?

Même si le Premier ministre intérimaire semble bénéficier d’un état de grâce de la part des acteurs politiques et de la société civile, la décision qu’il a prise au niveau de l’Administration territoriale de recourir à un tirage au sort pour désigner les représentants des partis politiques et de la société civile au sein du collège de l’AIGE continue d’être controversée chez les politiques et pourrait mener à une dégradation des relations jusque-là apaisées entre lui et eux.

« Nous pensons que ce sont des manières de faire qui sont de nature à réinstaurer une crise de confiance entre l’Administration territoriale et la classe politique. Nous ne voulons pas d’une crise pré-électorale, c’est pourquoi nous interpellons le président de la transition sur ce dossier de l’AIGE », avertit Sékou Niamé Bathily, chargé de la communication du RPM.

« Ce n’est pas la personne du colonel Abdoulaye Maïga qui compte. Ce sont les actes posés par l’administration elle-même. C’est elle qui doit veiller au respect des textes, mais si c’est elle qui viole en premier les lois, c’est inquiétant », clame-t-il.

« La gestion de la mise en place de l’AIGE peut avoir des lourdes retombées sur la gouvernance du Premier ministre intérimaire, en ce sens qu’elle peut nuire aux relations entre la classe politique et lui », affirme Abdoul Sogodogo.

Mais, selon Amidou Tidjani, cela ne devrait pas être un problème pour le locataire intérimaire de la Primature, parce que, soutient-il, « le colonel Maïga semble être quelqu’un d’intelligent, qui laisse les politiques mener leurs discussions dans un cadre d’échange qu’il met en place sans y participer directement et les laisse s’entre-déchirer ou se mettre d’accord avant de trancher à la fin ».

Le colonel Abdoulaye Maïga entre-t-il dans les critères d’un Premier ministre longtemps réclamé par une partie de la classe politique, notamment le cadre d’échange ? « Pour le cas d’un Premier ministre neutre, consensuel, rassembleur, nous attendrons avec intérêt l’évolution de l’état de santé du Premier ministre et la suite que le président de la Transition donnera à tout cela », répond Sékou Niamé Bathily pour le cadre, précisant que le Colonel Abdoulaye Maïga est là, selon ce qu’il a déclaré lui-même, pour continuer dans le sillage de Choguel Kokalla Maïga.

Choguel Maïga toujours hospitalisé

Absent depuis un mois, Choguel Kokalla Maïga a, selon nos informations, fait un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. Il est depuis le 9 août dernier hospitalisé à la clinique Pasteur de Bamako, où il a été admis suite à son malaise. Il y occupe depuis la chambre 114, une chambre VIP à 125 000 francs CFA la nuitée. Face aux flots d’informations parus sur son état de santé le 13 août, la cellule communication de la Primature a dans l’urgence fait une publication affirmant qu’il avait été mis au « repos forcé » pour une reprise de ses activités la semaine qui suivait. Mais, depuis, très peu d’informations circulent le concernant, ce qui a le don d’exaspérer certains « vidéomen » réputés proches de lui. Selon nos informations, si un temps, vers les 22 – 23 août, la possibilité d’une évacuation vers Johannesburg avait été évoquée, la décision a finalement été prise de le garder à Bamako, et, d’après notre source il se porterait mieux mais a encore des difficultés à s’exprimer. « Il parle lentement » assure-t-elle. Dr. Allaye Bocoum, l’un de ses proches, confie avoir reçu un message du chef du gouvernement le vendredi 2 septembre 2022, où il disait se remettre « de mieux en mieux ».

« Il y a vraiment de quoi se réjouir, car il est entre de très bonnes mains, dans une très grande sécurité et aucun laisser-aller dans le domaine de son intimité familiale n’a été permis », glisse celui qui révèle que le Premier ministre n’avait pris qu’une semaine de repos l’année dernière alors même que ses médecins lui avaient imposé un mois.

À l’en croire, Choguel Kokalla Maïga, dont le black-out total autour de l’état de santé découlerait de sa volonté personnelle, récupérera une bonne forme physique avant de reprendre toute activité publique, chose sur laquelle ses médecins sont « intraitables ».

En attendant, le retour aux affaires du leader du M5-RFP semble improbable pour certains observateurs, qui n’excluent pas sur la durée un scénario à la guinéenne, où le Premier ministre intérimaire a fini par être nommé de manière définitive pour la suite de la transition.

