Mali – Transition : les mille et une difficultés des journalistes

Le rapport « Dans la peau d’un journaliste au Sahel », publié le 3 avril dernier par Reporters sans frontières, met en évidence d’immenses obstacles à être journaliste au Mali. Déjà confrontés au non versement de la subvention allouée aux médias depuis 2019 et à un ralentissement des mannes publicitaires, ils peinent également à faire leur travail à cause de l’insécurité et de la répression politique.

Il est de ces épreuves de vie qui sont plus dures que la mort. Depuis 2016, Birama Touré, journaliste de l’hebdomadaire Le Sphinx, est porté disparu après avoir été enlevé à Bamako. Sept ans sans donner signe de vie. « Personne ne sait s’il est vivant ou mort », dit l’un de ses proches, pour lequel la situation est toujours difficile. Le 6 avril dernier, c’est le journaliste Aliou Touré, Directeur de publication du journal Le Démocrate, qui a subi le même sort dans la capitale malienne, avant finalement d’être libéré le 10 avril par des ravisseurs non identifiés.

Une chance que n’ont toujours pas eue les journalistes maliens Hamadoun Nialibouly et  Moussa M’Bana Dicko, enlevés respectivement en septembre 2020 et en avril 2021 au centre du Mali par des hommes armés.

À Bamako comme à l’intérieur du pays, les journalistes subissent des agressions. « Il est indéniable que le métier de journaliste au Mali est devenu extrêmement difficile en raison de l’insécurité qui règne dans le nord et le centre. Les risques auxquels sont confrontés les journalistes dans ces localités sont très élevés. Les enlèvements, les menaces et les intimidations sont monnaie courante pour eux », explique Modibo Fofana, Président de l’APPEL Mali. En outre, certains se retrouvent aussi « cyber harcelés et menacés », indique le rapport, qui met l’accent sur le cas de Malick Konaté. Victime régulièrement de cyber harcèlement et d’intimidation depuis début 2023, le journaliste reporter d’images (JRI), également fondateur de la web télévision Horon32, a dû quitter le pays.

Face à la situation, les organisations de la presse s’organisent. Une cellule réunissant l’ensemble des organisations professionnelles de la presse a été créée suite à la disparition du journaliste Aliou Touré. Et elle continue d’œuvrer malgré son réapparition. « Nous demandons à l’ensemble de la presse de continuer cette synergie d’actions et de se donner la main pour faire aboutir nos revendications les plus légitimes pour une presse libre, indépendante et responsable. Dorénavant, la Cellule de crise mise en place va s’intéresser au cas Birama Touré, pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire », a indiqué le 11 avril dernier le Président de la Maison de la Presse, Bandiougou Danté.

Sahel : RSF alerte sur les conditions des journalistes

Dans un rapport rendu public ce lundi 3 avril, Reporters sans frontière interpelle et dénonce les nombreuses suspensions des médias français au Sahel ainsi que les conditions de travail des journalistes.

‘’Couvrir librement les multiples crises du Sahel est de plus en plus difficile pour les journalistes, davantage encore depuis que des militaires ont pris le pouvoir dans plusieurs pays’’ a indiqué Reporters sans frontières dans un rapport publié ce lundi. Au Mali, au Burkina et au Tchad, les militaires ont cherché à contrôler les médias au travers de mesures d’interdiction ou de restriction, voire d’attaques ou d’arrestations arbitraires » ajoute le rapport.

Au Mali, le 17 mars 2022 les autorités ont suspendu toute diffusion de RFI et France 24 après une diffusion par ces médias de reportages selon lesquels l’armée malienne serait impliquée dans des exactions contre des civils.

Le 3 décembre 2022, le Burkina Faso a suspendu à son tour toute diffusion de la radio RFI sur l’étendue du territoire burkinabé. Le 27 mars 2023, la chaîne de télévision française France 24 voit à son tour être suspendue. Cinq jours après cette suspension, Sophie Douce du Monde et Agnès Faivre de Libération ont été expulsées samedi 1er avril. Autant de freins à la liberté de la presse au Sahel qui justifient cette sortie de reporters sans frontières.

Dans son rapport, RSF mentionne aussi la détérioration de la situation financière des médias sous l’effet de la crise et de l’arrêt des subventions des Etats.

Pour une réponse politique à la « crise des déplacés »

Pour qui visite nos pays et prête l’oreille à leurs habitants, la principale crise que connaît le Sahel est « silencieuse ». Des dizaines de milliers de Sahéliens sont « sur les routes » ou s’établissent à la périphérie des villes. Mus par la peur, ils fuient puis construisent des abris de fortune et tentent de survivre. Quelles perspectives pouvons-nous leur offrir ?
Leur détresse est moins spectaculaire que la disparition violente de certains de nos compatriotes, mais elle représente un défi majeur pour notre région. Vaincre l’insurrection, c’est d’abord réduire sa capacité de nuisance pour notre société. Il faut donc répondre aux besoins de nos concitoyens déplacés. De toute urgence.
Comment adapter nos économies et nos administrations à cette crise sans précédent ? Notre intelligence collective doit identifier des solutions pérennes – même modestes.
Les Etats peuvent émettre des obligations pour mobiliser la solidarité nationale. Ces emprunts extraordinaires permettraient de souligner la gravité de la situation, souder citoyens et entreprises autour d’un objectif commun et triompher des épreuves actuelles.
Des programmes de travaux à haute intensité de main d’œuvre peuvent être conçus. Qu’il s’agisse d’assainissement, de production maraîchère ou d’autres secteurs d’activités, il faut créer des initiatives permettant de réduire l’oisiveté et créer de la richesse. Il y va de la dignité de nos concitoyens, d’une politique publique stimulant la demande … et du meilleur moyen pour prévenir une délinquance qui accroîtra l’insécurité dans nos villes.
On peut également envisager le lancement d’un « programme civique ». Il consisterait à recruter et former de jeunes diplômés pour assurer l’éducation civique et sportive de certains jeunes déplacés. Par le sport, la culture ou d’autres activités d’intérêt général, la société doit transformer le traumatisme d’un « exil intérieur » imposé en opportunité de solidarité nationale. Il y va de notre détermination à triompher ensemble de cette épreuve – avec nos moyens et notre génie propre.
La crise socio-économique que nous connaissons ne disparaîtra pas « par enchantement ». Son issue dépend de notre capacité à identifier, mobiliser et coordonner les ressources rendant possibles notre rebond. Les effets néfastes de l’épidémie du COVID n’ont pas atteint les prévisions pessimistes de certains « experts ». Ils avaient peut-être tort, mais il est indéniable que nos sociétés sont parvenues à s’adapter et triompher de certains obstacles.
Ignorons donc l’enthousiasme des acteurs de « l’économie extravertie » qui louent les productions record ou le cours élevé de matières premières que nous exportons sans transformation et dont les prix sont fixés dans des bourses situées hors de notre continent. C’est dans la production de mil, de riz ou d’autres denrées alimentaires qu’il convient d’investir. Ou dans la transformation de notre coton pour résorber le chômage en stimulant une industrie textile locale. Ainsi, nous pourrons réduire la cherté de la vie dans nos campagnes et nos villes.
C’est notre première responsabilité collective. Les Sahéliens ne manquent ni de générosité ni d’inventivité. Il faut donc dépasser la gestion de l’urgence en permettant à la vie de « suivre son cours ». Quand la paix reviendra, certains concitoyens regagneront la campagne mais d’autres demeureront citadins – nous devons admettre que la crise actuelle changera profondément nos sociétés. Et s’y préparer en conséquence.
En conclusion, il faut canaliser nos énergies vers un élan de solidarité nationale active. Ceci permettra de réduire au silence les appels à la haine de certains fauteurs de troubles. Il ne suffit pas de condamner leurs propos irresponsables et de les poursuivre en justice, il faut démontrer par nos actes que nos adversaires ne parviendront pas à semer la discorde en notre sein. Agir ainsi, c’est renforcer le contrat social et démontrer que la première mission des institutions est de protéger les citoyens.

Desert to power : 10.000 MW d’énergie photovoltaïque pour le Sahel

Les ministres de l’Énergie du G5 Sahel ont validé début septembre la feuille de route régionale de l’initiative Desert to power, un projet d’accès à l’énergie pour 250 millions de personnes dans 11 pays du Sahel.

La feuille de route régionale élaborée par la Banque africaine de développement en étroite collaboration avec ses partenaires et les membres du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) identifie de grands projets qui permettront à ces 5 pays de mettre en commun leurs ressources pour développer un réseau électrique intégrant une grande production solaire au service de la sous-région.

Dans ses actions prioritaires, le Mali a présenté à ses partenaires techniques et financiers des projets dont les objectifs-cibles sont programmés pour 2030. On peut noter l’installation de 977 MW de capacité solaire supplémentaire et le développement du réseau électrique pour prendre en charge 658 MW d’import requis. En outre, le pays prévoit de connecter environ 1,37 million de foyers à travers des solutions d’électrification décentralisées.

On enregistre aussi des projets d’interconnexion avec les pays voisins (notamment l’interconnexion à la Côte d’Ivoire, à la Guinée et au Ghana). Mais aussi les projets de barrages hydroélectriques de Kénié, Gouinia, Talo, Djenné, Kourouba et des projets de lignes de transport électriques, etc.

Le coût global de l’initiative Desert to power est de 110 milliards de francs CFA.

Mali-Dinangourou : Sous blocus depuis plus d’un mois, le village appelle à la rescousse

« A Dinangourou, personne ne rentre, personne ne sort depuis plus d’un mois », s’indigne Oumar Aya, ressortissant de la localité. Un blocus qui rappelle celui très médiatisé de Farabougou mais que Alhousseiny Guindo, autre habitant de ce village juge pire. Village du cercle de Koro (région de Mopti), privé de tout réseau de communication, la localité est assiégé depuis le 02 mai 2021 par des hommes armés. « Violentée, affamée, assoiffée, malade, martyrisée et même tuée, cette innocente population souffre de tous les maux. Les activités génératrices de revenues sont à l’arrêt, les travaux champêtres menacés, les écoles fermées, la peur au ventre, la population agonise sous les balles du terrorisme et n’implore que pour la sécurité et la paix », dénonce M. Aya. Pour tous ces actes ignobles et inhumains, il lance un SOS aux plus hautes autorités afin qu’elles trouvent des solutions rapides et pérennes à la situation.  Pour ce faire, l’Association des Jeunes Ressortissants de Domno (AJRDO), dont il est le Secrétaire au département affaires étrangères, organise une conférence de presse, ce samedi 19 juin 2021, « parce que le mal a atteint son paroxysme. Il est impératif d’interrompre le silence radio et de prendre des mesures immédiates », plaide Oumar Aya.

Pour rappel Dinangourou est le plus grand chef-lieu d’arrondissement et le plus peuplé (la population est estimée à 62 355 habitants selon le recensement administratif de 2009) du cercle de Koro. L’insécurité qu’y prévoit est la conséquence de la crise sécuritaire dans la région de Mopti depuis 2015.

Aly Asmane Ascofaré (stagiaire)

Barkhane : à l’heure du choix

Huit ans après le début de l’intervention militaire française au Mali, le bilan est à bien des égards mitigé. L’opération Barkhane, qui a succédé à l’opération Serval en 2014, a engrangé des résultats, mais doit de plus en plus faire face à un rejet grandissant tant au Mali qu’en France, où, selon certains sondages, plus de la moitié des citoyens ne l’approuvent plus. Si un retrait immédiat, comme le souhaite une frange de la population malienne qui donne de la voix, semble ne pas être une option, certains faits laissent entrevoir une possible réorganisation du dispositif de la force au Mali.

73% d’opinions favorables en 2013 et 59% en 2019. Ils ne sont plus que 49% des Français à approuver l’opération Barkhane, selon un sondage Ifop réalisé début janvier 2021 et publié par Le Point le 11 janvier 2021. Une nette détérioration au fil des années de l’adhésion en France à cette opération, qui s’ajoute à une exigence accrue ces dernières semaines de certains Maliens d’un départ des forces étrangères du Mali, dont les troupes françaises.

Aux avant-gardes de cette position, le mouvement « Yèrèwolo, Debout sur les remparts », qui avait appelé à une mobilisation à Bamako le mercredi 20 janvier, jour symbolique du 60ème anniversaire de l’armée malienne, pour demander « le départ de l’armée française à travers l’opération Barkhane au Mali ». Mobilisation qui tourna finalement court après que les forces l’ordre aient gazé la poignée de personnes rassemblés pour cette manifestation interdite par les autorités.  Pour ce mouvement,qui s’appuyait sur l’activiste Kemi Séba, le chanteur Salif Keita et des représentants des « Gilets jaunes » français pour la réussite de la manifestation, « le Mali n’aura jamais la paix tant qu’il ne contrôlera pas son armée et ne jouira pas pleinement de sa souveraineté ».

