Mahmoud Dicko : Un retour au Mali compromis

Le gouvernement de transition a annoncé le 6 mars 2024 la dissolution de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’Imam Mahmoud Dicko, quelques jours seulement après l’annonce de son retour imminent de l’Algérie, où il séjourne depuis plusieurs semaines. Directement dans le viseur des autorités de transition, pour lesquelles ses « activités subversives » sont susceptibles de troubler l’ordre public, l’Imam de Badalabougou pourrait être contraint de repousser son « come-back » au Mali.

S’il fallait encore un épisode pour confirmer la rupture totale entre les autorités actuelles de la Transition et l’Imam Mahmoud Dicko, il est assurément là. Après le 14 janvier 2023, quand le cortège venu l’accueillir à son retour d’Arabie Saoudite avait été pris pour cible par les forces de l’ordre, et le retrait de son passeport diplomatique le 22 juin 2023, la dissolution annoncée le 6 mars dernier en Conseil des ministres  de la Coordination, mouvements, associations et sympathisants de l’ancienne « autorité morale » du M5-FP, a définitivement sonné le glas du « poumon politique » de l’Imam.

Créée en 2019 pour, entre autres, promouvoir le renforcement de la démocratie, la promotion de la bonne gouvernance, de la paix et de la cohésion sociale et la consolidation de la paix, la CMAS était devenue en effet au fil des années un regroupement de poids, qui conférait à Mahmoud Dicko une grande légitimité dans l’arène politico-sociale. Pour justifier sa décision de dissolution, le gouvernement de transition a non seulement mis en avant certains manquements de l’association mais aussi incriminé son parrain, Mahmoud Dicko.

« La CMAS, créée en vue d’œuvrer pour la stabilité et la paix sociales, s’est transformée en un véritable organe politique de déstabilisation et de menace pour la sécurité publique, comme en témoignent la sortie médiatique de son Coordinateur général le 7 octobre 2023, suite à l’annonce du léger report de l’élection présidentielle, et la tenue de propos de dénigrement des autorités de la transition sur une chaîne de télévision privée », a indiqué le communiqué du Conseil des ministres.

« En outre, le parrain de la CMAS s’adonne clairement à des activités subversives susceptibles de troubler l’ordre public, notamment à travers ses récentes visites à l’extérieur et ses rencontres officielles avec des personnalités de puissances étrangères sur des questions d’intérêt national sans l’autorisation des autorités du Mali », poursuivait le communiqué.

La CMAS, de son côté, a indiqué le 11 mars 2024 surseoir à toutes activités politiques, sociales et humanitaires jusqu’à nouvel ordre à compter du 12 mars 2024 et se réserver « le droit d’user de tous les moyens juridiques et légaux pour l’annulation de sa dissolution, qui s’inscrit dans une violation flagrante de la loi N°04-038 du 5 août 2004 relative aux associations ».

Avertissement ?

Déjà taxé « d’hostile » à la Transition et accusé de « trahison » par les autorités de Bamako après sa rencontre le 19 décembre 2023 avec le Président algérien Abdelmadjid Tebboune, l’Imam Dicko serait-il menacé d’éventuelles prochaines poursuites judiciaires à son retour au Mali ?  La dissolution de la CMAS est-elle un avertissement dans ce sens pour le parrain de l’association ?

« Je ne pense pas en tant que tel. La dissolution, c’est juste pour mettre un frein à l’activité de la  CMAS », répond Boubacar Bocoum, analyste politique. « Je pense que cette dissolution n’est pas totalement liée à la posture de Dicko et n’est pas forcément un avertissement à son égard. Si les autorités ont pris une telle décision, c’est qu’elles ont suffisamment d’informations, en dehors de l’aspect visible, notamment via les services de renseignement à leur niveau », soutient-il.

Le politologue Bréhima Mamadou Koné partage le même avis. Pour lui, on ne peut pas établir de lien direct entre cette dissolution de la CMAS et les  rencontres de l’Imam Dicko en Algérie, non appréciées pas les autorités de transition. « Mais ce qui est évident, c’est que beaucoup d’observateurs, aussi bien que les autorités de la Transition, se sont  interrogés sur les réelles motivations qui ont fait que l’Imam, qui  n’est ni une autorité politique, ni administrative du Mali, ait été reçu par les autorités algérienne pour parler du Mali », glisse-t-il.

Dans une vidéo enregistrée le 25 décembre 2023, Mahmoud Dicko avait démenti toutes les accusations portées sur lui dans le cadre de son déplacement en Algérie, expliquant que les groupes armés rebelles ainsi que les autorités de transition avaient été tous conviés en même temps que lui par le Président algérien.

« J’ai compris à mon arrivée en Algérie que les représentants de Bamako devaient aussi venir. Mais ayant appris que j’étais invité et que je venais aussi, ils ont donc annulé leur déplacement pour ensuite me tendre un piège. À mon arrivée, ils ont annoncé qu’un imam du pays était actuellement en Algérie, qu’il s’entretenait avec les groupes armés rebelles et leur distribuait de l’argent », avait révélé l’Imam Dicko.

« Moi, je ne peux pas être de ceux qui trahissent notre pays. Pour quel intérêt trahirais-je le Mali ? (…) Dieu sait que je ne trahirai jamais mon pays, car je lui dois tout ce que je possède », avait-il ajouté.

Retour « avorté » ?

Même si dans sa vidéo du 25 février 2024, où il annonçait son retour imminent au Mali, l’Imam Mahmoud Dicko n’avait pas précisé de date, le fait qu’il soit directement  incriminé dans la dissolution récente de la CMAS pourrait l’amener à revoir ses plans de retour au pays, au risque, selon certains analystes, de se « jeter dans la gueule du loup ».

« Il me semble clair que par prudence l’Imam ne reviendra pas dans ce contexte aujourd’hui, quand on sait que les militaires peuvent l’interpeller à tout moment. À mon avis, il risque de prolonger encore son séjour algérien un certain temps », confie un analyste qui a requis l’anonymat.

Mais pour Bréhima Mamadou Koné, le retour annoncé au Mali de l’Imam Dicko n’est pas pour autant compromis, parce que « malgré tout ce qui peut être dit, aujourd’hui aucun mandat d’arrêt international n’a été émis contre lui et les autorités n’ont jamais signifié dans leur communication qu’il serait poursuivi par la justice dès son retour au Mali ».

Toutefois, nuance le politologue, l’Imam Dicko  pourrait être entendu par la justice sur  les contours de son séjour en Algérie, où il a été reçu par les autorités algériennes pour parler de l’Accord pour la paix « alors qu’il n’est pas une autorité officielle pour aller porter la voix du Mali ». « Cela peut constituer une charge contre lui, mais pour le moment le gouvernement ne s’est pas prononcé sur la question ».

Timing interrogateur

La décision de dissolution de la CMAS est intervenue 10 jours après l’annonce du retour de l’Imam Mahmoud Dicko au pays, alors que cette association, qui est entre-temps devenue d’ailleurs le fer de lance de la « Synergie d’action pour le Mali », qui s’oppose clairement à la transition, s’apprêtait à lui réserver un accueil en grande pompe.