Me Baber Gano : « le Mali et la France doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent»

Me Baber Gano, Secrétaire général du RPM et ancien ministre de l’Intégration africaine répond à nos questions sur la transition, l’opération Barkhane, revient sur l’actualité politique. 

Que pensez-vous de l’inclusivité du nouveau gouvernement de transition ?

Le gouvernement comporte 25 ministres titulaires et trois portefeuilles délégués. Quand on regarde l’ordre protocolaire dans l’architecture gouvernementale, on comprend que le Dr. Choguel Kokalla Maïga a mis les priorités sur le ministre de la défense qui est le numéro un après le premier ministre, ensuite il y a le ministère de la justice puis on a le ministère de la refondation. Cela annonce déjà les priorités du gouvernement : la sécurité, la justice et la refondation. Cela est un bon signal. En ce qui concerne l’attelage, des consultations ont été menées, au souhait du premier ministre, compte tenu des recommandations de la CEDEAO et de la classe politique pour un gouvernement inclusif. Notre surprise fut grande lors de la publication de la liste du gouvernement. Cette attente de la CEDEAO n’a pas été comblée. Le gouvernement, à mon avis, n’a ni été inclusif entre les membres du M5 ni avec les partis politiques d’autres bords. Le gouvernement n’a pas pris en compte les attentes de la CEDEAO et de la classe politique, qui voulaient accompagner une transition avec beaucoup plus de détermination et d’engagement pour la réalisation des réformes et l’organisation d’élections crédibles et transparentes dans les délais prévus. Qu’à cela ne tienne, notre souhait aujourd’hui est de toujours rester dans cet accompagnement de la transition. Nous ne sommes pas intéressés que par des postes ministériels, mais bien aider le Mali à sortir de ce labyrinthe.

Emmanuel Macron met fin à l’opération Barkhane dans un contexte sécuritaire toujours préoccupant. Quelle devrait être la réaction du gouvernement?

Je regrette le durcissement du ton de la France. La France est et restera le partenaire le plus privilégié pour le Mali dans la lutte contre le terrorisme. En 2013, n’eût été l’intervention de la France, le Mali allait tomber dans les mains des djihadistes. Cette intervention française était une manière de payer une dette morale vis-à-vis du Mali. La France et le Mali doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent. Il y a divergence sur deux questions : la présence militaire française et le dialogue avec certains groupes djihadistes. Et pour Emmanuel Macron il est inconcevable de discuter avec ceux-là qui tuent les siens. Mais discuter ne signifie pas forcément que nous allons vers l’impunité. Personnellement, je propose un référendum sur  les deux questions, à savoir la présence française au Mali et le dialogue avec les djihadistes Nous avons la légitimité de dialoguer avec les djihadistes, parce que c’est une recommandation du DNI, mais nous pouvons aussi avoir la légalité constitutionnelle. Nous devons donc réchauffer les relations diplomatiques et ne pas laisser la situation se cristalliser davantage. Cela n’est de l’intérêt pour personne.  Il faut qu’on discute dans un cadre bilatéral, ramener les questions de divergences telles que la présence militaire française, le dialogue avec certains groupes djihadistes et même l’Accord pour la paix afin de se rassurer mutuellement dans le respect de la souveraineté nationale, car la France a besoin de garantie. C’est ce que le  gouvernement de Choguel devrait faire.

Le Premier ministre a promis des audits pour bientôt. Est-ce qu’une chasse aux sorcières envers les anciens membres de la majorité présidentielle est à craindre ?

Je ne pense pas que cela soit sa vision. Il prend des mesures pour une bonne gouvernance et pour ce faire il faut lutter contre la corruption et la délinquance financière. Cependant auditer ne commence pas seulement par les membres de l’ancienne majorité. Il peut remonter à plus de 15 ans ou 20 ans. Si on veut assainir la vie publique, cela ne se limite pas seulement à une gestion de l’ancienne majorité d’Ibrahim Boubacar Kéïta.  Certes nous avons été les anciens dirigeants à gérer, mais nous ne craignons rien.

Le RPM semble désormais être le seul parti à tirer le train « EPM ». Plusieurs partis n’y sont plus membres…..