Pour ce mouvement, appuyé pour cette manifestation par Kemi Séba, activiste, le chanteur Salif Keita et des représentants des « Gilets jaunes » français, « le Mali n’aura jamais la paix tant qu’il ne contrôlera pas son armée et ne jouira pas pleinement de sa souveraineté ».

Pointée du doigt

La relative impopularité de l’opération Barkhane aujourd’hui résulte d’un sentiment de lassitude des populations maliennes vis-à-vis d’elle, sentiment qui s’est développé au fil des années avec l’enlisement de la crise sécuritaire dans les régions du nord et du centre, mais aussi progressivement dans celles du sud du pays.

« C’est normal que l’opération Barkhane soit critiquée aujourd’hui. S’il y a une minorité agissante au Mali qui fait beaucoup de bruit pour le retrait des troupes françaises, c’est tout simplement  parce que  l’insécurité gagne de plus en plus de terrain dans le pays », constate le Dr. Abdoulaye Tamboura, géopolitologue.

Comme pour ne rien arranger, la polémique autour de la frappe de Barkhane à Bounti, dans le cercle de Douentza, région de Mopti, le 3 janvier 2021, est venue renforcer la vision des Maliens qui souhaitent le retrait de cette force.

Par ailleurs, même si comme l’affirmaient le 7 janvier, deux communiqués distincts de l’État-major des armées françaises et du ministère de la Défense et des anciens combattants du Mali, il n’y a pas eu de dommage collatéral, ni d’élément constitutif d’un rassemblement festif ou d’un mariage dans la zone des frappes, le parti SADI du Dr. Oumar Mariko a affirmé « sans ambages », dans une déclaration en date du 18 janvier 2021, que l’armée française avait commis « une tragique bavure, qui a coûté la vie à de nombreux innocents et décimé partiellement une lignée familiale ».

« Vouloir occulter cette réalité et conclure à la présence de Groupes Armés Terroristes pour justifier une quelconque frappe de l’armée française est une insulte à l’intelligence collective de notre peuple, profondément attristé par cette tragédie », lit-on dans le communiqué signé du Bureau politique.

Ajustement impératif 

Alors donc que l’opération Barkhane fait face aux critiques sur son efficacité, la France envisage de réduire l’effectif de son dispositif présent au Sahel. Les 600 soldats supplémentaires déployés en janvier 2020, à l’issue du sommet de Pau, devraient être prochainement rapatriés.

« Nous serons très probablement amenés à ajuster ce dispositif : un renfort, par définition, c’est temporaire », a affirmé Florence Parly, ministre française des Armées, au « Parisien », dans un entretien publié le 4 janvier. Le  sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel, prévu pour février prochain à N’Djamena, sera l’occasion de prendre une décision. Le président français Emmanuel Macron a confirmé le 19 janvier ce réajustement qui se fera lors du sommet, où il se rendra.

Au-delà de cette réduction de l’effectif de l’opération Barkhane, des interrogations se posent sur l’opportunité d’une réorganisation de la force en vue d’un désengagement progressif de l’armée française au Sahel.

Une réduction et une possible réorganisation dont l’impact sur le terrain peut laisser entrevoir plusieurs options, selon Niagalé Bagayoko, politologue, Présidente de l’African Security Sector Network.

« Cette réduction sera peut-être vue comme un acte de bonne volonté qui pourrait permettre de faire avancer les négociations entre Bamako et les djihadistes,  mais elle peut être vue également comme un aveu de faiblesse et encourager au contraire d’avantages d’actions contre les effectifs restants de Barkhane ou de la Minusma. Et bien entendu contre les FAMa », analyse-t-elle.

La Task Force Takuba, qui vise à faire travailler les forces spéciales européennes en accompagnement et en formation des forces sahéliennes, pourrait en revanche bénéficier d’un renforcement.

Mais, là aussi, « on peut s’interroger, parce que les dernières attaques, qui ont été très meurtrières pour la Force Barkhane en fin d’année 2020 et en début d’année 2021, pourraient avoir dissuadé les partenaires européens, qui sont encore aujourd’hui très peu nombreux, déjà, de déployer des effectifs combattants sur le terrain », indique Niagalé Bagayoko.

Pour l’experte en sécurité en Afrique de l’Ouest et centrale, il parait de plus en plus difficile pour une opération extérieure de s’impliquer dans la résolution d’une crise dont les racines font qu’il est extrêmement difficile de n’avoir qu’une approche militaire.

« On voit très bien aujourd’hui que cette problématique terroriste ou djihadiste apparait comme très imbriquée dans d’autres questions, notamment celles des affrontements inter ou intra-communautaires ou plus largement  entre groupes djihadistes  et certains groupes ou milices d’auto-défense, ce qui tend à rendre la situation extrêmement complexe », souligne-t-elle.

Renforcement des FAMa

Les autorités de la transition malienne se sont inscrites dans la poursuite de la coopération militaire avec les forces étrangères présentes au Mali. C’est dire que l’option d’un retrait immédiat de l’armée française, qui vient en appui à des forces armées maliennes faisant face à de multiples défis sécuritaires, n’est pas à l’ordre du jour.

« Ceux qui prônent le discours d’un départ immédiat de la France ne feront que précipiter le Mali dans un désastre qui ne dirait pas son nom. Je comprends cette position, parce qu’il y a de plus en plus de morts et de victimes, mais c’est ensemble, avec la communauté internationale, qu’on pourra résoudre ce problème », argue Dr. Abdoulaye Tamboura.

« Le Mali peut diversifier sa coopération,  mais elle se construit, elle ne vient pas comme cela, du jour au lendemain. C’est dans le cadre d’une confiance mutuelle. Au sein de l’Europe, aujourd’hui, je ne vois pas d’autres pays, à part la France, qui est l’un des seuls qui puisse envoyer des troupes sur un terrain extérieur d’opération. Même la Grande-Bretagne a des difficultés et l’Allemagne n’a pas une armée aussi efficace que cela », relève le géopolitologue.

La véritable alternative ne serait autre qu’un renforcement des capacités des forces armées maliennes, à travers « une formation et des outils de guerre assez efficaces, même en matière de renseignement, ce qui prendra encore quelques années », ajoute celui qui soutient qu’à partir de Ségou les forces armées maliennes ne maîtrisent plus le terrain, contrairement aux djihadistes aguerris.

C’est pourquoi, la France n’ayant pas vocation à « rester éternellement » au Mali, comme l’a plusieurs fois répété Florence Parly, l’État malien doit se préparer à trouver des alternatives pour réduire dans un premier temps l’impact que pourrait avoir l’ajustement du dispositif de Barkhane.

Centre du Mali : La défiance gagne du terrain

43 personnes sont mortes, selon des chiffres officiels, dans l’attaque des villages de Niangassadiou et de Binedama, les 3 et 5 juin dans le centre du Mali. L’association Tabital Pulaaku a accusé l’armée malienne d’être responsable de ces massacres. Le gouvernement, « très préoccupé par ces graves allégations », a ouvert une enquête le 7 juin, afin « d’établir immédiatement les faits. La justice est également saisie ».

L’État a ouvert plusieurs enquêtes à la suite d’autres situations dramatiques du genre. La deuxième attaque d’Ogossagou, le 14 février dernier, en est une illustration, alors que les conclusions de la première se font toujours attendre. Le gouvernement avait promis « d’arrêter et traduire les auteurs devant les juridictions compétentes » et, depuis, c’est le silence radio. La récurrence de tels faits constitue le terreau de la défiance des victimes envers la justice malienne. C’est dans cette optique que Tabital Pulaaku a demandé une enquête internationale indépendante des Nations Unies ou des organisations de défense des droits de l’Homme à la suite des attaques des villages de Niangassadiou et de Binedama. « Plusieurs tueries ont été perpétrées et aucune des enquêtes ouvertes par l’État pour situer les responsabilités n’a donné de résultats », remarque Mody Diakhaïté, Président de Tabital Pulaaku à Bankass. Même son de cloche chez Ginna Dogon. « Les enquêtes n’ont jamais produit de résultats, mais nous sommes républicains et nous soutenons la justice de notre pays. Cependant, nous n’avons jamais fait confiance à ce que l’État nous dit par rapport à la situation réelle au centre », renchérit Dramane Yalcoué, Président de la jeunesse Ginna Dogon.

Néanmoins, M. Diakhaïté relativise : le premier rapport trimestriel 2020 de la division des droits de l’Homme de la MINUSMA a accusé les forces de défense nationale et d’autres acteurs de tueries de civils au centre du Mali. Cependant, il n’a jamais été suivi d’arrestations.

Afin que la crédibilité en la justice malienne renaisse, il propose de mettre fin aux « arrestations et exécutions extrajudiciaires de la part des forces armées de l’État ». « Si c’est l’État le premier responsable d’une tuerie, osera-t-il enquêter sur lui-même ? », questionne-t-il.

Pour Dramane Yalcoué, faire appel à une enquête internationale indépendante n’est pas la solution à long terme. « La solution, c’est que les Dogons et les Peulhs s’acceptent, qu’ils règlent ce qui se pose comme problème au centre. Les morts ne vont pas revenir, mais faisons en sorte qu’il n’y en ait plus ».

Boubacar Diallo

Mali – Ibrahim Maiga : « La disparition de Droukdel ne signifie absolument pas la fin d’AQMI »

La France a annoncé le 5 juin avoir neutralisé dans le nord du Mali, Abdelmalek Droukdel, figure du terrorisme au Sahel et leader d’AQMI. Ibrahim Maiga, chercheur principal à l’Institut d’études de sécurité (ISS), analyse pour nous cette disparition.

 

La neutralisation d’Abdelmalek Droukdel va-t-elle produire des changements au Sahel ?

Sa mort est d’abord symbolique même si c’est évidemment d’une immense portée symbolique. Droukdel était une figure historique du « djihad » au Sahel-Sahara. C’est lui qui a été la manœuvre lors de la transition du groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) vers Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) en 2007.

Il fait également partie de ceux qui ont poussé non seulement pour l’émergence de groupes locaux dans le Sahel mais aussi pour la fusion de ces groupes-là, ce qui a donné la naissance du groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). C’est aussi une personne qui s’est voulue comme un mentor qui intervient et dirige de loin. D’ailleurs sa présence dans le Nord du Mali est assez surprenante, puisque c’est loin de sa zone traditionnelle.

Il n’a pas été signalé dans le Nord du Mali depuis 2012 lors de l’occupation de cette zone par différents groupes affiliés à AQMI. Nous savons qu’il dirigeait beaucoup à travers ses lieutenants dont Djamel Okacha (tué en février 2019) ou encore Mokhtar Belmokhtar (porté disparu depuis presque 2 ans maintenant) par exemple et d’autres, lui-même se gardait bien de vadrouiller dans la zone Sahel-Sahara parce que se sachant recherché par les différents services algériens, français et américains.

Alors oui c’est un grand symbole, mais sa disparition ne signifie absolument pas la fin d’AQMI ou la fin des hostilités dans le Sahel, puisque ces dernières années comme je l’indiquais il a beaucoup travaillé à l’émergence de groupes locaux ; à leur renforcement, au transfert de ressources et de compétences. Quand je dis groupes locaux, ce sont des groupes qui sont dirigés par des figures de la région. Si on regarde bien l’histoire du « djihad » au Sahel, ça a d’abord été l’affaire des Algériens, ensuite des Mauritaniens et ce n’est que récemment que nous avons des lieutenants comme Iyad Ag Ghaly ou encore Hamadoun Kouffa. Avant, nous avions des figures plutôt étrangères, la tendance est en train de s’inverser.

Nous avons non seulement une base combattante qui est de plus en plus endogène composée de Maliens, de Burkinabés, de Nigériens, ce qui n’était pas le cas il y’a une décennie voire deux, il n’y avait pas de chefs avec un niveau de responsabilité aussi élevé parmi les nationalités citées. C’est un coup dur contre la nébuleuse djihadiste en particulier AQMI, il était une figure historique, c’est plus que Belmoktar en termes de comparaison mais pour autant ça ne signifie pas la disparition d’AQMI.

Il y aura surement un chef qui sera désigné dans les jours à venir pour le remplacer, quelqu’un qui aura peut-être moins d’influence sur les groupes qui sont actifs au Sahel. Tout compte fait, ce n’était plus AQMI version historique qui fait le jeu au Sahel, c’est Iyad Ag Ghaly à travers le GSIM, Kouffa à travers la Katiba Macina, c’est Abou Walid et Abdoul Hakim à travers l’Etat islamique au grand Sahara.