Les autorités de transition ont-elles voulu couper l’herbe sous les pieds de toute contestation populaire naissant avec la « bénédiction » de l’Imam Dicko, principale figure de proue de la chute du précédent régime ? Pour notre interlocuteur, la réponse est positive. « La Synergie d’action pour le Mali projetait d’organiser des manifestations pour demander une transition civile. Si l’Imam revenait et se mêlait à la danse en appelant à la mobilisation aujourd’hui, dans un contexte où de plus en plus de Maliens semblent à bout par rapport à la crise énergétique que les autorités de transition n’arrivent pas à résoudre, cela risquerait de troubler le sommeil des autorités actuelles. Je pense que tout cela a plus ou moins pesé dans le timing de l’annonce de la dissolution de la CMAS », avance-t-il.

CMAS : le gouvernement annonce la dissolution de la coordination

Au cours du conseil des ministres de ce mercredi, le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation le Colonel Abdoulaye Maiga, a annoncé la dissolution de la « Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de l’Imam Mahmoud DICKO (CMAS) ».

Pour cause, selon le compte rendu du conseil, depuis un certain temps, la CMAS s’adonne à des activités contraires à ses objectifs de départ et à son statut. Selon le Chef de l’Administration territoriale, la CMAS, créée en vue d’œuvrer pour la stabilité et la paix sociales, s’est transformée en un véritable organe politique de déstabilisation et de menace pour la sécurité publique suite au « léger » report de l’élection présidentielle.

Il est reproché également au parrain de la CMAS, l’imam Mahmoud Dicko, de s’adonner clairement à des activités subversives susceptibles de troubler l’ordre public.

Cette dissolution fait également suite à des récentes visites à l’extérieur de l’Imam Dicko et ses rencontres
officielles avec des personnalités de puissances étrangères sur des questions d’intérêt national sans l’autorisation des autorités du Mali. Cette circonstance, selon le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, constitue un manquement aux dispositions statutaires de la CMAS et une atteinte aux intérêts supérieurs du pays selon le communiqué.

La dissolution intervient également alors que le retour de l’imam Dicko à Alger depuis plusieurs semaines est annoncé pour bientôt. Pour certains analystes, c’est un avertissement qui lui est lancé. La CMAS a réagi dans la foulée, assurant ne pas être surprise et appelant ses membres à garder leur calme en attendant que la décision leur soit formellement notifiée. Les dissolutions d’association deviennent récurrentes.  Pour rappel, L’ Observatoire pour les Élections et la Bonne Gouvernance et l’Association  Solidarité pour le Sahel (SOLSA), ont été également dissoute.

La dissolution la plus récente est celle de, L’association Kaoural Renouveau qui a été dissoute le mercredi dernier lors du conseil des ministres. L’association est accusée d’avoir orchestré une campagne de dénigrement contre la transition en place. Le président de l’association aurait tenu des propos diffamatoires et subversifs visant à discréditer les autorités et à semer le trouble dans l’ordre public.

La commission nationale des droits de l’Homme CNDH se dit préoccupée face aux menaces sérieuses pesant sur l’exercice de certains droits civiques et politiques, notamment la liberté d’association. Elle s’indigne contre la tendance systémique de dissolution et/ou de suspension de partis politiques et/ou d’associations.

Elle a par ailleurs rappelé les responsabilités de l’État sur la protection des citoyens, et sur la garantie des libertés fondamentales comme la liberté d’association, conformément à la réglementation, en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance.

Transition : une opposition se dessine

Le report sine die de la présidentielle de février 2024 semble être celui de trop. Soulevant une vague d’indignation et de refus au sein de la classe politique et de la société civile depuis son annonce le 25 septembre dernier, il pourrait être le déclencheur d’un nouveau train « d’opposants » à la Transition.

C’est loin d’être une surprise. Le report de l’élection présidentielle continue de faire des remous et de donner un regain nouveau à plusieurs entités politiques et de la société civile. En réaction à l’annonce du report de la présidentielle, le 25 septembre dernier, une « décision unilatérale des autorités de la Transition qui renvoie de facto à une autre prorogation de la Transition », qu’elle a condamnée, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS), avait décidé de « mobiliser tous ses militants, sympathisants et autres pour organiser dans les meilleurs délais la tenue d’actions patriotiques pour exiger la mise en place d’une transition civile, seule voie pour sauver la République »

Pour Youssouf Daba Diawara, Coordinateur général de la CMAS, selon des propos relayés par l’AFP, « cela fait plus de trois ans que la gestion de la Transition est confiée à des autorités militaires. Hélas, les raisons pour lesquelles le peuple malien est sorti pour combattre le régime de Ibrahim Boubacar Keïta n’ont pas pu être atteintes. Pour la CMAS, la faute incombe aux tenants du pouvoir ».

La CMAS a annoncé dans la foulée la tenue d’une marche le 13 octobre 2023 pour demander la mise en place d’une transition civile. L’annonce de cette marche a suscité de nombreuses réactions. En réponse, le Collectif pour la défense des militaires (CDM), soutien affiché des autorités de la Transition, a rendu publique l’organisation d’un meeting à la même heure et avec presque le même itinéraire. Face au risque de confrontation et suite à une mission de « bons offices » menée par le Président du Haut Conseil Islamique, Ousmane Madani Haidara, Mahmoud Dicko a finalement demandé à ses partisans d’annuler leur manifestation. Selon nos informations, le gouverneur n’a pas donné son autorisation pour la tenue de ces deux manifestations.

D’après des analystes, même avec l’annulation, l’Imam Mahmoud Dicko a réussi son pari en captant pendant plusieurs jours l’attention des autorités et des Maliens. Les relations de l’Imam ne sont plus au beau fixe avec les autorités de la Transition depuis la prise de pouvoir du Colonel Assimi Goïta. L’ex « autorité morale », qui était très influente lors des premières heures de la Transition, a été écarté. Une mise à l’écart qui lui a laissé un goût amer. Même s’il s’astreint à un certain silence, il arrive à l’Imam Dicko de lancer des piques, comme lors du forum de Bamako en 2022 ou encore deux jours avant la tenue du scrutin référendaire, lorsqu’il a harangué des partisans du non. Un analyste politique qui a requis l’anonymat ajoute : « le fait que les autorités de transition aient discuté avec la CMAS et obtenu l’annulation de la manifestation démontre qu’elles ne minimisent pas la capacité de mobilisation des partisans de l’Imam Dicko, même si cela ne peut plus atteindre les proportions d’il y a quelques années contre le régime d’IBK ».

À en croire Jean-François Marie Camara, enseignant – chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques (FSAP) de l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB), la posture actuelle de la CMAS n’est pas surprenante.

« Lorsqu’une transition dure trop, cela crée un sentiment de monotonie qui peut entrainer des frustrations. Et quand les élections sont toujours repoussées, il est normal d’aboutir à de tels mouvements. Il revient aux autorités de la Transition de revoir leur copie », affirme-t-il.

Bloc « anti-prolongation » ?

Si jusque-là la Transition n’a pas fait face à une véritable opposition, cette nouvelle prolongation va changer la donne. À la marche de la CMAS étaient attendus des membres de l’Appel du 20 février, dont les principaux responsables, les magistrats Cheick Chérif Koné et Dramane Diarra, ont été récemment radiés de la magistrature. Cette nouvelle opposition germe alors que les tensions se cristallisent autour de la situation sécuritaire, du report de la présidentielle, de la vie chère et des nombreuses arrestations.

« Le Parena est dans la dynamique de constitution d’un bloc contre le report et pour la non candidature des tenants de la Transition », confie Diguiba Keita dit PPR, Secrétaire général de la formation politique de l’ancien chef de la diplomatie malienne Tiébilé Dramé.

