Mali – Burkina Faso : le fédéralisme au menu de la visite du Premier ministre burkinabè

Nourrissant déjà l’espoir de venir au Mali qui, selon lui, fait la fierté de toute l’Afrique depuis l’avènement au pouvoir du colonel Assimi Goïta, le Premier ministre burkinabé, Apollinaire Kyélem a lors de sa rencontre avec ses compatriotes à l’Ambassade du Burkina Faso ce mercredi 1er février 2023, trouve opportun sa visite au Mali pour mettre à profit l’idée du fédéralisme entre les deux pays.

Selon le chef du gouvernement burkinabé, si cette fédération parvient à se créer, elle pourrait être une puissance sur le plan économique vu les potentialités dont regorgent les différentes villes des deux pays.

Pour lui, être ensemble pour constituer une fédération ne veut pas dire une unicité ou une uniformisation, mais plutôt une gestion d’ensemble des aspects de la souveraineté.

Convaincu, le Premier ministre Burkinabé avoue que d’autres pays n’attendent qu’un déclic pour rejoindre cette Fédération Mali-Burkina. Il a même cité le Sénégal et le Togo qui ont déjà montré leur intérêt à cette idée, au cours de ses échanges avec certains responsables de ces pays. Le Premier ministre ajoute que la Guinée Conakry sera aussi favorable à une telle démarche.

 

Fédération du Mali : Les espoirs déçus

Il y a 58 ans éclatait la Fédération du Mali. La toute jeune entreprise (inédite en Afrique à l’époque) n’a pas survécu aux divergences et aux pressions extérieures.

Éphémère. Le mot sied bien à la Fédération du Mali. Formée en janvier 1959 à Dakar, elle regroupait initialement le Sénégal, le Soudan français (maintenant Mali), la Haute-Volta (Burkina Faso) et le Dahomey (Bénin). Ces deux derniers se retirèrent sous la pression de la France et du Président ivoirien Félix Houphouët Boigny. Soudanais et Sénégalais se retrouvaient donc seuls dans cette aventure fédérale. L’élection du chef de l’État devait se tenir le 27 août 1960, mais la Fédération ne vivra pas jusque-là. Pour cause de différends sur le partage de certains postes (chef d’état-major de l’armée notamment), le regroupement volera en éclats. Dans la nuit du 19 au 20 août, les Sénégalais dénoncent une tentative de coup d’État et de « soudanisation » de leur pays. « Modibo Keita a éprouvé le besoin d’abuser de la force qu’il détenait de nous pour s’en servir contre notre peuple, espérant sans doute que les Sénégalais étaient suffisamment veules pour tolérer que lui, Modibo Keita, venant de Bamako, puisse disposer de nous à sa guise. C’est bien mal connaître les Sénégalais. Tout le Sénégal se dressera pour défendre son honneur… », déclarera Mamadou Dia, l’un des leaders sénégalais, sur les ondes de Radio Sénégal. Les dirigeants maliens qui habitaient Dakar furent expulsés manu militari vers Bamako. La pilule passera mal. Les Maliens, sortis en masse pour accueillir leurs dirigeants, veulent faire payer « l’affront » aux Sénégalais. Mais Modibo et ses amis arrivent à apaiser les esprits. Le premier Président malien tient la France pour responsable et liste, le jour de la déclaration d’indépendance, sept raisons pour cela. « Ce fut un coup dur, nous croyons en cette Fédération. Nous la regrettons. Je pense que nos deux pays auraient été plus grands en y restant », confie Mohamedou Dicko, historien.

Semence fertile

En dépit de cet échec, Modibo Keita n’abandonnera pas pour autant l’idée du fédéralisme. « Nous restons mobilisés pour l’idée de la Fédération qui, malgré tout, demeure une semence virile de l’unité africaine. Nous avons perdu une partie, mais nous gagnerons la manche, in Challah ».

Birama Diakité, ancien du Parti africain pour l’indépendance (PAI) se souvient d’une discussion avec le Président Keita durant un camp de pionniers à Moribabougou. « Je lui ai signifié mon désaccord sur la Fédération, il ne m’a pas tout de suite répondu ». Après une collation qu’ils ont partagée, Modibo prend une craie et dessine la carte de l’Afrique. Il y ajoute celle du Mali à l’intérieur. « Il m’a expliqué très calmement les avantages de la Fédération en avançant des arguments solides. J’ai été convaincu. Seuls nous ne pouvons être grands », assure-t-il.

Vers un fédéralisme qui ne dit pas son nom ?

L’accord de paix, signé en mai et juin derniers, préfigure les bases d’un nouveau système administratif et politique au Mali. Un cadre de la CMA, sous anonymat, a confié à Journal du Mali, son point de vue et sa vision pour l’avenir de la nation.

Au Mali, pays démocratique, certaines populations du nord se sentent éloignées du gouvernement central et de la conception d’État nation. Depuis longtemps, le pays est confronté à des problèmes régionaux. « Le problème du Nord et du Mali de façon générale est très mal cerné par les gens et par les responsables administratifs et politiques. On est dans une telle situation qu’il faut refonder l’État malien. C’est révélé dans l’accord. Il faut que l’on dépasse cette mentalité malienne qui pense que l’État est au cœur de tout, du départ à l’arrivée », explique ce cadre de la CMA. Selon lui, le peuple de l’Azawad (terme non géographique qui désigne l’ensemble des régions du Nord Mali, NDLR), ne pourrait se reconnaître dans un État centralisateur et dirigé par un homme : « il faut partager le pouvoir dans toute sa nature, dans toute sa complexité et dans toute sa projection. Il faut donner aux peuples du nord un intérêt à être Malien », affirme-t-il.

Après des revendications intégratrices, puis indépendantistes, la solution d’un État fédéral avec une certaine autonomie des régions du nord, semble la plus viable à son mouvement. « Nous sommes arrivés à un compromis. Un compromis, c’est renoncer à quelque chose pour pouvoir sauver l’essentiel. Le Mali doit renoncer à des choses pour pouvoir se sauver lui-même. Si ça ne marche pas avec la structure de l’État actuel, c’est que l’État est défaillant. Il faut donc le réformer, le refonder. La seule solution, pour le Mali, c’est le fédéralisme, c’est ce qui va sauver ce pays, sinon il sera divisé en plusieurs morceaux », conclut-il.

L’accord de paix vise à prendre en compte les intérêts des uns et des autres via des dispositions non contraignantes et acceptées par tous. Pour les anciens rebelles, cet accord positif semble, en quelque sorte, être le préambule d’une réflexion plus profonde à mener sur l’organisation politique du Mali et la prise en compte nécessaire des différentes populations qui le peuplent. La question est donc posée: pour garantir l’unité, ou au moins une réelle cohabitation, le fédéralisme est-il la solution ? Si oui, est-ce vraiment la dernière étape ?