Cela pourrait-il affaiblir le GSIM, qui est depuis plusieurs semaines en conflit avec l’EIGS ?    

L’une des hypothèses de sa présence sur le territoire malien est justement liée à ces tensions entre le GSIM et l’EIGS. Il serait venu rencontrer Iyad probablement pour discuter de la marche à suivre par rapport à ce nouvel adversaire devenu au fil du temps gourmand. Mais, il est un peu trop tôt pour être affirmatif sur l’impact que sa disparition peut avoir dans le cadre des tensions entre le GSIM et EIGS. Tout simplement parce que Droukdel dirigeait de loin, ce n’était pas lui qui était aux commandes lors des opérations du GSIM, donc sa disparition n’affecte pas le commandement du GSIM.

Chacun de ces groupes que ce soit le GSIM ou EIGS comptent et espèrent sur le soutien idéologique et matériel des grands groupes auxquels ils appartiennent. Si les tensions s’accentuent, peut-être qu’à ce moment, chacun d’eux voudra se tourner vers le groupe auquel il appartient. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là, si on regarde bien le rapport de force est clairement en faveur du GSIM. Sauf un renforcement majeur de l’EIGS, ce qui n’est à priori pas impossible même si à l’heure actuelle, cela parait peu probable, parce qu’ils ont d’autres choses à faire dans d’autres parties du monde que ce soit en Libye ou au Nigéria. Il faut être prudent parce que le Sahel représente pour AQMI une forme de profondeur géostratégique.

Des rumeurs circulent sur un probable rôle joué par l’Algérie dans la neutralisation de Droukdel. Si elles se confirment, cela voudrait-il dire que l’Algérie s’implique plus dans la lutte contre le terrorisme ?

L’Algérie est impliquée dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, du moins en ce qui la concerne, sur son territoire. L’Algérie fait partie des pays qui sont assez regardants sur les questions de souveraineté, c’est un pays qui ne veut pas nécessairement voir des puissances étrangères à ses frontières. Elle a toujours été réservée sur le déploiement de forces étrangères sur les territoires de ses voisins. En termes de renseignements, l’Algérie est impliquée dans un certain nombre de dispositifs dont le processus de Nouakchott, elle intervient également sur le plan politique, puisque c’est elle le chef de file de la médiation internationale au Mali, on ne peut donc pas dire qu’elle ne combat pas le terrorisme. Maintenant, est-ce qu’elle a été impliquée dans l’opération ayant conduit à la neutralisation de Droukdel, je n’en sais pas grand-chose.

A ce stade, les sources que nous avons confirment une participation des Américains notamment au niveau du renseignement. En tant qu’observateur, cela me semble presque impossible que l’Algérie n’ait pas été mise au courant de cette opération parce que la zone dans laquelle l’opération a eu lieu se trouve à une vingtaine de kilomètres de l’Algérie, c’est un carrefour de trafics. Donc la zone est sous surveillance non seulement de Barkhane, des Américains mais aussi de l’Algérie elle-même. Qu’elle n’ait pas du tout été mise au courant m’étonnerait, même si elle n’a pas officiellement reconnu de rôle dans cette opération. C’est une position qui peut aussi se comprendre.

Propos recueillis par Boubacar Sidiki Haidara

 

Mali- Journée mondiale de l’Environnement : La biodiversité au cœur des préoccupations

Le monde célèbre ce 5 juin la Journée mondiale de l’Environnement, sur le thème de la biodiversité. Cette édition appelle à l’action pour lutter contre la perte accélérée des espèces et la dégradation du monde naturel. Selon l’ONU, « un million d’espèces végétales et animales sont menacées d’extinction, en grande partie à cause des activités humaines ». Et, dans les dix prochaines années, une espèce sur quatre pourrait avoir disparu de la planète.

La biodiversité est la multitude d’êtres vivants qui composent la vie sur la Terre. Elle englobe les quelque 8 millions d’espèces présentes sur la planète, des plantes et des animaux aux champignons et aux bactéries, et les écosystèmes qui les abritent, tels que les océans ou les forêts.

La biodiversité est très importante car elle est indispensable au bien-être et à la santé des êtres humains, toutes les espèces dépendant les unes des autres. C’est conscient de cela que le Mali a adopté le 27 mai dernier un projet de loi portant création d’une aire protégée dite « Réserve de biosphère du Gourma », afin de protéger les éléphants de cette zone, située dans le Sahel Nord, qui font partie de ces espèces menacées de disparition depuis 1990. La réserve se situe entre les Régions de Mopti et de Tombouctou et couvre une superficie totale de 4 263 320 hectares.

La Journée mondiale de l’Environnement a été initiée par l’Organisation des Nations Unies en 1972. Elle met en avant un enjeu spécifique important, différent chaque année, concernant l’environnement.

Boubacar Diallo

Mahamadou Sawadogo : « Il serait intéressant d’élargir le G5 Sahel à des pays plus attractifs »

Mahamadou Sawadogo, chercheur burkinabé spécialiste de l’extrémisme violent dans le Sahel répond à nos questions sur la situation sécuritaire.

La France a annoncé le renforcement de Barkhane, qui va passer de 4 500 à 5 100 soldats. Qu’est-ce que cela peut apporter concrètement sur le terrain, notamment dans la zone dite des trois frontières ?

Cela peut avoir un impact positif sur la zone, qui est l’épicentre de la violence. C’est de là que l’État islamique attaque les trois pays (Mali, Burkina Faso, Niger). Cela permettra de stabiliser la zone, mais les groupes terroristes ne vont sûrement pas attendre le déploiement de Barkhane pour continuer leurs assauts. Il y a donc le risque que leurs attaques soient dirigées ailleurs. Pour le Burkina, ce sera peut-être désormais vers l’est ou l’ouest, pour le Mali, ils vont remonter vers le centre.

Ce renforcement devrait aider au déploiement de la force Takuba, mais peu de pays européens semblent enclins à l’intégrer. Existe-t-il un risque qu’elle devienne une Arlésienne, comme le G5 Sahel ?

Oui, évidemment. Ce ne sont toutes les armées qui peuvent se déployer au Sahel. Ce sont des conditions assez particulières, difficiles et un risque d’enlisement n’est pas à exclure. Pour ce qui est du G5 Sahel, les pays qui le composent n’attirent pas vraiment les investisseurs. Il serait donc intéressant de l’élargir le G5 à d’autres pays plus attractifs, le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Ghana.

Ces pays pourraient être bloqués par la crainte d’être pris pour cibles…

Oui, mais s’ils ne le font pas, ils seront des cibles quand même. Je suis convaincu que des terroristes s’y trouvent déjà. Autant unir les forces pour en venir à bout, au lieu d’être attentistes. Lorsque le Mali était le seul ciblé, le Burkina ne s’est pas trop préoccupé. Nous voyons le résultat.

Des observateurs affirment que les groupes terroristes qui se confrontent sur d’autres théâtres se tolèrent et coopèrent même au Sahel. Comment l’expliquer ?

Ils ont des combattants ayant servi plusieurs les mêmes groupes. Ainsi, Ansarul Islam a été dissout. Une partie des combattants s’est retrouvée dans l’État islamique et une autre dans le JNIM. Ils sont comme des frères et ont également compris que, dans le cas du Sahel, ils avaient tout intérêt à s’entendre, parce que cela leur donne de la puissance. Ils se complètent. Certains sont plus tactiques et techniques, d’autres sont en nombre et connaissent parfaitement le terrain. Certaines fois, ils ont des revendications hors nature, si je puis dire : un groupe vient revendiquer le territoire identifié d’un autre, cela leur permet de brouiller les pistes.

Barkhane: La France va envoyer 600 militaires supplémentaires

Le ministère des Armées officialisé l’information le dimanche 2 février dans un communiqué. Le président Emmanuel Macron a décidé de porter à 600 le nombre de troupes supplémentaires au Sahel allouées à l’opération Barkhane. C’est plus que ce que le renfort de 220 soldats annoncé en janvier lors d’un sommet à Pau avec les pays du G5 Sahel (Niger, Mali, Burkina, Tchad, Mauritanie).

« L’essentiel des renforts sera déployé dans la zone dite des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Une autre partie de ces renforts sera engagée directement au sein des forces du G5 Sahel pour les accompagner au combat », indique le communiqué de la ministre des Armées Florence Parly. « Cette étape majeure de notre engagement au Sahel doit marquer un tournant à la fois dans la mobilisation de nos partenaires européens et la montée en puissance des forces du G5 », précise le texte.

Opération Barkhane : un dispositif d’aide au développement pour les pays du G5 Sahel

Relancée au sommet de Pau du 13 janvier, l’opération Barkhane s’inscrira désormais dans le projet plus vaste d’une “Coalition pour le Sahel”. Les quatre piliers de ce dispositif – combat contre le terrorisme, renforcement des capacités militaires des États de la région, appui au retour de l’Etat et des administrations sur le territoire, et aide au développement – témoignent de l’étendue des chantiers qui attendent la coalition.

De fait, l’opération Barkhane, née en 2014, ne s’est jamais limitée à des opérations contre les groupes armés terroristes. Loin de se résumer à des opérations militaires, Barkhane s’inscrit dans le temps long du développement. En contribuant à former et à équiper les forces armées des pays du G5 Sahel, mais aussi en venant directement en aide aux populations locales, cette opération ambitionne de contribuer de manière décisive au développement des pays de la zone concernée.

 

Former pour développer           

 

Le développement des pays du G5 Sahel est indissociable d’une sécurisation durable de la zone. Aussi, la formation des armées sahéliennes de demain est l’un des principaux objectifs de Barkhane depuis son lancement. Les formations, dispensées par Barkhane ou les forces françaises prépositionnées au Gabon et au Sénégal, concernent en particulier le tir de combat, la lutte contre les engins explosifs improvisés et le sauvetage de combat. Elles permettent également de former les cadres au processus d’élaboration des ordres, et à la préparation et à la conduite des missions.

 

Cet objectif de formation a été renforcé en 2019. Plus de 600 actions de formation ou d’accompagnement au combat ont été conduites : 112 au Tchad, 339 au Mali, 126 au Niger, 7 au Burkina Faso et 6 en Mauritanie. Elles portent sur la préparation d’opération, les instructions au tir, ou encore la sensibilisation au droit international humanitaire. Des actions sont également conduites au Centre de Préparation à l’Engagement Opérationnel (CPEO), comme des séquences de mise en condition opérationnelle finale. Elles visent à garantir l’aptitude des bataillons nationaux à s’engager aux côtés de Barkhane et à bénéficier des mêmes appuis. En 2019, quatre séquences de préparation à l’engagement opérationnel, appelées DIDASKO, ont été réalisées à Oualam au Niger, à La Loumia au Tchad au profit d’un bataillon de la FC du G5 Sahel, à Dori au Burkina Faso et puis enfin très récemment à Markala au Mali. Dans le cadre de Barkhane, ce sont en tout près de 13 000 soldats des pays du G5 Sahel qui ont pu suivre en 2019 une action de formation dans des domaines particuliers (instruction au tir, coordination des feux, coordination des appuis, sauvetage au combat, lutte contre les IED…).

 

 

Développer les infrastructures et favoriser l’accès aux soins

 

L’opération Barkhane apporte une aide concrète aux populations locales en conduisant ou en soutenant des projets qui améliorent l’accès à l’eau, à l’énergie, à la santé ou à l’éducation. Toutes ces actions concourent au développement de la bande sahélienne et permettront à terme de sécuriser durablement le territoire. En 2019, plus de 75 projets civilo-militaires ont été menés au profit de la population, dont 35 projets à destination de celle de la région du Liptako-Gourma. Parmi ces réalisations, on relève notamment 6 projets d’adduction d’eau, 13 projets d’agropastoralisme, 16 projets en lien avec l’éducation et l’accès à l’information. Ces projets sont financés par Barkhane et certains sont réalisés en autonomie par les forces armées maliennes. Dans les temps à venir, Barkhane appuiera la mission pour la stabilisation du centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) pour deux grands projets à Menaka : la réhabilitation de la centrale électrique et le renforcement capacitaire du commissariat, avec l’achat de véhicules, de motos, l’amélioration des infrastructures, etc.

 

En ce qui concerne l’accès aux soins, des aides médicales gratuites sont proposées à la population lors de chaque opération, en particulier avec les forces partenaires. L’opération Barkhane a ainsi permis de réaliser en moyenne plus de 100 consultations et plus de 400 soins par jour au profit de la population malienne, tchadienne et nigérienne. Plus de 20 actes techniques (imagerie et laboratoire) et près de 3 interventions chirurgicales en moyenne sont également réalisés quotidiennement à leur profit.

