Amadou Haya Sanogo : Le méa-culpa

Alors que son procès,  qui avait été renvoyé aux assises de mars 2017, tarde à reprendre, le général Amadou Haya Sanogo écroué depuis plus de trois ans s’est laissé aller à des confidences à son avocat, celles d’un homme cherchant repentance.

Des révélations en forme de mea-culpa d’Amadou Haya Sanogo ont été publiées ce matin. Suite à une conversation avec son avocat, Me Harouna Toureh, l’éphémère chef de l’Etat semble éprouver des regrets. Après avoir toujours clamé son innocence et nié les accusations portées à son encontre sur l’assassinat de 21 bérets rouges en 2012. « Ce qui s’est passé dans la nuit du 2 au 3 mai (2012) n’était que le fruit d’une multitude de circonstances dramatiques, des mauvaises appréciations des faits de guerre, d’influences négatives de l’extérieur de l’armée, c’était pour certains une simple question d’instinct de survie, qui après plusieurs jours de fortes tension psychologique et moral, sans sommeil ni repos au bord de l’épuisement physique, intoxiqués par des rumeurs d’arrivée massive contre eux de mercenaires venus de l’étranger, ont fini par craquer et faire le choix malheureux qu’on connait » a-t-il annoncé. Avant d’ajouter « pour avoir pris en mains les destinées de notre pays un laps de temps, j’ai conscience que ma responsabilité morale peut être engagée ». Des déclarations aux antipodes de la ligne de défense habituelle du l’ex-chef de la junte, qui niait tout en bloc et menaçait même de faire des révélations fracassantes lors de son procès.
« J’imagine combien sera vain le moindre mot compatissant de ma part à l’endroit des parents, veuves, enfants… des victimes de cette nuit de grande perte pour la nation et pour l’armée malienne… Je prie notre Dieu tout miséricordieux et tout compatissant afin qu’il apaise la douleur de chacun et qu’il ne laisse dans le cœur des parents, veuves, orphelins, de toutes les victimes de ses sombres jours que le tendre souvenir de leurs chers disparus » souhaite-t-il.

Des débuts d’excuse que semble bien accueillir le Colonel Coulibaly de l’association des parents et épouses des militaires bérets rouges assassinés (APEMBRA). « Dans tous les pays du monde, une faute reconnu et sur laquelle on demande des excuses est à moitié pardonné, ça ne réveillera pas nos morts, et c’était écœurant de le voir nier les faits, à cette époque rien ne pouvait se faire sans son aval, mais ces excuses peuvent calmer les esprits » soutient-il.

Pour l’heure nous ne savons pas si la conversation entre Sanogo et son avocat a malencontreusement fuité ou si c’est un coup délibéré, si c’était le cas, cela ne semble pas faire avoir été fait de manière consensuel. Me Tiéssolo Traoré, un des avocats de Sanogo, affirme avoir appris la nouvelle ce matin dans la presse. « Je l’ai vu il y’a deux semaines, et je n’ai pas senti en lui une envie de faire des révélations, j’ai été surpris de voir cela, ce ne m’a pas du tout plût, et je ne cautionne pas » conclut-il.

Me Harouna Toureh : « leurs desseins c’est peut-être d’éviter que le procès ait lieu »

Pour ce deuxième jour d’audience, le procès Sanogo à été suspendu jusqu’au lundi 5 décembre, car les avocats refusaient de travailler sans pouvoir utiliser leurs téléphones portables. Me Harouna Toureh, avocat du général Sanogo, a expliqué au Journal du Mali, les raisons de la fronde des avocats de la défense comme de la partie civile.

Ce matin les avocats sont restés dehors et ont refusé de rentrer dans la salle, pour quelle raison ?

Ils sont restés dehors certes mais ils n’ont pas refusé de rentrer dans la salle d’audience. Nous avions demandé que des conditions de travail auxquels nous avons droit soient remplies purement et simplement. Nous souhaitions qu’une salle soit mise à notre disposition avec internet et ordinateur, tout ce qu’il faut, dont un secrétariat comme si nous étions dans nos cabinets. Pouvoir travailler, produire, échanger c’est important, pour les avocats de la défense et de la partie civile que nous sommes. Cet espace ne nous a pas été accordé, nous l’avons demandé dès le début du procès, bien avant même de quitter Bamako. À l’ouverture du procès, nous avons pu accéder à la salle avec nos smartphones, mais aujourd’hui on nous a refusé de les prendre.

Un membre du comité d’organisation a parlé d’une fuite, des gens ont-ils filmé ou retransmis le procès en directe ?

Ce n’est pas ce qui nous a été dit. Officiellement, le parquet général nous a dit que c’était pour nous permettre d’être en sûreté ainsi que le publique, à ce moment il aurait fallu simplement qu’ils aient les moyens technologiques pour vérifier que les téléphones que nous avons ne constituent aucun danger pour nous même et pour le public.

Si on ne donne pas suite à ce que vous voulez, que comptez vous faire ?

On est là, on attend que les conditions de travail soient remplies pour que nous puissions accéder à la salle, tous, avocats des accusés comme avocats des parties civiles. On est tous d’accord que tant que les conditions ne sont pas réunies on ne pourra pas faire notre travail.

Donc vous prenez le procès en otage ?

Non, qui prend le procès en otage ? C’est ceux qui ne veulent pas mettre les conditions de travail à notre disposition qui prennent le procès en otage, peut être que leurs desseins c’est d’éviter que le procès ait lieu.

À qui faites-vous allusion ?

Mais ceux qui ont organisé le procès, le parquet général, le ministère de la Justice, ils savent que les avocats vont toujours exiger d’être mis dans les meilleures conditions pour faire leur travail, il ne s’agit pas de deux ou trois avocats il s’agit dune trentaine d’avocats avec des accusés et des parties civiles. On a discuté avec le procureur général, on a discuté avec le premier président de la Cour d’appel mais on n’a pas encore trouvé la solution.