« Il est fort probable qu’un bloc puisse se former contre les autorités de la Transition. Si elles ne parviennent pas à créer un climat de dialogue avec l’ensemble des forces vives de la Nation ou à organiser une table-ronde avec la classe politique et la société civile, cela peut créer d’autres tensions pouvant aboutir à des manifestations », met en garde pour sa part Jean-François Marie Camara.

Mais, selon certains observateurs, une opposition à la Transition aujourd’hui aurait du mal à peser contre les autorités actuelles, engagées dans la « reconquête » de tout le territoire national. Un objectif dans « lequel beaucoup de Maliens se retrouvent ». D’ailleurs, le Cadre d’échanges des partis et regroupements de partis politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel, qui était considéré comme un « opposition » à la Transition, n’a jamais réussi à faire tourner le rapport de forces à sa faveur. Il s’est par la suite effrité. La Coordination des organisations de l’Appel du 20 février pour sauver le Mali a semblé un moment prendre le relais, sans grand impact non plus.

Si un éventuel nouveau front d’opposition à la prolongation de la Transition pourrait réunir tous les partis politiques ou organisations de la société civile qui se sont prononcés contre le report de la présidentielle, il pourrait dès le départ être confronté à un manque d’unanimité autour des exigences vis-à-vis de la Transition.

En effet, au moment où certains prônent la tenue pure et simple des élections selon le chronogramme initial, d’autres optent plutôt pour la mise en place d’abord d’une transition civile qui organisera plus tard les élections.

« Le Parena ne maîtrisant pas le contenu de la transition civile, se limite à une demande, voire une exigence de respect du calendrier annoncé et s’oppose à un report des élections », clarifie le Secrétaire général du parti du Bélier blanc.

Positions tranchées

La CMAS a été jusque-là la seule à vouloir organiser des manifestations contre la prolongation de la Transition, en demandant la mise en place d’une transition civile. Mais plusieurs autres partis ou regroupements de partis politiques et organisations de la société civile se sont eux aussi érigés contre le report de la présidentielle, initialement prévue en février 2024.

Dans un communiqué au ton particulièrement virulent en date du 25 septembre, le parti Yelema a mis les gouvernants en garde sur « les risques qu’ils font peser sur notre pays dans leur approche solitaire, non consensuelle, non inclusive, pour des objectifs inavoués ». Pour le parti de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, cette nouvelle prolongation, en plus de violer la Charte de la Transition, « n’a fait l’objet d’aucune discussion interne entre les forces vives et ne saurait être une décision consensuelle ». Beaucoup de partis craignent que léger report ne devienne finalement « indéfini », alors que la Transition s’achemine déjà vers ses quatre ans, et que cette énième prorogation n’isole encore plus le Mali.

La Ligue démocratique pour le changement, de son côté, tout en désapprouvant et en condamnant sans équivoque cette « tentative de prise en otage de la démocratie malienne », a invité le gouvernement à renoncer à son projet et à « organiser l’élection présidentielle au mois de février 2024 comme déjà proposé aux Maliens et convenu avec la communauté internationale ». « Face à l’enlisement évident de la Transition, la Ligue démocratique pour le changement fait appel à tous les Maliens, en particulier les acteurs politiques, à œuvrer pour l’organisation de l’élection présidentielle comme prévu, pour un retour à l’ordre constitutionnel », a écrit le parti de l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Moussa Sinko Coulibaly, dans un communiqué, le 26 septembre.

La Coordination des organisations de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali plaide elle aussi pour la mise en place d’une transition civile. Lors d’une conférence de presse, le 30 septembre, elle a invité « les démocrates et républicains de tout bord et de tout horizon à rester mobilisés et debout comme un seul homme au secours du Mali en détresse jusqu’à l’installation d’une transition civile plus responsable, consciente de ses missions ».

Le M5-RFP Mali Kura, pour sa part, après avoir dénoncé cette décision « unilatérale », a rappelé « l’impérieuse exigence de respecter les engagements dans la mise en œuvre du chronogramme devant aboutir au retour à l’ordre constitutionnel ». Le ton est un peu plus mesuré au Rassemblement pour le Mali (RPM), qui a exprimé sa « profonde inquiétude et son étonnement de voir que le cadre de concertation mis en place pour un dialogue entre le gouvernement et les partis politiques n’ait pas été impliqué dans le processus de cette importante décision ».

Issa Kaou N’Djim : un prolixe désormais très taiseux

Anciennement Coordinateur général de la CMAS, membre actif du Comité stratégique du M5-RFP puis 4ème Vice-président du Conseil national de Transition (CNT), Issa Kaou Djim n’occupe plus aucune de ces fonctions aujourd’hui. Celui qui était très prolixe s’astreint désormais à un silence qui interroge.

Opposant comme proche du pouvoir, Issa Kaou Djim est l’un des rares hommes politiques maliens qui a toujours « farouchement » dénoncé ce qu’il considérait comme « déboires ». Comme en octobre 2021, où le gendre de l’Imam Mahmoud Dicko, bien qu’alors fervent partisan du Président de la transition, Assimi Goïta, n’a pas hésité à faire part de son désaccord via les médias sociaux sur la méthode utilisée par les autorités de transition pour le renvoi du représentant de la CEDEAO au Mali, Hamidou Boly, accusé d’être « impliqué dans des activités de déstabilisation contre la Transition ». En outre, le commerçant s’est toujours montré intransigeant contre l’instauration d’un bras de fer entre le Mali et la CEDEAO. Ces prises de positions, ajoutées à son « acharnement » contre le Premier ministre Choguel Kokala Maïga, qu’il considérait comme la source principale de « l’isolement diplomatique » du Mali, lui ont d’ailleurs valu, après un court séjour en prison, d’être condamné en décembre 2021 à 6 mois de prison avec sursis et à payer 500 000 francs CFA d’amende pour « atteinte au crédit de l’État et injures commises via les réseaux sociaux ». Pire, le 4ème Vice-président du CNT a été éjecté de l’organe législatif de la Transition le 9 novembre 2021 via un décret de « l’imperturbable Assimi Goïta », comme il aimait lui-même nommer le Président de la Transition. Son passage en prison, où on ne lui a pas fait de « cadeaux », l’a beaucoup marqué. Depuis, Issa Kaou Djim a pris ses distances avec la politique malienne. Après quelques brèves apparitions en décembre 2021 auprès du désormais Cadre des partis pour un retour à l’ordre constitutionnel et sur quelques médias sociaux mi-2022, le cinquantenaire a de nouveau choisi la discrétion.

« Il ne veut plus être l’agneau qu’on sacrifie », indique un analyste politique proche de lui. « À la CMAS et au M5-RFP, il prenait les coups pour l’Imam Dicko. De même, étant au CNT et bien qu’il pouvait se contenter de son poste, il a en quelque sorte apporté son soutien aux politiciens qui sollicitaient le départ du Premier ministre Choguel Kokala Maïga. Au final, par naïveté ou envie de bien faire, il a peut-être hypothéqué son avenir politique. Il lui fallait donc du recul pour mieux analyser la situation », explique l’analyste.