 

La guerre au Sahel : la communauté internationale unie contre le djihadisme

Alors que tous les yeux sont braqués sur l’opération Barkhane et la présence française dans la bande sahélienne et au Mali, c’est une guerre de dimension internationale qui se joue actuellement au Sahel. La France y agit au nom de la communauté internationale, notamment dans le cadre de l’ONU, afin de soutenir les armées africaines dans une lutte commune contre le djihadisme. En repoussant ce dernier au Sahel, la communauté internationale vient en aide aux populations africaines, premières victimes du terrorisme djihadiste, et tente d’endiguer la menace terroriste internationale en évitant la création d’un nouvel état djihadiste à l’image de l’Etat islamique.

                                                          

L’engagement de la communauté internationale au Sahel

En 2013, la France a répondu à l’appel du Président Traoré afin d’empêcher la progression des forces djihadistes vers Bamako. Depuis, l’armée française a déployé 4500 soldats dans la bande sahélienne, et particulièrement au Mali, dans le cadre de l’opération Barkhane. Ces opérations ont un prix pour la France. Financièrement, son aide représente un coût financier et humain : depuis 2013, la France a perdu 41 hommes au Sahel – 13 soldats sont encore morts le 25 novembre. La France agit au nom et sous le contrôle de la communauté internationale. Son intervention au Mali est en effet encadrée par un accord de défense signé en mars 2013 et par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui l’autorise à intervenir afin de soutenir la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).

Depuis la création du G5 Sahel en 2014, la communauté internationale a décidé d’intensifier l’aide apportée aux pays africains qui ont uni leurs forces dans le projet d’assurer eux-mêmes leur sécurité. Les Européens, en particulier, et les Américains, apportent une aide financière, logistique et opérationnelle. Les pays partenaires se sont engagés, en accord avec le G5 Sahel, à fournir des équipements et des prestations à la Force conjointe, et non à opérer de simples transferts de fonds.

Au total, 414 millions d’euros ont été promis à Bruxelles en 2018 et 207 millions d’euros de contributions ont déjà été apportés par l’Union européenne et les Etats-Unis. A ce jour, n’ont pas encore été débloqués 100 millions promis par l’Arabie saoudite, la contribution des cinq Etats sahéliens au fonds fiduciaire (10 millions chacun) et la contribution chinoise (6,5 millions d’euros). En outre, les contributions versées sur le fonds fiduciaire du G5 Sahel atteignent 17,1 million d’euros : elles doivent provenir notamment des Emirats pour permettre l’achat de camions, de Turquie en vue de l’achat de matériel militaire ou encore du Rwanda.

 

Une aide concrète

Au-delà d’un engagement militaire de la France sur le terrain, c’est toute la communauté internationale qui intervient au Sahel à travers l’aide apportée aux pays engagés dans la guerre contre le djihadisme. L’aide européenne et américaine a permis la livraison d’équipements militaires, le financement d’infrastructures, etc. Concrètement, les bataillons de la Force conjointe ont déjà reçu des véhicules, du matériel contre les engins explosifs improvisés, ou encore des équipements de protection.

Le G5 Sahel bénéficie donc des équipements envoyés par la communauté internationale : véhicules, équipements de protection, etc. Les pays européens sont pleinement engagés au Sahel. Par exemple, la République tchèque a livré des équipements de protection individuelle pour le bataillon malien de la FC-5GS pour 400.000 euros, ou encore le Luxembourg a fourni un hôpital et des ambulances pour les bataillons burkinabé et nigérien de la Force conjointe du G5 Sahel pour un coût de 500.000 euros.

Certains retards de livraison et les échecs militaires créent une frustration compréhensible chez les populations, mais l’aide apportée au Sahel est pourtant bien réelle. Récemment, la France a par exemple été accusée sur les réseaux sociaux d’avoir livré des motos aux forces djihadistes alors que les forces armées maliennes ont confirmé que ces motos leur étaient destinées.

 

Vers l’autonomie de la défense des pays du Sahel

La France et la communauté internationale sont intervenus au Mali en réponse à une situation d’urgence qui n’est pas destinée à durer, même si certains sont découragés. Le combat continue face à la recrudescence des attaques djihadistes, mais l’un des projets essentiels de la communauté internationale est de former les armées nationales au Sahel, afin qu’elles deviennent progressivement autonomes dans leur défense.

Ainsi, la Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali), lancée en février 2013, réunit 620 militaires de 28 pays européens : sa mission est de former les militaires maliens. Son mandat a été prolongé en 2018 et son budget a été doublé pour être étendu aux pays réunis depuis 2014 au sein du G5 Sahel.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le président français, Emmanuel Macron, a maintes fois souligné son attachement à la formation des armées sahéliennes. En Côte d’Ivoire, la France finance ainsi la construction d’une Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) à Jacqueville. Celle-ci formera les acteurs de la lutte antiterroriste pour toute la bande sahélienne.

 

Face au fake news : la vérité sur l’action française au Sahel

Le 25 novembre, 13 soldats français sont morts dans un accident d’hélicoptère au Sahel. Depuis 2013 et le lancement de l’opération « Serval » au Mali, qui a donné lieu en 2014 à l’opération « Barkhane », ce sont déjà 41 soldats français qui ont été tués dans cette région.

La France a-t-elle sacrifié ses troupes au nom de ses intérêts économiques ? A-t-elle déployé 4500 hommes sur ces opérations extérieures afin de déstabiliser davantage le Sahel et de soutenir secrètement les combattants djihadistes de la région ? Ces questions absurdes ne le sont pas pour nombre d’internautes qui relaient depuis le mois de novembre rumeurs et fake news sur les prétendues raisons de la présence militaire française au Sahel. Alors que l’opération « Barkhane » est essentielle dans la lutte internationale contre le djihadisme, la France doit compter ses morts dans un climat où on la somme de se justifier.

 

La France dénonce les rumeurs et les « mouvements antifrançais » au Sahel

Depuis le mois de novembre 2019, en Afrique, les rumeurs courent sur les réseaux sociaux. Elles visent à semer le doute sur les intentions de la France au Sahel et à attiser la défiance des populations à l’égard des troupes françaises. Ainsi, l’armée française est régulièrement accusée de vouloir déstabiliser la région : en livrant des motos aux forces djihadistes, selon une rumeur ; en attaquant une base militaire dans le sud-est du Niger, selon une autre rumeur. À chaque fois, les autorités sont obligées de publier des démentis officiels : les motos étaient destinées aux forces maliennes ; aucune base n’a été attaquée à Diffa. De même, les images de l’accident d’hélicoptère du 25 novembre sont devenues virales, alors que l’accident a eu lieu en pleine nuit et qu’il n’en existe pas d’image. Sur les réseaux sociaux, on ne s’embarrasse pas de vérité et l’on commente donc allègrement les images d’un autre accident. En France, ce sont d’autres rumeurs qui se propagent et alimentent les théories du complot : l’opération « Barkhane » serait cette fois destinée à protéger les intérêts économiques de la France, notamment les mines d’uranium exploitées de longue date dans la région par Areva. L’Etat français, selon cette nouvelle rumeur, utiliserait ses forces armées pour défendre des intérêts privés. Pourtant, les troupes de l’opération « Barkhane » sont essentiellement déployées au nord du Mali et les mines d’uranium se trouvent au nord du Niger – on se trompe donc de pays.

De fait, ces rumeurs sans fondement et souvent contradictoires relèvent de deux phénomènes différents. En France, elles traduisent une volonté de repli et un renoncement aux idéaux universalistes: elles visent à discréditer des opérations extérieures jugées coûteuses en vies et en argent. En Afrique, elles sont le fruit d’une défiance plus générale à l’égard de l’interventionnisme et du néocolonialisme supposé de la France. Le 4 décembre, en marge du sommet de l’OTAN, Emmanuel Macron a souligné que l’opération “Barkhane” ne pouvait perdurer dans ce contexte de “mouvements antifrançais”  et a demandé aux pays du G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso et Tchad) d’exprimer clairement leurs attentes par rapport à la France.

La présence de l’armée française est plus que jamais nécessaire au Sahel

Il faut revenir aux sources de l’opération « Barkhane » pour comprendre l’absurdité des rumeurs actuelles. En 2013, lorsque François Hollande décide d’envoyer des troupes au Mali, c’est à la demande de son président : il s’agit de venir en aide à un “Etat ami”, selon les mots du président Hollande, confronté aux offensives djihadistes. Il s’agit en outre de protéger les intérêts vitaux de la France en secourant les ressortissants français qui vivent dans ce pays dont les liens avec la France sont historiques. Depuis, l’intervention de l’armée française s’est étendue à une zone plus vaste et Emmanuel Macron a réaffirmé l’engagement de la France au Sahel car la menace djihadiste s’y est intensifiée.

Face aux rumeurs, il suffit de rappeler les faits : l’opération “Barkhane” sert les intérêts conjoints du Sahel et de la France. Ces intérêts ne sont pas économiques, mais vitaux et géostratégiques. Au Sahel, le 10 décembre dernier, ce sont 71 soldats nigériens qui ont été massacrés au poste de reconnaissance d’Inates, à quelques kilomètres de la frontière malienne. Le 15 décembre, les présidents des Etats membres du G5 Sahel réunis à Niamey ont donc demandé l’aide de la communauté internationale et réaffirmé leur besoin d’être aidés par des puissances étrangères. Loin de subir la présence militaire française, les pays du Sahel la demandent. Mais l’opération “Barkhane” sert également les intérêts de la France, car face à la menace djihadiste sur son territoire, la France mène au Sahel une guerre préventive. Les opérations extérieures de l’armée française servent en effet à limiter l’impact qu’une crise au Sahel ne manquerait pas d’avoir sur la France. Les soldats français morts en opération extérieure le 25 novembre dernier sont donc bien morts pour le Sahel, et pour la France.

Que protègent les forces militaires étrangères au Sahel ?

Officiellement, elles cherchent à lutter contre le terrorisme, mais les interventions des acteurs extérieurs s’inscrivent davantage dans la défense de leurs intérêts.

L’empreinte militaire extérieure, notamment celle des États-Unis et de la France, s’accroît en Afrique de l’Ouest et particulièrement au Sahel. Pourtant, face à des opinions publiques de plus en plus hostiles à cette présence jugée envahissante, ces interventions risquent de s’avérer inefficaces ou, pire, contre-productives.

Le 6 avril 2018, le président ghanéen Nana Akufo-Addo déclarait : « Il n’y aura pas de base militaire américaine au Ghana ». Il répondait ainsi aux protestations soulevées par la signature d’un accord de coopération en matière de défense avec les États-Unis. Quatre mois plus tôt, au Niger, les autorités avaient démenti avoir autorisé l’envoi de soldats italiens dans le Nord du pays, où des bases américaines et française étaient déjà positionnées.

Autrefois limitées au conseil, à la formation et à l’équipement des armées nationales de la région, les forces militaires étrangères, depuis le déclenchement de la crise malienne de 2012, ont accru le déploiement de troupes au sol ainsi que l’installation des bases logistiques ou militaires. Au Mali, en 2013, l’intervention des troupes françaises dans le cadre de l’opération Serval a permis de stopper l’avancée des groupes extrémistes violents vers le sud du pays et leur éviction des grandes villes.

Présenter cette zone du Sahel, comme la nouvelle frontière d’un « djihad » mondial comporte des risques importants

Dans ce capharnaüm militaire, le Mali et le Niger, au carrefour de l’instabilité régionale, sont devenus des terrains privilégiés pour les puissances occidentales. Ces dernières, bien qu’ayant recours aux mêmes arguments sécuritaires pour justifier leur présence, poursuivent des objectifs parfois différents.

Si la lutte contre le terrorisme demeure l’enjeu principal pour les Américains dans la région, il semble que des partenaires européens, comme l’Allemagne et l’Italie, soient aussi motivés par la question migratoire. L’annonce du gouvernement italien, en décembre 2017, de sa décision d’envoyer des troupes au Niger pour combattre le terrorisme répondrait davantage à une volonté d’exercer un contrôle plus étroit sur les flux migratoires. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 75 % des migrants et réfugiés parvenus en Europe en 2017 sont entrés par l’Italie et nombreux sont ceux ayant transité par le Niger.

La participation de l’Allemagne à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) avec un millier de soldats et l’ouverture d’une base logistique au Niger consolide sa présence au Sahel, une zone au cœur des dynamiques migratoires.