Je ne suis pas le président de l’EPM mais mon parti a joué un rôle de colonne vertébrale avant les événements du 18 août. Je regrette aujourd’hui que le regroupement vole en éclats. Je pense que raisonnablement cette coalition doit s’interroger sur de nouveaux objectifs. Après la chute d’Ibrahim Boubacar Keita, l’’EPM aurait du réfléchir pour repartir sur de nouvelles bases parce que c’est un regroupement de partis mis en place pour soutenir la majorité présidentielle de l’époque. Et IBK n’étant plus aux affaires, on ne peut pas faire du IBK sans IBK. Dans le préambule de ce regroupement politique, il est clairement dit que la soixantaine de partis se mettaient ensemble pour « apporter au président IBK une majorité présidentielle et parlementaire ». Donc à mon avis après le coup d’Etat du 18 août, les relations politiques devaient être rénovées pour qu’on sache les nouvelles priorités pour un horizon donné, quitte à changer le nom « EPM ». Certains partis ont décidé de rester, mais jusqu’à quand ? On n’a pas encore fini avec les saignées, il faut certainement s’attendre à d’autres départs tant qu’on ne change pas les objectifs. Mais le RPM en est toujours membre.

Comment va le RPM?

Le RPM se réorganise pour se restructurer. Le coup d’Etat nous a refroidi et aujourd’hui les militants ont compris que nous devons travailler à ressouder les rangs. Et nous allons nous présenter aux élections futures.

Propos recueillis par Boubacar Diallo

La version courte de cet article a été publiée dans Journal du Mali l’Hebdo n°323 du 17  au 23  juin 2021 

Débats électoraux : Choguel Kokalla Maïga, Hamadoun Touré et Adama Kané ouvrent le bal.

Lancée le 7 juillet 2018, la campagne électorale est entrée dans une autre phase avec l’organisation des débats télévisés entre les candidats. Le premier débat a réuni les candidats Choguel Kokalla Maïga, Dr Hamadoun Touré et Adama Kané. Durant une heure et 30 minutes, les candidats ont exposé leurs visions sur les différentes problématiques.

Modéré par deux journalistes, le débat est organisé conjointement par l’ORTM et quelques médias privés de l’audiovisuel. Dans un exposé préliminaire, les candidats ont fait part de leur vision de la situation que vit notre pays, avant de proposer leurs solutions de sortie de crise.

Estimant que « ce que notre peuple vit est la conséquence de la trahison subie par notre armée », le candidat Choguel Kokalla Maïga estime qu’il faut « changer le rapport de force et arrêter la prime à la rebellion ». Pour le candidat Adama Kané, il faut continuer la reconstruction de l’armée et lui donner les moyens d’assumer la sécurité, condition sine qua none pour entamer tout développement.

Un développement qui serait plutôt à la base pour être en sécurité, selon le Dr Hamadoun Touré. Sans nier l’importance de redonner à nos forces la faculté de défendre le territoire, il suggère de « s’attaquer à la racine du mal », en assurant les conditions d’un développement économique conséquent.

Sans remettre en cause l’accord pour la paix signé en 2015, les candidats reconnaissent qu’il aurait pu être fait dans de meilleures conditions. Alors que le Dr Hamadoun Touré estime que l’on a « tendance à régler nos problèmes ailleurs », Choguel Kokalla Maïga déplore que « les rebelles ont signé du bout des doigts », alors que le gouvernement a signé alors qu’il n’avait aucune emprise sur le terrain. Ajoutant que l’accord est « une étape », il préconise « la fin de la prime à la violence » et « le désarmement des rebelles » et invite le gouvernement à être exemplaire.

Sur la cohésion sociale mise à mal, surtout au centre du Mali, les candidats Adama Kané et Choguel Kokalla Maïga pointent du doigt l’absence et le laxisme de l’Etat, alors que le candidat Hamadoun Touré envisage de trouver une solution aux causes des conflits qui opposent les différentes communautés.

Sur les autres questions relatives à l’école, au chômage, à la sécurité alimentaire ou à la santé, les candidats ont exposé s’en sont tenus aux différentes propositions contenues dans leurs différents projets. Ils ont aussi répondu à certaines préoccupations recueillies auprès de quelques citoyens.

Sans véritablement se contredire, les candidats se sont limités à exposer leurs propositions lorsqu’ils seront président de la République. Si ceux qui s’attendaient à des empoignades peuvent être déçus, le débat aura eu le mérite de permettre aux candidats de s’exprimer publiquement et dans un climat serein sur les questions cruciales qui préoccupent les citoyens en cette veille d’élection.