Silence radio                  

Le natif de Bagadadji partage à présent sa vie entre Lafiabougou Taliko, où il vit avec sa famille, et son Centre islamique Allah Kama Ton, un centre de formation coranique pour les jeunes et les femmes. « À part cela, il reste à la maison au calme et, de temps en  temps, il se renseigne sur ses activités que gère son grand frère au marché », confie un autre de ses proches, selon lequel, malgré son retrait actuel de la vie politique, « ses relations avec son beau-père, l’Imam Dicko, restent toujours tendues ».

Son parti, l’Appel citoyen pour la réussite de la Transition (ARCT), est aussi au point mort. « Il n’existe plus que de nom. Nous ne tenons plus de réunions et il n’y a pas plus d’activités de la part du parti », déplore un militant du mouvement politique. Contacté par Journal du Mali, le Secrétaire général de l’ACRT, Soya Djigué, n’a pas souhaité s’exprimer sur la vie du parti, préférant que l’on s’en « réfère directement au Président Kaou Djim ». Silence radio au niveau de ce dernier également.

Selon l’analyse politique Amadou Touré, « il était prévisible que l’ACRT ne pouvait plus continuer à exister puisqu’il a été créé par Kaou Djim dans l’espoir de soutenir une potentielle candidature du Colonel Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle, même si, au sein du parti, on essaie de prétendre le contraire. Les relations des deux hommes n’étant plus au beau fixe, l’organisation politique est destinée à disparaître ». Tout comme la carrière politique d’Issa Kaou Djim?

Mali-Seydou Oumar Cissé : « Il n’y a pas deux CMAS »

La Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS) traverse une crise sans précédent. Des membres du Bureau exécutif national ont fait scission et débarqué le Coordinateur général Issa Kaou N’djim. Depuis, le bras de fer continue. Seydou Oumar Cissé, Secrétaire politique du nouveau Bureau exécutif national, revient pour Journal du Mali sur les motivations et les perspectives.

Pouvons-nous dire qu’il y a aujourd’hui deux CMAS ?

Beaucoup de gens parlent ci et là, mais rassurez-vous, il n’y a pas deux CMAS mais une seule. Elle travaille en étant guidée par les idéaux de l’Imam Mahmoud Dicko et est dirigée par le nouveau Coordinateur Youssouf Daba Diawara, que tout le Bureau exécutif et les coordinateurs des régions et des communes soutiennent aujourd’hui.

Comment en sommes-nous arrivés à cette crise ?

Nous en sommes arrivés là par la cupidité d’un homme qui pensait être l’Alpha et l’Omega d’un groupe au nom duquel il parlait, sans consultations. C’est un homme qui a mis un mouvement en place non pour soutenir la transition mais pour soutenir une personne, en l’occurrence le Vice-président Goïta. Nous, nous sommes dans la logique de soutenir la transition, mais avec les idéaux de l’Imam Mahmoud Dicko. C’est tout cela qui nous a poussé à nous défaire de cet homme, qui a violé tous les textes de la CMAS.

L’homme dont vous parlez, Issa Kaou Djim, juge que vous êtes dans un processus illégal et illégitime. Que répondez-vous ?

Nous connaissons tous les textes. Nous avons des juristes parmi nous et d’autres intellectuels. Dans ses dernières sorties médiatiques, il nous demande de mettre les formes dans ce que nous avons fait, d’aller le voir comme pacha et de lui adresser une lettre lui demandant de partir de la coordination. Nous lui répondons non. Il ne nous a pas respectés quand il prenait ses décisions unilatéralement. S’il pense qu’être membre du CNT est une sommet, nous autres ne sommes pas dans cette dynamique.

Qu’avez-vous en perspective ?

D’abord, nous allons disséminer le manifeste de l’Imam Mahmoud Dicko, qui n’a aucune ambition présidentielle, contrairement à ce que prétendent certains. Ensuite, nous procéderons à la mise en place des structures CMAS à l’intérieur du pays et à l’international. Nous allons également réclamer justice pour les victimes des manifestations des 10,1 1 et 12 juillet 2020. Le début du mois de Ramadan est probablement prévu pour le 13 avril. Et d’ores et déjà la vie coûte cher. C’est pourquoi aujourd’hui la CMAS va rencontrer les autorités de la transition pour qu’elle revoie le prix des denrées de première nécessité.

Propos recueillis par Boubacar Diallo

 

M5-RFP : l’implosion

Le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) n’est plus aussi uni que le laissent paraître certains membres de son Comité stratégique. La divergence fondamentale de vues sur l’attitude à adopter vis-à-vis de la transition et du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) agite ce mouvement hétéroclite, dont les composantes se positionnent aujourd’hui selon leurs intérêts propre, l’objectif commun de la démission de l’ex-président IBK étant atteint. Alors qu’une partie du Comité stratégique se démarque de la Charte de la transition, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’Imam Dicko, entité importante du mouvement, s’inscrit dans une dynamique d’accompagnement du CNSP et certaines autres composantes du M5 adhèrent à cette vision.

« Ceux qui étaient opposés au changement, ce sont eux qui se sont ligués contre ceux qui se sont battus pour le changement. Nous n’accepterons pas cela. Nous continuerons de mener notre combat sereinement, de façon démocratique, jusqu’à ce qu’on nous entende. Ceci n’est pas acceptable. J’espère que les organisateurs de ces concertations nationales vont se ressaisir, qu’ils vont remettre ce document en débat et que nous pourrons en débattre sereinement », s’est offusquée Mme Sy Kadiatou Sow, très remontée à la fin de la Concertation nationale sur la transition, le 12 septembre 2020 au CICB.

Cette position été officialisée dans la foulée par un communiqué du Comité stratégique du M5-RFP, qui affirme : « le document final lu lors de la cérémonie de clôture n’était pas conforme aux délibérations issues des travaux des différents groupes » sur certains points, notamment le choix majoritaire d’une transition dirigée par une personnalité civile  et celui d’un Premier ministre civil également.

Le M5-RFP a également condamné « la non prise en compte unilatérale de très nombreux points du document qui n’avaient fait l’objet ni de rejet ni même de réserves dans aucun groupe » et s’est par conséquent démarqué du document final, qui ne  « reflète pas les points de vue et les décisions du peuple malien ».

« La volonté d’accaparement et de confiscation du pouvoir au profit du CNSP ne saurait justifier les méthodes employées, qui affaiblissent le processus de transition », s’est indigné le M5.

La CMAS satisfaite

Entièrement opposé à l’attitude du Comité stratégique du M5, Issa Kaou Djim, Coordinateur général de la CMAS et membre de ce comité, affirme être satisfait du document. « Le M5-CMAS se reconnait dans ce qui a été adopté. C’est une satisfaction et un soulagement », a-t-il clairement signifié au sortir des travaux.

Selon lui, aujourd’hui, les forces ont des intérêts qui ne sont pas convergents, pour des raisons évidentes. « Les partis politiques ont la prétention d’arriver aux affaires, les syndicats veulent faire aboutir les revendications de leurs adhérents et les religieux doivent jouer leur partition. Mais le peuple malien s’est battu pour une raison simple, que les choses changent, et aujourd’hui je pense que le CNSP doit fédérer tout le monde pour faire aboutir cette revendication ».

La veille, déjà, il avait annoncé la « mort » du M5-RFP, n’acceptant pas que les politiques du mouvement se mettent dans des calculs politiciens que la CMAS ne saurait tolérer. Des propos sur la « belle mort » du M5-RFP qu’il nous a réitérés, prenant à témoin une déclaration de l’URD en date du 14 septembre indiquant « prendre acte des conclusions issues des concertations nationales sur la transition ».