La montée en puissance des groupes extrémistes violents et de la criminalité organisée au Sahel, ayant conduit au renforcement de la présence militaire étrangère, a été précédée d’un affaiblissement des États de la région. La situation de ces pays, qui font face à une mauvaise gouvernance caractérisée par une corruption endémique, un système de justice défaillant, une incapacité à fournir les services sociaux de base et à intégrer les espaces périphériques, favorise l’ancrage local et la résilience des groupes extrémistes violents de la violence auprès des populations.

Au Mali, forces françaises sont de plus en plus critiquées par l’opinion publique

Si la France est intervenue à la demande des autorités maliennes de transition de l’époque, au nom d’un passé commun, elle l’a fait aussi et surtout pour protéger ses ressortissants et défendre ses intérêts stratégiques, y compris économiques, dans la région.

À titre d’exemple, le pays continue d’importer du Niger voisin la majeure partie de l’uranium indispensable à son énergie nucléaire. L’intervention de la France, baptisée Serval, en janvier 2013, a laissé la place, six mois plus tard, à l’Opération Barkhane – au coût financier d’environ un million d’euros par jour – dont la zone d’action est élargie aux cinq pays du G5 Sahel : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad.

Tandis que la présence française est fortement médiatisée, d’autres pays tels que les États-Unis et l’Allemagne, se font plus discrets. En octobre 2017, quatre commandos américains et cinq militaires nigériens ont perdu la vie à Tongo Tongo, localité située à la frontière avec le Mali, dans une embuscade revendiquée par l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS). Cette attaque a révélé au grand public l’ampleur de la présence militaire des États-Unis au Niger, et plus largement dans la région.

Elle a également démontré, une fois de plus, que les groupes terroristes, bien que traqués par les pays de la région et leurs alliés, conservent une capacité de nuisance et recourent à des modes opératoires de plus en plus complexes. Cependant, la présentation de cette zone du Sahel, dans la rhétorique qui a suivi l’attaque de Tongo Tongo, comme la nouvelle frontière d’un « djihad » mondial comporte des risques importants.

De nombreuses études soulignent en effet la nécessité de prendre en compte les dynamiques locales dans le développement et l’expansion des groupes armés terroristes dans la région. Ces groupes exploitent, entre autres, les griefs des populations contre la gouvernance étatique ainsi que les tensions entre les différentes communautés socioprofessionnelles – à l’image des conflits pouvant opposer les éleveurs aux agriculteurs – pour s’ériger en garant de l’ordre social.

La décision des États-Unis de donner plus d’autonomie aux troupes déployées sur le terrain paraît dangereuse

Par ailleurs, la décision des États-Unis de donner plus d’autonomie aux troupes déployées sur le terrain paraît dangereuse. Dans un tel contexte, les erreurs de ciblage risquent d’être exploitées par les groupes extrémistes violents pour consolider leur présence et d’affecter l’efficacité des interventions.

Ces derniers mois, les signes d’un mécontentement populaire contre la présence militaire extérieure se sont multipliés dans la région. Accueillies dans un consensus quasi-général au Mali, en janvier 2013, les forces françaises sont de plus en plus critiquées par l’opinion publique.

Cette hostilité a débouché sur l’émergence de mouvements de protestation au cours des derniers mois, à travers le pays, pour dénoncer la politique de la France, accusée parfois d’accointance avec les anciens groupes rebelles. Au Niger, également, des manifestants, répondant à l’appel d’une coalition d’organisations de la société civile, scandaient en février dernier : « Armées française, américaine et allemande, allez-vous en ! », accusant leurs autorités de brader la souveraineté du pays.

La multiplication des interventions au Sahel répond d’abord à une volonté des puissances occidentales de défendre leurs intérêts stratégiques, qu’ils soient d’ordre sécuritaire, politique, diplomatique ou économique. Le masquer ou tenter de le dissimuler contribuerait davantage à renforcer l’image d’une région victime de simples calculs géopolitiques de la part d’acteurs extérieurs.

 

 

 

Cet article est d’abord paru sur le site de l’Institut d’études de sécurité.

Contre le terrorisme, sortir du « tout sécuritaire »

En un peu plus d’une décennie, le Mali comme le Sahel, est devenu l’un des points les plus chauds des conflits armés en Afrique et fait l’expérience, de façon inédite, du terrorisme, qui gagne du terrain. Les pays du G5 Sahel tentent de répondre à ces menaces en mettant sur pied une force commune pour combattre les groupes djihadistes, qui utilisent notamment le Nord Mali comme base de repli. Alors que cette force est en passe de devenir opérationnelle, des voix s’élèvent contre cette énième réponse sécuritaire et plaident pour une analyse plus profonde des causes des conflits qui ne soit pas uniquement axée sur le tout sécuritaire.

Le Mali, dont une partie importante du territoire échappe au contrôle de l’État, est une zone durement touchée par la crise sécuritaire sahélienne, où les conflits armés à grande échelle sont récurrents et la violence très répandue. Le principal facteur responsable de cette situation préoccupante serait, selon certains observateurs, si on devait le résumer en un seul mot, « l’injustice », rendue permanente ou persistante par son corollaire politique : État en déficit, mal gouvernance, corruption, crises alimentaires successives, frustrations accumulées. « Il y a une grande masse de la population qui est là, dans une situation désastreuse. D’année en année, les choses s’aggravent. Donc, à mesure que l’injustice grandit, il y a des réactions violentes et différentes forces qui essaient de tirer profit de cela », explique Moussa Tchangari, Secrétaire général d’Alternative Espaces Citoyens, à Niamey et membre de la Fondation Frantz Fanon. Les djihadistes profitent de ce « terreau favorable » créé par ces injustices pour islamiser le conflit, utiliser les frustrations pour recruter indéfiniment et attirer l’Occident dans le piège de l’intervention. « Les terroristes sont aussi des gens révoltés, qui pensent avec leurs actions pouvoir apporter un changement qui aille dans le sens de leur propre agenda politique», poursuit le chercheur.

Erreurs et stratégies Cette situation, qui échappe au contrôle de l’État, est gérée par les forces étrangères de la communauté internationale, installées dans le pays, qui doivent aider à trouver une solution. « Dans cette crise, la communauté internationale a au moins 40 ans de retard », lance le Dr Bakary Sambé, enseignant-chercheur, coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique et directeur du think tank Timbuktu. « Dans les années 70, elle n’avait pas les moyens de fournir de l’aide à l’Afrique, frappée par la sécheresse, à cause du choc pétrolier qui touchait l’Europe et les États-Unis. Les pays vendeurs de pétrole ont utilisé la prédication et l’humanitaire pour s’implanter au Sahel. Puis, dans les années 80, la communauté internationale a commis une deuxième erreur, d’appréciation. Elle a imposé aux pays des politiques d’ajustements structurels, qui voulaient dire en quelque sorte : investissez le moins possible dans l’éducation, la santé, etc. et les puissances dites islamistes sont venues carrément occuper le terrain, via des centres culturels, des écoles, des services sociaux de base, pendant que l’État tentait de faire face au défi du déficit d’État. 40 ans après, la communauté internationale élabore des stratégies Sahel pour combattre les terrorismes, alors qu’ils sont là depuis 40 ans. La situation conflictuelle est en partie due à ces deux erreurs », affirme l’enseignant-chercheur.

Armes contre idéologie Toujours est-il que pour faire face à la situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel, les pays du G5 (Mauritanie, Tchad, Mali, Niger et Burkina Faso), soutenus par la France, se sont « unis face au terrorisme » et tentent de mettre sur pied une force régionale conjointe, qui comptera 5 000 militaires des cinq pays. Son centre de commandement a été inauguré le samedi 9 septembre, à Sévaré, par le chef de l’État malien, mais son financement, 450 millions d’euros annuels, peine toujours à être bouclé. Le premier bataillon de cette force dite du G5 devrait être opérationnel dès le mois de septembre et les premières opérations militaires transfrontalières menées dès le mois d’octobre. Pour autant, l’efficacité de cette énième force censée combattre le terrorisme au Sahel est loin de convaincre. « La façon dont on pose le problème n’est pas la bonne. On pense qu’on le résoudra avec une force militaire qui aura des moyens. Nos pays font fausse route. Il y a beaucoup de choses à destination de la population qui ne coûtent pas autant d’argent et qu’il faut faire. Il faut commencer par tout ce qui dépend de nous, ce pour quoi on a déjà les moyens, qui ne coûte pas d’argent mais demande de la volonté. Pourquoi ne commence-t-on pas d’abord par ça, au lieu de s’épuiser à obtenir le soutien de la communauté internationale quand on n’a pas celui de son peuple ? Ça montre vraiment le décalage », observe Moussa Tchangari. Pour le Dr Bakary Sambé, il faut privilégier les approches multiples et non seulement se concentrer sur le recours à la force pour résoudre un problème aux racines profondes. « Si la solution militaire était une solution pour combattre le terrorisme, il n’y aurait plus de Talibans en Afghanistan, alors que Trump veut y retourner. Il n’y aurait plus de djihadistes au Nord du Mali. Vous savez, je n’ai jamais vu une idéologie défaite par les kalachnikovs », conclut, sceptique, l’enseignant-chercheur.

 

Un sommet à Paris pour endiguer le flux migratoire

Dirigeants africains et européens se rencontrent aujourd’hui en France pour évoquer une nouvelle fois la problématique de la crise migratoire.

Un énième sommet sur la crise migratoire. Ce lundi 28 août, dirigeants européens et africains se rencontrent à Paris sur invitation du président français Emmanuel Macron, pour discuter de la problématique de l’immigration clandestine. Le chef d’État nigérien Mahamadou Issoufou dont le pays est une zone de transit très utilisée par les migrants et son homologue tchadien Idriss Déby seront accompagnés du chef de gouvernement « d’union nationale » libyen Fayez al-Sarraj pour faire le point sur la question migratoire, et présenter les avancées de leurs différents pays dans la résolution de la ‘’crise’’. Pour l’Elysée, cette rencontre vise à « réaffirmer le soutien de l’Europe au Tchad, au Niger et à la Libye pour le contrôle et la gestion maîtrisée des flux migratoires ».

Pour ce faire la chancelière allemande Angela Merkel, les chefs de gouvernement espagnol et italien, Mariano Rajoy et Paolo Gentiloni et la chef de la diplomatie Européenne Federica Mogherini ont été conviés par le chef d’État français pour participer à la réunion, à l’heure où l’Europe durcit un peu plus le ton à l’encontre des migrants. « L’Europe se sent de plus en plus acculé par les migrants, ils se sentent plus proches des Syriens ou Irakiens qu’ils considèrent comme des réfugiés, à l’inverse de ceux qui viennent d’Afrique, qui sont tous catégorisés comme migrants économiques, c’est discriminatoire. Ils veulent donc se servir de ces pays comme des pays de leurs gendarmes » analyse le Dr Brema Ely Dicko, chef du département sociologie et anthropologie de la faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation de Bamako (FSHSE) et spécialiste des questions migratoires. La France envisage notamment l’installation de ‘’Hotspot’’, des centres d’enregistrements de migrants au Niger et au Tchad, pour distinguer les réfugiés des migrants économiques, une mesure impopulaire dans les pays concernés, et sans doute un sujet de discussion tendu au cours de ce sommet. « Les dirigeants africains auront l’occasion de faire part de leurs inquiétudes à l’Europe sur les nouvelles mesures qu’elle veut mettre en place, et qui ne donnerait qu’une mauvaise idée de l’Europe qui serait vu comme voulant se barricader » estime le Dr Dicko.

L’Italie, pays européen directement touché par cette immigration clandestine ne semble plus faire dans la complaisance. Ce mois d’août, le gouvernement italien à tour à tour, placé des bateaux patrouilleurs dans les eaux italiennes, imposé un code de bonne conduite aux ONG, accusées ‘’d’alimenter le trafic’’ et expulsé près de 400 migrants d’un building désaffecté de Rome.

 

Le ministre de la Défense malien souhaite que la Russie s’implique davantage au Sahel

Présent au forum international militaro-technique «Armée-2017» qui se tient à Moscou du 22 au 27 août, Tiéna Coulibaly, le ministre de la Défense et des anciens combattants de la République du Mali, a souhaité que la  « Russie participe au renforcement des forces armées au Mali » et qu’elle fasse « davantage dans la lutte anti-terroriste au Mali et au Sahel».

La ministre française des armées et son homologue allemande en visite au Sahel

La ministre française des armées Florence Parly a entamé lundi 31 juillet 2017 une tournée au Sahel par la capitale Tchadienne qui abrite le commandement de la force Barkhane. Une force de 4000 hommes déployée au Sahel par la France et qui a pour mission de lutter contre le terrorisme.

