Promotion du livre et de la lecture : les journées internationales du livre au Mali lancées

C’est une édition spéciale qui sert de trait d’union entre l’organisation des journées nationales du livre qui a déjà connu quatre éditions et le Salon internationale du livre de Bamako (Saliba) dont la relance est prévue pour mai 2024. Ouvertes mercredi 24 mai 2023, les journées internationales du livre du Mali initiées par l’Organisation malienne des éditeurs de livres (OMEL) se tiennent jusqu’au 28 mai prochain à la Bibliothèque nationale.

« Rôle et place du livre dans le processus de refondation du Mali ». C’est le thème retenu pour cette édition spéciale qui cible en particulier, en dehors du grand public, les professionnels du livre, les scolaires et les universitaires et dont l’objectif général est non seulement de promouvoir la lecture mais aussi l’industrie du livre et la protection de la propriété intellectuelle au Mali.

Durant ces 5 jours autour du livre et de la lecture et à son issue, l’OMEL espère créer un espace de visibilité des productions maliennes, produire un effet médiatique majeur sur la nécessité de l’adoption de la politique nationale du livre et de la lecture et mieux mobiliser les décideurs nationaux sur son urgence.

Pour l’écrivain Samba Niaré, le livre a bel et bien une place et un rôle dans le processus de refondation en cours du Mali. « Les raisons de notre défaillance ne sont pas que politiques, elles sont d’ordre intellectuels », a-t-il soutenu devant quelques personnalités littéraires et politiques présentes à la cérémonie d’ouverture  qui s’est achevée par une visite des stands des maisons d’éditions présentes à ces journées à l’instar, entre autres des éditions Prince du Sahel, Harmattan du Mali,  Figueira, et Asselar. « Il faudrait que le livre contribue à la mise en place des autres sécurités vitales pour le pays », a-t-il ajouté.

Placées sous le haut parrainage du président de la Transition, Colonel Assimi Goita, ces journées internationales du livre au Mali, dont la marraine est Aicha Baba Keita, Présidente de la Forsat Civile s’articuleront autour de plusieurs activités telles que des expositions de livres, des table-rondes, des conférences débats sur le thème générique et des sous-thèmes et des animations autour de la lecture et de l’écriture.  La journée du 25 mai sera dédiée à une visite des Institutions du Mali, le 26 mai aux anciens ministres auteurs pour la plupart et le 27 mai aux Ambassades.

Fatoumata Niaré Keïta : « Nous nous attelons à la formation d’un nouveau lectorat »

Dans l’optique, entre autres, de revaloriser les contes et légendes africains, d’œuvrer à la formation d’un nouveau lectorat malien et africain et de former les enfants de 8 à 16 ans et les enseignants et volontaires à l’écriture de courts récits pour en faire des livres pour enfants, a vu le jour le projet « Ensemble, soutenons la lecture au Mali », initié par Figuira éditions et l’association Jigiya Jigifa. Entretien avec l’écrivaine Mme Niaré Fatoumata Keïta.

Pourquoi avoir initié le projet « Ensemble, soutenons la lecture au Mali » ?

Figuira éditions est parti d’un constat : le manque au Mali de livres « plaisir » destinés aux lecteurs débutants et émergents. Et si souvent, dans quelques familles lettrées, il existe quelques livres pour les enfants, ils racontent des histoires venues de l’Occident qui ont parfois peu de choses à voir avec nos réalités et nos cultures. Pourtant, force est de reconnaître que notre imaginaire culturel et social est rempli de grands récits, de contes et de légendes, qui ont façonné notre identité et notre humanité. C’est la raison pour laquelle Figuira éditions et l’association Jigiya Jigifa ont entrepris de concevoir et de distribuer une riche collection de livres pour enfants bâtis sur les contes et légendes du Mali, dans un premier temps, puis sur ceux d’Afrique dans un second, mais aussi sur de nouveaux contes. À cette fin, nous avons entrepris de former 10 enfants de 8 ans à 16 ans, qui sont en train d’écrire des histoires que nous allons éditer. Certains de nos auteurs adultes (5) participent aussi à cette grande dynamique de création.

Où en êtes-vous dans la mise en œuvre ?