« Si l’URD, qui est la colonne vertébrale du FSD (Front pour la sauvegarde de la démocratie), dit prendre acte des décisions issues des concertations nationales, c’est  que le parti les valide. Si vous enlevez l’URD du FSD il ne reste plus grand-chose. Le MPR et le CNID n’ont pas eu d’importants suffrages lors de la présidentielle. Ce n’est pas ça, le peuple », tacle celui qui était surnommé le N°10 du M5.

« Personne ne peut contester qu’aujourd’hui la majorité des Maliens est d’accord avec la Charte de la transition », clame-t-il, avant d’ajouter « on ne peut pas rester dans une posture de contestation, rien que pour contester, alors qu’il y a des urgences ». À l’en croire, la CMAS se démarque de cette position d’une partie du M5-RFP.

Ensemble mais « opposés »

La plateforme Espoir Mali Koura (EMK), membre fondateur du M5-RFP, n’a pas encore, selon son porte-parole Pr. Clément Dembélé, consulté sa base en Assemblée générale, comme c’est sa règle, pour dégager une  position officielle sur la Charte. Mais elle a  démenti une information d’une chaine de radio étrangère imputant à son Coordinateur,  Cheick Oumar Sissoko, un soutien au document adopté.

Toutefois, ce dernier n’a pas été aperçu aux côtés de ses collègues du Comité stratégiques du M5 lors du point de presse du 15 septembre, au siège de la CMAS. Point de presse dont se sont également absentés Issa Kaou Djim, Mohamed Ali Bathily, Oumar Mariko ou encore Clément Dembélé.

Ce dernier, se prononçant personnellement, sans engager la plateforme EMK, partage la vision de la CMAS portée par Issa Kaou Djim. « La CMAS ne veut pas entrer dans un jeu de manipulation par les politiques. Je pense qu’il faut respecter cette vision de dialogue et de paix et non les calculs politiciens consistant à utiliser le M5 comme ascenseur pour atteindre des objectifs personnels par tous les moyens », indique t-il.

« Le M5 n’est pas la propriété politique de certains. Il représente le peuple malien et nous ne laisserons personne en faire une récupération personnelle pour des calculs opportunistes. Que ceux qui pensent que le M5 est un moyen d’accéder au pouvoir, attendent les élections  pour y parvenir, c’est aussi simple que cela », prévient –il.

À en croire Clément Dembélé, Issa Kaou Djim est toujours dans l’esprit philosophique de base du M5, qui consistait à faire partir IBK et à travailler dans un cadre organisé pour faire des propositions de solutions pour une sortie de crise honorable au Mali.

« Jamais il n’a été question de dire qu’après IBK nous devions occuper les postes et que nous devions continuer à remplir les rues pour contester à chaque fois et menacer de bloquer la bonne marche des choses », rappelle Pr. Dembélé.

Mais le Comité stratégique du M5-RFP, en prenant ces positions « courageuses et patriotiques, qu’il assume », n’entendait ni rompre ni entrer en conflit avec le CNSP, qui, encore une fois, a « parachevé la lutte qu’il a engagée pour obtenir la démission de M. Ibrahim Boubacar Keita et de son régime ».

Jeu d’intérêts

Pour l’analyste politique Khalid Dembélé, les divergences de position qui secouent le M5-RFP sont le fruit de son hétérogénéité, symbole de plusieurs tendances internes. Selon lui, les partis politiques qui le composent savent qu’ils ne peuvent pas conquérir le pouvoir ensemble et le fait de se démarquer par des déclarations çà et là s’inscrit dans le jeu politique normal.

« Chacun essaye, selon l’intérêt de son parti, de se tracer un chemin propre, pour avoir une assise en vue des futures échéances électorales », pense M. Dembélé, qui est par ailleurs très sceptique sur la disparition du M5. « Cela m’étonnerait beaucoup que le M5-RFP disparaisse. Cela peut arriver dans une année, peut-être, mais aujourd’hui ils ont tous intérêt à le garder, ne serait-ce que pour maintenir un peu de pression sur le CNSP », soutient-il.

D’ailleurs, pour Mme Sy Kadiatou Sow, très convaincue du fait, même secoué par des divergences internes, le mouvement survivra assurément. « C’est au moment où tout le monde pense que le M5-RFP est au bord de l’implosion qu’il surprend le plus, en montrant qu’il est plus uni que jamais ».

Pr. Clément Dembélé : « IBK ne laisse pas d’autre choix au peuple »

Le mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces patriotiques (M5-RFP) continue de mettre la pression sur le président Ibrahim Boubacar Keita et son régime. Après avoir changé de stratégie en élaborant un mémorandum, le comité stratégique du M5-RFP appelle de nouveau les Maliens à manifester ce vendredi 10 juillet 2020 pour exiger le départ d’IBK. Professeur Clément Dembélé, l’un des porte-parole du M5 répond aux questions du Journal du Mali.

                                                

Après l’échec de la rencontre avec le Président de la République, quel sera le mot d’ordre de la manifestation que vous organisez ce vendredi 10 juillet 2020 ?

Nous revenons à la case de départ qui est la démission d’Ibrahim Boubacar Keita. Mais il faut d’abord rappeler la sagesse de l’imam Mahmoud Dicko que nous avons entendu. Nous avons écouté cette sagesse avec beaucoup d’attention. Nous avons accepté, sur sa demande et son conseil, de renoncer momentanément à la démission d’IBK et de poser d’autres revendications tout,  en respectant les médiations des grandes personnalités qui sont tous intervenus pour dire qu’ils comprennent notre revendication qui est légitime mais nous ont convié à enlever juste la démission du président IBK et de trouver une autre formule. Celle que nous avons trouvé c’est cela que nous avons proposé à l’imam sur sa demande et que nous lui avons remis pour qu’il le dépose auprès d’IBK. Ce n’est pas trop demander quand on sait qu’au préalable nous exigions la démission d’IBK et de l’ensemble de son régime. Maintenant qu’IBK n’a pas accédé à ces demandes, nous n’avons pas le choix. IBK ne laisse pas d’autre choix au peuple que de sortir ce vendredi pour la désobéissance civile, dire non à l’atteinte de la forme de la République parce que cette forme c’est la stabilité, la sécurité, la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance. Nous savons très bien que ces éléments ne sont pas réunis aujourd’hui et cela nous oblige à sortir le peuple malien pour demander simplement la démission d’IBK parce qu’il n’est pas celui qui écoute le peuple malien, qui entend la voix du peuple malien. C’est ce qui explique la sortie de ce vendredi 10 juillet. Nous allons demander à IBK de rendre aux Maliens ce qui leur appartient, c’est-à-dire le pouvoir du peuple malien.

Vous appellez désormais le peuple à la désobéissance civile. Croyez-vous en une adhésion massive à cet appel sur la durée ?