« Les 4000 Hommes de la force Barkhane auront les moyens de leur mission », a déclaré la ministre. Une déclaration destinée, selon les observateurs à rassurer les armées françaises de la mise à disposition des moyens malgré le changement intervenu à la tête des forces armées françaises.

La ministre française et son homologue allemande de la défense ont aussi rencontré les autorités Nigeriennes ce 31 juillet. Le Niger et le Mali dernière, étape de cette visite, constituent avec le Tchad, la Mauritanie et le Burkina Faso les 5 pays du G5 Sahel. Le G5 Sahel, cette force conjointe qui doit compter 5000 hommes fournis par les 5 pays concernés. Sa mise en place soutenue par la France et l’Allemagne qui ont un promis un soutien logistique et l’appui dans la formation des troupes. Mais le G5 Sahel qui, en principe doit être opérationnel à partir de septembre prochain, ne dispose pas encore du financement de 423 millions d’euros nécessaires à son fonctionnement annuel.

« Il y a effectivement beaucoup de travail à faire actuellement. (…) Les postes de commandement sont en train d’être mis en place et après sou concomitamment les bataillons seront mis en place. Nous attendons donc d’avoir la pleine capacité opérationnelle de la force conjointe dans le 1er semestre de l’année 2018 », a déclaré le général Didier Dakouo commandant de la force conjointe sur RFI.

La ministre française et son homologue allemande Ursula Von Der Leyen ont clôturé leur tournée dans le Sahel à Bamako. Elles ont été reçues ce 1er août 2017 par le président Malien Ibrahim Boubacar Keïta. Avec les autorités maliennes, les entretiens ont porté sur « des progrès très substantiels » réalisés depuis la tenue du sommet du G5 Sahel le 02 juillet à Bamako.

La ministre française des armées s’est aussi rendue à Gao où sont stationnées les forces de l’opération Barkhane, qui doit relayée, par la force conjointe du G5 dans la lutte contre le terrorisme. « Je sais que vous menez déjà régulièrement des opérations conjointes transfrontalières avec les forces armées des pays du G5, ces opérations préfigurent largement ce que sera demain la force conjointe du G5 Sahel », a déclaré la ministre française des armées avant d’encourager la force Barkhane à soutenir la montée en puissance de cette force du G5. Elle a ensuite réaffirmé la volonté des autorités françaises et allemandes à mobiliser les partenaires européens et internationaux à soutenir cette initiative.

G5 Sahel : Michel Goya, « La vraie question, c’est l’articulation avec les autres forces »

 

La force conjointe du G5 Sahel devrait être opérationnelle à l’automne prochain, bien que son financement soit loin d’être bouclé et que plusieurs questions subsistent quant à son mandat et son opérationnalisation. Michel Goya, stratégiste, analyste et historien militaire, ancien officier dans l’armée de terre française, breveté de l’Ecole de guerre, analyse pour le Journal du Mali cette nouvelle force inter-africaine qui devra combattre le terrorisme dans les cinq pays du Sahel.

La force conjointe du G5 ne dispose ni des fonds ni de l’équipement nécessaire à son fonctionnement. Son opérationnalisation est-elle possible pour l’automne prochain ?

L’opération Barkhane,  4 000 soldats sur l’ensemble des pays du G5 Sahel, coûte entre 500 et 600 millions d’euros par an. C’est autant que les budgets de défense des pays du G5 du Sahel réunis. Le fonctionnement d’un équivalent africain, même doté de moyens moins sophistiqués, ne peut pas être financé par ces Etats. Il faudra trouver les financements adéquats auprès de donateurs comme des organisations régionales ou des nations comme la France ou les Etats-Unis. C’est un processus long et complexe, par ailleurs régulièrement remis en question. Le financement est toujours le talon d’Achille de toutes les forces inter-africaines. Il est probable qu’il en sera de même cette fois d’autant plus qu’on ne connaît pas très bien le mandat de la nouvelle force, ce qui rend plus difficile la justification des aides. La force sera officiellement qualifiée d’opérationnelle à l’automne mais il est peu probable qu’elle le soit pleinement.

Comment cette force militaire devrait-elle être équipée et organisée pour bien fonctionner ?

Une force militaire n’est pas un objectif en soi mais un instrument au service d’une stratégie. Or, on ne sait pas très bien en réalité à quoi va servir cette force. S’agit-il d’une force d’appoint ou de substitution à Barkhane ? La France a-t-elle poussé à sa création pour augmenter l’efficacité générale de la lutte contre les organisations djihadistes ou simplement pour se dégager ? Une force de 5 000 hommes, voire de 10 000, comme on l’évoque à terme pour l’ensemble du Sahel, ne peut être qu’une force d’intervention. Elle doit disposer d’un état-major, de renseignements, de moyens aériens, terrestres et de transport. Surtout, elle doit disposer de troupes et là on ne sait pas très bien qui va les fournir. S’il s’agit de troupes nouvelles, il faudra un effort conséquent de formation et d’équipement dans des pays dont les forces armées sont déjà en flux tendus. Si ce sont, plus probablement, des forces déjà existantes, on ne voit pas très bien la différence avec la situation actuelle, les forces des pays du G5 Sahel étant déjà régulièrement engagées ensemble et avec les forces françaises pour lutter contre les groupes djihadistes.

Ces armées africaines pourront-elles facilement travailler ensemble ?

Elles travaillent déjà ensemble. On a même déjà une bonne expérience de l’emploi de forces interafricaines, régionales ou sous mandat de l’ONU. La force d’intervention conjointe multinationale qui regroupe des unités béninoises, camerounaises, nigériennes, nigérianes et tchadiennes pour lutter contre Boko Haram est très efficace. La difficulté pour coordonner l’action de différentes armées est technique. Il faudra donc un état-major commun qui est prévu pour être installé en position centrale, à Sévaré au Mali, et des moyens de communication communs, un des points faibles habituels des forces africaines. Il faut également une doctrine commune d’emploi des forces et un minimum de cohérence opérationnelle, en plus de la confiance mutuelle.

Quels sont les grands défis qui attendent cette force conjointe du G5 Sahel ?

Le défi tactique consiste à empêcher les groupes djihadistes de constituer des bases ou d’évoluer en forces importantes à l’intérieur du G5 Sahel. La menace, sans être éradiquée, sera ainsi maintenue à un niveau qui pourra être traité par d’autres forces et par d’autres services, la force de ces groupes n’étant pas seulement militaire. La vraie question, c’est l’articulation avec les autres forces présentes dans la zone, comme la MINUSMA, à laquelle elle pourra peut-être se substituer efficacement en récupérant les crédits qui y sont consacrés et un certain nombre de moyens, et surtout la force française Barkhane. Dans l’idéal, on pourrait envisager une fusion avec un commandement commun mais qui ne soit pas un subterfuge de la France pour se désengager.

 

 

 

Otages au Sahel : Négociation mode d’emploi

Le 1er juillet 2017, Nusrat Al Islam publiait une vidéo montrant six otages, dont l’humanitaire française de Gao, Sophie Pétronin, appelant les gouvernements des pays de ces ressortissants étrangers à œuvrer à leur libération. Si, officiellement, ces États affirment toujours ne jamais transiger avec les terroristes, des négociations secrètes, avec de nombreux intermédiaires sont souvent initiées, pour, avec du temps et beaucoup d’argent, tenter de faire libérer les captifs.

  « Ce sont des terroristes, des voyous et des assassins […]. Nous mettrons toute notre énergie à les éradiquer », assenait Emmanuel Macron le week-end dernier à Bamako, qualifiant ainsi les ravisseurs de Sophie Pétronin, l’otage française détenue avec 5 autres par AQMI et ses « associés », quelque part dans l’immensité du désert sahélien. Dans une vidéo publiée par le groupe djihadiste le 1er juillet dernier, la Française, coiffée d’un foulard vert, les traits tirés, enjoignait d’une voix monocorde le président français à faire son possible pour la faire libérer.

« Ils exhibent leurs otages pour attirer l’attention des gouvernements et de leurs populations. Les Français par exemple mettront ainsi la pression sur Macron. Pour eux, les otages, ce sont comme des produits mis aux enchères, une vitrine, un atout pour faire chanter un État et qui peut rapporter gros, environ 5 millions d’euros par tête », décrypte un officier touareg très au fait de l’activité terroriste régionale, qui considère que cette vidéo est aussi un camouflet pour les gouvernements et leurs services de renseignements, incapables après des mois voire des années de débusquer ces groupes et de retrouver leurs ressortissants.

Si cette vidéo apporte une preuve de vie des otages, elle n’éclaire en rien sur les revendications proprement dites des ravisseurs. Un homme au visage couvert fait néanmoins, dans la vidéo, référence à de précédentes libérations d’otages et prévient que d’autres dépendront de la volonté politique de leurs gouvernements respectifs. Un appel du pied à peine voilé à ces gouvernements pour prendre contact et négocier le sort des détenus, si toutefois négociations il y aura.

 Source de revenus Bâtir un réseau fiable de négociations avec les ravisseurs dépend d’un seul critère, la confiance. « Les ravisseurs vous acceptent lorsque vous êtes introduits auprès d’eux par une ou plusieurs personnes auxquelles ils font confiance. Votre origine importe peu, il faut surtout être de bonne foi, ne jamais mentir, ne jamais promettre ce que vous ne pourrez pas réaliser. De toute façon, vous gagnerez leur confiance définitivement une fois que les négociations auront abouti », explique cette source qui a déjà « facilité » la libération d’otages au Sahel. « Durant toutes les tractations, ils assurent le minimum pour que les otages restent en vie. En dehors de cela ils n’ont pas une grande considération pour leurs détenus », poursuit-elle. Les transactions peuvent concerner la libération de prisonniers ou de très importantes sommes d’argent, et les négociations peuvent durer longtemps, car les exigences des ravisseurs sont souvent difficiles, voire impossibles à satisfaire. « Les sommes versées aux ravisseurs, telles que rapportées par les médias, paraissent importantes mais ne constituent pas la partie vitale de l’entretien d’une katiba, qui est composée de plusieurs cercles. Ces groupes sont nombreux à se partager ces sommes et il ne faut pas oublier non plus que la vie dans le désert coûte très cher », ajoute la même source.

L’argent des rançons sert généralement à acheter des armes, de l’essence et de la nourriture, ainsi qu’à assurer la sécurité de ces groupes qui vivent dans la clandestinité. Une sorte de forfait d’existence prolongée pour une période indéterminée. « Les rançons, qui financent ces groupes radicaux et dangereux, c’est un moyen efficace de faire perdurer les djihadistes chez nous », lâche ce combattant du MNLA, qui voit aussi dans la lutte contre le terrorisme en Afrique une guerre par procuration de l’Europe.

Alors, négocier ou éradiquer ? La sortie du Président Macron, dimanche 2 juillet, pourrait être un élément de réponse, conforme à la règle française qui est de ne pas négocier avec les terroristes. Mais après la détermination et les coups de menton médiatiques, reste la realpolitik, où il en est souvent autrement. « Ce qui se passera, je l’ignore, mais je suppose que, soucieux de la situation pénible dans laquelle se retrouve l’une de ses citoyennes, l’État français tentera d’y trouver une solution… », conclut, sibyllin, cet ancien intermédiaire, sous anonymat.

Sébastien Pétronin : « Je reste le fils de Sophie et je me bats pour qu’elle sorte de ça »

Sophie Pétronin, enlevée le 24 décembre 2016, est réapparue, dans la nuit du 1er juillet, dans une vidéo diffusée par la coalition djihadiste Nusrat al-islam avec 5 autres otages, quelque part au Sahel. C’est la seule « trace de vie », depuis son rapt, qu’on ait de cette femme de 71 ans qui vivait au Mali, à Gao, où elle consacrait son temps aux enfants orphelins. Sébastien Pétronin, son fils, a livré au Journal du Mali, son sentiment après la publication de cette vidéo et expliqué le combat qu’il mène avec sa famille et, il l’espère, avec les autorités françaises, pour tenter de libérer Sophie Pétronin.

Quel était l’état de santé de Sophie Pétronin, votre mère, avant son enlèvement, car elle évoque dans la vidéo publiée par la coalition terroriste Nusrat Al Islam, une tumeur au sein gauche ?

Cela me préoccupe d’apprendre ça. Je ne l’ai pas vu depuis plus d’une année donc je ne sais pas. Ma mère était extrêmement discrète, elle n’était pas du genre à se raconter, sauf s’il y avait un caractère d’urgence. Donc, il est très possible qu’elle ait eu ce souci à sa connaissance et qu’elle ne nous ait pas informés.

Depuis son enlèvement en décembre 2016 et avant la publication de cette vidéo, aviez-vous eu des preuves de vie de Sophie Pétronin ?