Nous avons déjà fait la formation de 10 auteurs, 5 enfants de 8 à 16 ans et 5 adultes de 28 à 45 ans et la production de 24 livrets par 7 des auteurs formés sur plusieurs thématiques (la culture de la paix, l’acceptation de la diversité, la tolérance, le respect de la différence, l’esprit de sacrifice, la citoyenneté, le genre etc.).

En outre, nous avons mené l’évaluation des livres produits auprès des enfants du Centre Jigiya Jigifa de Figuira éditions, des élèves de l’école Châteaubriand et de ceux de l’école de Baguineda Camp et des demandes de sponsoring auprès des entreprises privées du Mali (banques, fondations, organisations de la société) pour une aide à l’impression des titres produits contre une visibilité de ces sponsors lors de leur  distribution dans les écoles en leurs noms, afin que l’éducation de nos enfants cesse d’être financée seulement par les ressources d’autres pays. Sur fonds propres, nous avons déjà produit ces 24 livres, de 16 à 50 pages chacun, écrits par nos 10 auteurs.

À combien estimez-vous le coût du projet et comment va-t-il être financé ?

Le coût de ce projet peut aller jusqu’à 200 millions de francs FCFA. Mais nous ne voulons pas faire d’estimation plus précise de peur de nous faire peur! Nous travaillons actuellement à faire éclore le projet, à notre vision et à avancer sur fonds propres. Au bout du compte, nous aurons fait quelque chose. Si les 200 000 livres et les 20 titres produits par an ne sont pas distribués chaque année, au moins, si nous arriverons à 50 000 livres distribués, ce ne sera pas rien.

Nous apprendrons du trajet, des défis qui se présenteront à nous et nous les surmonterons au fur et à mesure. Avec des personnes de bonne volonté, qui croiront en nous, nous redresserons notre vision et nos objectifs en chemin, au fur et à mesure que nous progresserons. Donc rien ne sert de se faire peur en annonçant de grosses sommes et rien ni personne n’arrivera à nous faire douter de ce que nous voulons atteindre comme objectifs. Rien ne nous empêchera de les atteindre, même pas la mort, car ce n’est pas un projet individuel, comme nous savons le faire souvent en Afrique. C’est une œuvre collective dans laquelle plusieurs auteurs, jeunes et adultes, et acteurs sont impliqués.

Hamidou Konaté : « Depuis cinq ans, le marché du livre s’est tari »

Le 3 février sera présenté au public une étude réalisée sur le secteur du livre au Mali. Un secteur durement frappé par la crise et dont les acteurs se battent pour survivre, dans un marché marqué par la piraterie de leurs produits et un contexte économique difficile. Comment se défendent les entreprises d’éditions de livres au Mali ? Le Directeur des éditions Jamana, non moins Président de l’organisation patronale des éditeurs, Hamidou Konaté, nous répond.

Journal du Mali : Quels sont les objectifs de votre organisation ?

Hamidou Konaté : L’OMEL est née en 1996, avec 5 membres à ses débuts, et en compte aujourd’hui une vingtaine. Son objectif est de défendre les intérêts des acteurs du secteur, avec surtout la lutte contre la piraterie. On prend votre livre, on le multiplie, on le vend au marché Dibida et vous n’y pouvez rien… Deuxièmement, le combat portait sur le fait que les livres maliens soient utilisés dans les écoles maliennes. Cela est pratiquement un acquis aujourd’hui, mais à l’époque de la création de l’OMEL, ce n’était pas donné du tout. Nous sommes avec des populations aux revenus extrêmement faibles, donc c’est l’État qui achète les livres scolaires. Ne parlons pas des livres de littérature générale…

Dans un pays où la lecture n’est pas très développée, comment vivent vos entreprises ?

Grâce aux manuels scolaires, qui sont la vache à lait du secteur de l’édition au Mali. Ils nous permettent de réaliser des bénéfices et ceux-ci sont pour la plupart du temps réinvestis dans l’activité, pour payer de l’équipement, gérer les salaires, acquérir nos sièges, etc., mais aussi pour financer la littérature générale, qui rapporte moins. Mais il faut mette cela au passé maintenant, parce que, en dehors de quelques ONG qui font encore des commandes de livres, cela fait cinq ans que ce marché s’est tari. L’État ayant complètement cessé ses commandes, il est difficile de donner des chiffres pour les cinq dernières années. Mais, auparavant, c’est un marché qui s’élevait à plusieurs milliards de francs CFA pour ce qui concernait les livres scolaires et le matériel didactique.