La désobéissance civile sera suivie parce qu’elle sera graduelle. Elle évoluera au fur et à mesure. Nous commençons le vendredi et la chose la plus importante pour nous c’est de mener cette désobéissance civile dans un cadre pacifique, légal et républicain. Nous ne voulons pas une désobéissance civile qui s’inscrit dans la violence. La violence est contraire à l’éthique du peuple malien. Le Mali n’a pas aujourd’hui besoin de violence. Mais cette désobéissance civile, nous allons laisser le peuple l’exprimer et la mener dans la paix et dans la sérénité mais montrer au pouvoir que désormais IBK n’a plus la main sur ce peuple et sur le Mali. La désobéissance civile sera suivie parce que le peuple malien est trop fatigué. Il est trop abandonné par ce pouvoir. Ce peuple a besoin de dignité,  d’honneur et de se retrouver. Il va donc exprimer sa solidarité, son enthousiasme, sa vigueur et sa détermination à se débarrasser d’un régime de corrompus, qui n’a  cessé de mentir et de piétiner la dignité du peuple malien. Elle sera suivie parce que la survie même du peuple malien en dépend. Aujourd’hui pour redresser le Mali, il faut le faire avec la vérité et la franchise qui ne sont pas du tout dans le camp de ce régime.

Jusqu’où ira le mouvement ?

Le mouvement est prêt à aller jusqu’au bout. Nous nous inscrivons dans la logique du peuple malien. C’est le mouvement du peuple qui aspire aujourd’hui à une bonne gouvernance, à la redevabilité et à la transparence. Vous savez, en 1991 la promesse sur la démocratie était basée sur la bonne gouvernance, la transparence, la lutte contre la corruption. Cela n’a pas été le cas. Le peuple a été dupé, trébuché dans la boue de la déchéance, de la honte, de l’indignité et de l’indignation pendant 30 ans. Aujourd’hui ce peuple se lève comme un seul homme. Il se dresse contre tous les maux de ce pays que constituent la corruption, l’injustice, l’insécurité, la magouille, la gabegie et autres. Le peuple malien va se débarrasser de ces maux pour que l’an zéro du Mali démarre avec une nouvelle génération. Certes, certains d’entre nous ont travaillé avec le régime mais quand ils ont compris que ce régime n’avait pas la solution du Mali, ils sont partis pour revenir dans la case de la vérité et de l’honneur. Cela est à saluer. Ils ne sont pas venus pour reprendre le pouvoir et moi je suis sûr et persuadé qu’ils ne sont pas venus pour prendre la place des jeunes. Ils vont les accompagner, les protéger, leur permettre d’avoir leurs places et de diriger ce pays. C’est cet ensemble qui se lève aujourd’hui pour mettre fin au régime et permettre aux Maliens d’avancer ensemble.

L’imam Mahmoud Dicko soutient-il le retour à l’exigence de la démission d’IBK quand on sait qu’il a essentiellement œuvré pour que vous l’abandonniez ?

L’imam Mahmoud Dicko est l’autorité morale. Nous l’avons choisi pour nous accompagner, pour recadrer les choses en cas de dérapage. L’Imam Dicko est très inquiet aujourd’hui. Il est inquiet pour le M5, il est inquiet pour le Mali. Il reste toujours celui qui prône la paix et la stabilité. Il nous a toujours dit de revendiquer nos droits mais de façon pacifique, démocratique et légitime. Il y a  seulement quelques jours nous l’avons rencontré et il nous a exprimé cette inquiétude, de faire tout pour ne pas répondre aux provocations, de rester Républicains, pour sauvegarder la laïcité, rester dans le principe légal et de ne pas tomber dans la violence. Aujourd’hui plus que jamais Mahmoud Dicko est solidaire au M5-RFP, à la paix et la stabilité du Mali. Il n’a jamais appelé à la violence. Cette autorité morale nous permet de gagner du terrain, de nous faire comprendre par les Maliens, et d’avoir une grande dimension. Pour cela, je tiens personnellement à le remercier, ainsi qu’au nom du M5 et du peuple malien, pour sa souplesse, sa disponibilité, la profondeur de sa sagesse. Nous restons avec Mahmoud Dicko jusqu’au bout, et ce bout c’est de donner cette  libération au peuple malien dont il a vraiment droit. Nous disons qu’entre Mahmoud Dicko et le M5, c’est une famille qui va durer toute la vie parce qu’il n’a fait que prôner ce que nous voulons, c’est à dire un Mali libre, uni, intègre et souverain.

Issa Kaou N’djim : Assurément Dicko

Lorsque l’Imam Mahmoud Dicko quitte la présidence du Haut conseil islamique du Mali (HCI), en avril 2019, peu d’observateurs croient à une « retraite anticipée » du sexagénaire. Ils ne tarderont pas à être édifiés avec la création de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam (CMAS). À sa tête, Issa Kaou N’djim, son ancien fidèle porte-parole. Celui qui revendique haut et fort les idées et la vision de Dicko entend jouer pleinement sa partition dans l’édification d’un Mali nouveau, même si ce rôle reste encore à définir.

« Ce serait un gâchis que de voir une grande personnalité, avec toutes ses  capacités et ce qu’elle a apporté au pays », devenir juste l’ancien Président du HCI, se justifiait M. N’djim à  la création de la CMAS, en décembre 2019. Le mouvement a été mis en place sous le leadership et avec « la bénédiction et l’adhésion » de Dicko, qui « a inspiré très tôt » Kaou N’djim.

Au-delà de ses « très bonnes relations » avec l’Imam, qu’il a connu il y a environ 20 ans et dont il est le gendre depuis 2, Kaou N’djim décrit le rôle important que peut jouer le leader religieux. Outre ses connaissances théologiques, il connaît la société et son fonctionnement.

Une expérience dont il profitera après la création de son association, Allah Kamaton, en 2006. Elle œuvre dans l’enseignement de l’Islam, surtout en faveur des femmes et des enfants, afin de leur donner « les moyens d’être de bons pratiquants ». Une activité qui n’est pas du tout alimentaire, tient-il à préciser.

Conviction politique

N’djim n’aura pas l’occasion de poursuivre ses études au-delà du secondaire, en 1991, suite aux grèves estudiantines et sous la pression de son oncle, qui l’initie au commerce et dont il devient l’aide-comptable. Il continue néanmoins à se former en autodidacte et voyage à travers le monde. Afrique centrale, Europe, États-Unis ou Arabie Saoudite, il ramène de ses voyages une autre façon de voir et surtout d’envie « d’apporter sa modeste contribution ».

Même s’il dit y être entré par effraction et contre le gré de ses parents, son engagement en politique est de conviction et son tempérament sera peut-être plus modéré avec l’âge, estime M. Mohamed Kimbiri, qui l’a côtoyé au HCI.

À 54 ans, ce polygame, marié à 4 femmes et père de 23 enfants, est convaincu que les choses doivent et peuvent changer. Il affirme que son mouvement a pris position vu « les urgences », mais que la forme de son combat reste à déterminer. Sans doute à l’issue de la Conférence nationale la CMAS, prévue pour décembre 2020.

Boubacar Haidara: « Les intérêts de Mahmoud Dicko ont toujours été politiques »

Docteur en géographie politique, sciences politiques et chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM) de Sciences Po Bordeaux, Boubacar Haidara nous livre son analyse sur la CMAS et Mahmoud Dicko.

Ce virage politique ne s’est pas enclenché seulement avec la création de la CMAS. La CMAS est plutôt l’outil de perpétuation de l’engagement politique de Dicko depuis plusieurs années, lorsqu’il était le Président du Haut conseil islamique. La création de la CMAS répond, selon moi, au besoin pour l’Imam Dicko – qui a bien compris que sa force repose sur sa capacité à mobiliser – de s’adosser à une structure organisationnelle pour poursuivre ses combats, ceux qu’il a toujours menés.

La forte capacité de mobilisation dont il a toujours fait preuve lui suffit à peser sur la scène politique nationale.

L’alliance CMAS – groupements politiques peut-elle la parasiter ?