Le dernier contact que j’ai eu avec elle, c’était une demi-heure avant son enlèvement par un échange de mail. Après ça, plus de nouvelles. Puis par la suite on a eu beaucoup de signaux, d’avertissements, comme quoi elle était vivante mais avec un degré de fiabilité relatif. M. Macron a d’ailleurs utilisé les mots parfaits en parlant de « trace de vie » mais ce n’est pas une preuve de vie. Depuis la diffusion de cette vidéo, on est dans un degré de fiabilité beaucoup plus important puisque c’est public et officiel, mais pour nous ce n’est pas encore un soulagement, c’est une bonne direction. J’essaie de rester lucide, ce n’est pas une preuve de vie, je ne lui ai pas touché la main. Elle est en captivité avec une santé qui n’est pas optimale. Cela fait six mois et demi qu’elle est détenue et l’année prochaine elle aura 72 ans. Tous ces éléments me mettent plutôt dans un état d’inquiétude et je ne suis pas serein après avoir vu le visage de ma mère dans cette vidéo.

Vous avez déploré, avec votre famille, l’inaction des autorités françaises dans ce dossier. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Oui, mais a une nuance près, c’est qu’il y a eu un changement de gouvernement. On n’a pas caché le fait qu’on a été très agacé par la position attentiste du gouvernement précédent. Maintenant on est plus du tout dans la même dynamique. On a un échange qui est beaucoup plus marqué, beaucoup plus constructif et évolutif. Je ne peux pas encore vous dire où ça va nous mener mais on a l’impression d’être plus fortement considérés.

Le président Macron a déclaré vouloir « éradiquer » les ravisseurs de Sophie Pétronin, alors que ceux-ci semblent vouloir établir un contact pour une négociation. Ne craignez-vous pas que cette réponse du président Macron soit considérée par eux, comme un refus de la France de vouloir négocier sa libération ?

Je ne veux pas me dérober à cette question parce que j’ai envie d’y répondre. C’était plus difficile avant parce qu’on nous tenait un peu au silence et à la discrétion. Comme on est dans l’émotion, on ne sait pas très bien si ce que l’on fait est bien, s’il faut parler ou s’il vaut mieux rester discret. Mais 6 mois après son enlèvement, on se sent plus à même de parler dans les médias. Donc mon sentiment personnel, c’est que M. Macron affiche sa détermination et ne rentre pas du tout dans cette histoire avec une position inférieure ou soumise dû à la détention de ma mère, et là-dessus je suis en accord avec lui. Je crois qu’il faut afficher sa force et sa détermination. Maintenant je suis aussi son fils, donc on est très anxieux depuis le début et on ne l’est pas plus ou pas moins parce que M. Macron a affiché de la force et de la détermination. Je suis plutôt concentré à essayer de percevoir des perspectives et des solutions, c’est ça qui m’anime. Je pense que M. Macron sait ce qu’il fait, les ministères concernés savent ce qu’ils font. Ils savent aussi peut-être à la virgule près ce qu’il faut dire. C’est quelque chose qui m’échappe, je reste le fils de Sophie et je me bats juste pour qu’elle sorte de ça.

Vous vous êtes récemment déplacé plusieurs fois au Mali et dans des pays de la sous-région. Essayez-vous de votre côté d’établir un lien avec les ravisseurs pour tenter de faire libérer Sophie Pétronin ?

Dans cette histoire, depuis le début, on essaye d’être dans la bienveillance et de ne faire que des choses qui vont l’aider elle et qui vont lui profiter à elle. On a décidé d’un commun accord avec la famille que rester immobile à attendre ce n’était pas possible, pas acceptable. Le gouvernement précédent ne voulant rien faire, nous avons essayé d’avancer, de rencontrer des gens. On s’est mis dans cette dynamique-là. Aujourd’hui le gouvernement a changé, on a plus les mêmes interlocuteurs, donc, nous la famille, on va déjà observer ce que ce nouveau gouvernement est prêt à faire et à mettre en place. Si le travail est fait, évidemment on se retirera. On n’a pas la compétence ni les moyens de la sortir de là tous seuls. Mais c’est clair qu’on a voulu montrer qu’on ne la laissera pas tomber quoiqu’il arrive et tant qu’on peut, on essaiera de faire quelque chose pour la sortir de là.

Avez-vous contacté le gouvernement malien ? Est-il aussi partie prenante dans ce dossier ?

J’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères à Bamako. J’ai rencontré plusieurs fois le gouverneur de Gao et différents officiels. J’ai été très étonné de la façon dont nous a reçu le ministre des Affaires étrangères parce qu’il était très ému. Je pense que les Maliens ne considéraient pas ma mère comme une ressortissante étrangère qui venait donner un coup de main. Elle était un peu plus que ça pour eux et pour la population de Gao notamment. Ça s’est ressenti en tout cas dans l’accueil que j’ai pu recevoir à Bamako et à Gao, que ce soit avec des officiels, des non-officiels, avec des gens qui la connaissait ou pas, avec des enfants ou des adultes. Il y a eu beaucoup de chaleur. Oui, je crois que les Maliens font quelque chose pour ma mère.

Sophie Pétronin craignait-elle d’être enlevée ou qu’on attente à sa vie, vu la situation sécuritaire qui s’est dégradée au Mali ces dernières années ?

Elle était parfaitement consciente du danger. On en a parlé de vive voix la dernière fois qu’on s’est vu à mon domicile. Je dirai qu’il n’y avait pas de peur, c’était plutôt un risque accepté, mesuré et puis pour elle qui travaillait avec les enfants orphelins à Gao. La vie d’un enfant ça valait tous les risques. 15 jours avant son enlèvement elle a sauvé deux bébés qu’elle a trouvé dans une poubelle. C’était risqué, elle le savait, je le savais, on l’acceptait et si c’était à refaire, on le referait.

Alpha Barry : « La sécurité au Mali, c’est aussi la sécurité au Burkina »

Présent à Bamako à l’occasion du sommet du G5 Sahel, le ministre des Affaires étrangères, de la coopération et des Burkinabè de l’extérieur a accordé une interview à Journal du Mali. Alpha Barry aborde les enjeux sécuritaires de l’espace commun et l’engagement du G5.

Les réunions du G5 Sahel concernent habituellement les questions de défense. Pourquoi celle de Bamako a-t-elle été élargie aux ministres des Affaires étrangères ?

Les ministres des Affaires étrangères sont assez importants dans ce genre de dispositif. On a mis en place, récemment à Niamey, une force mixte de sécurisation des frontières et pour son fonctionnement, il y a un plaidoyer à faire au niveau international. Ce plaidoyer ne peut être effectué que par les ministres des Affaires étrangères qui sont quotidiennement en contact avec les amis et partenaires. La plupart des ministres des Affaires étrangères sont également en charge de la coopération internationale, donc nous sommes en relation avec les pays donateurs ou des institutions internationales pour les mobiliser à la cause de nos pays, car le G5 n’est pas que sécurité.

Quelles sont les autres missions du G5 Sahel ?

Il ne saurait y avoir de sécurité sans développement. C’est pourquoi, les chefs d’État des cinq pays ont décidé de conjuguer leurs efforts en créant le G5 Sahel avec pour objectif de coordonner les politiques et stratégies de développement et de sécurité dans le but de faire de ces pay un espace économiquement intégré, socialement prospère et culturellement riche.

Pourquoi la création d’une force mixte entre le Mali, le Burkina et le Niger, membres du G5 ?

La force mixte est une déclinaison du côté opérationnel du G5. Les pays du champ s’organisent pour faciliter la poursuite contre les terroristes, ce qui signifie que les pays membres peuvent désormais mener des opérations le long de leur frontière pour contrer les différentes menaces qui se présentent à eux.

Il a été question en fin 2016 du retrait d’une partie du contingent burkinabè déployé au sein de la MINUSMA. Où en est-on ?

La sécurité du Mali, c’est aussi celle du Sahel et du Burkina. Nous avons le plus gros contingent de la MINUSMA avec deux bataillons qui font 1 760 hommes. C’est un devoir pour le Burkina de participer à la sécurisation du Mali. Le seul retrait que nous faisons c’est le retrait de notre bataillon du Darfour. Au Mali, nous avons parlé de redéploiement des forces burkinabè. Seulement deux compagnies vont se détacher pour s’installer à Douentza dans la région frontalière au Burkina.

 

 

Terrorisme au Sahel : le Mali, le Niger et le Burkina unissent leur force

Partant du caractère indivisible dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé transnational, les trois pays du Sahel (Mali, Niger et le Burkina Faso), ont décidé de mettre en commun leurs efforts pour faire front commun contre ce fléau qui menace la stabilité de ces pays.

La grande bande désertique qu’est le Sahel qui mesure 5500 km de longueur sur 400 à 500 km de largeur constitue un espace charnière, de contact et d’échanges qui demeure difficilement contrôlable pour des pays avec des moyens limités. Entre une population ethniquement très hommogènes, avec par exemple des touaregs, des peuls, ou encore des maures, on comprend rapidement que sécuriser cet immense territoire est un véritable défi pour les nations sahéliennes. Un des enjeux majeurs au regard des problèmes de trafics en tout genre et des conflits qui secouent la zone. Les populations nomades, les groupes terroristes ainsi que les trafiquants d’armes ou de drogues bénéficient d’une liberté de circulation presque totale qui profite bien évidemment à leurs activités. La sécurité au Sahel est donc une question épineuse à traiter dans les plus brefs délais.

C’est pour répondre à cette préoccupation qu’une rencontre tripartite entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, se tiendra le 24 janvier prochain à Niamey. L’annoncé a été faite par le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, en marge du 27ème Sommet Afrique-France, tenue les 13 et 14 janvier dernier à Bamako. L’enjeu de cette rencontre est de savoir quels sont les moyens disponibles pour améliorer la sécurité dans un futur proche.
«Nous avons également pris l’engagement d’équiper nos forces armées, de leur donner les moyens pour assurer la sécurité du territoire, mais également de rechercher des moyens pour que nous puissions avoir des hélicoptères qui nous permettent d’assurer une sécurité aérienne », a-t-il déclaré.

Le Burkina Faso, longtemps épargné, est devenu l’une des cibles privilégiées des terroristes depuis, les attaques de Ouagadougou, le 15 janvier 2016, faisant 30 morts et 70 blessés.
«Cette rencontre de haut niveau à laquelle le Mali prendra part sera l’occasion pour nos pays de mutualiser les efforts pour lutter contre le terrorisme. Le Mali t
ouché de plein fouet par le phénomène, comme nous l’a rappelé cruellement l’attentat de Gao, s’active sur le terrain depuis fort longtemps pour ce genre d’initiative. Parce qu’il est évident qu’aucun pays seul ne peut y faire face », explique un cadre du ministère des Affaires étrangères. « En plus de la coordination des forces, appel sera fait aux populations des pays concernés à coopérer davantage avec les forces de défense et de sécurité chaque fois qu’on voit quelque chose de suspect », ajoute-t-il. C’est dans cette dynamique de coopération qu’Abdoulaye DIOP, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de l’Intégration africaine effectue, depuis le 16 janvier dernier une visite de travail au siège de l’ONU. Cette visite s’inscrit dans le cadre de l’examen périodique  du rapport du Secrétaire général des Nations unies sur la situation au Mali.

La commission européenne renforce la lutte contre l’immigration irrégulière, au Mali

Deux nouvelles actions vont être lancées par la commission européenne, au Mali, dans le cadre de la stabilité et de la lutte contre la migration irrégulière. Ces actions ont été adopté, lundi 13 juin 2016, et rejoignent d’autres actions qui seront appliquées dans la région du Sahel et du bassin du lac Tchad, pour un montant total de 95,7 milliards FCFA

Le Mali, qui partage une frontière avec des pays d’Afrique du Nord, est l’un des pays de transit de la migration irrégulière en partance pour l’Europe. Ces flux migratoires qui génèrent un phénomène d’insécurité, représentent un défi majeur pour les pays européens. La Commission européenne dont le domaine d’action, en matière d’immigration, est d’enquêter sur les réseaux de trafiquants, les déjouer, et aider les pays de l’UE à adapter leurs pratiques, a adopté, le 13 juin dernier, 6 nouvelles actions pour aider financièrement des pays d’Afrique à endiguer les flux de migrants. Pour ce faire, le Mali recevra un montant de 19 milliards de FCFA, pour améliorer la surveillance de ses zones frontalières et renforcer la sécurité des régions de Mopti et Gao, par une présence plus accrue et effective des forces de sécurité (police, gendarmerie, garde nationale, forces armées maliennes, douanes et protection civile), afin de prévenir les migrations irrégulières et la traite des êtres humains.

