Soirée Boubou Dior : une fête qui défie les mœurs

La nouvelle tendance festive très en vogue parmi les jeunes femmes de Guinée, du Sénégal et de Côte d’Ivoire, dénommée « soirée Boubou Dior », a émergé au Mali. Depuis, ce phénomène, dont la moralité interroge, suscite une vive polémique au sein de la société.

La soirée Boubou Dior, encore appelée « boubou party », n’a pratiquement rien à voir avec la célèbre marque française Dior. Il s’agit de fêtes exclusivement féminines, organisées à l’occasion d’un anniversaire, d’un mariage ou simplement pour se divertir. Les participantes se parent de tissus traditionnels raffinés et multicolores, appelés « Boubou Dior » en raison de leur qualité, et se retrouvent dans des appartements soigneusement décorés autour d’un buffet à volonté. Elles se filment en musique, exécutent des danses jugées « obscènes », s’applaudissent mutuellement avec effervescence, puis publient ces séquences sur TikTok.
Tel est le scénario de cette soirée désormais célèbre, accusée de porter atteinte aux valeurs morales, d’où la controverse. Importée principalement de la sous-région par les réseaux sociaux, cette pratique prend de l’ampleur chez les jeunes filles à Bamako, notamment dans des appartements de location.
Alerte
Récemment, l’appel d’une influenceuse sur TikTok à participer à une soirée qu’elle organisait a suscité de vives réactions et ouvert un débat sur les réseaux sociaux et dans les rues de la capitale. Pour beaucoup de jeunes femmes, il s’agit d’une manière d’affirmer une identité culturelle et de profiter de moments de détente entre elles. Pour d’autres observateurs, ces fêtes éveillent des soupçons sur ce qui se passe réellement derrière les portes closes, dans un contexte où les débats autour du phénomène LGBT alimentent déjà les inquiétudes.
Le fils du guide religieux Ançar Dine, Ibrahim Haïdara, a publié une vidéo relayée en ligne, appelant les autorités à réagir face à ce qu’il qualifie de phénomène pernicieux, compromettant l’éducation de la jeunesse. En Guinée, la commune urbaine de Siguiri a pris un arrêté interdisant la « danse Dior » dans tout lieu public, au motif de son caractère « sensuel », jugé contraire à la pudeur. Le texte prévoit des sanctions en cas de non-respect.

Bamako : Quand les « lives » virent à l’arnaque

Ce qui devait n’être qu’un outil de promotion commerciale est en train de se transformer en piège numérique. À Bamako, les sessions « live » sur TikTok, devenues populaires pour la vente en ligne, font émerger un phénomène aussi inquiétant que pervers. C’est de l’escroquerie en temps réel.

Le mécanisme est aussi simple qu’efficace. Une vendeuse – ou un vendeur – présente ses articles en direct. Un internaute intéressé commente, souvent en laissant son numéro de téléphone pour être recontacté. C’est à ce moment-là que les arnaqueurs rôdent. Ils appellent dans la foulée, se faisant passer pour un soi-disant « livreur » ou « collaborateur », exigeant un paiement mobile money immédiat pour une commande fictive. Le client, pris de court, s’exécute. Mais la marchandise n’arrivera jamais. Quant au compte TikTok responsable du live, il niera toute implication.

Ce phénomène alarmant révèle un trou béant dans la régulation du commerce en ligne au Mali. Aucun cadre légal n’oblige aujourd’hui les vendeurs à vérifier l’identité des acheteurs ou des commentateurs. Les réseaux sociaux, quant à eux, n’ont ni la volonté ni la capacité de sécuriser ces échanges informels. Résultat : ce sont les citoyens, souvent modestes, qui paient le prix fort.

Il est urgent d’alerter l’opinion publique, de lancer des campagnes de prévention massives et d’imaginer un cadre juridique adapté à l’économie numérique locale. Car derrière chaque live se cache désormais une possible escroquerie. Il en va de la confiance numérique, mais aussi de la dignité de vendeurs honnêtes désormais discrédités malgré eux. À Bamako comme ailleurs, la technologie ne doit pas être un prétexte à l’impunité.

Massiré Diop