L’Imam Mahmoud Dicko a fondé sa notoriété sur les différentes luttes politiques qu’il a menées, notamment contre le Code de la famille, entre 2009 et 2011, la résolution de la crise depuis 2012, le refus de l’éducation sexuelle en 2019, etc. On constate donc que ses intérêts ont toujours été politiques. Il les justifie en affirmant qu’en tant que société majoritairement musulmane, les aspirations des Musulmans doivent nécessairement être prises en compte dans l’élaboration des politiques publiques.

Certains voient dans les positions actuelles de la CMAS une manipulation politique pour peser dans le choix des ministres à venir. Le cas échéant, cette proximité de Mahmoud Dicko avec des organisations purement politiques – dans ce cas précis les mouvements FSD et EMK – n’est en rien un fait nouveau pour qui s’intéresse un tant soit peu à l’actualité politique malienne. Les acteurs islamiques n’ont-ils pas contribué à porter au pouvoir le président actuel ? Ne l’a-t-il pas lui-même reconnu dans une apparition télévisée ?

Le communiqué conjoint du 26 mai 2020 du Mouvement Espoir Mali Koura (EMK), du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) et de la CMAS, ne fait que conforter l’Imam dans sa ligne : continuer à peser dans le paysage politique malien.

Certains trouvent que Kaou Djim va beaucoup trop loin. D’aucuns estiment même qu’il pourrait desservir Dicko…

Issa Kaou N’djim n’annonce pas de réorientation majeure dans la stratégie de Mahmoud Dicko. Simplement, il exprime ses idées en des termes plus véhéments et manque certainement du tact et de la finesse de son mentor.

Propos recueillis par Boubacar Sidiki Haidara

Législatives 2020 : Quel poids pour la CMAS de Mahmoud Dicko ?

Lancée en septembre 2019, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS) affiche désormais ses ambitions pour les prochaines échéances électorales, notamment les législatives de mars. Si l’influence et la popularité de l’imam de Badalabougou ne sont plus à démontrer, la CMAS parviendra-t-elle à peser dans les urnes ?

« Nous sommes en train de structurer ce mouvement. Nous avons dit clairement que c’était un mouvement politique, et un mouvement politique ce sont des ambitions politiques. Nous espérons avoir des candidats sur des listes, avec des partis politiques qui partagent nos valeurs », expliquait récemment à RFI Issa Kaou Djim, Coordinateur et porte-parole de la CMAS.

Son implantation d’ailleurs déjà commencé dans les six communes du District de Bamako, avant de s’étendre à l’intérieur du pays. Ne se positionnant ni dans la majorité ni dans l’opposition, le mouvement veut être une troisième voie pour l’électorat, appelé à élire de nouveaux députés pour les cinq prochaines années.

Quel poids ?

Pour Ballan Diakité, chercheur au CRAPES,  la CMAS de Mahmoud Dicko a toutes les chances de battre les partis politiques classiques lors des prochaines élections législatives.

« Un parti politique, c’est une organisation dans laquelle la société ou une partie de la société se reconnait. Mais, quand vous regardez les partis politiques au Mali depuis l’avènement de la démocratie, c’est un échec cuisant. Aujourd’hui, le marasme politique dans lequel se trouve le pays leur est en partie imputable », affirme-t-il.

« Cette situation a donné naissance à une crise de confiance chez les électeurs. Du coup, les yeux sont maintenant tournés vers les religieux, qui sont finalement les seules voix écoutées », ajoute -t-il.

Un avis qui n’est pas partagé par l’analyste politique Salia Samaké, pour lequel la CMAS de Mahmoud Dicko, toute seule, n’a pas de grandes chances de s’imposer lors des élections.

« Je ne crois pas que la CMAS puisse peser lourd aujourd’hui sur la scène politique. L’histoire de Sabati doit donner à réfléchir à tout le monde. En tant que religieux, l’Imam Dicko est incontournable, mais dans l’arène politique il fera face à d’autres facteurs, qui ne seront pas forcément à son avantage », soutient M. Samaké.

« Ils n’ont pas forcément quelque chose de nouveau à apporter, mais ils auront du poids  surtout en fonction des alliances qu’ils noueront avec les autres partis », relativise-t-il toutefois.

CMAS de Mahmoud Dicko : Qu’en pensent les acteurs religieux ?

Coordination des mouvements, associations et sympathisants de Mahmoud Dicko (CMAS). C’est le nom du nouveau mouvement politico-religieux en soutien à l’Imam de Badalabougou dont le lancement officiel est prévu pour le 7 septembre 2019 au Palais de la culture. Parmi les objectifs affichés, « trouver des solutions aux maux qui minent le Mali ». Pour beaucoup, l’Imam Dicko, dont les ambitions politiques vont grandissant, serait en train de se préparer pour les prochaines échéances électorales. Mais du côté des autres acteurs religieux, comment la CMAS est-elle perçue ?

« Si l’État malien trouve que cela ne pose pas de problèmes, qu’on peut être religieux et créer son parti politique religieux en même temps, pourquoi pas ? », s’interroge Thierno Hady Oumar Thiam, 2ème Vice-président du Haut conseil islamique du Mali (HCIM).

« Mais, en toute sincérité, si le gouvernement permet la création de ce mouvement politico-religieux, l’Imam Dicko va se voir à Koulouba. C’est son ambition et s’il peut bâtir ce pays sur des piliers solides, nous lui souhaitons bon vent », ajoute-t-il.

« Je sais que Dicko a des ambitions politiques depuis longtemps, alimentées par les partis politiques eux-mêmes, et qu’il y a même d’autres religieux qui se préparent à lui faire face, mais nous attendons le lancement officiel du mouvement pour nous prononcer », dit sous réserves Macky Bah, Président de l’Union des jeunes musulmans du Mali (UJMMA).

Un contrepoids au HCIM ?

Si l’Imam Dicko a attendu de quitter le HCIM avant de lancer son propre mouvement  politico-religieux, c’est peut-être parce que cette institution a toujours prôné une séparation de la sphère politique et de la sphère religieuse. Certains observateurs craignent que la CMAS ne devienne un contrepoids au HCIM, un avis que les acteurs religieux ne partagent pourtant pas.

« Le mouvement de Dicko ne nous gênera pas. Entre un mouvement politico-religieux et une association purement religieuse, il n’y a normalement pas de querelles. Mais quand les gens vont se mettre à faire des comparaisons entre les personnes de Dicko et de Haidara, il pourra y avoir des couacs entre les deux, mais pas entre les deux organisations », explique M. Thiam.

« La CMAS, au contraire, va renforcer les ambitions du HCIM, qui n’a pas pour mission d’accompagner le pouvoir », soutient pour sa part Mohamed Kimbiri, Président du Collectif des associations musulmanes du Mali.

Ce dernier jette d’ailleurs un regard très positif sur le mouvement, parce que, affirme-t-il, « cela renforce ma position d’engagement dans la politique », lui qui a déjà été plusieurs fois candidat aux élections législatives.

CMAS : La nouvelle monture de l’imam Dicko

Le 7 septembre prochain, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS) sera lancée à Bamako, au Palais de la culture. Sous le parrainage de l’ancien Président du Haut conseil islamique du Mali, la structure se veut le seul représentant et soutien des actions de l’imam de Badalabougou. La suite de son combat pour un nouvel idéal  de gouvernance ?

