Mali – Transition : les mille et une difficultés des journalistes

Le rapport « Dans la peau d’un journaliste au Sahel », publié le 3 avril dernier par Reporters sans frontières, met en évidence d’immenses obstacles à être journaliste au Mali. Déjà confrontés au non versement de la subvention allouée aux médias depuis 2019 et à un ralentissement des mannes publicitaires, ils peinent également à faire leur travail à cause de l’insécurité et de la répression politique.

Il est de ces épreuves de vie qui sont plus dures que la mort. Depuis 2016, Birama Touré, journaliste de l’hebdomadaire Le Sphinx, est porté disparu après avoir été enlevé à Bamako. Sept ans sans donner signe de vie. « Personne ne sait s’il est vivant ou mort », dit l’un de ses proches, pour lequel la situation est toujours difficile. Le 6 avril dernier, c’est le journaliste Aliou Touré, Directeur de publication du journal Le Démocrate, qui a subi le même sort dans la capitale malienne, avant finalement d’être libéré le 10 avril par des ravisseurs non identifiés.

Une chance que n’ont toujours pas eue les journalistes maliens Hamadoun Nialibouly et  Moussa M’Bana Dicko, enlevés respectivement en septembre 2020 et en avril 2021 au centre du Mali par des hommes armés.

À Bamako comme à l’intérieur du pays, les journalistes subissent des agressions. « Il est indéniable que le métier de journaliste au Mali est devenu extrêmement difficile en raison de l’insécurité qui règne dans le nord et le centre. Les risques auxquels sont confrontés les journalistes dans ces localités sont très élevés. Les enlèvements, les menaces et les intimidations sont monnaie courante pour eux », explique Modibo Fofana, Président de l’APPEL Mali. En outre, certains se retrouvent aussi « cyber harcelés et menacés », indique le rapport, qui met l’accent sur le cas de Malick Konaté. Victime régulièrement de cyber harcèlement et d’intimidation depuis début 2023, le journaliste reporter d’images (JRI), également fondateur de la web télévision Horon32, a dû quitter le pays.

Face à la situation, les organisations de la presse s’organisent. Une cellule réunissant l’ensemble des organisations professionnelles de la presse a été créée suite à la disparition du journaliste Aliou Touré. Et elle continue d’œuvrer malgré son réapparition. « Nous demandons à l’ensemble de la presse de continuer cette synergie d’actions et de se donner la main pour faire aboutir nos revendications les plus légitimes pour une presse libre, indépendante et responsable. Dorénavant, la Cellule de crise mise en place va s’intéresser au cas Birama Touré, pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire », a indiqué le 11 avril dernier le Président de la Maison de la Presse, Bandiougou Danté.

Bandiougou Danté : « De telles pratiques ne doivent pas rester impunies »

Le journaliste Aliou Touré, Directeur de publication du journal Le Démocrate, a été enlevé le 6 avril 2023 puis libéré ce lundi par des ravisseurs non identifiés. Une énième disparition de journalistes au Mali qu’ont déplorée lors d’un point de presse, le mardi 11 avril 2023, les organisations de la presse, qui entendent « désormais œuvrer pour faire cesser la pratique ». Interrogé après la rencontre, le Président de la Maison de la presse, Bandiougou Danté, a appelé, l’État « à punir les auteurs » et l’ensemble de la presse « à rester mobilisé ».

Aliou Touré est libre. Quelle est désormais la marche à suivre ?

Nous interpellons à présent les plus hautes autorités du pays pour qu’elles prennent toutes leurs responsabilités. De telles pratiques ne doivent pas rester impunies. Les auteurs doivent être recherchés, connus et ils doivent répondent de leurs actes. Et seul l’État à la possibilité de faire payer aux auteurs de telles pratiques leurs actions. Nous souhaitons que les plus hautes autorités du pays ouvrent des enquêtes sincères pour qu’on sache réellement qui avait enlevé Aliou Touré et qui l’a libéré. Pour ce faire, nous invitons les uns et les autres à la prudence et à la mobilisation. Ceux qui procèdent ainsi donnent le témoignage de l’échec d’une transition qui doit nous sécuriser.

Avez-vous une idée des auteurs de l’enlèvement d’Aliou Touré ?

De toute façon, quel que soit l’auteur de cette pratique, un doigt accusateur sera porté sur l’État, qui a la responsabilité de nous protéger. Il a toutes les prérogatives, les privilèges et même accès à nos vies intimes pour nous sécuriser.

Quelles mesures comptez-vous mettre en place pour éviter que des journalistes ne soient plus victimes de kidnappings ?

La cellule mise en place va continuer à travailler. Ayant compris les réalités médiatiques de notre pays, nous avons mis en place cette cellule, qui comprend des rapporteurs, des porte-paroles et qui compte en son sein l’ensemble des organisations professionnelles de la presse. Si Aliou Touré n’avait pas été libéré, des actions vigoureuses allaient être annoncées ce mardi. Depuis des journées sans presse jusqu’à des manifestations dans la rue. Tout était sur la table et nous n’aurions pas reculé. Nous demandons à l’ensemble de la presse de continuer cette synergie d’actions. Qu’on se donne la main pour faire aboutir nos revendications les plus légitimes pour une presse libre, indépendante et responsable. Dorénavant, la cellule de crise va s’intéresser au cas Birama Touré, pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire.

Olivier Dubois : 23 mois de captivité

Ce 8 mars, cela fait 23 mois que le journaliste français Olivier Dubois est retenu en otage par le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Enlevé à Gao le 8 avril 2021, le journaliste est apparu dans deux vidéos, deux preuves de vie, en mai 2021 et en mars 2022. Olivier Dubois, père de deux enfants et ancien collaborateur du Journal du Mali est le journaliste français dont la détention est le plus longue depuis 30 ans. Dans une récente interview accordé à un média français, Abou Obeiba Youssef al-Annabi, le chef d’Aqmi a confirmé que son groupe détenait le journaliste et était ouvert à la « discussions ».