Comment subsistent-elles aujourd’hui ?

C’est notre profession et on la maintient comme on peut. Les gens vivent sur leurs réserves, qui commencent à s’amenuiser, et il y a aussi quelques petites parutions, mais la situation est difficile. Pour sortir un livre de littérature générale, cela peut prendre deux à trois ans, dans le meilleur des cas. Ce n’est donc pas cela qui va faire vivre le secteur. On continue de le faire par militantisme, et aussi pour maintenir le personnel qui souffre de retards de salaire énormes chez certains de nos membres…Sans oublier le fardeau fiscal ! Parce que, que vous produisiez ou pas, les impôts sont là et il faut payer.

Qu’en est-il de la littérature générale ?

Certaines maisons ne font que du scolaire et d’autres sont assez spécialisées en littérature générale en langues nationales et / ou en français. Il faut dire que les gens commencent à prendre goût à l’écriture et, bon an mal an, l’ensemble des éditeurs fait paraitre une centaine de titres, ce qui n’est pas mal. Au niveau de Jamana, par exemple, on sort 5 à 6 livres par an. C’est vrai aussi que maintenant on demande de plus en plus aux auteurs de contribuer. Les livres ne sont pas entièrement à compte d’auteur, mais c’est presque cela… Tout cela nous fait mal mais nous n’avons pas les moyens. Des fois, on peut aller avec un projet voir des gens qui voudront mettre un peu d’argent pour aider l’édition. Cela nous permet de sortir des livres sponsorisés, en quelque sorte, et donc de les vendre à des prix abordables.

De quoi traite l’étude qui sera publié cette semaine ? Propose-t-elle des pistes de solutions ?

L’étude fait l’état des lieux du secteur, tel que nous venons de le faire, mais interpelle  aussi les décideurs. Le rôle du livre est inestimable. L’État doit donc vraiment s’intéresser à ce secteur, l’aider comme il le peut. Aux professionnels du livre aussi de se prendre au sérieux et de faire des livres qui répondent à des besoins, à des attentes du public. Du côté de l’État, l’accord de Florence et son traité de Nairobi, qui traitent de l’exonération de tout ce qui entre dans la fabrication du livre, de l’encre aux machines, etc…, ont déjà été signés. Mais l’Assemblée nationale du Mali n’a pas encore ratifié ces textes afin qu’ils entrent en vigueur. Cela veut dire qu’on n’accorde pas beaucoup d’importance à ce secteur.

Cultiver le goût du livre en famille

Ecrit par Samba Niaré enseignant de son état, ce livre est un véritable outil pédagogique. La cérémonie a enregistré la présence du vice-président de la Maison de la Presse, le représentant de la Présidence de la République et des différents départements ministériels. Le vice-président de la maison de la presse, Sega Diabaté après ses mots de bienvenue a réitéré le soutien de la presse malienne à  la campagne de sensibilisation sur le livre dont la version papier sera lancée dans deux mois. L’auteur, Samba Niaré, justifie le choix de son titre par le fait qu’il a constaté que les gens font des livres qui ne sont pas lus. Il faut donc selon lui tout faire pour corriger cette situation. Les enfants ne lisent pas au Mali. « Les raisons se trouvent, très souvent à  l’école et hélas ! dans la famille qui n’encourage pas la lecture » poursuit-il. Comme contribution à  la promotion de la lecture au Mali, l’auteur propose un livre conçu dans un format peu commun. Ce livre fait 12,5 cm X 7,5 cm pour 150 pages. Apres un exercice de lecture dans la salle, l’auteur propose une méthode facile de lecture : « nous osons, déjà  et ici, vous suggérer un temps de lecture d’environ 25 mn par jour, comme celui qu’un grand nombre d’entre nous et de nos enfants consacrent chaque jour aux feuilletons télévisés. Nous gageons qu’au bout d’une dizaine de jours, au rythme de 15 pages par séance, vous aurez lu la totalité des 150 pages de ce plaidoyer » dit –t-il. Un véritable plaidoyer Pour mieux entreprendre une campagne de sensibilisation à  l’impérieuse nécessité de lire, les partenaires sont mis à  contribution tels que le Figurier, Balani’s, Jamana, Cauris éditions et l’association Sinsinbere qui aussi proposent leur vision. Selon Samba Niaré les partenaires empruntent une voie autre qui sans prétendre relever de l’original, a cependant le mérite d’élaborer un livre programme, un plaidoyer. « Nous tenons à  souligner une des particularités de l’action que nous proposons : la lecture dans les camps et les hôpitaux. Pourquoi et surtout comment ? La lecture de l’opuscule vous édifiera mieux ». Hamidou Konaté, un éditeur, met lui l’accent sur la nécessité d’une synergie d’action des opérateurs du secteur du livre pour insuffler une nouvelle dynamique à  la production à  l’achat du livre ainsi que la lecture en famille. La cérémonie a pris fin par la remise du livre version numérique sur le CD aux représentants de différents ministères, instituions, les agences de communication, ORTM, Africable, AMAP etc.