Un programme régional contre la migration irrégulière, englobant le Mali et les pays de la région sahélienne, sera doté d’un budget de 27 milliards de FCFA. Il visera à une meilleure coopération entre les différents pays et au renforcement des capacités opérationnelles de leurs autorités, afin d’effectuer un contrôle effectif de leur territoire, via la création d’unités policières mobiles, multidisciplinaires et autosuffisantes.

Ces nouvelles actions de la Commission européenne visent à assurer une meilleure gestion des flux de migrants traversant les zones frontalières des pays sahéliens, pour apporter une réponse immédiate à la situation de crise en Méditerranée et pour contribuer à la stabilité et au développement économique et social des pays concernés.

COMMANDITAIRES : Une nébuleuse djihadiste, toujours plus complexe

Deux groupes ont revendiqué l’attentat de l’hôtel Radisson. D’abord la katiba Al-Mourabitoune, puis le Front de libération du Macina. Une menace multiforme qui laisse entrevoir des passerelles entre les divers groupes salafistes au Sahel.

L’hôtel Radisson, a été la cible vendredi 24 novembre 2015, de djihadistes toujours plus déterminés à frapper au moment où l’on s’y attend le moins et à saper les efforts de stabilisation au Mali. Cette dernière attaque vient montrer la capacité de groupes terroristes comme Al-Mourabitoune (les Signataires par le sang) et AQMI (Al-Qaeda au Maghreb islamique) à ne plus se cantonner aux attaques dans le nord. Elle prouve aussi qu’entre ces différents groupes, il existe des passerelles étroites. La présence de membres d’origine nigériane au sein de l’organisation Al-Mourabitoune fait penser à une corrélation avec le groupe extrémiste Boko Haram qui opère au Nigeria et au nord du Cameroun et s’illustre par des tueries barbares en ayant recours à des kamikazes. « Ces groupes ont les mêmes objectifs et ont souvent des actions coordonnées. Ils cherchent des cibles symboliques où il y a des regroupements d’étrangers, avec la garantie d’une résonance médiatique importante», souligne à juste titre l’ancien ministre de la Défense, Soumeylou B. Maïga.

En effet, pour la seule année 2015, le Mali a été frappé au moins cinq fois sur son territoire par les groupes terroristes: Al-Mourabitoune, que dirige Mokhtar Belmokhtar, un djihadiste d’origine algé- rienne, le Front de Libération du Macina dirigé par le prédicateur Amadou Koufa, la katiba Khaled Ibn Al Walid ou encore le mouvement Jund Al Kilhafa qui prêta allégeance à Daesh, mais aussi les cellules actives issues du Mujao ou du mouvement Ansar Dine d’Iyad Ag Ghaly. Une manière de transporter le danger partout.

Ces 3 dernières années, le maillage des forces nationales et internationales appuyé par l’opération Barkhane, a fait subir des pertes lourdes à ces groupes extrémistes qui ont considérablement réduit leur marge de manœuvre », rappelle encore l’expert. Quant aux revendications d’Al-Mourabitoune et d’Aqmi, diffusé sur Al-Jazeera pendant l’attaque, elles exigeaient la libération des détenus djihadistes maliens et la fin de « l’agression » des populations au nord du Mali.

Atelier: EUCAP Sahel Mali informe la presse sur sa mission

Lancée le 15 janvier dernier sur l’invitation du gouvernement du Mali, la mission civile EUCAP Sahel Mali constitue un élément important de l’approche régionale de la stratégie de l’Union européenne pour la sécurité et le développement au Sahel. C’est dans ce contexte que la mission de l’Union européenne au Mali a organisé ce mardi un atelier d’information et de sensibilisation de la presse nationale sur les missions et activités de EUCAP Sahel.

D’entrée de jeu, Madame Anuliina Savolainen, chargée de presse et d’information publique souhaitera la bienvenue aux journalistes couplé d’une brève présentation de la mission civile au Mali. Quant à  Guillaume Lacaille, conseiller politique de la mission, il interviendra sur le mandat et les activités de la mission. Présente au Mali depuis un an environ avec une équipe restreinte, EUCAP Sahel a élargi son personnel afin de mieux répondre aux objectifs à  lui assigner. Guillaume Lacaille indiquera également que la mission de EUCAP Sahel est axée d’abord sur le conseil stratégique en matière de Ressources Humaines, ensuite sur la formations des forces de sécurité et enfin la coopération et la coordination des activités de la mission. Durant quatre ans jusqu’en janvier 2019, EUCAP Sahel en étroite coordination avec les autres acteurs internationaux, notamment la MINUSMA interviendra dans l’assistance et le conseil de la police nationale, la gendarmerie nationale et la garde nationale afin de favoriser la mise en oeœuvre de la réforme de la sécurité fixée par le gouvernement du Mali.

A ce jour, ce sont 450 cadres maliens qui ont été formés par EUCAP Sahel qui entend atteindre 600 personnes en 2015. Pour le chef de division, les difficultés rencontrées à  ce jour ont été surmontées. Il appelle en revanche les différents partis politiques à  plus s’investir dans l’application de la mission de EUCAP Sahel car estime t-il les autorités maliennes ne pourront bénéficier des avantages des misions étrangères au Mali passe nécessairement de mettre en oeuvre ce qui a été décidé.

EUCAP Sahel : L’’Europe réaffirme son soutien au Mali pour transformer ses Forces de Sécurité Intérieure

Eucap Sahel a tenu ce mercredi à  son siège à  Sébénikoro un point de presse sur la visite de trois jours, la délégation du Comité chargé des aspects civils de la gestion des crises (CivCom) de l’Union européenne. Il s’agit du corps principal du Conseil de l’Union européenne en ce qui concerne le pilotage stratégique et opérationnel des missions civiles de l’UE autour du monde. Cette visite a également permis à  la délégation de suivre diverses activités de la mission EUCAP Sahel Mali et de rencontrer ses partenaires stratégiques au niveau gouvernemental et opérationnel. Le but : mieux comprendre la réalité dans le pays pour mieux orienter la Mission depuis Bruxelles. Jana KALIMONOVA, la présidente du CivCom menant la Délégation, s’est félicitée de la bonne mise en place de la Mission Civile EUCAP Sahel Mali, et de la bonne relation de travail établie entre les trois forces de Sécurité intérieure que sont la Police, la Gendarmerie et la Garde Nationale, et leurs Ministères de tutelle. Arrivée en juillet 2014, la mission EUCAP Sahel Mali, assiste et conseille les FSI dans la mise en œuvre de la Réforme du Secteur de la Sécurité fixée par le Gouvernement. Elle a commencé ses actions de formation en janvier 2015 au sein de la Gendarmerie, de la Garde Nationale et de la Police. Rencontre fructueuse avec le Ministre de la Sécurité intérieure. La délégation du CivCom souhaite que le travail conjoint entre EUCAP Sahel Mali et le Ministère de la sécurité puisse continuer avec l’esprit de collaboration qui a permis la bonne insertion des conseillers dans les structures ministérielles et appelle à  la mise en œuvre des conclusions des différents Groupes de Travail (GT) établis avec les forces de sécurité du Mali. La société civile, elle aussi, ne doit pas rester en marge du processus de Réforme du Secteur de la Sécurité. Une rencontre entre le CivCom et des représentants d’organisation de la Société Civile a permis de réfléchir à  la problématique du rétablissement de la confiance entre les forces de sécurité et la population civile. La rencontre a vu la participation d’organisations telles que IMRAP, CHD, FES, Caritas Mali, WANEP, ARGA, Interpeace et NDI. La visite de courtoisie rendue à  la MINUSMA a permis au CivCom de se féliciter de la bonne coopération entre EUCAP Sahel Mali et la MINUSMA, en particulier avec UNPOL. Cette coopération est aujourd’hui évidente grâce à  la signature de l’accord technique au mois d’août 2015, et par la bonne mise en place des premières formations conjointes EUCAP-UNPOL, qui sont sans précédents dans l’histoire de la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et l’Union européenne. Pour mieux illustrer la réalité sur le terrain, EUCAP Sahel Mali a invité la délégation à  observer une formation de Droits de l’Homme à  l’Ecole de la Police et une partie de la formation conjointe avec la MINUSMA à  la Garde Nationale. Lors d’une rencontre avec les Chefs des trois Forces de Sécurité Intérieure, ceux-ci ont loué le soutien d’EUCAP dans la mise en oeuvre d’un recrutement basé sur le mérite, « pour que le recrutement final se fasse sur des bases saines et objectives », a expliqué le Directeur Général de la Police Nationale, l’Inspecteur Général Hamidou Gogouna KANSSAYE. Le Chef d’Etat-Major de la Garde Nationale, Zoumana Diawara, a rappelé les besoins auxquelles font face les unités sous sa responsabilité. Le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale, le Colonel-Major Mody BERETHE, a quant à  lui abordé la question des défis pratiques pour procéder aux opérations d’intégration dans les forces de défense et de sécurité prévues par l’Accord de Paix.

L’EUCAP Sahel prend ses quartiers à Bamako

C’est en présence du chef de l’Etat malien Ibrahim Boubacar Keita, que la mission EUCAP Sahel Mali, a inauguré son tout nouveau siège, dans le quartier de Sébénikoro, à  Bamako. Ce nouveau bâtiment abrite désormais les spécialistes de la mission européenne qui conseille et forme les forces de sécurité intérieure malienne depuis son lancement officiel le 15 janvier 2015. Dans un contexte sécuritaire fragile, l’Ambassadeur Zink, chef de la délégation de l’Union européenne au Mali, a indiqué que la mission EUCAP Sahel vise à  soutenir le Mali dans plusieurs domaines du développement humanitaire, politique, sécuritaire. Il a également rappelé que la paix et la stabilité au Mali est un enjeu majeur pour l’Europe « qui n’est séparé géographiquement du territoire malien que par un seul pays ». Formation et conseils Dirigée par M. Albrecht Conze, la mission disposera bientôt de 110 à  130 spécialistes européens et maliens pour former 600 officiers et sous-officiers des trois forces de sécurité intérieure dès 2015 et près d’un tiers des cadres de ces forces à  l’horizon 2019. Il a ajouté que EUCAP Sahel Mali « va renforcer les capacités de ces « cadres d’avenir » afin qu’ils soient en mesure de mieux servir leur pays avec loyauté, une meilleure aptitude au commandent, et des compétences professionnelles qui répondent aux besoins de la nation – bref, pour être des citoyens en uniforme hautement qualifiés et irréprochables au service de tous les citoyens maliens. » Avec le lancement d’EUCAP Sahel Mali, l’Union européenne répond au souhait des autorités maliennes d’inclure son soutien au secteur de sécurité intérieure dans les efforts importants déjà  fournis par d’autres acteurs internationaux. Pour assurer la cohérence de l’appui international, la mission travaille de manière étroite avec EUTM Mali, la MINUSMA et d’autres partenaires du Mali pour la sortie de crise.

Sahel: la BM consacre un programme aux femmes

Parmi les obstacles qui entravent le développement de la région du Sahel, on peut citer les taux de fécondité élevés, la rigueur du climat, l’insuffisante de la croissance, des opportunités économiques limitées. La mortalité maternelle et infantile est aussi la plus élevée au monde. Pour réduire la pauvreté dans cette zone, la Banque mondiale vient de lancer son programme de développement du Sahel financé à  hauteur de de 170 millions de dollars (environ 85 milliards de francs CFA). Le projet relatif à  l’autonomisation des femmes et au dividende démographique au Sahel concerne cinq pays africains, dont quatre du Sahel y compris le Mali. « Nous savons que pour éliminer la pauvreté en Afrique et accroà®tre la prospérité au profit des familles, il faut notamment améliorer l’accès des femmes aux services de santé et éduquer les adolescentes», a déclaré Makhtar Diop, vice-président pour la Région Afrique à  la Banque mondiale. Et d’ajouter « il est impératif d’atteindre ces objectifs dans les pays du Sahel, o๠les taux de natalité sont parmi les plus élevés au monde. l’amélioration de l’accès aux services de santé maternelle et infantile, ainsi qu’aux services de planning familial, permettra de créer des perspectives économiques pour les femmes et filles de la région ». l’approbation du financement intervient un an après la visite conjointe au Sahel du président du Groupe de la Banque mondiale, Jim Yong Kim et du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. La Banque mondiale s’était alors engagée à  débloquer 1,5 milliard de dollars pour financer les priorités de la région en matière de développement, telles que la mise en place de dispositifs de protection sociale pour aider les familles à  résister aux pires effets des fléaux économiques et naturels, le développement des infrastructures et la création d’opportunités économiques pour les familles vivant en milieux rural.