« Sa déclaration du 7 septembre sera le fil conducteur de la CMAS. Quand l’Imam dira d’aller à droite, nous irons à droite, quand il dira le contraire, nous le ferons. C’est donc un outil politique qui est mis à sa disposition pour résoudre les problèmes de notre pays », affirme Issa Kaou N’Djim, porte-parole de l’imam Mahmoud Dicko et coordinateur  général du mouvement  qui sera lancé ce samedi à Bamako. Avec sa verve habituelle, il a rappelé les actions menées par son mentor, notamment la lutte contre le projet du Code de la famille en 2010, l’ouverture d’un cordon alimentaire lors de la crise dans les régions du Nord, les missions de bons offices, la lutte contre le projet d’éducation sexuelle complète et l’organisation des manifestations des 10 février et 5 avril 2019. La coordination entend défendre la vision religieuse, sociétale et coutumière, ainsi que politique, de l’imam.

Un goût d’inachevé 

À la tête du Haut conseil islamique de 2008 jusqu’à avril 2019, l’imam Mahmoud Dicko a beaucoup animé la scène nationale. Sa voix porte et son influence n’a de cesse de croître. Son rejet affiché de la gouvernance actuelle du pays et son indignation face aux atteintes aux principes de l’Islam lui font enfourcher un nouveau cheval. Pour Ballan Diakité, chercheur au CRAPES,  la création de la coordination que parraine l’Imam est une manière pour lui de compenser son départ du Haut conseil islamique et de se maintenir sur la scène. « Avec l’influence qu’il a sur la jeunesse musulmane aujourd’hui, il est évident qu’il doit se trouver un cadre de convergence de l’ensemble de ses partisans afin de pouvoir continuer à exercer l’influence qu’on lui a connue ces dernières années. La mise en place de ce collectif révèle l’ambition de l’homme : rester présent sur la scène politique malienne ».

Pour le Dr Gilles Holder, co-directeur du Laboratoire Macoter de Bamako et spécialiste de l’Islam en Afrique,  la création de ce mouvement est loin d’être un pis-aller pour  l’Imam Dicko, qui mène  au quotidien des activités riches et diverses. « La question est comment prolonger au sein de la société civile les actions qu’il a souhaitées mettre en place lorsqu’il était au Haut conseil islamique, et en particulier à faire de ce Haut conseil un espace de société civile religieuse ? C’est-à-dire aller au-delà des aspects sociétaux et moraux pour être dans des aspects plus sociaux, plus citoyens, plus politiques, et politiques au sens noble du terme », explique l’anthropologue.

Un terrain  glissant

Au Mali,  l’imam Dicko veut influer sur  la gouvernance du pays. Un terrain glissant et semé d’embûches. « Il y a beaucoup des choses qui lui ont réussi, Dieu merci, mais  je crois qu’il aura sur ce projet beaucoup de problèmes. Il se lance dans quelque chose qu’il ne maitrisera pas. Il veut faire de la surenchère religieuse, ce qui est très mauvais », confie l’un de ses anciens collaborateurs. Pour le porte-parole de l’imam, le temps est venu pour eux « d’agir sur toutes les questions de la vie politique ». Il pose la question : « comment voulez-vous soustraire la vie politique de quelqu’un de sa foi ? ». Dans sa tirade, Issa Kaou N’Djim proteste contre la diabolisation de l’homme religieux et tire à boulets rouges sur les acteurs de la démocratie. « Il n’y a aucune loi au Mali qui donne un statut aux religieux. Pourquoi donc vouloir les diaboliser ? Un chef religieux qui s’est libéré de ses charges au nom de la communauté religieuse a le droit d’aller sur l’arène  politique », martèle-t-il, ajoutant « la démocratie, c’est le rapport de forces et si la majorité du peuple croit à la CMAS, alors la volonté du peuple se fera ». De son côté, l’islamologue Gilles Holder trouve « qu’on peut être citoyen et musulman. Ceux qui condamnent cela ont mal compris les choses, mais le problème est peut être au-delà, car un projet de société qui voudrait se baser sur la morale islamique pourrait introduire la Charia dans la Constitution », argumente-t-il.

Cependant, le co-directeur du Laboratoire Macoter de Bamako estime que l’imam n’a pas intérêt à se jeter dans l’arène politique. « On dit que quand on entre dans le marigot des caïmans c’est fini. Le fait de ne pas y avoir trempé son pied le sauve et lui donne une autorité morale, même si elle est contestée », relève l’islamologue. Il croit également que le mouvement en gestation guette les élections législatives à venir. Car, ajoute-t-il, Mahmoud Dicko et son équipe savaient qu’ils allaient quitter le HCI, vantant au passage leur savoir-faire organisationnel depuis  toujours. « Ce que je sais est qu’il entend animer la chose publique, pour le moment, dans le cadre de la société civile et, dans cette animation, tenir compte des valeurs religieuses. Il peut trouver son compte dans cela, mais s’il s’engage sur le terrain politique, il se cassera le nez d’emblée, car une fois dedans il sera confronté à des très dures réalités et décevra forcement », pense pour sa part Woyo Konaté, Docteur en philosophie politique et professeur à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako.

Des analyses qui ne calment pas les ardeurs du porte-parole de l’Imam dont la conviction sur les atouts de son guide semble totale. « C’est le peuple qui décidera. C’est lui qui est souverain et à lui seul appartient la légitimité », dit N’Djim. Il ajoute « ce mouvement, c’est d’abord arrêter ce qui est inacceptable et proposer ce qui est la solution. Nous sortons de la contestation, nous voulons la solution. Il s’agit d’assurer l’intégrité du territoire national, d’organiser un véritable dialogue national et ensuite d’imposer les conclusions de ce dialogue, parce que c’est la volonté du peuple ».

Quel projet ?

Le changement de gouvernance passe par un projet novateur, pouvant redonner au peuple la confiance entamée. Mais la classe politique, majorité et opposition, a déçu. D’où ce qu’appelle Issa Kaou N’Djim « la troisième voie », l’Imam Dicko. « Est-ce que ce sont les religieux qui sont à la base de cette corruption généralisée ? Ceux qui se réclament acteurs de la démocratie, qu’ont-ils apporté dans leur majorité, si ce n’est le sang, le chaos, l’humiliation et la perte de notre souveraineté nationale. En 1991, pourtant, le Mali était souverain sur l’ensemble de son territoire. Aujourd’hui, toute la communauté internationale est chez nous à cause de l’incapacité de nos dirigeants à gérer notre pays », accuse le coordinateur de la CMAS.

Une désolation sur laquelle compte surfer le natif de Tombouctou pour faire miroiter son projet face à un peuple fatigué des scandales et de la mal gouvernance. « Ce qui caractérise Mahmoud Dicko, et cela on le sait depuis longtemps, ce n’est pas qu’il soit wahhabite, mais le fait qu’il ait un projet de société. Et ce projet est partagé par une minorité agissante et très bien formée. Son objectif est de moraliser la vie publique, politique, en disant qu’on a perdu toutes les valeurs et que seul l’Islam peut rétablir ces valeurs, qui sont nécessaires au développement et à la paix dans le pays. En disant que ce n’est pas l’homme qui a un libre arbitre, mais Dieu qui arbitre », détaille l’anthropologue Gilles Holder, qui considère que le mouvement se restructure en parti pour porter ce projet.

Cette coordination est désormais en marche. L’avenir nous dira sur quoi elle va déboucher.