« Read, Learn and Lead » : un atelier pour l’apprentissage au primaire

Lire, apprendre et pratiquer le leadership, voilà  le thème de cet atelier qui s’est ouvert ce matin, au Centre International de conférence de Bamako, en présence du Ministre de l’éducation Salikou Sanogo et des responsables de l’Institut d’Education Populaire IEP, dirigée par Marie Diarra. Les touts petits étaient là  aussi, car c’est à  eux que s’adresse surtout ce programme d’apprentissage. Il s’agit de favoriser un enseignement de qualité et lutter contre l’illetrisme et l’analphabétisme des enfants grâce à  des méthodes d’apprentissage dynamique. Prévenir l’échec scolaire Sur 100 enfants, 60 ne savent pas lire et écrire au Mali, au niveau de la 7è ( primaire), indique le Ministre de l’Education de base. Et pour éviter l’échec scolaire, il faut renforcer les bases des enfants au primaire, ce que propose le programme, Read, Learn ans Lead ! Non seulement, lire est important, mais penser la lecture, mener une réflexion autour de ce qu’on apprend et devenir en quelque sorte mâitre de son savoir propre. S’outiller pour les futures leçons de l’éducation à  un niveau plus élevé. l’importance de l’apprentissage de la langue maternelle Pour Hélène Abdazi, Consultante, l’instruction, l’apprentissage de l’enfant doit d’abord se faire dans la langue maternelle.  » Des langues comme le wolof ou le Bambara ne sont pas difficiles à  apprendre, même phonétiquement, pour ensuite attaquer les langues officielles comme le Français ou l’Anglais. Preuve à  l’appui, Hélène, consultante au Programme Evaluation Indépendante de la Banque Mondiale, montre des vidéos d’enfants au Malawi ou en Asie, apprenant dans leur langue maternelle et avec aisance !  » Le bénéfice qu’on tire de l’instruction des langues nationales est immense, or on veut faire croire que sont les langues officielles qui sont prioritaires », déplore Hélène.  » Le français est même traité comme une langue maternelle pour les jeunes francophones ». Et c’est une grecque, polyglotte, qui affirme cela ! Le débat autour des Langues Nationales Voilà  qui pose le débat de l’importance des Langues Nationales et leur apprentissage précoce. Or dans les langues officielles, le taux d’échec scolaire s’accentue au Mali et préoccupe l’éducation Nationale ? Le niveau de Français baisse, le dernier DEF, l’a prouvé. Maà®triser la langue de Molière devient difficile, faute de lecture assidue. Faut-il alors envisager l’apprentissage d’abord en langue Nationale avant les langues exportées ? Pour l’IEP, la pratique d’éducation fait la promotion d’un « changement social » fondé sur les principes et les valeurs suivantes : l’Afrique, berceau de l’humanité, est aussi l’espoir de l’humanité et l’avenir du peuple africain incarne cet espoir à  travers ses valeurs humaines. Les langues sont multiples en Afrique, et certaines s’apprennent comme le Swahili ou le Haussa, futures langues d’Unions, mais la prédominance du Français demeure en Afrique Francophone… Le programme Read, Learn and Lead s’étend à  la ville de Kati, située à  15km de Bamako et se poursuivra jusqu’au 1er Octobre. Juste au moment de la Rentrée scolaire. Une coincidence heureuse.